Intervention de Loïc Hervé

Réunion du 4 juillet 2023 à 14h30
Sécurisation et régulation de l'espace numérique — Organisation des travaux

Photo de Loïc HervéLoïc Hervé :

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je voudrais commencer par un constat qui, je le crois, est partagé sur toutes les travées de cette assemblée et, au-delà, par tous les Français : il n’est plus possible d’imaginer une vie sans internet.

Le numérique n’est pas un simple outil technique : il a changé, sans retour possible, nos manières de communiquer, de consommer, d’agir, et même, dans une certaine mesure, de penser et de concevoir le monde.

Si internet est un formidable vecteur de créativité, d’échanges et de transparence, il comporte, comme le monde réel, sa part de violence et de laideur. L’actualité se fait l’écho, hélas ! de l’avancée de la cybercriminalité, du cyberharcèlement, des cyberarnaques, bref, de l’irruption de comportements qui, illicites dans notre vie de tous les jours, trouvent dans l’espace numérique un nouveau champ d’action.

Tel est l’enjeu de ce texte, du moins pour les articles dont j’ai la charge en tant que rapporteur : faire du continent internet un lieu plus sûr pour mieux protéger ses utilisateurs, en priorité les plus vulnérables.

Sécuriser l’espace numérique, ce n’est ni plus ni moins qu’y garantir le respect des règles qui s’appliquent au quotidien.

La liberté ne peut plus servir de prétexte à celles et à ceux qui vont sur internet pour harceler ou humilier, ou pour répandre un discours de haine et d’infamie. Elle ne peut pas, non plus, servir d’excuse pour accepter que les plus jeunes soient exposés à des contenus choquants ou violents qui les empêchent de se construire sereinement.

Le règlement sur les services numériques permettra, en la matière, de grandes avancées. Le Gouvernement a voulu aller plus loin en y intégrant des mesures complémentaires, par exemple sur la lutte contre les contenus illicites ou sur l’interdiction d’accès des mineurs aux sites pornographiques.

Monsieur le ministre, soyez assuré que le Sénat soutient votre choix, à tel point que nous avons souhaité, nous aussi, apporter notre pierre à l’édifice.

Nous l’avons fait en commission spéciale puisque nous avons enrichi et remanié votre texte, en bonne intelligence avec les acteurs du numérique et avec les services publics concernés, que nous avons reçus en dépit du trop bref délai qui nous était imparti.

Nous avons pleinement souscrit au changement de méthode que vous suggérez pour réguler les sites pornographiques, défendu dans les articles 1er et 2, à travers l’établissement, par l’Arcom, d’un référentiel obligatoire pour les systèmes de vérification d’âge.

Nous avons également approuvé l’octroi, toujours à l’Arcom, d’un pouvoir de mise en demeure et de sanction afin que cette vérification d’âge soit effective ou, à défaut, que les sites récalcitrants soient bloqués.

Ces mesures, directement inspirées du rapport d’information de la délégation aux droits des femmes du Sénat sur les pratiques de l’industrie pornographique, devraient permettre de « massifier » notre réponse face à la prolifération de contenus pornographiques en accès libre sur internet, et ainsi de protéger davantage les mineurs, qu’il s’agisse des enfants ou des jeunes adolescents.

Pour renforcer la solidité du dispositif, nous avons cependant fusionné les deux procédures de mise en demeure et de sanction prévues à l’encontre de l’éditeur, notamment parce qu’elles empiétaient sur une éventuelle procédure pénale.

Le système que nous avons imaginé est plus simple : il y aurait une mise en demeure de l’éditeur de se conformer au référentiel avec une sanction pécuniaire plus ou moins importante à la clé selon que l’éditeur n’a mis en place aucun contrôle d’âge ou qu’il a mis en place un dispositif non conforme au référentiel.

Après cette mise en demeure à l’éditeur, et si l’Arcom constate que le site est accessible aux mineurs, alors elle pourrait demander des mesures de blocage et de déréférencement directement aux fournisseurs d’accès à internet et aux moteurs de recherche.

Nous nous sommes aussi intéressés au volet pénal de votre texte. Vous proposez de créer une nouvelle peine complémentaire de « bannissement ». Nous en avons étendu le champ, notamment pour que le juge puisse priver ceux qui prétendent intimider les élus en ligne du droit d’accéder aux plateformes numériques. Ce faisant, nous sommes dans notre rôle de défenseurs des collectivités territoriales et de la démocratie locale.

Néanmoins, la mission du Sénat ne se limite pas qu’à cela, et je vous proposerai aujourd’hui d’aller plus loin en créant, pour celles et ceux qui tiennent en ligne des propos offensants ou injurieux, un délit d’outrage en ligne passible d’une sanction immédiate prenant la forme d’une amende forfaitaire délictuelle.

J’émets le souhait, monsieur le ministre, que nous puissions avancer sur le recours aux plaintes en ligne pour ce nouveau délit : il faut que les victimes puissent facilement faire appel aux forces de l’ordre pour qu’il soit mis fin au harcèlement, aux menaces et aux insultes.

Nous enverrons ainsi un message clair à celles et à ceux qui pensent, à tort, que l’écran de leur ordinateur les protège de la loi : tout ce qui est interdit dans le monde réel l’est aussi en ligne, et ceux qui ne l’ont pas encore compris doivent en subir les conséquences.

Nous aurons également, à la faveur de ce texte, un débat important sur les émeutes qui ont marqué notre pays depuis la mort du jeune Nahel. Dans un climat propice aux violences les plus abjectes, des élus locaux ont été lâchement insultés, intimidés ou attaqués. Pendant les jours et les nuits que nous venons de traverser, les réseaux sociaux ont joué un rôle indéniable dans la propagation des pillages et des violences.

Je ne doute pas que nous aurons l’occasion d’en débattre durant l’examen de ce texte, sans tabou, mais sans s’éloigner non plus des principes qui fondent l’État de droit dans notre pays.

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