Séance en hémicycle du 4 juillet 2023 à 14h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • contenu
  • grave
  • l’arcom
  • l’âge
  • mineur
  • parent
  • plateforme
  • pornographique
  • référentiel

La séance

Source

La séance, suspendue à douze heures quarante, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Pierre Laurent.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

M. le président. Monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est avec une grande émotion que nous avons appris hier la disparition de Léon Gautier, dernier des membres du commando Kieffer, à l’âge de 100 ans.

Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le ministre des solidarités, de l ’ autonomie et des personnes handicapées, se lèvent.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Il avait rejoint Londres à seulement 18 ans dès juin 1940, puis intégré en 1943 le 1er bataillon de fusiliers marins et commandos.

Il avait débarqué le 6 juin 1944 en Normandie avec ses 176 compagnons, les seuls Français à participer au jour J.

Au moment où disparaît le dernier survivant de ce commando mythique, nous souhaitons saluer l’engagement et la mémoire de l’homme que fut Léon Gautier et, à travers lui, la mémoire de l’ensemble des Français qui combattirent pour notre liberté.

Je vous propose d’observer un moment de recueillement.

Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le ministre, observent une minute de silence.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Mes chers collègues, par lettre en date de ce jour, le Gouvernement demande l’inscription à l’ordre du jour du mercredi 12 juillet, après les questions d’actualité au Gouvernement, sous réserve de leur dépôt, des conclusions de l’éventuelle commission mixte paritaire sur la proposition de loi visant à renforcer la protection des familles d’enfants atteints d’une maladie ou d’un handicap ou victimes d’un accident d’une particulière gravité.

Il demande également l’inscription à l’ordre du jour du jeudi 13 juillet, avant la suite du projet de loi pour le plein emploi, sous réserve de leur dépôt, des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à la restitution des biens culturels ayant fait l’objet de spoliations dans le contexte des persécutions antisémites perpétrées entre 1933 et 1945.

Acte est donné de ces demandes.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Monsieur le ministre, mes chers collègues, pour la bonne organisation de nos travaux, je vous précise que nous suspendrons la séance vers dix-neuf heures quinze pour les reprendre à vingt et une heures trente.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

La parole est à Mme Jocelyne Guidez, pour une mise au point au sujet de votes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jocelyne Guidez

Monsieur le président, lors des scrutins n° 323, portant sur l’article 6 constituant l’ensemble du projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2021, et n° 324, portant sur l’article 7 constituant l’ensemble du projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2022, notre collègue Daphné Ract-Madoux souhaitait voter pour, et non s’abstenir.

Par ailleurs, lors du scrutin n° 325 sur la motion n° 1, d’approbation des comptes de la sécurité sociale pour l’année 2022, elle souhaitait voter contre et non pour.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Acte vous est donné de cette mise au point, ma chère collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à renforcer la protection des familles d’enfants atteints d’une maladie ou d’un handicap ou victimes d’un accident d’une particulière gravité (proposition n° 393, texte de la commission n° 787, rapport n° 786).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.

Debut de section - Permalien
Jean-Christophe Combe

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, nous connaissons toutes et tous, même si nous n’avons pas été directement confrontés à ces situations, les souffrances et les difficultés que rencontrent de trop nombreuses familles de notre pays : celles dont les enfants sont atteints d’une grave maladie, victimes d’un accident ou en situation de handicap, et dont le quotidien, parce qu’elles sont frappées par le sort, bascule du jour au lendemain.

En tant que ministre des familles, c’est à ces familles que je pense avant tout en m’exprimant aujourd’hui devant vous. Et c’est en leur nom que je me réjouis du chemin déjà parcouru par la proposition de loi déposée à l’Assemblée nationale par le député Paul Christophe, que votre commission des affaires sociales a adoptée la semaine dernière.

Madame la rapporteure, je salue le travail que vous avez accompli à ce titre. Le présent texte a été précisé et enrichi par plusieurs amendements déposés par vos soins.

Beaucoup a été fait ces dernières années en faveur d’un meilleur accompagnement des parents d’enfants malades ou en situation de handicap, souvent d’ailleurs sur l’initiative du Parlement.

Nous avons tous en mémoire le vote, en 2019, de la loi visant à renforcer la prise en charge des cancers pédiatriques par la recherche, le soutien aux aidants familiaux, la formation des professionnels et le droit à l’oubli ; celui, en 2021, de la loi visant à l’accompagnement des enfants atteints de pathologie chronique ou de cancer ; ou encore celui, toujours en 2021, de la loi visant à améliorer les conditions de présence parentale auprès d’un enfant dont la pathologie nécessite un accompagnement soutenu.

Le Gouvernement agit également en matière de recherche.

Vous connaissez l’engagement du ministre de la santé et de la prévention, François Braun, dans la lutte contre les cancers pédiatriques, enjeu médical majeur qui concerne chaque année environ 2 500 enfants et adolescents. Si la majorité d’entre eux guérissent, il nous faut poursuivre nos efforts, car, pour 20 % d’entre eux, il n’y a qu’un seul et unique espoir : le progrès de la recherche.

Le Gouvernement s’y attelle au travers de la stratégie décennale de lutte contre les cancers 2021-2030, dont certaines mesures sont spécifiquement dédiées à cette question.

Nonobstant les progrès accomplis, il nous faut aller plus loin pour améliorer l’accompagnement que nous proposons à ces familles. C’est une demande forte et légitime de leur part et de celle des associations qui les représentent et les soutiennent.

Nombre de ces associations, réunies pour beaucoup au sein de la fédération Grandir sans cancer, agissent au quotidien aux côtés des parents. Elles jouent parfois un rôle salutaire d’aiguillon auprès des pouvoirs publics, pointant certains irritants et proposant l’évolution de certains dispositifs. Je salue ainsi le dialogue qui est engagé avec les associations Eva pour la vie, Rose et Léa.

Je relève aussi l’engagement des chercheurs, des professionnels engagés dans la lutte contre les cancers, maladies graves et handicaps de l’enfant, ainsi que dans l’accompagnement de leurs familles. C’est notamment avec ces acteurs que votre collègue député Paul Christophe, auteur d’un excellent rapport sur le sujet, a rédigé le texte qui vous est présenté aujourd’hui et dont les dispositions, soutenues par le Gouvernement, viendront utilement compléter les mesures fortes déjà appliquées.

Je pense avant tout aux dispositifs de congé de présence parentale (CPP) et d’allocation journalière de présence parentale (AJPP), que cette proposition de loi renforce. Cette prestation est versée chaque année à environ 10 000 parents s’occupant d’un enfant malade, victime d’un accident ou en situation de handicap. Son droit est ouvert pour une période égale à la durée du traitement de l’enfant, fixé par un certificat médical établi par le médecin traitant.

Grâce à la représentation nationale, le nombre maximum de jours du congé indemnisés par l’allocation, fixé à 310, peut être doublé depuis 2021. Ce congé peut ainsi atteindre 620 jours, dans les situations caractérisées par des traitements longs qui nécessitent un arrêt total d’activité de la part de l’un des parents.

Cette amélioration majeure concerne 5 % des bénéficiaires de l’AJPP, qui, face à des maladies longues – j’y insiste, ces situations extrêmement difficiles appellent une présence continue du parent auprès de l’enfant –, allaient auparavant au terme des 310 jours. La représentation nationale a donc eu raison de se saisir de cette question.

Le dispositif fonctionne, mais – les remontées de terrain en témoignent – il est parfois grippé par des délais excessifs. Une telle situation n’est bien sûr pas satisfaisante : il convient de simplifier les démarches.

Il fallait le faire, tout d’abord, au moment de l’ouverture des droits, avec l’idée de procéder à la liquidation de la prestation sans attendre l’avis du service de contrôle médical de la caisse d’assurance maladie. Ce contrôle a priori est parfois retardé du fait de la charge de travail importante des services. Nous passerons à un contrôle a posteriori, qui facilitera l’accès rapide à la prestation.

En matière de renouvellement exceptionnel des droits, une simplification est également prévue, avec la suppression de l’avis explicite aujourd’hui requis de la part du service de contrôle médical.

Ces mesures s’inscrivent pleinement dans la logique gouvernementale en faveur de l’accès rapide et effectif au droit. Ces questions sont au cœur du dialogue que je mène avec l’ensemble des acteurs, en particulier avec la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf). Cette dernière se montre de plus en plus souple : à preuve, elle modernise ses pratiques et les adapte aux attentes et aux besoins de nos concitoyens. Je salue à ce titre l’action des 35 000 agents des caisses d’allocations familiales (CAF), présents au quotidien aux côtés des bénéficiaires qu’ils accompagnent. La prochaine convention d’objectifs et de gestion (COG) entre l’État et la Cnaf, qui sera signée dans les prochains jours, va d’ailleurs dans le sens d’un accès encore plus effectif aux droits.

Les autres dispositions de cette proposition de loi visent à répondre à un ensemble de problématiques liées aux bouleversements que représente, pour les familles concernées, la survenue chez leur enfant d’un accident, d’une maladie ou d’un handicap.

Pour ce qui concerne les problématiques d’ordre professionnel, en renforçant la protection contre le licenciement, ou encore en facilitant le recours au télétravail, ce texte traite de ce que j’aime à qualifier de « responsabilité familiale des entreprises ».

Nous connaissons depuis longtemps la responsabilité sociale et environnementale (RSE). Face aux enjeux de conciliation entre vie familiale et vie professionnelle, et alors que notre rapport collectif au travail est en train de changer, cette composante familiale devient incontournable. Elle commence par une organisation qui tient compte de la dimension parentale du salarié, et donc de l’intérêt des enfants.

Nombre d’entreprises l’ont déjà compris et je souhaite que cette tendance s’accélère. Elles y sont invitées par les articles de ce texte portant allongement de la durée du congé de deuil pour décès d’un enfant et du congé pour l’annonce de la survenue d’un handicap ou d’une affection de longue durée chez un enfant.

Le Gouvernement soutient ces mesures. Il a d’ailleurs déposé un amendement visant à les étendre aux agents de la fonction publique. Dans les faits, elles offriront davantage de temps aux parents concernés par ces situations, pour certaines très difficiles, pour d’autres dramatiques.

Il faut du temps pour faire son deuil ou prendre la mesure de la situation nouvelle et des bouleversements induits. À cet égard, le présent texte contient de nombreuses avancées pour les familles : nous nous retrouverons tous, sans difficulté, pour les soutenir.

Il nous faudra, bien sûr, continuer à rechercher des améliorations. Je suis convaincu que ce travail passe notamment par des initiatives locales, des retours d’expérience et des expérimentations.

À ce titre, le Gouvernement soutient pleinement l’article 5 de la proposition de loi : l’expérimentation qu’il prévoit permettra aux CAF de rester souples et de proposer aux bénéficiaires qu’elles accompagnent des aménagements que nous ne connaissons pas aujourd’hui, mais qui auront peut-être vocation, demain, à être généralisés.

En tout cas, la question se posera toujours en relation avec les parents, dont nous devons entendre les besoins et les attentes, et avec les professionnels qui les accompagnent, lesquels doivent continuer à nous dire ce qui fonctionne et ce qui doit être amélioré.

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées du groupe UC et au banc des commissions. – Mme Colette Mélot et M. Éric Gold applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure.

Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi qu ’ au banc de s commission s . – M. Jean-Pierre Corbisez applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Pierre Richer

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, malgré un cadre législatif dynamique, marqué par l’adoption de trois textes depuis 2020, les familles d’enfants atteints d’un handicap ou d’une maladie grave se heurtent encore à des obstacles de natures diverses, tant dans leur situation professionnelle que dans les démarches administratives et médicales à accomplir.

Ces obstacles sont d’autant plus malvenus que les familles concernées sont souvent – il n’est nul besoin de le dire – bouleversées par la situation.

En l’absence d’un projet de loi plus englobant pour améliorer les conditions d’existence des familles, il nous revient donc, de nouveau, de légiférer sur cette question pour répondre à la demande de celles qui connaissent des situations difficiles, et que l’ensemble des associations que j’ai auditionnées m’ont résumée en un mot : répit.

En allégeant leurs démarches et en sécurisant leurs conditions d’existence, cette proposition de loi, inscrite à l’ordre du jour du Sénat par le Gouvernement près de quatre mois après son adoption à l’unanimité par l’Assemblée nationale, vise à permettre aux parents concernés d’être davantage présents physiquement, mais aussi mentalement, auprès de leur enfant.

L’amélioration du CPP et de l’AJPP est au cœur de ce texte. Ces dispositifs permettent au parent d’un enfant dont l’état de santé justifie sa présence d’interrompre son activité professionnelle pendant 310 jours fractionnables, sur une période maximale de trois ans, et renouvelables une fois. En compensation de la perte de revenus qui en découle, les parents bénéficient d’une allocation forfaitaire.

Avant de vous présenter ces dispositions plus en détail, je tiens à remercier l’auteur de cette proposition de loi et rapporteur de l’Assemblée nationale, le député Paul Christophe, dont je salue la présence en tribune aujourd’hui. Je remercie également notre collègue Brigitte Micouleau de son appui et son soutien lors de l’instruction de ce texte au Sénat. Elle est, comme vous le savez, très engagée auprès des familles et des associations.

L’article 1er vise à offrir une protection contre le licenciement aux salariés en congé de présence parentale. Les salariés dont l’enfant souffre d’une maladie ou d’un handicap graves ont un besoin accru de stabilité dans tous les pans de leur vie, au premier chef dans leur vie professionnelle. Pourtant, comme l’ont révélé les auditions, des discriminations et des intimidations qui, fussent-elles rares, n’en sont pas moins inacceptables, restent à déplorer, justifiant ainsi l’intervention du législateur.

En offrant une protection ex ante aux salariés en congé de présence parentale, l’article 1er rend impossible le licenciement d’un salarié en congé de présence parentale du fait même de son statut, hors cas de faute grave et de force majeure, sur le modèle de la protection contre le licenciement des femmes en congé de maternité.

Pour atteindre pleinement son objectif, cette protection devait toutefois s’appliquer à tous les parents en CPP, quels que soient leurs choix professionnels. En ce sens, la commission a adopté cet article modifié par un amendement tendant à préciser que la protection contre le licenciement était applicable à toute la durée du congé de présence parentale, y compris lors des éventuelles périodes de reprise du contrat de travail entre deux périodes de congés.

L’article 1er bis, inséré en séance à l’Assemblée nationale, allonge la durée minimale de deux congés pour événements familiaux. Il couvre deux sujets bien distincts.

D’une part, cet article étend de deux à cinq jours ouvrables la durée du congé pour annonce de la survenue d’un handicap ou d’une pathologie grave chez l’enfant. Cette mesure, plébiscitée par les associations, laissera davantage de temps aux familles pour assimiler la nouvelle et accomplir les démarches prenantes et chronophages auxquelles elles sont confrontées après l’annonce. La commission l’a donc adoptée sans modification.

D’autre part, l’article 1er bis augmente la durée du congé pour le salarié dont un enfant décède. Le texte transmis par l’Assemblée nationale se bornait à porter de cinq à douze jours ouvrables le congé dans le cas général, sans toutefois modifier le congé spécifique pour la perte d’un enfant de moins de 25 ans, qui restait fixé à sept jours ouvrés.

La commission a adopté un amendement tendant à corriger cette incohérence en préservant la position du Sénat, qui, en 2020, a entendu conférer deux jours de congé supplémentaires en pareil cas. Elle a donc fixé à quatorze jours ouvrables le congé minimal pour un salarié confronté à la perte d’un enfant ou d’une personne à charge de moins de 25 ans, ou à la perte d’un enfant lui-même parent.

En concertation avec le Gouvernement, qui en assure la recevabilité financière au titre de l’article 40 de la Constitution, je vous proposerai, au nom de la commission, un amendement visant à répercuter les modifications adoptées pour les salariés sur les agents publics, afin de garantir l’égalité des droits en la matière.

Certes, il ne revient pas à la loi de fixer le congé pour le décès d’un enfant chez les militaires. Mais j’appelle le Gouvernement à leur rendre applicables les modifications mises en œuvre par ce texte s’il devait, comme je l’espère vivement, arriver au terme de son cheminement parlementaire.

L’article 2 simplifie et assouplit le recours au télétravail pour les salariés aidants. Les accords collectifs régissant le télétravail devront désormais évoquer distinctement les modalités d’accès au travail à distance pour ces salariés. En parallèle, l’employeur refusant d’accorder le bénéfice du télétravail à un salarié aidant devra motiver sa décision.

Mes chers collègues, j’en suis consciente, cet article ne touchera pas tous les parents aidants. Ceux dont le métier n’est pas télétravaillable ne pourront pas bénéficier de cette avancée, tout comme ceux dont l’état de santé de l’enfant est incompatible avec l’exercice du télétravail, qui implique – rappelons-le – les mêmes sujétions qu’une activité professionnelle sur site. Toutefois, cet article procède d’une logique vertueuse. Il repose sur la confiance dans le dialogue social pour fixer les dispositions adaptées, afin d’offrir davantage de flexibilité aux salariés aidants. C’est pourquoi la commission l’a adopté sans modification.

Les articles suivants concernent les bénéficiaires de l’allocation journalière de présence parentale.

Comme je l’ai indiqué, cette allocation peut désormais être renouvelée, en vertu de la loi du 15 novembre 2021. Il convient, pour ce faire, qu’un nouveau certificat médical atteste le caractère indispensable de la poursuite des soins contraignants et d’une présence soutenue.

Néanmoins, le renouvellement de l’AJPP est soumis à l’accord explicite du service du contrôle médical de l’assurance maladie, par dérogation au principe appliqué à une première demande, selon lequel le silence gardé pendant deux mois vaut acceptation. De cette inversion de logique résultent des délais trop longs d’instruction des demandes, plaçant les familles dans des situations délicates.

L’article 3 supprime ce caractère explicite. En outre, il permet aux CAF d’accorder une avance sur prestation afin d’éviter toute rupture de ressources pour les parents éligibles à l’AJPP. La commission vous invite à adopter cet article en l’état pour simplifier le recours à la prestation.

Cette même intention se traduit à l’article 5, qui permet aux CAF de mettre en œuvre des innovations, à titre expérimental, dans le service de l’AJPP afin de prémunir ses allocataires de difficultés financières.

L’article 4 apporte lui aussi un ajustement à une réforme récemment votée. La loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2022 a revalorisé le montant de l’AJPP, ainsi que celui de l’allocation journalière du proche aidant (AJPA), calculé selon les mêmes modalités. Ces deux allocations sont désormais indexées sur le Smic et portées à 1 373 euros par mois pour vingt-deux jours d’allocation. La LFSS a toutefois prévu, avec une date d’entrée en vigueur différée au 1er janvier 2024, un mécanisme d’écrêtement pour éviter les effets d’aubaine.

Le montant de ces deux allocations versées aux non-salariés des professions agricoles et à leurs conjoints collaborateurs ne peut excéder les revenus journaliers tirés de leur activité professionnelle.

Cette modulation s’applique aussi aux bénéficiaires d’une allocation chômage. Or le soupçon d’un effet d’aubaine lors de la revalorisation de l’allocation n’est étayé en rien. De plus, la mise en œuvre de ce dispositif, particulièrement complexe, aurait mobilisé des moyens disproportionnés pour la branche famille. Pour ces raisons, la commission est favorable à cet article, qui supprime le mécanisme d’écrêtement.

En vertu de l’article 4 bis, un bailleur ne peut plus refuser le renouvellement du bail à un locataire bénéficiaire de l’AJPP aux ressources modestes, à moins qu’une solution de relogement, correspondant à ses besoins et à proximité géographique, ne lui soit proposée. Les associations entendues en audition ont mentionné des difficultés dans l’accès au logement des bénéficiaires de l’AJPP. Selon elles, la priorité est de garantir la situation de ceux qui disposent déjà d’un logement.

Cette limitation du droit de propriété des bailleurs, analogue à la protection dont bénéficient les personnes âgées de plus de 65 ans aux faibles revenus, ne doit pas être surestimée. D’une part, le nombre de bénéficiaires de l’AJPP est très limité : on en compte 11 000 pour toute la France et tous ne sont pas locataires. D’autre part, la durée de cette protection est en réalité assez réduite : la prestation est, en moyenne, versée pour huit mois seulement et ne peut en aucun cas dépasser six ans. Pour ces raisons, la commission a adopté cet article.

Mes chers collègues, le présent texte contient des avancées très attendues pour les familles confrontées à la maladie ou au handicap graves d’un enfant. Il offrira un parcours simplifié aux allocataires de l’AJPP, protégera davantage les parents concernés de certains risques socioprofessionnels et permettra une meilleure adaptation du monde du travail aux caractéristiques de ces salariés.

La commission vous invite donc à accorder une vaste majorité au texte issu de ses travaux. C’est peu dire que les familles attendent avec une grande impatience le vote de cette proposition de loi.

Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi que sur des travées du groupe RDSE. – Mme Colette Mélot applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

M. le président. La parole est à M. Xavier Iacovelli.

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Éric Gold applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Xavier Iacovelli

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’annonce d’une maladie infantile est toujours un cataclysme, qui frappe la famille concernée et diffuse une onde de choc déstabilisant l’ensemble de ses proches.

Avec l’enfant qui fait face à la pathologie, ses parents et toute sa famille sont confrontés à cette lutte contre la maladie ou le handicap graves, qui devient un combat de tous les jours, parfois même de toute une vie.

Les rendez-vous médicaux, les soins, voire les hospitalisations des enfants obligent souvent l’un des deux parents à aménager son activité professionnelle, parfois à la suspendre.

La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui, visant à renforcer la protection des familles d’enfants touchés par une affection de longue durée, est une avancée majeure pour ces milliers de parents. Je pense notamment à ceux qui perçoivent l’allocation journalière de présence parentale et à toutes ces familles qui sont appelées à en bénéficier.

Face à la complexité, que vous avez rappelée, madame la rapporteure, du système auquel elles sont confrontées, des mesures ont été prises au cours des dernières années. Elles portent sur la situation des aidants, qui œuvrent quotidiennement aux côtés de leurs proches en difficulté, ou encore sur le congé familial.

Cette proposition de loi renforce un peu plus encore notre politique publique en faveur des aidants, à laquelle la majorité présidentielle a largement contribué et qu’elle continue de mener.

Je pense évidemment à la stratégie pluriannuelle pour les aidants ou encore à la création d’une assurance vieillesse dédiée.

Néanmoins – je le rappelle une fois de plus –, des obstacles, notamment des freins administratifs, compliquent encore inutilement la vie de ces familles.

Concrètement, cette proposition de loi permettra d’appliquer aux parents d’enfants malades les mêmes mécanismes de protection qu’aux adultes. Elle améliore la reconnaissance des obligations des parents qui accompagnent quotidiennement leur enfant dépendant ou malade. Elle facilite leur travail en favorisant le télétravail ou les aménagements de poste. Elle renforce la protection contre le licenciement, en inscrivant dans le code du travail la protection contre le licenciement et les mutations pour tout parent salarié dans l’obligation de réduire ou de cesser son activité professionnelle. De même, elle consolide leur droit au logement, en interdisant au bailleur de refuser un renouvellement de bail locatif à des locataires ayant un enfant touché. Elle améliore aussi leur accès à l’AJPA et à l’AJPP tout en supprimant la mesure d’écrêtement de ces aides.

Cette proposition de loi s’attache donc à améliorer la protection des parents. Ce faisant, elle s’inscrit dans la continuité des actions menées par le Gouvernement au cours des dernières années.

Je pense notamment à la loi du 8 mars 2019 visant à renforcer la prise en charge des cancers pédiatriques par la recherche, le soutien aux aidants familiaux, la formation des professionnels et le droit à l’oubli. Je pense aussi à la loi du 15 novembre 2021 visant à améliorer les conditions de présence parentale auprès d’un enfant dont la pathologie nécessite un accompagnement soutenu, autre marqueur fort de notre politique.

Je salue le travail de notre collègue député Paul Christophe, présent en tribune, qui est à l’initiative de ce texte. Je salue aussi le travail de tous les parlementaires qui, avec bienveillance, ont apporté leur contribution. Grâce à eux, nous parvenons à un texte réellement abouti, qui – une fois n’est pas coutume, qui plus est ces derniers temps – a fait consensus à l’Assemblée nationale.

Mes chers collègues, vous connaissez mon engagement personnel pour l’enfance, la protection des droits de l’enfant et la politique du handicap. Je ne puis que me féliciter de cette avancée en faveur des droits familiaux.

Accompagner les enfants vivant avec un handicap, atteints d’une maladie ou victimes d’un accident, c’est aussi accompagner leurs parents, qui les entourent chaque jour. On l’a dit : leurs difficultés sont d’abord d’ordre administratif. Ces parents doivent se familiariser du jour au lendemain avec de nombreuses procédures. Surtout, ils subissent un choc financier : près d’un ménage sur quatre touchant l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH) vit sous le seuil de pauvreté.

Malheureusement, les plus précaires sont souvent des mères isolées, qui subissent ainsi une double peine. Dans les familles ayant un enfant handicapé, le taux de divorce atteint 85 %, contre 45 % dans les autres familles.

Mme Nassimah Dindar le confirme.

Debut de section - PermalienPhoto de Xavier Iacovelli

Avec ce texte, nous accomplissons un pas de plus pour faciliter le quotidien des parents. Nous réduisons autant que possible les différents obstacles administratifs et financiers qu’ils rencontrent afin qu’ils puissent être présents, autant que nécessaire, auprès de leur enfant. Cela leur permettra de concilier cette situation exceptionnelle avec leur activité professionnelle.

Tout soutien, toute facilitation est bienvenu dans ces moments si difficiles. Contribuer à la protection et à l’accompagnement de ceux qui en ont le plus besoin est, bien sûr, l’une de nos plus grandes préoccupations en tant que législateurs.

Enfin, je tiens à rendre hommage au remarquable travail de tous les bénévoles qui œuvrent au quotidien, aux côtés des enfants et des familles, dans les associations et dans les hôpitaux, pour offrir aux jeunes malades un peu de joie et d’espoir.

Cette proposition de loi apporte des réponses concrètes et un peu d’humanité aux familles d’enfants victimes d’une maladie grave reconnue en affection de longue durée. Les élus du groupe RDPI la voteront sans hésitation.

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées du groupe UC. – Mmes Véronique Guillotin et Colette Mélot applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

M. le président. La parole est à Mme Annie Le Houerou.

Applaudissements sur des travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie Le Houerou

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’annonce d’une affection de longue durée, d’une maladie grave d’un enfant ou d’un handicap bouleverse le quotidien de la famille confrontée à cette situation.

En examinant cette proposition de loi, nous pensons avant tout à ces familles.

Outre le choc difficile à encaisser, l’annonce conduit à modifier les habitudes de vie. Elle peut toucher de nombreux aspects du quotidien et contraint parfois à trouver un nouveau logement, plus adapté.

Cette période impose de nombreux rendez-vous, notamment médicaux, qui viennent perturber la fragile organisation conçue pour concilier vie professionnelle et vie familiale.

Cette nouvelle donne se traduit souvent par la décision de la mère de famille – c’est généralement elle qui s’y résout – d’arrêter de travailler pour s’occuper de son enfant. Ce bouleversement dans la vie familiale justifie un soutien exceptionnel.

Malgré les dispositifs existants, les parcours sont semés d’embûches. J’y insiste, ce sont très souvent les mères qui doivent adapter leur activité professionnelle, opter pour un temps partiel ou cesser de travailler. Les revenus du foyer s’en trouvent diminués. Le recours aux droits découlant de cette nouvelle situation exige du temps ; il est souvent retardé par des freins administratifs.

À ce choc s’ajoutent des problèmes financiers, le stress lié à la crainte d’une perte d’emploi et l’inquiétude de subir des impayés. Garantir la sécurité de l’emploi et protéger l’employé pour passer ce cap difficile rassure.

Outre-mer, ces difficultés sont exacerbées. §L’éloignement des services publics et les inégalités territoriales d’accès aux soins touchent particulièrement les enfants ultramarins. Les parents accompagnent parfois leur enfant en métropole et se trouvent donc contraints de quitter leur emploi. Les coûts supplémentaires induits aggravent encore leur détresse.

Le suivi et l’accompagnement de ces familles sont mal pris en compte. Une attention particulière et un soutien doivent leur être apportés par la collectivité nationale.

Même si cette proposition de loi ne résout pas l’ensemble des problématiques auxquelles doivent faire face les familles touchées, elle améliore les dispositifs existants.

Nous sommes satisfaits de l’adoption à l’unanimité par l’Assemblée nationale de ce texte, présenté par notre collègue député Paul Christophe le 3 mars dernier.

Cette proposition de loi permet notamment aux CAF de verser des avances sur l’AJPP. Cette allocation est attribuée par la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM), sous conditions, pour permettre au parent de cesser temporairement son activité afin de s’occuper de son enfant malade ou handicapé. L’avance est rendue possible dans l’attente de l’avis de la CPAM.

En outre, le présent texte supprime l’accord explicite du service du contrôle médical lors du renouvellement de l’AJPP.

Nous saluons aussi la possibilité donnée aux CAF d’expérimenter sur trois ans une simplification et une amélioration de l’accompagnement des familles bénéficiaires de l’AJPP. Certaines CAF avancent des propositions concrètes pour améliorer la prise en charge des familles confrontées à ces situations.

L’allongement du congé à douze jours pour décès d’un enfant et la protection du droit au logement pour les parents d’enfants handicapés ou malades, sur le même modèle que pour les personnes âgées, vont eux aussi dans le bon sens.

Nous souhaiterions aller plus loin, en créant notamment un statut d’employé plus protecteur pour les parents d’enfants touchés par la longue maladie ou le handicap.

Nous regrettons le rejet en commission des affaires sociales de plusieurs de nos amendements. Il nous semble notamment important de rétablir la rédaction initiale de l’article 1er, qui était plus protectrice.

La commission a voté la possibilité pour l’employeur de rompre le contrat en cas de faute grave ou d’impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à l’état de santé de l’enfant de l’intéressé. Cette limitation de la protection de l’employé est certes de nature à rassurer les employeurs ; on ne peut pas en dire autant pour ce qui concerne les salariés.

Nous souhaitons également allonger la durée du congé pour annonce de la survenue d’un handicap ou d’une pathologie chronique de l’enfant. Nous avons proposé dix jours au lieu des cinq retenus à l’issue des travaux de l’Assemblée nationale et de notre commission des affaires sociales. Il s’agit certes d’un progrès par rapport à la durée actuelle, fixée à deux jours. Mais cinq jours restent insuffisants pour permettre aux parents de faire face au choc provoqué par une telle annonce et à toutes ses implications. Ce moment douloureux réclame du temps pour envisager les différentes démarches à accomplir.

Le présent texte contient une autre avancée : il facilite le télétravail. Cette option permet de mieux concilier vie professionnelle et vie familiale lorsque les circonstances et l’emploi l’autorisent. Elle évite l’isolement que pourrait entraîner l’arrêt complet du travail. L’aménagement du poste de travail sous la forme du télétravail doit pouvoir être étudié pour tout salarié chargé d’un enfant ou d’un proche atteint d’une maladie grave ou d’un handicap, lorsque l’intéressé le souhaite.

Un de nos amendements vise à mieux faire connaître cette possibilité, via la notification obligatoire par l’employeur à la personne salariée de la possibilité de télétravailler ou d’adapter son poste. Cette information permet d’évoquer les possibilités envisageables selon le contexte particulier de l’emploi.

Nous proposons également de garantir aux parents d’enfants atteints de maladie grave ou gravement handicapés un poste de télétravail dont le matériel nécessaire et adapté serait à la charge de l’employeur.

Cette proposition de loi crée de nouveaux droits pour faciliter la vie des familles confrontées à ces situations douloureuses. Elle assure une simplification bienvenue des démarches. Les élus du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain la voteront.

La définition d’un statut des aidants familiaux et leur reconnaissance dans une approche plus globale pourraient toutefois trouver leur place dans une grande loi relative à l’adaptation de notre société à la perte d’autonomie ; une grande loi que nous attendons avec impatience, monsieur le ministre !

Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE, ainsi que sur des travées du groupe UC. – M. Jean-Pierre Corbisez applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.

M. Jean-Pierre Corbisez et Mme Nassimah Dindar applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Cathy Apourceau-Poly

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nombreuses sont les familles qui doivent affronter la maladie d’un enfant et renforcer leur présence auprès de lui.

Ne l’oublions pas : lorsqu’un enfant est malade, c’est toute une famille qui est bouleversée. Certains parents renoncent à toute vie professionnelle ou sociale pour s’occuper de leur enfant. D’autres tentent de trouver des solutions pour concilier leur mission familiale avec la nécessité de subvenir aux besoins du foyer.

Cette proposition de loi s’inscrit dans la continuité des initiatives parlementaires visant à améliorer l’accompagnement des familles, notamment de celles dont un membre est en situation de handicap ou de maladie.

Ces dernières années, plusieurs textes ont renforcé la prise en charge des cancers pédiatriques et ont permis d’améliorer l’accompagnement des enfants atteints de pathologies graves et celui de leurs parents. Pourtant, il reste beaucoup à faire.

Ces initiatives parcellaires démontrent la nécessité d’une loi qui offre un cadre global protecteur pour l’ensemble des familles, afin de lever les obstacles à la conciliation entre présence parentale et vie professionnelle et de renforcer leurs droits, notamment au travail.

En portant la durée du congé de présence parentale de deux à cinq jours en cas de survenue d’un handicap, d’une pathologie chronique ou d’un cancer chez l’enfant, ce texte améliore précisément la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale. Il faudrait que ce congé soit pris en charge à 100 % par la sécurité sociale et que les conditions permettant d’en bénéficier soient encore étendues ; mais c’est malgré tout une avancée.

Faciliter le télétravail pour les parents est également une mesure positive. En permettant à ces derniers de demeurer près de leurs proches, le télétravail apporte de la souplesse dans l’organisation des familles.

Quant à l’interdiction de licenciement d’un salarié pendant la durée du congé de présence parentale, elle traduit un renforcement des droits tout à fait bienvenu.

En parallèle, le présent texte lève des freins à l’accès aux droits en supprimant l’obligation d’un accord explicite du service du contrôle médical lors du renouvellement de l’allocation journalière de présence parentale. De même, il supprime la mesure d’écrêtement pour l’allocation journalière de proche aidant des travailleurs indépendants et des personnes en recherche d’emploi. Mais ces mesures de justice et de progrès en appellent d’autres.

Par ailleurs, nous espérons que les expérimentations lancées dans les CAF permettront d’élargir le périmètre des bénéficiaires et le montant de l’allocation journalière de présence parentale.

Enfin, l’ajout de l’interdiction de refuser le renouvellement d’un bail locatif à des locataires ayant un enfant atteint d’une maladie grave ou d’un handicap constitue une protection supplémentaire, face aux bailleurs qui souhaiteraient ne pas renouveler un contrat locatif.

Au total, nous avons le sentiment que de nombreux textes de loi se suivent pour améliorer par petits bouts les droits des familles et l’accompagnement des plus fragiles – personnes âgées, personnes handicapées et enfants malades. Par ces initiatives, les groupes de la majorité gouvernementale tentent de compenser le renoncement du Gouvernement à proposer un véritable projet de loi dédié à la perte d’autonomie.

Monsieur le ministre, ce n’est pas la création d’une cinquième branche de la sécurité sociale, financée uniquement par les cotisations des salariés et les impôts des citoyens, qui permettra d’adapter notre société aux défis de demain. Sans une mise à contribution des entreprises, des revenus financiers et des plus riches, vous ne pourrez pas financer la prise en charge de la perte d’autonomie, sauf à réduire encore les remboursements de la sécurité sociale.

En attendant cette grande loi pour l’autonomie, les élus du groupe communiste républicain citoyen et écologiste voteront le présent texte.

Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur des travées du groupe SER. – M. Jean-Pierre Corbisez, Mmes Colette Mélot, Nassimah Dindar et Brigitte Micouleau applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

M. le président. La parole est à Mme Jocelyne Guidez.

Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi qu ’ au banc des commissions. – Mme Brigitte Micouleau applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jocelyne Guidez

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’ouvrirai mon propos par une citation de l’abbé Pierre : « Nous sommes tous ensemble responsables, responsables de nous-mêmes et responsables les uns des autres, c’est cela la grandeur d’être homme. »

Je salue à mon tour le travail de Paul Christophe, l’auteur de cette proposition de loi – je ne suis pas surprise de la qualité de son texte : j’ai travaillé avec lui à plusieurs reprises sur des propositions de loi relatives aux aidants –, ainsi que celui de notre collègue rapporteure, Marie-Pierre Richer, qui éclaire avec précision les enjeux de cet important dossier législatif.

Ce texte apporte des solutions de proximité pour faire évoluer nos mécanismes de solidarité. Il prend en compte les contraintes et besoins des parents dont l’enfant est atteint d’une maladie, d’un handicap, ou victime d’un accident d’une particulière gravité, afin de les aider à traverser cette épreuve extrêmement douloureuse. Il étend aux parents d’enfants malades les dispositifs prévus pour les adultes placés dans une situation semblable.

Ces parents, souvent jeunes, qui forment parfois un foyer monoparental, doivent faire face à la maladie de leur enfant et accompagner ce dernier. Pour eux, la conciliation entre vie professionnelle et vie personnelle devient dès lors très délicate. L’enfant malade exigeant une attention particulière et une présence soutenue, ils doivent endosser plusieurs rôles : tout en restant parents, ils deviennent soignants, accompagnateurs, experts administratifs ou encore instituteurs.

Pour eux, les obstacles sont nombreux : freins administratifs, délais d’attente de plusieurs semaines, voire de plusieurs mois, difficultés financières… S’y ajoutent le possible manque de compréhension de l’employeur et l’obligation de diminuer son temps de travail, voire de cesser son activité pour s’occuper de son enfant.

Afin de réduire ces difficultés, des avancées majeures ont été accomplies ces dernières années en faveur de l’accompagnement des proches aidants, grâce à l’ouverture de nouveaux droits. De récentes réformes ont encore amélioré la protection des familles concernées. Néanmoins, il est nécessaire de veiller collectivement à la diffusion des possibilités offertes à nos concitoyens, afin que les familles soient mieux informées de leurs droits.

Nous ne pouvons que saluer les dispositions de cette proposition de loi, qu’il s’agisse de l’allongement de la durée des congés accordés, de l’accélération des procédures ou encore de la simplification du recours aux prestations par les bénéficiaires.

La protection contre le licenciement des salariés en congé de présence parentale nous semble une adaptation bienvenue. Un amendement de Mme la rapporteure vise à garantir l’effectivité de cette mesure, y compris lors d’éventuelles périodes de reprise du contrat de travail entre deux congés auprès de l’enfant. Il tend à accorder aux parents en congé de présence parentale un niveau de protection identique, quels que soient leurs choix professionnels. Dès lors, un parent d’enfant malade ou handicapé qui souhaiterait garder un lien avec son travail et fractionner son congé serait aussi bien protégé que celui qui chercherait à poser en un bloc l’ensemble des jours auxquels il a droit.

De plus, le présent texte renforce le recours au télétravail pour les salariés aidants. L’employeur devra ainsi motiver son éventuel refus d’accorder à un salarié aidant la possibilité de travailler à distance.

Ces mesures réduisent les risques de discrimination et assurent une meilleure adaptation du monde du travail aux caractéristiques des salariés en question.

Nous sommes convaincus du bien-fondé de ces dispositifs, qui répondent au besoin de stabilité des parents. Il s’agit de mieux protéger ces derniers de certains risques socioprofessionnels afin qu’ils puissent se consacrer pleinement au combat de leur enfant.

Nous nous réjouissons évidemment de l’augmentation de la durée du congé pour l’annonce du handicap ou d’une pathologie d’un enfant. Pour les parents, une telle annonce constitue inévitablement un choc psychologique. Elle impose à la famille une nouvelle organisation et un apprentissage de la gestion de la maladie.

La loi du 17 décembre 2021 visant à l’accompagnement des enfants atteints de pathologie chronique ou de cancer a permis aux parents concernés de bénéficier d’un congé de deux jours. Face aux besoins et à la lourdeur des procédures à engager, les associations ont jugé cette durée insuffisante.

Cette proposition de loi permet d’aller un peu plus loin en portant ce congé à cinq jours ouvrables. Les familles auront ainsi davantage de temps pour assimiler la nouvelle, se renseigner sur le diagnostic posé et accomplir les multiples démarches administratives et médicales auxquelles elles sont confrontées.

Par amendement, la commission des affaires sociales a porté de sept jours ouvrés à quatorze jours ouvrables le congé minimal applicable en cas de décès d’un enfant ou d’une personne à charge de moins de 25 ans, ou d’un enfant lui-même parent. Les familles auront ainsi davantage de temps pour se recueillir et mener les démarches qui s’imposent, sans contrainte professionnelle.

L’article 3 permet aux caisses d’allocations familiales de verser l’allocation journalière de présence parentale dans l’attente de l’avis du service du contrôle médical des caisses primaires d’assurance maladie. Ces avances sur prestation contribueront à réduire les délais de traitement et permettront aux parents d’enfants malades de voir leurs arrêts d’activité compensés plus rapidement.

Compte tenu des difficultés que les bénéficiaires de l’AJPP rencontrent pour se loger, il paraît prioritaire de garantir la situation de ceux qui disposent déjà d’un logement adapté.

En vertu de l’article 4 bis, un bailleur ne peut plus donner congé à un locataire bénéficiaire de l’AJPP dont les ressources sont inférieures au plafond prévu pour les logements conventionnés lors du renouvellement du bail, à moins que l’on ne propose à ce locataire un logement, à proximité, correspondant à ses besoins. Cette protection, qui limite le droit de propriété des bailleurs, ne pourrait courir au-delà de six années.

L’article 5 favorise la mise en œuvre des innovations, à titre expérimental, dans le service consacré aux AJPP des CAF afin de mieux accompagner les allocataires et de les aider à se prémunir contre les difficultés financières.

Enfin, nous nous devons d’évoquer deux points importants concernant les travailleurs indépendants et les territoires ultramarins.

Nous ne saurions oublier les travailleurs indépendants, notamment les commerçants et les artisans qui limitent leur activité professionnelle lors du parcours de soins de leurs enfants. Il est nécessaire de leur assurer la survie de leur activité économique.

Nous tenons également à insister sur la spécificité sanitaire des territoires ultramarins et sur ses conséquences humaines, sociales et financières. Une famille de l’Hexagone bénéficiera le plus souvent d’une prise en charge dans un hôpital de sa région de résidence, quand une famille ultramarine devra parfois se rendre en France métropolitaine pour y faire soigner son enfant, en général en région parisienne, où les prix sont particulièrement élevés, notamment pour se loger.

Cette situation est très pénalisante, particulièrement dans le cas d’un traitement de longue durée : les pathologies les plus graves, comme les cancers, peuvent entraîner de nombreux mois d’hospitalisation et induire des périodes d’attente entre différents traitements, pendant lesquelles les malades ne sont pas autorisés à rentrer outre-mer.

Mme Nassimah Dindar acquiesce.

Debut de section - PermalienPhoto de Jocelyne Guidez

Nous le savons, il reste du chemin à parcourir pour accompagner ces familles : cette proposition de loi n’est qu’un premier pas. Il est temps d’accorder aux parents l’attention et les ressources nécessaires pour les aider à faire face aux défis auxquels ils sont confrontés.

Les attentes sont multiples : mise en place d’une stratégie de communication et de sensibilisation à destination de plusieurs cibles, repérage des parents aidants, information et formation des professionnels et des employeurs, etc. De même, il est primordial de structurer l’offre de répit et de rendre accessibles ces solutions en faveur des salariés aidants.

Les élus du groupe Union Centriste voteront ce texte, qui contient des mesures de bon sens pour répondre aux attentes de toutes ces familles, dont ils saluent le courage.

Applaudissements sur les travées des groupes UC et RDPI, ainsi que sur des travées des groupes INDEP et Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

M. le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin.

Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – Mme Nassimah Dindar applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Véronique Guillotin

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, lorsque nous pensons aux enfants, nous voyons apparaître des images d’innocence et de joie ; nous voyons se dessiner la promesse d’un avenir radieux. Pourtant, quand la maladie s’immisce dans leur vie ou qu’un accident survient brutalement, tout ce que nous tenons pour acquis est bouleversé. Cet invité indésirable, qui perturbe les rires, les jeux et les rêves, remplit d’incertitudes et de peurs le quotidien de toute leur famille.

Même si les enfants font preuve d’une grande résilience et sont capables d’une incroyable force intérieure, la présence réconfortante de leurs parents, le dévouement et l’amour de ces derniers sont indispensables au parcours de soins.

Alors que le travail est souvent au centre de nos vies, le quotidien de ces familles est rythmé par les visites chez les médecins, les hospitalisations et les traitements. Les parents consacrent la plus grande part de leur temps et de leur énergie à prendre soin de leur enfant au détriment de leur vie sociale et professionnelle.

Face à ces défis, il est essentiel de prendre en compte les besoins spécifiques de ces familles et de les accompagner pour les aider à traverser ces épreuves.

Depuis plusieurs années, le législateur s’est emparé de la question. Il a cherché à renforcer la protection des proches aidants et des familles ayant un enfant atteint d’une longue maladie. Plusieurs textes ont ainsi permis d’apporter un certain nombre d’améliorations.

Cette proposition de loi s’inscrit dans la même démarche : elle vise à assurer une présence parentale nécessaire dans une période difficile, sans pour autant mettre en danger la situation financière de la famille. Les travaux menés tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat ont permis d’enrichir son contenu.

Tout d’abord, le présent texte protège du risque de licenciement les parents dont l’état de santé de l’enfant est dégradé et qui sont contraints de réduire leur activité professionnelle. C’est une très bonne chose. Si le code du travail protège effectivement les salariés contre toutes les formes de discrimination, notamment au regard de leur situation familiale, il est important d’accorder une protection spécifique à ces parents afin qu’ils puissent concilier vie professionnelle et vie personnelle.

Je salue le travail de Mme la rapporteure, qui a permis de sécuriser ce dispositif : le licenciement sera interdit non seulement pendant les périodes de congé, mais aussi pendant les reprises professionnelles qui peuvent séparer deux périodes de congé de présence parentale.

Par ailleurs, cette proposition de loi facilite les démarches administratives pour le renouvellement de l’allocation journalière de présence parentale en supprimant la condition d’accord explicite du service du contrôle médical. Cette condition, qui implique de longs délais, empêche bien souvent le renouvellement de l’allocation.

Pour ce qui concerne le congé de présence parentale et l’allocation journalière de présence parentale, il reste toutefois beaucoup à faire : il est indispensable de renforcer l’information à destination des familles concernées, des entreprises et, bien sûr, des services sociaux des hôpitaux pour rendre le droit à ces aides plus effectif.

Je me félicite que le recours au télétravail soit facilité pour que ces parents – dans la très grande majorité des cas, il s’agit des mères – puissent plus aisément concilier leurs responsabilités professionnelles et familiales.

La suppression de la mesure d’écrêtement de l’allocation journalière de présence parentale et de l’allocation journalière du proche aidant pour les travailleurs indépendants et les personnes en recherche d’emploi va dans le bon sens, ainsi que l’interdiction de refuser le renouvellement d’un bail locatif à des locataires ayant un enfant atteint d’une maladie grave ou d’un handicap.

Enfin, l’allongement du congé pour l’annonce du handicap ou d’une pathologie d’un enfant du salarié, mesure plébiscitée par les associations, nous paraît évidemment très pertinent. Les familles auront davantage de temps pour assimiler la douloureuse information et faire face aux innombrables démarches qu’elles doivent entreprendre après l’annonce. Il est essentiel que nous reconnaissions l’importance de ces premiers instants.

Même si l’on peut se demander s’il est bien pertinent de toucher au congé pour décès d’un enfant dans le cadre de cette proposition de loi, je me félicite que notre commission ait répercuté l’allongement souhaité par les députés sur le congé spécifique pour la perte d’un enfant de moins de 25 ans, pour le fixer à quatorze jours.

La douleur incommensurable liée au décès d’un enfant bouleverse la vie des parents. Des jours supplémentaires ne combleront jamais cette immense perte, mais il est important de donner aux familles un peu plus de temps pour effectuer les démarches matérielles et administratives.

Pour toutes ces raisons, la totalité du groupe RDSE apportera un soutien sans réserve à cette proposition de loi.

Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, sur des travées du groupe UC, ainsi qu ’ au banc des commissions. – Mme Colette Mélot applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

M. le président. La parole est à Mme Alexandra Borchio Fontimp.

Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Nassimah Dindar applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Alexandra Borchio Fontimp

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, quand un enfant tombe malade, nombre d’existences sont mises entre parenthèses pendant un moment indéterminé. Entre la souffrance de l’attente et la douleur du diagnostic annoncé, des milliers de nos concitoyens affrontent chaque année l’un des moments les plus difficiles de leur vie de parent.

Annoncer une maladie grave, que ce soit à la naissance ou au cours de la croissance, c’est dévoiler une affection potentiellement mortelle à l’heure où l’on ne devrait fêter que la vie. La seule évocation du diagnostic fait planer le spectre insupportable de la souffrance due à la maladie et aux traitements.

Cette annonce, avec le programme thérapeutique que le diagnostic implique, va bouleverser le vécu de l’enfant et de sa famille.

Cette irruption imprévisible de la menace de mort rejette ainsi au second plan la construction naturelle de l’enfant et sa capacité à se projeter dans l’avenir. Elle le contraint, comme ses parents, à une vie désormais confinée au présent. Pourtant, ces derniers doivent rester forts et dignes. Ils ne doivent jamais baisser les bras en dépit des difficultés.

Mes chers collègues, nous nous retrouvons une fois de plus pour examiner un texte dont l’objectif fait l’unanimité sur les travées de cet hémicycle. Accompagner les parents face à la détresse de la maladie et du handicap est un devoir auquel nous ne pouvons nous soustraire.

Si l’anarchie de gestion de nos finances publiques a mené à une dette explosive, il est des choix politiques qui sont des obligations morales dont la Nation ne peut faire fi : comment expliquer à ces parents anxieux que nous ne pouvons faire ni plus ni mieux ? Soyons fiers d’adopter – je l’espère – aujourd’hui une belle avancée législative représentant un premier progrès tant attendu par les associations et par les familles elles-mêmes.

Marraine de l’association Adrien, qui œuvre au quotidien auprès des enfants malades, je m’exprime en tant que sénatrice des Alpes-Maritimes et, bien sûr, au nom du groupe Les Républicains, mais avant tout en tant que témoin du calvaire qu’endurent les familles. C’était une de mes promesses, dont témoigne l’une de mes premières propositions de loi déposées au Sénat : je me suis engagée à porter la voix des enfants et de leurs parents qui demandent, certes, à être entendus, mais surtout à être compris.

Toutes ces familles subissent une double peine : il faut affronter la maladie de l’enfant, gérer ses émotions pour ne rien laisser transparaître et, en même temps, poser des jours de congé auprès de son employeur.

Beaucoup d’entre nous étant parents, je vous pose la question : face à un tel drame, ne seriez-vous pas présent aux côtés de votre enfant vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept ?

Il aura fallu attendre 2020 pour qu’un droit de congé en cas de décès d’un enfant de moins de 25 ans soit reconnu, soit sept jours pour faire face au choc et pour accomplir les démarches nécessaires. Notre pays ne pouvait pas faire moins.

Il aura fallu attendre 2021 pour que la maladie chronique invalidante ou le cancer de l’enfant soient retenus comme motifs justifiant le bénéfice de ce congé spécifique des parents, qui, trop souvent, vient bouleverser l’équilibre socio-économique de la cellule familiale.

La même année, par la loi du 15 novembre, le congé a été rendu renouvelable pour une durée équivalente, comme si l’on supposait auparavant qu’une telle maladie avait une durée limitée.

Madame la rapporteure, je vous remercie du travail rigoureux que vous avez mené lors de l’examen de ce texte en commission. Je ne puis que soutenir votre rédaction, car elle permettra de mieux adapter le monde du travail aux difficultés que traversent ces familles. Elle protégera enfin les salariés en congé de présence parentale contre le licenciement, comme c’est le cas pour le congé de maternité ; cette disposition faisait d’ailleurs l’objet d’un article de ma proposition de loi. Ce texte simplifiera le parcours des familles afin de les soulager un tant soit peu dans cette douloureuse épreuve.

Chère Marie-Pierre Richer, je salue les avancées que vous avez défendues. Grâce à l’adoption d’un de vos amendements, un oubli dommageable a été corrigé et des familles ont été rassurées. Désormais, les parents d’un enfant de moins de 25 ans qui viendrait à décéder auront droit, eux aussi, au bénéfice du congé prévu à cet effet. Notre pays sait accompagner et soutenir les plus vulnérables. Face à la maladie d’un enfant, la solidarité s’impose à tous.

En France, chaque année, 1 800 à 2 000 nouveaux cas d’enfants atteints de cancer sont recensés. En trente ans, la proportion d’enfants conduits à la guérison n’a cessé de croître. Elle est désormais de trois quarts. Ces chiffres encourageants font toutefois écho à une réalité brutale : un sur quatre ne guérira pas, malgré les traitements administrés.

N’attendons pas de vivre nous-mêmes cette épreuve et d’être confrontés au quotidien de ces familles pour nous engager plus avant et faire évoluer notre législation vers une meilleure protection. Les membres du groupe Les Républicains voteront ce texte.

Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

M. le président. La parole est à Mme Colette Mélot.

Applaudissements sur des travées du groupe UC, ainsi qu ’ au banc des commissions.

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Mélot

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’annonce de la maladie, du handicap ou de l’accident grave dont est victime un enfant est dévastatrice pour sa famille. Souvent brutale et inattendue, elle plonge tous ses proches dans le désarroi et la souffrance. Du jour au lendemain, le quotidien bascule, a fortiori pour les parents : ces derniers doivent soutenir leur enfant, rassurer ses frères et sœurs, trouver le juste équilibre entre leur vie professionnelle et leur vie familiale, et tenir bon, tout simplement, malgré le chagrin et l’inquiétude.

Les parents tiennent alors le rôle de proches aidants pour une durée variable, à l’image de la diversité des situations concernées par ce texte ; un rôle qu’ils n’ont pas toujours conscience d’endosser, tant il paraît évident de s’occuper de son enfant avec dévouement.

Pourtant, leur engagement déborde soudainement de la sphère familiale, percutant de plein fouet leur vie intime, sociale et professionnelle.

Nous, parlementaires, devons soutenir ces proches aidants en adaptant au mieux le monde du travail et l’administration au drame qu’ils traversent.

Ces dernières années, plusieurs textes ont permis de renforcer la protection des familles d’enfants malades, handicapés ou victimes d’un accident grave. C’est le cas de la loi du 17 décembre 2021, saluée par notre groupe, qui a allongé le congé familial proposé à l’annonce d’une pathologie chronique ou d’un cancer.

Le texte que nous examinons aujourd’hui va également dans le bon sens. Il offre une aide pratique à ceux dont l’enfant à charge est atteint d’un handicap, d’une maladie, ou victime d’un accident grave. Bien souvent, un tel drame les oblige à réduire, voire à cesser leur activité professionnelle. Ils sont également confrontés à des démarches administratives longues et complexes pour bénéficier des différentes aides auxquelles ils peuvent prétendre.

Cette proposition de loi lève une partie des difficultés financières et administratives auxquelles sont confrontées les familles.

Elle simplifie l’accès à l’allocation journalière de présence parentale : il s’agit là d’une mesure attendue par les personnes concernées.

Elle lève aussi plusieurs difficultés professionnelles, en allongeant le congé des parents, en protégeant du licenciement les salariés en congé de présence parentale et en facilitant leur accès au télétravail. Ce sont là autant d’avancées concrètes, encore complétées par le Sénat.

Madame la rapporteure, je salue votre engagement et le travail de notre collègue député Paul Christophe, auteur et rapporteur, à l’Assemblée nationale, de cette proposition de loi.

Nous regrettons que les aidants ne bénéficient pas d’un grand texte permettant de mieux accompagner la singularité et la diversité des situations dramatiques rencontrées par ces familles. En légiférant à petits pas, l’on risque de n’apporter que des réponses parcellaires, même si c’est évidemment mieux que rien.

Soulignons toutefois l’engagement au long cours du Parlement dans le soutien des aidants familiaux. Cette mobilisation nous honore et fait écho aux demandes des associations qui accompagnent au quotidien ces familles. Permettez-moi de saluer l’engagement généreux de ces dernières et de les remercier du soutien moral, pratique et administratif qu’elles apportent jour après jour.

Pour ces différentes raisons, les élus du groupe Les Indépendants – République et Territoires voteront ce texte et se félicitent dès à présent de son adoption.

Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi qu ’ au banc des commissions. – Mme Brigitte Micouleau applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Mélanie Vogel

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi visant à renforcer la protection des familles d’enfants atteints d’une maladie ou d’un handicap ou victimes d’un accident d’une particulière gravité contient de nombreuses bonnes mesures, que nous ne pouvons que saluer.

Ces dispositions vont de l’allongement des congés spéciaux pour décès d’un enfant au droit au renouvellement d’un bail en passant par l’interdiction du licenciement des salariés qui ont droit à un congé de présence parentale.

Toutes ces mesures sont très utiles. Elles permettent d’aider celles et ceux qui aident. C’est pourquoi je tiens à remercier non seulement nos deux collègues députés, Paul Christophe et Laurent Marcangeli, d’avoir pris cette initiative, mais aussi notre rapporteure, Marie-Pierre Richer, pour son travail.

Même s’ils saluent toutes les mesures de cette proposition de loi, les élus du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires sont convaincus que nous pouvons aller plus loin.

C’est pourquoi nous avons déposé plusieurs amendements tendant à cibler des domaines jusqu’à présent négligés.

Par exemple, nous proposons de faciliter la suspension du paiement des échéances d’un crédit immobilier des personnes aidantes. Certes, différentes mesures existent déjà pour compenser des pertes de revenus, mais il n’est aucunement prévu de diminuer les charges courantes, alors qu’il s’agit d’un levier tout aussi important : ces dernières peuvent lourdement grever le budget des familles, en leur imposant des dépenses soudaines et imprévues.

De même, nous proposons une compensation pour les salariés qui accompagnent des enfants malades, accidentés ou atteints d’un handicap sur une partie de leur trajet de travail. Il s’agit d’un cas de figure assez fréquent, par exemple quand un salarié accompagne un enfant aidé à l’école avant de continuer sa route : souvent, lorsque ce dernier a besoin d’une assistance particulière, le trajet prend plus de temps. C’est pour remédier à ce déséquilibre que nous proposons une compensation.

Par ailleurs, nous soutenons les propositions de nos collègues socialistes, et plus particulièrement celles d’Annie Le Houerou, que je remercie de son travail. Je pense notamment à l’amendement n° 5, qui vise à protéger les salariés aidant un enfant qui tombe malade de l’accusation d’avoir abandonné leur poste de travail, accusation qui, depuis la loi du 21 décembre 2022 portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi, peut conduire à un licenciement.

Toutes ces mesures venant compléter le texte visent le même objectif : renforcer la protection des personnes aidantes et faciliter leur accompagnement.

Certaines dispositions sont nécessaires pour mieux protéger les aidants des effets souvent néfastes des cycles économiques. C’est pourquoi nous proposons d’exclure les personnes aidantes de l’augmentation du temps de travail hebdomadaire, dans le cadre d’une mesure d’aménagement du temps de travail. Cette augmentation est dans l’intérêt de l’entrepreneur, qui peut ainsi demander à ses salariés de travailler plus pendant une période donnée ; mais elle ne tient pas forcément compte des obligations des salariés en dehors de leur service. En l’occurrence, l’obligation d’aider un enfant ne peut être reportée d’une semaine à une autre.

Le recours au télétravail est évidemment utile, même s’il ne concerne pas tout le monde : de nombreuses personnes ne peuvent pas le pratiquer et leur poste ne peut pas forcément être adapté. Les caissières et les caissiers peuvent difficilement travailler à distance ! C’est pourquoi nous avons proposé d’autres dispositions, comme l’adaptation du nombre d’heures hebdomadaires de service.

Bien sûr, l’État doit aider les aidants. En effet, l’avenir des enfants dont nous parlons, leurs perspectives, la qualité de leur quotidien et leur capacité à apprendre, à jouer, à rêver et à se projeter dans un monde dans lequel ils auront toute leur place ne reposent pas seulement sur leur famille et sur les proches qui les aident. Ils dépendent aussi de la République, des services publics et de l’adaptation de notre société à toutes et à tous.

L’égalité des droits, le refus des discriminations et l’égale dignité sont en ligne de mire : ce sont souvent les femmes qui arrêtent de travailler pour s’occuper des enfants. Ainsi, c’est d’abord et avant tout par des services publics de qualité et par un État fort que nous garantirons cette égalité.

Les mesures de ce texte se limitent souvent aux parents, comme s’ils étaient les seuls à pouvoir s’occuper de leur enfant et à s’en occuper de fait. Pourtant, des grands-parents, des tantes, des oncles ou des proches sans lien de parenté jouent parfois le rôle d’aidant. Restreindre ces mesures inutilement, c’est méconnaître une réalité évidente : tout dépend des situations individuelles. Dans certains cas, il peut être plus simple et naturel qu’un tiers s’occupe de l’enfant.

En tout état de cause, et quel que soit le sort réservé à leurs amendements, les membres du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires voteront sans réserve ce texte, en attendant avec impatience une vraie grande loi sur la perte d’autonomie.

Applaudissements sur des travées des groupes SER, RDPI, UC et CRCE, ainsi qu ’ au banc des commissions.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

M. le président. La parole est à Mme Béatrice Gosselin.

Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Béatrice Gosselin

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, quand un enfant est victime d’une maladie ou d’un accident grave, un tsunami s’abat sur la famille. Cette proposition de loi, dont la rapporteure au Sénat est notre collègue Marie-Pierre Richer, contient diverses dispositions afin de mieux protéger les parents aidants en leur accordant de nouveaux droits et en leur conférant enfin un véritable statut.

Le régime des congés pour maladie d’un enfant n’est pas assorti d’une protection suffisante des personnes salariées concernées. Ce texte entend y remédier. Ainsi, il porte le congé parental pour enfant de trois à cinq jours si ce dernier est âgé de moins de 1 an ou si le salarié assume la charge de trois enfants ou plus âgés de moins de 16 ans.

Dans le cas où l’état de santé d’un enfant rend indispensables une présence soutenue et des soins contraignants, le parent aidant est éligible au congé de présence parentale de 310 jours ouvrés sur une période maximale de trois ans.

À l’article 1er, nous avons souhaité interdire le licenciement d’un salarié pendant la durée du congé de présence parentale, prenant ainsi modèle sur les dispositifs de protection de la maternité.

L’article 2 précise que le télétravail constitue pour ces parents aidants un aménagement de poste nécessaire à la continuité de leur service dans l’entreprise. Le télétravailleur dispose alors des mêmes droits que le salarié qui exécute son travail sur site. L’employeur est désormais tenu de motiver sa décision de refus d’une demande de télétravail pour un salarié qui doit rester auprès de son enfant malade.

L’AJPP est une prestation indispensable pour les aidants d’enfants souffrant de pathologies. Le CPP étant limité à vingt-deux jours ouvrés par mois pour une durée maximale de trois ans, l’article 3 vise à faciliter le renouvellement des droits quand l’état de santé de l’enfant le nécessite. En effet, un grand nombre de pathologies, comme les cancers pédiatriques, impliquent un accompagnement soutenu de l’enfant au-delà de la période légale de 310 jours durant les trois premières années de la maladie de l’enfant.

Jusqu’alors, la durée du CPP pouvait donc être doublée à titre exceptionnel, soumise à la production d’un nouveau certificat médical par le médecin et à un accord explicite du service du contrôle médical. L’article 3 simplifie les démarches administratives pour le renouvellement de l’AJPP, en rendant implicite l’accord des services concernés. La revalorisation du montant de l’AJPP au 1er janvier de chaque année, en référence au Smic journalier net, est également bienvenue.

L’article 4 supprime les mesures d’écrêtement de l’AJPP, qui devaient entrer en vigueur au plus tard au 1er janvier 2024 : le montant des deux allocations versées à certaines catégories des professions agricoles n’aurait pu excéder les revenus journaliers tirés de leur activité professionnelle. Ces mesures d’écrêtement auraient également concerné les bénéficiaires de l’allocation chômage.

Je me félicite de cette suppression décidée sur l’initiative de Mme la rapporteure. Non seulement l’effet d’aubaine redouté n’était pas clairement démontré, mais ces dispositifs complexifiaient grandement la gestion des prestations.

L’article 4 bis, introduit par notre commission des affaires sociales, interdit au propriétaire de refuser le renouvellement d’un bail à des locataires ayant un enfant malade dans le cadre d’un congé pour vente ou reprise.

Cette exception est déjà prévue pour les locataires de plus de 65 ans et dont les ressources sont inférieures à un plafond. Si l’on peut comprendre les raisons d’un tel dispositif, cette exception peut toutefois mettre en difficulté un bailleur qui vit parfois, également, avec des revenus modestes.

Malgré l’encadrement de durée retenu, à savoir six ans, il me semble que certaines garanties concernant ce dispositif devraient encore être précisées.

L’expérimentation proposée à l’article 5 visant à adapter les modalités du complément mensuel pour frais versés dans le cadre de l’AJPP concerne les familles à faibles ressources.

Cette aide financière spécifique peut prendre en charge, par exemple, des médicaments non remboursés ou des soins à domicile.

Cependant, ce complément financier est conditionné au montant des dépenses mensuelles et aux ressources du ménage. Chaque mois, le versement est effectué sur la base d’une déclaration sur l’honneur et sur présentation des pièces justificatives.

Afin de correspondre au mieux aux besoins des familles, la nouvelle rédaction de cet article prévoit de déroger aux conditions de détermination du niveau du complément pour frais et à la périodicité des versements.

La commission a proposé de mettre en place une expérimentation d’une durée de trois ans menée dans dix départements par les caisses d’allocations familiales. Celle-ci donnera lieu avant son terme à un bilan d’évaluation remis par le Gouvernement au Parlement.

Le principe expérimental de l’application de cette mesure nous permettra de connaître, au moment du rapport, si les modalités d’un tel dispositif sont opportunes et faciles à mettre en place.

Le temps est enfin arrivé de faire évoluer notre cadre juridique et d’aider ainsi les nombreuses familles touchées par la maladie d’un enfant, tout en y alliant l’impératif d’une maîtrise de ces dispositifs.

Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

Après l’article L. 1225-4-3 du code du travail, il est inséré un article L. 1225-4-4 ainsi rédigé :

« Art. L. 1225 -4 -4. – Aucun employeur ne peut rompre le contrat de travail d’un salarié pendant l’intégralité des périodes de suspension du contrat de travail auxquelles il a droit au titre du congé de présence parentale prévu à l’article L. 1225-62, qu’il use ou non de ce droit.

« Toutefois, l’employeur peut rompre le contrat s’il justifie d’une faute grave de l’intéressé ou de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l’état de santé de l’enfant de l’intéressé. »

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

L’amendement n° 1, présenté par Mmes Le Houerou et Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Meunier, Poumirol, Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Le paragraphe 3 de la sous-section 2 de la section 4 du chapitre V du titre II du livre II de la première partie du code du travail est complété par un article L. 1225-65-… ainsi rédigé :

« Art. L. 1225 -65 -…. – L’employeur ne doit pas prendre en considération l’état de santé, qui nécessiterait un congé quel qu’il soit pour maladie grave ou accident, d’un enfant à charge pour rompre le contrat de travail du salarié, y compris au cours d’une période d’essai ou sous réserve d’une affectation temporaire réalisée dans le cadre des dispositions des articles L. 1225-7, L. 1225-9 et L. 1225-12, pour prononcer une mutation d’emploi. Il lui est également interdit de rechercher ou de faire rechercher toute information concernant l’état de santé des enfants de l’intéressé. »

La parole est à Mme Annie Le Houerou.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie Le Houerou

Cet amendement vise à renforcer la protection des parents faisant face à la maladie ou au handicap d’un enfant, en tenant compte des conséquences de cet accident de la vie.

Il s’agit d’empêcher a priori l’employeur de procéder à un licenciement pendant la durée du congé de présence parentale, y compris pendant la période d’essai.

Néanmoins, lors de l’examen du texte par l’Assemblée nationale, une précision a été introduite visant à rassurer les employeurs, en leur permettant, en cas de faute grave, de rompre le contrat.

Cette rédaction, qui s’appuie sur le modèle des dispositions relatives à la maternité, à la paternité ou au décès d’un enfant, nous semble moins protectrice pour le salarié parent d’enfant malade, handicapé ou victime d’un accident grave.

En effet, malgré les protections offertes par le droit du travail, les salariés confrontés à des épreuves de la vie sont souvent discriminés ou bien licenciés, sous prétexte d’une faute grave ou d’un motif économique.

Nous devons être à l’écoute de ces femmes et de ces hommes qui se dévouent pour accompagner leurs enfants ; nous devons être à leurs côtés dans les différentes étapes de la vie et dans le milieu professionnel, en renforçant la protection contre le licenciement.

Cet amendement tend donc à revenir à la rédaction initiale du texte. Plus largement, une réflexion globale sur la politique publique de soutien aux aidants gagnerait à être menée, qu’il s’agisse d’accompagner les enfants touchés par une affection de longue durée (ALD) ou des parents en perte d’autonomie.

À titre personnel, je suis favorable à la définition d’un statut ou d’une reconnaissance des aidants familiaux, tel qu’il a été introduit par la loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement.

Une approche globale est nécessaire : il convient d’améliorer les dispositions sur la protection contre les licenciements et, au regard des bailleurs, sur l’accès aux prestations.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Pierre Richer

Contrairement à ce que son objet laisse entendre, l’adoption de cet amendement aurait pour effet de vider le dispositif de sa substance.

En effet, la rédaction initiale de l’article 1er permettait à un salarié déjà licencié – j’y insiste – de faire annuler en justice son licenciement s’il était en lien avec l’état de santé de son enfant.

C’est une protection ex post, déjà satisfaite par l’interdiction de licenciement pour motif discriminatoire dans le droit en vigueur.

L’article 1er du texte transmis permet, au contraire, une véritable protection contre le licenciement ex ante fondée, à l’instar de l’interdiction de licenciement pendant le congé maternité, sur des caractéristiques objectives. Grâce à cette nouvelle rédaction, le salarié en congé de présence parentale ne pourra pas être licencié du fait même de son statut.

Cette protection ne s’applique certes pas en cas de faute grave ou de force majeure. Mais c’est ainsi pour l’ensemble des protections contre le licenciement dans le droit en vigueur, qu’il s’agisse d’une grossesse, d’un congé maternité, d’une naissance ou encore du décès d’un enfant.

Telles sont les raisons pour lesquelles la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Jean-Christophe Combe

Je tiens à le rappeler, le Gouvernement est favorable à la disposition introduite par Paul Christophe dans sa proposition de loi et visant à élargir la protection des salariés devant accompagner un enfant gravement malade.

La disposition que vous souhaitez introduire, madame la sénatrice, n’est pas plus protectrice. À mon sens, son adoption contribuerait même à affaiblir l’article. Ainsi, pour garantir une meilleure lisibilité du droit, je vous propose de maintenir une rédaction identique à celle qui a été retenue pour les congés liés à la parentalité.

Par conséquent, comme Mme la rapporteure, je suis défavorable à cet amendement.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

L’amendement n° 12, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Art. L. 1225 -4 -4. – Aucun employeur ne peut rompre le contrat de travail d’un salarié pendant un congé de présence parentale prévu à l’article L. 1225-62 ainsi que pendant les périodes travaillées si le congé de présence parentale est fractionné ou pris à temps partiel.

La parole est à M. le ministre.

Debut de section - Permalien
Jean-Christophe Combe

Il s’agit d’un amendement de clarification rédactionnelle.

L ’ amendement est adopté.

L ’ article 1 er est adopté.

L’article L. 3142-4 du code du travail est ainsi modifié :

1° Le 4° est ainsi modifié :

a) Au début, le mot : « Cinq » est remplacé par le mot : « Douze » ;

b)

2° Au début du 6°, le mot : « Deux » est remplacé par le mot : « Cinq ».

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

L’amendement n° 2, présenté par Mmes Le Houerou et Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Meunier, Poumirol, Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Remplacer le mot :

Cinq

par le mot :

Dix

La parole est à Mme Annie Le Houerou.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie Le Houerou

Cet amendement vise à allonger à dix jours la durée du congé dans le cas de l’annonce de la survenue d’un handicap ou d’une pathologie de l’enfant.

Ce congé s’étendait à l’origine sur seulement deux jours. L’Assemblée nationale l’a fixé à cinq jours. Néanmoins, il me semble légitime de demander, par cet amendement, un allongement à dix jours de congé, malgré le rejet de cette demande en séance à l’Assemblée nationale et en commission des affaires sociales.

Nous pouvons tous nous représenter le choc considérable qu’est celui d’apprendre la pathologie de son enfant. Un laps de temps important est essentiel pour assimiler la nouvelle et réfléchir à l’aménagement de son quotidien. Il est nécessaire aussi pour la famille d’apprendre à vivre avec la pathologie de son enfant, d’apprendre à gérer le traitement, par exemple dans le cas d’un enfant diabétique. Il faut aussi prendre en compte, dans certains cas, la recherche d’un logement adapté à la pathologie de l’enfant.

Il convient donc d’éviter aux parents concernés de prendre des congés sans solde. Cette situation les mettrait encore davantage en difficulté dans une situation déjà très complexe. Nous nous devons de les aider dans ce combat.

Un vrai temps d’assimilation et d’adaptation est nécessaire. Cinq jours de congé dans cette situation semblent trop peu.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Pierre Richer

Le texte prévoit déjà, en l’état actuel, de passer de deux jours à cinq jours de congé, soit une semaine pleine, en cas d’annonce de la survenue d’un handicap ou d’une maladie grave chez l’enfant.

La commission des affaires sociales s’est prononcée contre un amendement identique au cours de son examen du texte, considérant qu’il était prématuré, en l’état, de porter ce congé de deux jours à dix jours, soit cinq fois plus que le droit en vigueur.

Évaluons d’abord les conséquences du passage de deux jours à cinq jours, avant de décider, le cas échéant, d’un nouvel allongement de ce congé.

Notons par ailleurs qu’un allongement de ce congé à dix jours ne faisait pas partie des revendications des associations auditionnées. Ces dernières souhaitent surtout que la loi s’applique rapidement.

Debut de section - Permalien
Jean-Christophe Combe

En effet, ce congé a déjà été allongé, puisqu’il est passé de deux jours à cinq jours.

Je le rappelle, la durée des congés pour événements familiaux relève également du dialogue social, puisque les partenaires sociaux peuvent, par accord collectif, marquer leur volonté de contribuer au développement d’un environnement plus favorable permettant une meilleure articulation entre vie professionnelle et vie familiale. Je l’ai dit en discussion générale, ils ont un rôle à jouer en tant qu’acteur clé de cette conciliation. Les entreprises investissent aujourd’hui davantage les thèmes de la parentalité et des aidants.

Si la volonté d’allonger la durée de ce congé traduit le souci de favoriser la conciliation, pour les parents, entre vie professionnelle et vie familiale, une telle mesure bouleverse les équilibres auxquels sont parvenus les partenaires sociaux, ainsi que leurs priorités.

Comme Mme la rapporteure, j’estime que l’impact d’un tel changement doit d’abord être évalué.

Plus généralement, il est important de le souligner, l’adoption isolée de mesures visant à allonger ou à élargir des congés familiaux existants amoindrit la logique d’ensemble des congés prévus par le code du travail, en introduisant involontairement une hiérarchie, par la durée, entre des moments de la vie qui sont tous très douloureux.

Pour l’ensemble de ces raisons, je suis défavorable à cet amendement.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 13 est présenté par le Gouvernement.

L’amendement n° 14 est présenté par Mme Richer, au nom de la commission.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

…. – Le code général de la fonction publique est ainsi modifié :

1° La seconde phrase de l’article L. 622-1 est ainsi rédigée : « Ces autorisations spéciales d’absence sont sans effet sur la constitution des droits à congés annuels et ne diminuent pas le nombre des jours de congés annuels. » ;

2° L’article L. 622-2 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, le mot : « cinq » est remplacé par le mot : « douze » ;

b) Le deuxième alinéa est ainsi modifié :

- les mots : « sept jours ouvrés » sont remplacés par les mots : « quatorze jours ouvrables » ;

- après la première occurrence du mot : « ans », sont insérés les mots : « et quel que soit son âge si l’enfant décédé était lui-même parent » ;

- les mots : « le fonctionnaire » sont remplacés par les mots : « l’agent public » ;

c) Le dernier alinéa est ainsi modifié :

- au début, sont insérés les mots : « Dans les conditions prévues au deuxième alinéa du présent article, » ;

- les mots : «, dans les mêmes conditions, » sont supprimés.

La parole est à M. le ministre, pour présenter l’amendement n° 13.

Debut de section - Permalien
Jean-Christophe Combe

Cet amendement est identique à celui qui a été déposé par Mme la rapporteure, fruit d’un travail commun.

Il s’agit simplement, d’une part, d’étendre le bénéfice de l’article 1er bis, à savoir l’allongement des congés pour deuil d’enfant, aux agents de la fonction publique, et, d’autre part, d’assurer un traitement identique des autorisations spéciales d’absence (ASA) liées à la famille et à la parentalité, notamment dans le cas du décès d’un enfant. Il est également précisé que les ASA n’ont pas d’effet sur la constitution du droit à congé et ne diminuent pas le nombre de jours de congé annuels. À cet égard, en effet, l’intention du législateur n’était pas claire dans la version précédente du texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

La parole est à Mme la rapporteure, pour présenter l’amendement n° 14.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Pierre Richer

Cet amendement identique vise à permettre aux agents publics d’avoir les mêmes droits que les salariés du privé.

Sans vouloir alourdir les débats, je précise que le Gouvernement a, de facto, accepté d’écarter l’application de l’article 40 de la Constitution à cet amendement.

Les amendements sont adoptés.

L ’ article 1 er bis est adopté.

(Non modifié)

I. – L’article L. 1222-9 du code du travail est ainsi modifié :

1° À la seconde phrase du dernier alinéa du I, les mots : « du présent code ou un proche aidant mentionné à l’article L. 113-1-3 du code de l’action sociale et des familles » sont remplacés par les mots : « ou un salarié aidant d’un enfant, d’un parent ou d’un proche » ;

2° Le II est complété par un 7° ainsi rédigé :

« 7° Les modalités d’accès des salariés aidants d’un enfant, d’un parent ou d’un proche à une organisation en télétravail. »

II. –

Supprimé

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

L’amendement n° 4, présenté par Mmes Le Houerou et Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Meunier, Poumirol, Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 1

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

…° Après le deuxième alinéa du I, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque le salarié déclare devoir prendre soin d’un proche, un parent ou un enfant malade ou en situation de handicap ou victime d’un accident grave, l’employeur est dans l’obligation d’informer le salarié de la possibilité d’un aménagement du poste de travail sous forme de télétravail. » ;

La parole est à Mme Annie Le Houerou.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie Le Houerou

Cet article vise à mettre en place la possibilité de télétravailler dans le cas où son enfant est atteint d’une maladie grave ou d’un handicap.

Cette mesure constitue une avancée significative, il est important de le souligner.

En effet, l’option du télétravail permet d’assurer, une fois le choc de l’annonce passé, une certaine continuité dans la vie professionnelle du parent. Il permet de mieux faire face aux difficultés du quotidien et d’alléger certaines contraintes, notamment de transport entre le domicile et le lieu de travail.

De plus, le télétravail s’est largement démocratisé depuis l’épidémie de covid-19. Nous disposons désormais de tous les outils nécessaires à sa bonne réalisation.

Le présent amendement vise donc à sécuriser davantage ce droit par la notification obligatoire de l’employeur à la personne salariée de la possibilité de télétravailler lorsqu’elle doit prendre soin d’un proche ou d’un enfant malade ou en situation de handicap.

Des réserves peuvent être émises dans le cas de métiers dans lesquels les salariés n’ont pas d’autres possibilités que celle d’être sur site. C’est le cas notamment des ouvriers, des restaurateurs ou encore des assistantes maternelles.

Des solutions doivent être imaginées pour ces cas précis ; nous pouvons penser notamment à un aménagement du temps de travail.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Pierre Richer

En ne précisant pas que l’obligation d’informer le salarié de la possibilité de télétravailler ne vaut que dans les cas où le télétravail est matériellement possible, soit à peu près le tiers des emplois, la rédaction de cet amendement laisse planer un risque juridique.

Pour cette raison, la commission s’était déjà prononcée contre cet amendement lorsqu’elle a examiné ce texte. Celui-ci n’ayant pas été modifié, elle maintient son avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Jean-Christophe Combe

Par l’article 2, il s’agit de mieux prendre en compte et d’améliorer la situation des parents dont l’enfant est gravement malade, en leur facilitant le recours au télétravail.

Les conditions de recours au télétravail des salariés aidants, lorsque le poste le permet, seront désormais précisées par les accords collectifs et les chartes qui l’organisent. En outre, quel que soit le mode de mise en œuvre du télétravail – accord collectif ou charte de gré à gré –, l’employeur qui refuserait l’accès d’un salarié à ce mode d’organisation devra motiver son refus.

Vous l’avez dit, depuis la crise sanitaire, le recours au télétravail a connu une ampleur inédite. Désormais, ce mode d’organisation n’est plus confidentiel, les salariés y ayant massivement recours.

Par conséquent, votre proposition, madame la sénatrice, de créer une obligation d’information n’est donc pas nécessaire. Par ailleurs, le moment à partir duquel l’employeur serait dans l’obligation d’informer le salarié n’est pas clairement précisé.

Pour l’ensemble de ces raisons, je suis défavorable à cet amendement.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 3, présenté par Mmes Le Houerou et Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Meunier, Poumirol, Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Rétablir le II dans la rédaction suivante :

II. – L’article L. 1222-11 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Pour les parents dont l’enfant à charge est atteint de maladie grave, de handicap ou d’un accident d’une particulière gravité, le matériel nécessaire au télétravail est à la charge de l’employeur afin de garantir aux télétravailleurs l’accès matériel adapté à la pratique du télétravail. »

La parole est à Mme Annie Le Houerou.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie Le Houerou

De nombreux parents, et plus particulièrement les mères, sont forcés de réduire leur activité, voire de quitter leur travail, pour s’occuper de leur enfant.

Le télétravail, lorsqu’il est possible, peut permettre de faciliter la conciliation entre la vie professionnelle et les contraintes personnelles et de rendre le quotidien de ces familles moins pénible. Encore faut-il disposer du matériel nécessaire et adapté pour réaliser son travail dans de bonnes conditions.

Cet amendement tend à garantir spécifiquement aux parents dont l’enfant à charge est atteint d’une maladie ou d’un handicap ou gravement accidenté un poste de télétravail dont le matériel est à la charge de l’employeur.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

L’amendement n° 6, présenté par Mmes M. Vogel et Poncet Monge, MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco et MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé, Parigi et Salmon, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Rétablir le II dans la rédaction suivante :

II. - La section 3 du chapitre II du titre II du livre II de la première partie de la partie législative du code du travail est ainsi rétablie :

« Section 3

« Modification du contrat de travail pour réduction du temps de travail

« Art L. 1222 -7 – Le salarié aidant d’un enfant, d’un parent ou d’un proche peut demander par tout moyen à son employeur une réduction du nombre d’heures stipulé au contrat de travail qui ne peut pas être inférieure à 32 heures par semaine. L’employeur accuse la réception de la demande et doit s’y conformer au plus tard deux mois après sa réception. »

La parole est à Mme Mélanie Vogel.

Debut de section - PermalienPhoto de Mélanie Vogel

Cet amendement vise à permettre un abaissement de la durée hebdomadaire du travail pour les salariés aidant un enfant, un parent ou un proche.

Comme je l’ai dit dans mon intervention liminaire, c’est bien de pouvoir faire du télétravail quand on le peut. Toutefois, de nombreux salariés ne peuvent pas adapter leur poste de travail au télétravail. En France, environ 80 % des salariés n’ont jamais télétravaillé. En effet, quand on est chauffeur de bus, conducteur de métro ou caissière, on ne peut pas télétravailler et, pourtant, on peut avoir des enfants nécessitant une présence à la maison.

Par conséquent, afin de ne pas créer une forme de rupture d’égalité face à la charge, nous souhaitons que les salariés puissent demander un abaissement de la durée hebdomadaire du temps de travail à 32 heures.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Pierre Richer

Ces deux amendements sont en discussion commune, car ils visent à rétablir le II de l’article 2. Ils traitent toutefois de sujets tout à fait différents.

L’amendement n° 3 est déjà satisfait. En effet, l’employeur a une obligation générale de prise en charge des frais professionnels du salarié liés aux besoins de l’activité professionnelle. Le télétravailleur disposant des mêmes droits que le travailleur sur site, l’employeur doit donc déjà financer les frais de matériel nécessaire au télétravail, non seulement pour les parents d’enfants malades, mais aussi pour tous les salariés.

Par conséquent, la commission, qui avait rejeté cet amendement lors de l’examen du texte, a émis un avis défavorable.

Quant à l’amendement n° 6 de Mme Vogel, sa rédaction pose problème. En effet, aux termes de celui-ci, c’est bien la réduction du temps de travail, et non le temps de travail, qui ne pourra être inférieure à 32 heures. Autrement dit, si cet amendement était adopté, un salarié aidant aux 35 heures pourrait obtenir, de droit, une réduction de 32 heures de son temps de travail, pour le porter à 3 heures hebdomadaires. La rédaction de cet amendement n’est donc pas conforme aux intentions de ses auteurs et emporte un risque juridique important.

Par ailleurs, même si sa rédaction était corrigée, il ne prévoit aucune circonstance dans laquelle l’employeur pourrait refuser, même temporairement, une telle dérogation aux dispositions du contrat de travail. En instituant un droit général et absolu, cet amendement, qui n’a pas fait l’objet d’une concertation avec les partenaires sociaux et dont les conséquences potentielles ne sont pas évaluées, semble excessivement prescriptif.

C’est la raison pour laquelle la commission a également émis, à son endroit, un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Jean-Christophe Combe

Sur l’amendement n° 3, l’avis du Gouvernement est identique à celui de la commission. En effet, celui-ci est déjà satisfait, dans la mesure où les employeurs sont tenus, je le rappelle, de prendre en charge les frais liés au télétravail. En général, cela prend la forme d’une allocation forfaitaire.

Quant à l’amendement n° 6, il est mes yeux également satisfait, puisque, précisément, le congé de présence parentale doit permettre aux salariés de suspendre ou de réduire leur activité professionnelle pour s’occuper d’un enfant à charge dont l’état de santé nécessite une présence soutenue et des soins contraignants.

Concrètement, le salarié bénéficie d’une réserve de jours de congé, qu’il utilise en fonction de ses besoins. Par ailleurs, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 en a assoupli les modalités d’exercice, en permettant de fractionner le congé en demi-journées ou de le transformer en période d’activité à temps partiel, avec l’accord de l’employeur, comme c’est également le cas pour le congé de proche aidant et le congé de solidarité familiale.

En outre, les salariés peuvent solliciter un passage à temps partiel en raison des besoins de leur vie personnelle, sans condition d’ancienneté, sous la forme d’une ou plusieurs périodes d’au moins une semaine. Une telle réduction de la durée du travail nécessite de conclure un avenant au contrat de travail, l’employeur ne pouvant opposer un refus qu’à la condition que celui-ci soit justifié par des raisons objectives liées aux nécessités de fonctionnement de l’entreprise.

En outre, l’employeur ne peut modifier les dates fixées pour les périodes non travaillées sans l’accord du salarié. La modification de la répartition des périodes travaillées et non travaillées nécessite de conclure un nouvel avenant au contrat de travail.

Enfin, je le rappelle, les proches d’une personne handicapée bénéficient à leur demande d’un aménagement d’horaires individualisés.

Telles sont les raisons pour lesquelles je vous demande, madame la sénatrice, de bien vouloir retirer votre amendement.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

L’amendement n° 7, présenté par Mmes M. Vogel et Poncet Monge, MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco et MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé, Parigi et Salmon, est ainsi libellé :

Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :

…. – L’article L. 3121-44 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« L’accord peut prévoir d’exempter les salariés aidant d’un enfant, d’un parent ou d’un proche des aménagements du temps de travail ayant pour conséquence une augmentation de la durée hebdomadaire du travail. »

…. – L’article L. 3121-45 dudit code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« La répartition mise en place selon les conditions fixées au premier alinéa ne peut pas avoir pour conséquence d’augmenter la durée hebdomadaire du travail des salariés aidant d’un enfant, d’un parent ou d’un proche. »

La parole est à Mme Mélanie Vogel.

Debut de section - PermalienPhoto de Mélanie Vogel

Cet amendement est également relatif à la durée du temps de travail, mais concerne un autre problème, à savoir l’augmentation des heures de travail en cas de période de forte activité, demandée par l’employeur.

Vous le savez, l’employeur peut, en fonction de l’activité économique, augmenter ou réduire le temps de travail hebdomadaire de ses salariés. Or, quand on doit s’occuper d’un enfant, on ne peut pas nécessairement dire qu’on ira le chercher à l’école la semaine suivante !

Cet amendement vise donc à exclure les parents qui sont concernés par ce texte du dispositif d’augmentation de leurs heures de travail par leur employeur, en cas de période de forte activité.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Pierre Richer

Tout d’abord, dans les accords collectifs régissant les modalités d’aménagement du temps de travail, il est d’ores et déjà possible d’exempter les salariés aidants des aménagements ayant pour conséquence une augmentation de la durée hebdomadaire du temps du travail. La première partie de cet amendement est donc déjà satisfaite.

Ensuite, l’interdiction, en l’absence d’accord de branche, d’augmenter, même transitoirement, la durée hebdomadaire du travail des salariés aidants semble excessivement prescriptive. Non négociée avec les partenaires sociaux, elle s’impose à tous les salariés aidants, y compris à ceux qui seraient volontaires pour augmenter transitoirement leur durée hebdomadaire de travail pour disposer de revenus plus importants sur un mois donné ou parce qu’ils souhaiteraient accompagner une hausse d’activité de leur employeur.

En matière de droit du travail, la concertation est préférable à l’instauration d’obligations générales et absolues, qui méconnaissent les particularités de chaque situation.

Par conséquent, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Jean-Christophe Combe

La référence dans la loi à une catégorie de salariés spécifique pourrait conduire à exclure du bénéfice de cette disposition les autres catégories de salariés non visées et qui pourraient pourtant y avoir un intérêt objectif.

En l’état actuel du droit, Mme la rapporteure l’a dit, une décision unilatérale de l’employeur ou un accord collectif permet de déterminer les catégories de salariés qui seraient concernées. Ainsi, l’accord ou, à défaut, la décision unilatérale peuvent écarter l’application d’un dispositif d’aménagement du temps de travail aux salariés visés par le présent amendement.

Enfin, il convient de rappeler que l’article L. 3121-49 du code du travail prévoit déjà la possibilité pour les aidants familiaux et les proches d’une personne handicapée de bénéficier d’un aménagement d’horaires individualisé propre à faciliter l’accompagnement de cette personne.

Pour l’ensemble de ces raisons, je suis défavorable à cet amendement.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

L ’ article 2 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

L’amendement n° 5, présenté par Mmes Le Houerou et Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Meunier, Poumirol, Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 1237-1-1 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les dispositions du présent article ne concernent pas le salarié ayant dû s’absenter de son poste ou suspendre son activité professionnelle en raison de l’état de santé d’un enfant à charge tel que précisé à l’article L. 544-1 du code de la sécurité sociale. »

La parole est à Mme Annie Le Houerou.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie Le Houerou

Cet amendement vise à corriger une partie des effets particulièrement néfastes de la loi du 21 décembre 2022 portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi.

Depuis le début, nous avons combattu cette mesure, qui induit des effets pervers. En effet, l’article L. 1237-1-1 définit comme un abandon de poste le fait, pour un salarié, de ne pas avoir justifié son absence après une mise en demeure par l’employeur.

Pourtant, des événements graves et exceptionnels viennent parfois chambouler le cours d’une existence. C’est précisément le cas lorsque des parents apprennent que leur enfant est atteint d’une affection de longue durée.

Notre droit doit protéger toutes celles et tous ceux qui sont confrontés à ces situations douloureuses et empêcher que l’absence au travail dans ces cas précis puisse être qualifiée d’abandon de poste.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Pierre Richer

Malgré leur douleur et la gravité des événements, la très grande majorité des parents confrontés à la maladie ou au handicap de leur enfant préviennent leur employeur et arrêtent le travail en attendant d’avoir accès au CPP, en utilisant des congés, notamment le congé pour l’annonce du handicap ou de la maladie grave d’un enfant. Les cas d’abandon de poste sont donc, en pratique, très rares.

Même dans ces rares cas, la présomption de démission en cas d’abandon de poste ne peut s’appliquer qu’à compter d’un délai minimal de quinze jours après la mise en demeure de reprendre le travail. Or cette période de quinze jours est suffisante pour réclamer et faire valoir son droit à congé de présence parentale, qui autorise le salarié à s’absenter du travail pour être auprès de son enfant malade. Dès lors qu’il utilise son congé de présence parentale, le parent n’est plus en abandon de poste.

La portée de cet amendement semble donc, dans les faits, extrêmement réduite. Par conséquent, il n’a pas semblé utile à la commission de complexifier le droit en prévoyant une dérogation en la matière. Elle a donc émis un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Jean-Christophe Combe

Je le confirme, la procédure de mise en demeure préalable a pour objet de vérifier que le salarié n’a pas un motif légitime d’absence.

Ainsi, le salarié s’étant absenté de son poste ou ayant suspendu son activité professionnelle en raison de l’état de santé d’un enfant à charge n’est pas, par définition, en abandon de poste.

L’adoption de cet amendement risquerait par ailleurs de créer des « a contrario », en laissant penser que la présomption s’applique tout le temps, sauf en cas d’absence liée à l’état de santé d’un enfant à charge, ce qui n’est pas le seul cas où la présomption ne s’applique pas.

Pour ces raisons, je suis défavorable à cet amendement.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

L’amendement n° 8, présenté par Mmes M. Vogel et Poncet Monge, MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco et MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé, Parigi et Salmon, est ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À l’article L. 3121-5 du code de travail, après le mot : « handicap », sont insérés les mots : « ou pour le salarié exerçant la responsabilité parentale d’un enfant atteint d’une maladie, d’un handicap ou victime d’un accident d’une particulière gravité ».

La parole est à Mme Mélanie Vogel.

Debut de section - PermalienPhoto de Mélanie Vogel

Cet amendement est très simple. Vous le savez, pour tenir compte du fait que le trajet pour aller au travail peut être plus long quand on a besoin d’une assistance particulière, car nos trottoirs et nos transports en commun sont encore largement inadaptés, les salariés atteints d’un handicap peuvent demander une compensation sous forme de repos, pour pallier le fait que le trajet entre le domicile et le travail peut être plus long que pour des personnes qui ne sont pas atteintes d’un handicap.

Nous proposons tout simplement d’élargir cette mesure aux salariés qui s’occupent d’un enfant atteint d’un handicap ou d’une maladie ou qui a été victime d’un accident grave. En effet, lorsque l’on accompagne quelqu’un qui est handicapé, le temps supplémentaire nécessaire pour se déplacer est identique à celui qui aurait été requis si l’on était soi-même en situation de handicap.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Pierre Richer

Dans son objet, cet amendement précise que le repos compensateur serait accordé consécutivement à l’allongement du trajet du fait de l’accompagnement de l’enfant avant d’aller au travail, par exemple pour l’emmener à un centre spécialisé, à l’hôpital ou à l’école.

Toutefois, le dispositif ne mentionne aucunement ces raisons. Dès lors, la commission a estimé que, en dépit d’intentions louables, celui-ci était trop imprécis pour être pleinement fonctionnel.

Par conséquent, elle a émis un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Jean-Christophe Combe

Madame la sénatrice, vous souhaitez étendre les dispositions qui s’appliquent pour les salariés handicapés aux parents d’enfants malades.

Si l’intention est louable, l’extension de cette disposition n’apparaît pas pertinente. En effet, cette mesure vise à prendre en compte le fait que le salarié atteint d’un handicap, avec un statut spécifique associé, puisse avoir des temps de trajet rallongés.

Si je ne nie pas que certains parents ayant des enfants atteints d’une maladie, d’un handicap ou victimes d’un accident grave puissent rencontrer des contraintes particulièrement lourdes dans l’organisation de leur vie personnelle, la modification des règles applicables aux trajets entre le domicile et le travail n’est pas adéquate.

D’autres dispositifs existent et permettent d’aider les parents d’enfants malades. Ainsi, l’article L. 3121-49 du code du travail prévoit que les aidants familiaux et les proches d’une personne handicapée bénéficient d’un aménagement du temps de travail sous forme d’horaires individualisés propres à faciliter l’accompagnement de cette personne.

Pour ces raisons, je suis défavorable à votre amendement.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

(Non modifié)

I. – L’article L. 544-3 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « L’allocation peut faire l’objet d’une avance dans l’attente de l’avis mentionné à la dernière phrase du premier alinéa de l’article L. 544-2. » ;

2° Au deuxième alinéa, le mot : « explicite » est supprimé.

II. – Le dernier alinéa de l’article L. 1225-62 du code du travail est ainsi modifié :

1° Le mot : « attestant » est remplacé par le mot : « atteste » ;

2° Les mots : « est confirmé par un accord explicite du service du contrôle médical prévu à l’article L. 315-1 du code de la sécurité sociale ou du régime spécial de sécurité sociale » sont supprimés.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

L’amendement n° 9, présenté par Mmes M. Vogel et Poncet Monge, MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco et MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé, Parigi et Salmon, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

…. – Le troisième alinéa de l’article L. 3142-19 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée : « Dans ce cas, l’allocation journalière du proche aidant mentionnée à l’article L. 168-8 du code de la sécurité sociale peut faire l’objet d’une avance. »

La parole est à Mme Mélanie Vogel.

Debut de section - PermalienPhoto de Mélanie Vogel

Cet amendement tend à permettre le versement d’une avance non seulement pour l’allocation de présence parentale, mais également pour l’allocation journalière de proche aidant.

Cette mesure vise à répondre aux délais de traitement qui peuvent malheureusement atteindre plusieurs mois. Or, quand on a besoin de ce versement, une telle attente peut poser de grands problèmes.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Pierre Richer

Cet amendement vise à permettre une avance sur le versement de l’AJPA en cas de dégradation soudaine de l’état de santé de la personne aidée ou de situation urgente.

Dans cette situation, le salarié peut demander le congé de proche aidant sans délai, mais l’AJPA ne lui sera pas nécessairement versée, même si les délais sont plus courts que pour l’AJPP.

L’article 3 vise à créer une possibilité d’avancer l’AJPP afin d’éviter les ruptures de ressources des familles en situation d’urgence.

Pour ces raisons, la commission a émis un avis favorable.

Debut de section - Permalien
Jean-Christophe Combe

Une fois n’est pas coutume, je ne partage pas l’avis de la commission.

Cet amendement vise à répliquer pour l’AJPA les dispositions adoptées à l’Assemblée nationale sur le versement d’une avance au titre de l’AJPP.

L’AJPA étant conditionnée à la prise d’un congé de proche aidant pour les salariés et agents publics, l’objet de votre amendement, à savoir permettre le versement rapide de l’AJPA, est satisfait.

Par ailleurs, la mesure qui a été adoptée à l’Assemblée nationale concernant l’AJPP l’a été puisque l’allongement de la durée de versement était dû au fait que l’avis du service médical était nécessaire pour bénéficier de celle-ci, ce qui n’est pas le cas pour l’AJPA.

Je suis donc défavorable à cet amendement puisque, par définition, le versement n’est pas retardé par la procédure, comme c’est le cas avec l’AJPP.

L ’ amendement est adopté.

L ’ article 3 est adopté.

I. – L’article 54 de la loi n° 2021-1754 du 23 décembre 2021 de financement de la sécurité sociale pour 2022 est ainsi modifié :

1° Le b du 1° du I est abrogé ;

2° Après l’année : « 2023 », la fin du VI est supprimée.

II

– La seconde phrase du premier alinéa des articles L. 168-9 et L. 544-6 du code de la sécurité sociale est supprimée. –

Adopté.

(Non modifié)

L’article 15 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 est ainsi modifié :

1° Le IV devient le V ;

2° Le IV est ainsi rétabli :

« IV. – Le bailleur ne peut s’opposer au renouvellement du contrat en donnant congé dans les conditions définies au I du présent article à l’égard de tout bénéficiaire de l’allocation mentionnée à l’article L. 544-1 du code de la sécurité sociale dont les ressources annuelles sont inférieures à un plafond de ressources en vigueur pour l’attribution des logements locatifs conventionnés fixé par arrêté du ministre chargé du logement, sans qu’un logement correspondant à ses besoins et à ses possibilités lui soit offert dans les limites géographiques prévues à l’article 13 bis de la loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948 précitée. »

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

L’amendement n° 10, présenté par Mmes M. Vogel et Poncet Monge, MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco et MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé, Parigi et Salmon, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Remplacer les mots :

de l’allocation mentionnée à l’article L. 544-1

par les mots :

des allocations mentionnées aux articles L. 168-8 ou L. 544-1

La parole est à Mme Mélanie Vogel.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

L’amendement n° 10 est retiré.

Je mets aux voix l’article 4 bis.

L ’ article 4 bis est adopté.

(Non modifié)

I. – Pour une durée de trois ans à compter de la promulgation de la présente loi, à titre expérimental, dans, au plus, dix départements, y compris ultramarins, les organismes débiteurs des prestations familiales identifient et mettent en place des dispositifs visant à améliorer l’accompagnement des familles bénéficiaires de l’allocation mentionnée à l’article L. 544-1 du code de la sécurité sociale, notamment pour les prémunir de difficultés financières et simplifier leur parcours.

II. – L’expérimentation donne lieu, avant son terme, à un rapport d’évaluation remis au Parlement par le Gouvernement.

(Supprimé) –

Adopté.

III. – §

(Suppression maintenue)

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Personne ne demande la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi visant à renforcer la protection des familles d’enfants atteints d’une maladie ou d’un handicap ou victimes d’un accident d’une particulière gravité.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

Monsieur le président, monsieur le ministre, je me félicite de l’adoption de ce texte.

Nous espérons que la commission mixte paritaire sera conclusive et qu’elle retiendra les modifications du Sénat, qui a permis d’améliorer le texte, d’où l’intérêt de ces navettes.

Je remercie Paul Christophe, toujours fidèle à son engagement pour accompagner les familles, d’avoir présenté cette proposition de loi.

Je salue également la qualité du travail de Marie-Pierre Richer. Je remercie également Brigitte Micouleau, ainsi que le ministre des solidarités.

Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et RDPI. – M. Bernard Jomier applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à seize heures vingt, est reprise à seize heures vingt-deux.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique (projet n° 593, texte de la commission n° 778, rapport n° 777).

La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Monsieur le ministre, mes chers collègues, pour la bonne organisation de nos travaux, je vous rappelle que nous suspendrons ceux-ci vers dix-neuf heures quinze pour les reprendre à vingt et une heures trente.

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre délégué.

Debut de section - Permalien
Jean-Noël Barrot

Monsieur le président, madame la présidente de la commission spéciale, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, l’insécurité que nos concitoyens rencontrent au quotidien sur internet sape leur confiance dans la transition numérique.

Tous les Français sont concernés, tous constatent les désordres qui s’accumulent dans l’espace numérique, en particulier les Français les plus vulnérables.

Nos concitoyens les plus modestes, les plus âgés, sont les victimes privilégiées des cybercriminels. Nos enfants sont exposés de manière très précoce à des contenus inappropriés. Nos entreprises, que la loi du plus fort place sous le joug et la dépendance des géants du numérique, sont également concernées. Notre démocratie est soumise aux coups de boutoir incessants des professionnels de la désinformation.

Face à ces désordres, la France agit résolument depuis cinq ans, à tous les niveaux.

Nous agissons au niveau national, grâce à des initiatives parlementaires qui nous ont permis de progresser, notamment en matière de lutte contre la désinformation ou de protection de l’enfance en ligne – je pense au cyberharcèlement.

Nous agissons aussi au niveau européen, avec deux règlements majeurs adoptés l’année dernière durant la présidence française de l’Union européenne.

Nous agissons ensuite au niveau international, avec des initiatives multipartites prises par le Président de la République, et qui ont contribué à éveiller la conscience mondiale sur ce problème de notre siècle.

Le projet de loi que vous allez examiner aujourd’hui a le même objectif, celui d’instaurer un ordre public numérique et de créer des protections nouvelles pour nos concitoyens, nos enfants, nos entreprises, nos collectivités et notre démocratie.

Ce texte s’est formé à partir de trois affluents.

Le premier de ces affluents, ce sont les deux règlements européens adoptés l’année dernière sous la présidence française de l’Union européenne, qui sont d’application directe, mais qui nécessitent que nous modifiions notre droit pour qu’ils puissent correctement s’appliquer dans notre pays.

Le premier règlement, le règlement sur les services numériques, le Digital Services Act (DSA), fait entrer les grandes plateformes des réseaux sociaux dans l’ère de la responsabilité. Il leur impose des obligations de modération. Il les contraint à analyser et à corriger le risque systémique qu’elles font peser sur la santé de leurs utilisateurs, mais aussi sur la sécurité publique. Les événements récents ont confirmé à quel point il était nécessaire et urgent qu’un tel règlement puisse intervenir. Enfin, ce règlement impose des interdictions nouvelles, par exemple la publicité ciblée sur les mineurs.

Le deuxième règlement, le règlement sur les marchés numériques, le Digital Markets Act (DMA), a pour objet de rétablir l’équité commerciale et de mettre fin à un certain nombre d’abus de position dominante dans l’économie numérique. Il définit vingt-six pratiques anticoncurrentielles, qui seront désormais interdites dans l’Union européenne : autopréférence, utilisation par un service d’une entreprise de données personnelles collectées sur un autre de ses services, interopérabilité entre les messageries, etc.

Le deuxième affluent, ce sont vos travaux parlementaires, mesdames, messieurs les sénateurs, notamment ceux qui ont porté sur l’exposition de mineurs aux contenus pornographiques. Je pense au rapport d’information de Laurence Rossignol, de Laurence Cohen, d’Annick Billon et d’Alexandra Borchio Fontimp. Je pense également au rapport d’information qui a été rendu par Amel Gacquerre, Franck Montaugé et Sophie Primas sur la souveraineté numérique. Je pense, enfin, aux récents travaux de Catherine Morin-Desailly, de Florence Blatrix Contat et d’André Gattolin sur la proposition de règlement sur les données.

Nous n’avons fait que reprendre ni plus ni moins, mesdames, messieurs les sénateurs, certaines des propositions figurant dans ces rapports et qu’il me paraissait important de mettre en œuvre le plus vite possible.

Le troisième affluent, ce sont les consultations citoyennes qui ont été menées sous l’égide du Conseil national de la refondation, et qui ont inspiré certaines des mesures de ce projet de loi, notamment en ce qui concerne la lutte contre le cyberharcèlement.

En définitive, ce projet de loi vise à instaurer des protections nouvelles que je décrirai brièvement, en soulignant les apports décisifs des travaux de la commission spéciale, qui s’est réunie la semaine dernière pour examiner le texte.

Au chapitre de la protection de nos concitoyens, on recense trois mesures fortes.

La première mesure vise à donner une base légale au filtre anti-arnaque, qui servira de rempart contre les campagnes de SMS et de mails frauduleux. Nous avons tous déjà reçu un SMS ou un mail du compte personnel de formation ou de la sécurité sociale, nous invitant à suivre un lien malveillant, et nous avons tous hésité à cliquer. C’est ainsi que 18 millions de Français ont été victimes de la cybercriminalité l’année dernière, dont la moitié a perdu de l’argent.

Évidemment, ce sont nos concitoyens les plus fragiles, les plus éloignés du numérique, qui sont les plus susceptibles de se faire ainsi entraîner dans la spirale infernale de l’usurpation d’identité dont ils mettent parfois plus d’une décennie à sortir. Il faut donc, grâce à ce filtre anti-arnaque, couper le mal à la racine et dévitaliser le commerce de ces pirates, qui font de nos tablettes et de nos smartphones l’instrument de leur racket.

La deuxième mesure est une peine complémentaire de bannissement des réseaux sociaux pour une période de six mois, portée à un an en cas de récidive, pour les personnes reconnues coupables de cyberharcèlement ainsi que d’autres faits de violences en ligne. Le cyberharcèlement se propage comme une traînée de poudre sur les réseaux sociaux. Les responsables sont une minorité d’internautes se comportant parfois comme des chefs de meute, qui désignent les victimes à la vindicte de leur communauté et qui déclenchent sur celles-ci des raids de violence et de haine.

Grâce à cette disposition, qui est inspirée de la peine complémentaire d’interdiction de stade, nous voulons une fois de plus couper le mal à la racine en privant ces chefs de meute de leur caisse de résonance, en confisquant leur notoriété et en rendant impossible la récidive.

À cet égard, je salue les travaux du rapporteur Loïc Hervé, qui a permis d’étendre cette peine complémentaire dans un certain nombre de dimensions afin que le juge qui décidera de s’en saisir puisse dûment traiter cette question de la récidive sur les réseaux sociaux.

La troisième mesure de protection de nos concitoyens est l’encadrement des nouveaux types de jeux en ligne. Nous définirons un régime pionnier et protecteur des utilisateurs pour encadrer les jeux numériques fondés sur les technologies du Web 3.0. Il s’agit là de créer les conditions pour que ces activités puissent se développer en France, tout en assurant le plus haut niveau de protection aux mineurs et en garantissant la lutte effective contre le blanchiment et le terrorisme.

Je remercie le rapporteur Patrick Chaize d’avoir su préciser la définition de l’expérimentation, pendant une durée de trois ans, au cours de laquelle ces activités vont pouvoir se déployer, entourées d’un certain nombre de garanties. Il faut bien le confesser, la copie initiale du Gouvernement consistait en une simple habilitation à légiférer par ordonnance. Je salue donc les efforts du Sénat en ce sens.

Au chapitre de la protection des mineurs, notons deux mesures fortes.

La première mesure consiste à donner à l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) le pouvoir d’ordonner le blocage, le déréférencement et des amendes dissuasives à l’encontre des sites pornographiques qui ne vérifieront pas l’âge des utilisateurs.

Grâce à la loi du 30 juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales, l’obligation est faite aux sites pornographiques de vérifier l’âge de leurs utilisateurs. Cette obligation n’est toujours pas respectée à l’heure actuelle. Une procédure est en cours devant le tribunal judiciaire de Paris, qui rendra son verdict vendredi prochain.

Constatant les délais de cette procédure, le rapport de Mmes Billon, Borchio Fontimp, Cohen et Rossignol a ouvert un certain nombre de pistes supplémentaires, dont cette faculté donnée à l’Arcom d’ordonner en quelques semaines le blocage des sites pornographiques pour les affaires à venir. Bientôt, cette disposition nous permettra d’agir plus vite et plus fort.

La deuxième mesure de protection des enfants est la création d’une peine d’un an d’emprisonnement et de 250 000 euros d’amende pour les hébergeurs qui ne retireront pas les contenus pédopornographiques qui leur sont signalés par la police et la gendarmerie en moins de vingt-quatre heures, sur le modèle de la sanction qui s’applique au non-retrait des contenus terroristes.

L’année dernière, 74 000 demandes de retrait de tels contenus ont été adressées aux hébergeurs. Il fallait donc assortir cette obligation de retrait d’une sanction, ainsi que le prévoit fort opportunément ce texte.

Au chapitre de la protection de nos entreprises et de nos collectivités, on retrouve deux mesures.

Pour nos entreprises, il s’agit d’encadrer les avoirs commerciaux, de prévoir des règles d’interopérabilité et d’interdire les frais de transfert sur le marché de l’infonuagique, c’est-à-dire du cloud. Ce marché est en effet extrêmement concentré entre les mains d’une poignée d’acteurs, qui tiennent nos entreprises dans une situation de dépendance et d’assujettissement. Là aussi, il faut en finir avec la loi du plus fort.

Le Sénat a formulé des propositions dans un certain nombre de rapports. Nous y avons été très sensibles avec Bruno Le Maire, car la souveraineté en matière de numérique et de cloud est pour nous une priorité. Vous trouverez donc dans ce projet de loi, affinées par les travaux de la commission spéciale, des mesures qui nous permettront de rendre leur liberté aux entreprises de notre pays et de leur donner un peu d’air.

Pour les collectivités, il s’agit de créer une base de données unique afin qu’elles puissent mieux réguler l’activité des meublés de tourisme. Une expérimentation a eu lieu ces dernières années, associant cinq collectivités et cinq plateformes de location : nous proposons de la pérenniser. Il est nécessaire que les collectivités, pour vérifier la bonne application du droit, en particulier la limite de cent vingt nuitées par an, puissent se tourner vers un interlocuteur unique de manière à s’assurer que toutes les règles sont bien respectées sur leur territoire.

Enfin, je tiens à souligner une mesure de protection de notre démocratie, avec le pouvoir donné à l’Arcom de mettre en demeure et d’ordonner le blocage des sites qui diffuseront des médias frappés par les sanctions internationales comme celles que l’Union européenne a prises à l’encontre de RT France et de Sputnik.

La désinformation sur internet est l’une des menaces les plus lourdes qui pèsent sur nos démocraties. Nos ennemis dévoient la liberté d’expression pour instiller le mensonge dans le débat public. Cette mesure complétera notre arsenal pour nous permettre de lutter contre la désinformation.

Ce projet de loi, je l’ai souligné devant la commission spéciale, a vocation à être enrichi et renforcé par le Parlement, singulièrement par le Sénat.

Je serai, pour ma part, attentif à ce que nous veillions collectivement à ne pas franchir deux lignes rouges.

La première de ces lignes rouges est de veiller à ce que les compromis que la France a portés au niveau européen, et qui ont donné lieu aux règlements sur les services numériques et sur les marchés numériques, soient respectés. Il s’agit bien évidemment de compromis : la France n’a pas pu obtenir tout ce qu’elle aurait voulu, mais le fait qu’il s’agisse de compromis européens leur donne toute leur force. C’est en faisant levier grâce au marché unique européen que nous avons ainsi pu obtenir un certain nombre de concessions, et que les sanctions associées au non-respect de ces règlements seront d’une sévérité suffisamment dissuasive pour que les géants du numérique modifient une bonne fois pour toutes leur comportement.

La deuxième ligne rouge est de ne pas enfreindre – car cela pourrait constituer une tentation pour mettre fin à tous les désordres que nous constatons au quotidien dans l’espace numérique – certaines des libertés fondamentales sur lesquelles repose notre fonctionnement démocratique : la liberté d’expression, la liberté d’information et la liberté de communication.

Il nous faudra faire preuve de discernement durant nos débats afin que vos propositions et les nôtres se tiennent bien entre ces deux lignes rouges : le respect des compromis obtenus par la France au niveau européen et le respect des libertés fondamentales sur lesquelles repose notre démocratie.

Je compte évidemment sur le Sénat pour enrichir et renforcer ce texte, qui suivra ensuite son chemin vers l’Assemblée nationale. Je vous remercie par avance de la qualité de nos échanges.

Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et UC, ainsi qu ’ au banc des commissions. – M. Bruno Belin applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Monsieur le ministre, je salue la présence à vos côtés de Mme Charlotte Caubel, secrétaire d’État auprès de la Première ministre, chargée de l’enfance.

La parole est à M. le rapporteur.

Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Loïc Hervé

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je voudrais commencer par un constat qui, je le crois, est partagé sur toutes les travées de cette assemblée et, au-delà, par tous les Français : il n’est plus possible d’imaginer une vie sans internet.

Le numérique n’est pas un simple outil technique : il a changé, sans retour possible, nos manières de communiquer, de consommer, d’agir, et même, dans une certaine mesure, de penser et de concevoir le monde.

Si internet est un formidable vecteur de créativité, d’échanges et de transparence, il comporte, comme le monde réel, sa part de violence et de laideur. L’actualité se fait l’écho, hélas ! de l’avancée de la cybercriminalité, du cyberharcèlement, des cyberarnaques, bref, de l’irruption de comportements qui, illicites dans notre vie de tous les jours, trouvent dans l’espace numérique un nouveau champ d’action.

Tel est l’enjeu de ce texte, du moins pour les articles dont j’ai la charge en tant que rapporteur : faire du continent internet un lieu plus sûr pour mieux protéger ses utilisateurs, en priorité les plus vulnérables.

Sécuriser l’espace numérique, ce n’est ni plus ni moins qu’y garantir le respect des règles qui s’appliquent au quotidien.

La liberté ne peut plus servir de prétexte à celles et à ceux qui vont sur internet pour harceler ou humilier, ou pour répandre un discours de haine et d’infamie. Elle ne peut pas, non plus, servir d’excuse pour accepter que les plus jeunes soient exposés à des contenus choquants ou violents qui les empêchent de se construire sereinement.

Le règlement sur les services numériques permettra, en la matière, de grandes avancées. Le Gouvernement a voulu aller plus loin en y intégrant des mesures complémentaires, par exemple sur la lutte contre les contenus illicites ou sur l’interdiction d’accès des mineurs aux sites pornographiques.

Monsieur le ministre, soyez assuré que le Sénat soutient votre choix, à tel point que nous avons souhaité, nous aussi, apporter notre pierre à l’édifice.

Nous l’avons fait en commission spéciale puisque nous avons enrichi et remanié votre texte, en bonne intelligence avec les acteurs du numérique et avec les services publics concernés, que nous avons reçus en dépit du trop bref délai qui nous était imparti.

Nous avons pleinement souscrit au changement de méthode que vous suggérez pour réguler les sites pornographiques, défendu dans les articles 1er et 2, à travers l’établissement, par l’Arcom, d’un référentiel obligatoire pour les systèmes de vérification d’âge.

Nous avons également approuvé l’octroi, toujours à l’Arcom, d’un pouvoir de mise en demeure et de sanction afin que cette vérification d’âge soit effective ou, à défaut, que les sites récalcitrants soient bloqués.

Ces mesures, directement inspirées du rapport d’information de la délégation aux droits des femmes du Sénat sur les pratiques de l’industrie pornographique, devraient permettre de « massifier » notre réponse face à la prolifération de contenus pornographiques en accès libre sur internet, et ainsi de protéger davantage les mineurs, qu’il s’agisse des enfants ou des jeunes adolescents.

Pour renforcer la solidité du dispositif, nous avons cependant fusionné les deux procédures de mise en demeure et de sanction prévues à l’encontre de l’éditeur, notamment parce qu’elles empiétaient sur une éventuelle procédure pénale.

Le système que nous avons imaginé est plus simple : il y aurait une mise en demeure de l’éditeur de se conformer au référentiel avec une sanction pécuniaire plus ou moins importante à la clé selon que l’éditeur n’a mis en place aucun contrôle d’âge ou qu’il a mis en place un dispositif non conforme au référentiel.

Après cette mise en demeure à l’éditeur, et si l’Arcom constate que le site est accessible aux mineurs, alors elle pourrait demander des mesures de blocage et de déréférencement directement aux fournisseurs d’accès à internet et aux moteurs de recherche.

Nous nous sommes aussi intéressés au volet pénal de votre texte. Vous proposez de créer une nouvelle peine complémentaire de « bannissement ». Nous en avons étendu le champ, notamment pour que le juge puisse priver ceux qui prétendent intimider les élus en ligne du droit d’accéder aux plateformes numériques. Ce faisant, nous sommes dans notre rôle de défenseurs des collectivités territoriales et de la démocratie locale.

Néanmoins, la mission du Sénat ne se limite pas qu’à cela, et je vous proposerai aujourd’hui d’aller plus loin en créant, pour celles et ceux qui tiennent en ligne des propos offensants ou injurieux, un délit d’outrage en ligne passible d’une sanction immédiate prenant la forme d’une amende forfaitaire délictuelle.

J’émets le souhait, monsieur le ministre, que nous puissions avancer sur le recours aux plaintes en ligne pour ce nouveau délit : il faut que les victimes puissent facilement faire appel aux forces de l’ordre pour qu’il soit mis fin au harcèlement, aux menaces et aux insultes.

Nous enverrons ainsi un message clair à celles et à ceux qui pensent, à tort, que l’écran de leur ordinateur les protège de la loi : tout ce qui est interdit dans le monde réel l’est aussi en ligne, et ceux qui ne l’ont pas encore compris doivent en subir les conséquences.

Nous aurons également, à la faveur de ce texte, un débat important sur les émeutes qui ont marqué notre pays depuis la mort du jeune Nahel. Dans un climat propice aux violences les plus abjectes, des élus locaux ont été lâchement insultés, intimidés ou attaqués. Pendant les jours et les nuits que nous venons de traverser, les réseaux sociaux ont joué un rôle indéniable dans la propagation des pillages et des violences.

Je ne doute pas que nous aurons l’occasion d’en débattre durant l’examen de ce texte, sans tabou, mais sans s’éloigner non plus des principes qui fondent l’État de droit dans notre pays.

Applaudissements sur les travées des groupes UC et RDPI, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Annick Billon applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Chaize

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons aujourd’hui, sous couvert d’un vernis médiatique et de l’ajout de quelques mesures spécifiques à la France, est en réalité un projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne (Ddadue) qui ne dit pas son nom !

Ne l’oublions pas, nous devons aussi reconnaître que ce texte est très attendu, à la fois par les citoyens, par les entreprises, mais aussi par les parlementaires que nous sommes.

Nous regrettons le manque de concertation préalable de la part du Gouvernement avec les principaux acteurs économiques concernés, ainsi que le manque de prise en compte des avis des autorités administratives indépendantes sur ce texte, mais la navette parlementaire est encore longue, ce qui devrait nous permettre de procéder aux ajustements nécessaires.

Ce projet de loi est une étape supplémentaire pour nous assurer de la bonne application de plusieurs règlements européens sur le numérique, sur les marchés numériques, sur la gouvernance des données et sur l’accès aux données. Autant de textes ambitieux, difficiles à négocier, que nous devrons très prochainement respecter afin de vivre dans un environnement numérique plus juste, plus équitable et plus sûr.

La protection est au cœur des préoccupations de ce texte. Les actes de cybermalveillance font désormais partie de notre quotidien : c’est une réalité à laquelle nous nous sommes tristement habitués, alors que nous ne devrions pas !

Le piratage de nos comptes, la réception de messages d’arnaque par SMS ou par mail, l’usage détourné de nos coordonnées bancaires et de nos moyens de paiement ou même, dans le pire des cas, l’usurpation de notre identité en ligne sont désormais monnaie courante.

C’est pourquoi nous avons renforcé le dispositif national de filtrage des sites frauduleux, prévu à l’article 6, afin de le rendre plus opérationnel, plus protecteur, et de responsabiliser l’ensemble des intermédiaires techniques concernés par les mesures de blocage. Nous devons apaiser la vie en ligne de nos concitoyens.

Apaisement et protection : voilà ce que nous devons viser aujourd’hui ; voilà ce que je souhaite proposer, en tant que parlementaire, dans le cadre de l’examen d’un projet de loi qui vise à mieux nous protéger dans l’espace numérique.

L’actualité de ces derniers jours nous a beaucoup marqués. Les réseaux sociaux jouent un rôle d’amplification et de massification des appels à la violence à l’encontre des élus, des forces de l’ordre, des personnes dépositaires de l’autorité publique, des bâtiments et des installations publics.

Nous ne pouvons pas rester indifférents et nous devons apporter une réponse ferme face la passivité des réseaux sociaux.

La succession de réunions bien-pensantes ne suffit pas : il faut agir, ou du moins essayer de le faire, mettre des propositions sur la table, en discuter et avoir un débat à ce sujet.

C’est tout l’objet de ma démarche et c’est pourquoi j’ai souhaité déposer, à titre individuel, un amendement visant à mieux responsabiliser les réseaux sociaux dans la modération des contenus faisant appel à la violence. Nous en débattrons.

Ce projet de loi s’intéresse aussi à la vie en ligne des entreprises dans l’économie numérique et aux problématiques concurrentielles. Nous devons nous y attaquer de front, afin de faciliter le développement de solutions technologiques françaises, européennes et souveraines.

Sur le marché de l’informatique en nuage, l’entrée est gratuite et facile, grâce à l’octroi de « crédits cloud ». En commission spéciale, nous avons plafonné l’octroi de ces crédits à un an, une mesure qui, selon l’Autorité de la concurrence, va dans le bon sens, même si nous pouvons encore préciser les dispositions des articles 7 à 10 de ce texte, lesquels anticipent l’entrée en vigueur du règlement européen sur les données.

Si l’entrée sur le marché est facile, la sortie l’est beaucoup moins, les acteurs dominants ayant mis en place de véritables péages qui prennent la forme de facturation abusive de frais sortants de données. En commission spéciale, nous avons autorisé de façon transitoire ces frais, sous réserve qu’ils soient facturés à des coûts réels, sous le contrôle de l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep) : les acteurs dominants du marché doivent savoir que l’État les regarde de près.

Si l’espace numérique doit être mieux sécurisé et mieux régulé, nous ne devons pas non plus empêcher les innovations permises par l’économie numérique. Au contraire, nous devons anticiper ces innovations, afin d’identifier au plus vite les risques qu’elles peuvent représenter, pour n’en tirer que le meilleur et assurer des retombées économiques favorables à notre pays.

C’est pour cela que j’ai souhaité réécrire intégralement l’article 15 relatif aux jeux à objets numériques monétisables (Jonum), le recours à une habilitation à légiférer par ordonnance nous étant apparu inacceptable. Nous avons donc proposé une première définition juridique des Jonum et nous les avons autorisés à titre expérimental pendant trois ans, sous le contrôle de l’Autorité nationale des jeux, le temps d’élaborer un cadre réglementaire approprié et protecteur.

Les évolutions technologiques étant rapides, difficilement prévisibles, nous avons également renforcé les pouvoirs du pôle d’expertise de la régulation numérique (PEReN), afin de nous aider à mieux comprendre les logiques de fonctionnement des plateformes numériques et des moteurs de recherche. C’est indispensable ! D’ailleurs, la France demeure avant-gardiste sur ce point : nous devons continuer dans cette voie et être plus exigeants vis-à-vis des grands acteurs du numérique.

Voilà donc, mes chers collègues, les grandes lignes de ma feuille de route pour ce projet de loi.

Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC et sur des travées du groupe RDPI.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

M. le président. La parole est à Mme Florence Blatrix Contat.

Applaudissements sur les travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Florence Blatrix Contat

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la révolution numérique transforme profondément nos sociétés : 40 % des vingt plus grandes entreprises du monde s’appuient sur un modèle économique basé sur ce que l’on appelle le « capitalisme de plateforme » ; nos modes de communication se digitalisent ; nos démocraties sont impactées par les fake news.

Il était devenu urgent de réguler ces entreprises, dont le modèle économique repose sur une accumulation de données, massivement exploitées par des algorithmes aussi puissants qu’opaques.

Nous ne pouvons donc que saluer l’engagement de l’Union européenne dans la régulation de cette jungle numérique.

Le règlement sur les services numériques encadre la fourniture de services d’intermédiation en ligne dans le marché intérieur pour responsabiliser les grandes plateformes numériques. Il permet, en particulier, de lutter contre les contenus illicites et d’interdire la publicité ciblée visant les mineurs.

Le règlement sur les marchés numériques, quant à lui, vise à lutter contre les pratiques anticoncurrentielles dans l’économie des plateformes en ligne, qui enferment les utilisateurs dans leurs applications et empêchent le développement de nouveaux concurrents.

Avec la présidente de la commission spéciale, Catherine Morin-Desailly, nous avions, en tant que rapporteures de deux propositions de résolution européenne sur ces textes, porté l’ambition du Sénat en la matière.

Nous pouvons nous réjouir que certaines de nos propositions aient été retenues dans les textes finals : je pense notamment à la meilleure prise en compte des écosystèmes des plateformes, de leur chiffre d’affaires mondial, de leur importance en matière d’audience, ainsi que des services secondaires qui ont été ajoutés.

Debut de section - PermalienPhoto de Florence Blatrix Contat

Il faut souligner également l’inclusion, comme nous l’avions recommandé, des très grands moteurs de recherche dans le périmètre des obligations ou l’interdiction de la publicité ciblée sur les mineurs dans les réseaux sociaux numériques (RSN).

Le projet de loi que nous examinons aujourd’hui est un texte d’adaptation de ces règlements européens sur les services numériques et sur les marchés numériques ; il anticipe également le règlement sur les données.

Sur la forme, je ne reviendrai pas sur les délais très courts pour examiner un texte peu abouti, peu concerté, comme nous avons pu le constater lors de nos auditions.

Je tiens donc à saluer le travail de nos rapporteurs, qui ont largement contribué à préciser et à améliorer le texte.

Au-delà de cette adaptation de notre droit au paquet numérique, ce texte a également pour ambition de sécuriser les échanges en ligne. Ma collègue Laurence Rossignol y reviendra.

Sur le volet économique, le projet de loi a pour objet de remédier aux dysfonctionnements du marché de l’informatique en nuage. Les enjeux sont énormes : souveraineté, protection des données, compétitivité, transformation numérique de notre économie. Le marché européen de l’informatique en nuage pourrait passer de 53 milliards d’euros en 2020 à 560 milliards d’euros en 2030, soit une croissance de plus de 25 % par an. Or cette croissance est captée à 80 % par trois acteurs américains qui ont totalement verrouillé le marché.

En conséquence, le cloud européen est relégué à des segments de niche, avec une part tombée de 27 % en 2017 à 13 % en 2022.

Face à ce rouleau compresseur, les mesures du projet de loi nous paraissent insuffisantes.

Aussi, nous proposons d’aller plus loin pour rendre plus efficace l’encadrement des « crédits cloud » et d’agir plus fortement sur des pratiques déloyales bien identifiées de vente liée ou manifestement discriminatoires, autant de freins à l’interopérabilité et à la circulation des données.

La commission spéciale a souhaité que les fournisseurs d’informatique en nuage fassent preuve de davantage de transparence quant à l’utilisation des données de leurs utilisateurs, notamment face au risque lié à l’extraterritorialité, qui permet à certains États de s’imposer au-delà de leurs frontières et d’accéder à des données sensibles de notre économie.

En ce domaine, la mesure concernant la transparence relative au risque d’extraterritorialité que nous avons adoptée en commission spéciale a un objectif : permettre aux utilisateurs de cloud de savoir où sont leurs données, qui peut y accéder et ce qui en est fait. Cette disposition, que vous voulez supprimer, monsieur le ministre, n’a d’autre but que d’informer et protéger les entreprises.

Une plus grande transparence devrait contribuer à rétablir la confiance.

Je souhaite enfin attirer l’attention sur les conditions de réussite des nouvelles régulations européennes. Les années à venir seront déterminantes. Au-delà des moyens importants à donner aux régulateurs et autorités compétentes, nous devrons faire la preuve de notre capacité à mobiliser l’ensemble des acteurs et des parties prenantes de l’écosystème numérique.

Notre pays doit reprendre la main sur son destin numérique, et la régulation n’y suffira pas. Il faudra une véritable impulsion pour inscrire l’effort de souveraineté numérique dans la durée, comme de nombreux rapports sénatoriaux l’ont préconisé.

Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme la présidente de la commission spéciale applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Ouzoulias

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, comme tous les ans depuis bientôt une dizaine d’années nous est soumis un texte de loi portant diverses dispositions pour réguler l’espace numérique et l’activité des plateformes. La dernière grande loi qui a tenté d’appréhender ces sujets de façon globale est la loi pour la confiance dans l’économie numérique du 21 juin 2004. Par la suite, les gouvernements successifs lui ont apporté des correctifs – des rustines, diront certains –, pour adapter le droit français à la réglementation européenne ou satisfaire des demandes politiques circonstancielles.

Dans la dernière période ont ainsi été promulguées la loi du 16 août 2022 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière de prévention de la diffusion de contenus à caractère terroriste en ligne et la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République, dont les articles 36 à 46 concernent la lutte contre les discours de haine et les contenus illicites en ligne. Ils faisaient suite à la censure quasiment totale de la loi du 24 juin 2020 visant à lutter contre les contenus haineux sur internet.

Notre droit en matière numérique est ainsi composé de couches successives, accumulées sans grande cohérence d’ensemble. Cette stratification pourrait ravir l’archéologue que je suis, mais force est de reconnaître qu’elle rend notre législation de moins en moins intelligible et efficiente.

Nous tentons de pallier les défaillances de ces textes sans jamais apprécier la capacité des pouvoirs publics à les faire appliquer. Ce foisonnement législatif amphigourique masque surtout le renoncement de l’État à définir une stratégie numérique nationale qui embrasse à la fois la défense des libertés individuelles, la gestion numérique des services publics, la régulation des relations entre les usagers et les plateformes et la capacité d’indépendance de nos infrastructures industrielles.

En matière juridique, peut-être serait-il utile, monsieur le ministre, de mettre en chantier un code du numérique pour tenter de redonner un peu de cohérence à cet ensemble de plus en plus hétéroclite. Dans l’immédiat, avec ce texte, nous sommes réduits, encore une fois, à un travail d’adaptation de deux règlements européens sur les services numériques et sur les marchés numériques.

Ce cadre est d’autant plus contraignant que la loi confortant le respect des principes de la République avait repris, par une forme d’anticipation, l’essentiel de la réglementation européenne. Nous discutons donc d’une mise en conformité du droit français avec le droit européen qui a déjà été réalisée pour l’essentiel.

Il est indéniable que ces deux règlements, s’ajoutant à celui sur la protection des données, donnent aux citoyens de l’Union européenne des garanties fondamentales. D’aucuns considèrent qu’ils sont autant de freins à l’innovation et qu’ils vont accroître les distorsions de concurrence entre les entreprises européennes et celles qui peuvent continuer de développer sans entrave leur captation de données. Je suis, au contraire, confiant dans le discernement des utilisateurs, qui préféreront des systèmes qui leur donnent la maîtrise de leurs données personnelles.

Néanmoins, s’agissant du règlement relatif à un marché unique des services numériques, je regrette vivement que son article 8 consacre le principe de responsabilité limitée des hébergeurs. Je vous donne lecture de cet article : « Les fournisseurs de services intermédiaires ne sont soumis à aucune obligation générale de surveiller les informations qu’ils transmettent ou stockent ou de rechercher activement des faits ou des circonstances révélant des activités illégales. »

Par leur proposition de résolution européenne, devenue résolution européenne du Sénat le 14 janvier 2022, nos collègues Florence Blatrix Contat et Catherine Morin-Desailly avaient vivement déploré l’absence de remise en cause de ce principe de responsabilité limitée des hébergeurs. Elles avaient appelé de leurs vœux la mise en œuvre d’un « régime européen de responsabilité renforcée spécifique pour les fournisseurs de service intermédiaire utilisant des algorithmes d’ordonnancement des contenus ».

Sans préjuger l’efficacité des dispositions que nous allons voter, je tire de l’expérience de la mise en œuvre des précédentes législations le sentiment qu’il est impossible de réguler l’activité des hébergeurs sans leur imposer ce régime de responsabilité renforcée.

Aussi, monsieur le ministre, je crois qu’il serait de bonne politique que vous engagiez, avec la représentation nationale, dans le cadre du suivi de l’application de cette loi, une réflexion de fond sur la responsabilité des hébergeurs.

Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées des groupes SER, UC et Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.

Applaudissements sur les travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, j’interviens aujourd’hui au nom de mon groupe politique, mais également en ma qualité de présidente de la commission spéciale chargée d’examiner ce projet de loi.

Je voudrais tout d’abord remercier très sincèrement mes deux collègues rapporteurs, Patrick Chaize et Loïc Hervé, qui, sur un projet de loi extrêmement complexe, protéiforme, et examiné dans des délais très resserrés, ont fait montre d’un investissement exceptionnel. Le texte de la commission en porte la marque, avec 66 amendements adoptés sur leur initiative, qui ont, je le crois, profondément amélioré le projet de loi.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, comme vous le savez, je travaille moi-même sur les sujets liés au numérique depuis longtemps, dans le cadre de mes anciennes fonctions de présidente de la commission de la culture ou de membre de la commission des affaires européennes.

Il y a dix ans, au nom de cette dernière, j’alertais sur le risque de voir l’Europe devenir une « colonie du monde numérique », prédisant les risques et les dépendances dangereuses dans lesquelles nous allions nous retrouver à défaut d’une stratégie globale incluant une régulation offensive. J’espère ne pas être victime de la malédiction de Cassandre, condamnée par Apollon à voir ses oracles ignorés…

Si nous sommes enfin réunis aujourd’hui pour étudier un texte visant à sécuriser et réguler l’espace numérique, gageons que nous saurons enfin rattraper notre retard.

Je tiens à le dire clairement : les travaux conduits ces dernières années au Sénat par de nombreux collègues, dans toutes les commissions, n’ont jamais remis en cause les potentialités de l’internet. Accès à l’information et à la connaissance, réactivité et fluidité des échanges : si l’internet n’a rien inventé, il a offert, il faut le dire, de nouvelles facilités.

En même temps, nous constatons chaque jour de nouvelles et graves dérives, des risques et des menaces – y compris étrangères - croissants pour nos modèles économiques, sociaux, culturels, politiques et démocratiques. Il suffit de voir les terribles événements des derniers jours, qui ont de nouveau démontré que les réseaux sociaux sont bien trop souvent asociaux, faisant monter en visibilité, par le jeu des algorithmes opaques, les images les plus incitatives à la violence et les propos les plus contestables.

Dans un autre registre, les travaux de la commission de la culture sur la désinformation et le cyberharcèlement ou les travaux de notre délégation aux droits des femmes sur l’industrie pornographique ont sinistrement éclairé notre assemblée sur les conséquences dramatiques d’une absence totale de régulation de l’internet pour nos jeunes, exposés à de nombreuses menaces, à des contenus dégradants, inadaptés. Ils peuvent même être victimes de certaines pratiques.

Nous mesurons aussi chaque jour la mainmise d’un nombre restreint de grands acteurs extra-européens, aux comportements prédateurs et aux profits insensés, que l’on a laissés au fil du temps se déployer sur toute la chaîne de valeur, et verrouiller techniquement, juridiquement et financièrement ce marché si prometteur du numérique.

Trop longtemps, l’Europe n’a appréhendé le « réseau des réseaux » qu’à travers le prisme de ses usages, au soi-disant bénéfice du consommateur, ne se posant pas la question de savoir si nous serions acteurs ou non de ce nouveau monde.

Trop longtemps, on a cru, avec beaucoup de naïveté, qu’il suffisait de nous caler sur la législation américaine, notamment avec la directive e-commerce de 2000, pour voir notre économie prendre le virage du numérique et nos entreprises lutter à armes égales dans la cour des grands. Cruelle erreur !

Bien qu’alertés par un Edward Snowden ou une Frances Haugen, ou encore par l’affaire Cambridge Analytica, c’est la crise sanitaire puis la guerre en Ukraine qui auront provoqué notre sursaut en faveur d’une politique de reconquête de notre souveraineté numérique. Après le règlement général sur la protection des données (RGPD), voilà donc enfin les prémices d’une véritable régulation.

Les règlements européens sur les marchés et services numériques, ainsi que sur les données, dont le texte que nous examinons permet l’adaptation dans notre droit, sont donc, monsieur le ministre, une étape importante. Une étape, parce que je suis convaincue, comme nous l’avons dit depuis longtemps dans nos rapports de la commission des affaires européennes – j’en profite pour saluer son président actuel, Jean-François Rapin –, comme le dit aujourd’hui le rapport de la commission d’enquête TikTok, qu’il faudra aller plus loin demain en conférant aux plateformes un véritable statut et une vraie responsabilité, comme l’a rappelé Pierre Ouzoulias.

Il faut en tout cas remercier Thierry Breton, qui a su pousser ces projets de règlement pour parvenir à des accords. Soyons fiers aussi qu’ils aient été adoptés sous la présidence française de l’Union européenne, et que la position du Sénat, exprimée à travers plusieurs résolutions européennes, ait été en partie entendue.

Ce texte est ambitieux ; il faut le mettre à votre crédit, monsieur le ministre. Je pense en particulier à l’adoption par anticipation des mesures contenues dans le Data A ct, encore en discussion au niveau européen, qui visent à rééquilibrer le marché européen de l’informatique en nuage, un secteur fortement concentré autour de trois acteurs américains qui captent 70 % des parts de ce marché en France, comme dans le monde, et qui pourrait atteindre plus de 1 200 milliards d’euros d’ici à 2025.

Maintenant, nous avons besoin, au plus haut niveau de l’État et de nos administrations, d’une doctrine de responsabilité numérique. Il est temps de vraiment travailler ensemble à notre autonomie technologique, en matière non seulement de renseignement et de cyber, mais également de traitement des données dites « sensibles » ou relevant d’infrastructures critiques, comme la santé, l’énergie, les transports. Nous devons faire du recours à des technologies extra-européennes une exception à motiver spécifiquement.

La tendance à recourir à celles-ci, qui nous place sous la coupe de législations étrangères, comme pour la plateforme des données de santé, n’est plus acceptable. Il en est de même de l’autodénigrement permanent de nos propres entreprises, savamment cultivé par de puissants lobbies extra-européens intégrés l’air de rien dans les milieux académiques, politiques et dans notre haute administration. Il faut que cela change.

Monsieur le ministre, les impératifs de sécurité nationale peuvent tout à fait justifier des exemptions aux règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et au droit des marchés publics européens, surtout quand les marchés étrangers eux-mêmes sont fermés à nos propres entreprises.

Il est donc temps de considérer, via un Small Business Act et un Buy European Act, la commande publique comme un levier pour dynamiser la compétitivité de l’informatique en nuage.

À cet égard, l’autorité publique a un devoir d’exemplarité dans la promotion de cahiers des charges fondés sur nos valeurs européennes. Elle doit s’astreindre à une exigence en matière de souveraineté, de création d’emplois locaux, de conformité aux obligations fiscales, et offrir des garanties d’interopérabilité, de portabilité et de réversibilité des données.

Vous l’avez compris, mes chers collègues, le numérique doit être traité comme un sujet régalien, de souveraineté, et prendre toute sa place dans notre réarmement industriel et technologique.

Il est vraiment plus que temps de reprendre en main notre destin numérique, pour paraphraser le titre d’un de mes rapports de 2018 sur l’urgence de la formation, autre sujet vital. En effet, monsieur le ministre, nous avons besoin d’une montée en compétences numériques de tous.

Aujourd’hui, l’intelligence artificielle est devenue le plus important des enjeux. Comme avec l’internet voilà vingt ans, elle offre autant d’opportunités qu’elle présente de risques. J’espère qu’en 2043 nous n’examinerons pas un texte visant à sécuriser et réguler l’intelligence artificielle, car il y aura alors des chances qu’il ait été rédigé par des cerveaux de silicium produits à l’étranger…

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

C’est forts de ces réflexions, agrémentées d’un peu d’humour pour conclure, que les rapporteurs, les membres de la commission spéciale et moi-même avons à cœur d’améliorer ce texte, d’animer le débat qui s’ouvre, et ce dans la recherche d’un juste équilibre, que vous avez appelé de vos vœux, entre rigueur d’une régulation exigeante et respect de nos libertés fondamentales.

Nous avons souhaité mettre en place un environnement se situant entre le modèle américain, c’est-à-dire business above all, ce fameux capitalisme de surveillance théorisé par Shoshana Zuboff, et le modèle du crédit social porté par le parti communiste chinois. Nous avons en tête un modèle humano-centré conforme aux valeurs européennes.

Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDSE, RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe CRC E .

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Fialaire

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la transition numérique est à la croisée des chemins, entre promesses et menaces.

Catalyseur d’un bouleversement profond de nos modèles et puissant levier vers de nouvelles voies de progrès et de compétitivité, elle est néanmoins porteuse de risques pour les individus et les entreprises qui interagissent et opèrent quotidiennement dans notre espace numérique.

Face à ce véritable défi auquel notre société, ses usages et ses tissus économiques et financiers sont et seront confrontés, nous devons développer une lecture claire et globale quant à son impact sur nos vies et la manière dont il reconditionne notre environnement économique, social, culturel et humain.

Bien que ce projet de loi ait été rédigé dans la hâte, j’espère qu’il pourra se nourrir de nos débats afin de construire les garde-fous nécessaires à la confiance indispensable de nos concitoyens et partenaires économiques pour le succès de la transition numérique.

L’actualité rend tristement compte du chemin à parcourir et du besoin d’agir.

Terreau de nombreux fantasmes et de nouvelles croyances, les nouvelles technologies, l’intelligence artificielle ou les smart et big data cristallisent les craintes d’une perte de savoir-faire et de savoir-être chez nos concitoyens, tant par leur ambivalence que par leur complexité croissante et l’accélération du rythme auquel elles se déploient et évoluent.

Si les nouvelles technologies et la numérisation de notre société exercent un pouvoir de fascination important dans les imaginaires, au point d’alimenter tant des utopies que des dystopies, ces deux versants ont tout autant d’éléments à nous apprendre sur notre façon d’appréhender les transformations numériques de nos usages et la technologie.

Notre rapport à cette dernière, d’un point de vue social, culturel et sociétal, est créateur d’ambivalences et d’injonctions paradoxales. Adopter la technologie sans réserve est un dangereux idéal. Si son développement est prometteur et source de progrès, pour autant, son déploiement incontrôlé et irréfléchi peut mener à des dérives extrêmes pouvant être tout aussi inadaptées qu’une résistance massive et indifférenciée.

C’est pourquoi cette course au progrès, transcendée par une technophilie que nos sociétés postmodernes valorisent, au point d’en faire une norme de jugement, doit être encadrée afin que ce nouvel espace soit sécurisé et régulé.

Le groupe RDSE ne peut qu’apporter son soutien à l’initiative portée par le Gouvernement visant à créer les conditions d’un environnement numérique propice à la confiance, à la loyauté et à l’équité de l’économie et des échanges sociétaux sur ces nouvelles interfaces numériques.

Au demeurant, par un amendement que je présenterai lors de l’examen du texte, je reviendrai sur un phénomène conséquent de l’une des menaces numériques, à laquelle nos hôpitaux, collectivités territoriales et entreprises sont confrontés de manière exponentielle : la consultation et l’usage de données issues de piratages.

Graves violations du droit à la vie privée, ces cyberattaques déstabilisent parfois durablement le fonctionnement des établissements et entreprises qui en sont victimes. S’il nous faut les combattre et les condamner plus efficacement, l’usage des données qui en sont issues doit tout autant être réprimé.

D’ailleurs, si le Gouvernement entend évoquer dans ce projet de loi les désordres croissants de l’espace numérique, ses fauteurs de troubles ou ses disparités entre acteurs, il parle trop rarement de celles et de ceux qui s’engagent bénévolement pour le pacifier. Aussi, le groupe RDSE regrette que la commission spéciale ait écarté, au titre de l’article 45 de la Constitution, les amendements déposés par Nathalie Delattre visant à apporter un cadre juridique plus protecteur et plus clair aux hackers éthiques.

Enfin, si nous louons les dispositions de ce texte qui ambitionnent de durcir la législation en place par la création d’une peine complémentaire de blocage d’un compte d’accès aux plateformes en ligne d’une personne condamnée, lorsque ce compte a été utilisé pour plusieurs délits, tels que le harcèlement moral ou sexuel, nous souhaitons encore davantage de fermeté.

En effet, nous défendrons un bannissement total des réseaux sociaux et des services en ligne de l’utilisateur aux agissements délictueux, et pas seulement la suspension des comptes utilisés pour commettre l’infraction. L’impunité à l’encontre des auteurs de cyberharcèlement doit cesser au plus vite. Nous ne pouvons pas permettre à l’utilisateur délinquant de se déporter sur d’autres plateformes afin de poursuivre ses agissements délictueux.

C’est conscient des multiples enjeux entourant la transition numérique et la constitution d’un marché unique du numérique européen que le groupe RDSE souhaite s’associer à la structuration et à la régulation de notre espace numérique. Si la plus grande difficulté de la transformation numérique est de changer la roue de la voiture sans l’arrêter, faisons en sorte de suivre la cadence pour ne pas nous laisser distancer et subir ses évolutions permanentes.

Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et RDPI.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

M. le président. La parole est à Mme Alexandra Borchio Fontimp.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Alexandra Borchio Fontimp

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, « un viol psychique » : voilà les termes utilisés par de nombreux spécialistes pour qualifier les conséquences de l’exposition de nos plus jeunes à des contenus pornographiques.

Qu’est-ce qu’un viol psychique ? C’est un enfant traumatisé, dont chaque moment est accompagné d’images qui reviennent inlassablement lui voler son innocence.

Le numérique est un progrès, mes chers collègues. C’est indéniable. Mais, collectivement, nous n’avons pas su protéger les plus fragiles de la violence de certains contenus diffusés sans garde-fous.

Ce cyberespace offre aujourd’hui un accès illimité et sans contrôle réel à des contenus préjudiciables. Il favorise le développement de toutes les formes de criminalité, sans oublier la diffusion d’informations fausses.

Nous pouvons encore réagir. Nous devons dorénavant véritablement agir pour protéger nos mineurs, en les éduquant aux dangers de cet espace de libertés, parfois délétère, mais pas seulement : en sensibilisant les parents, en leur rappelant leur responsabilité, sans jamais pour autant nier celle de l’État quant à la régulation des contenus.

C’est une chaîne collective, solidaire que nous devons bâtir afin que chaque contenu inapproprié au jeune public ne soit plus accessible, afin que les réseaux sociaux ne soient plus complices d’un déferlement de haine.

Le cyberharcèlement fauche en plein vol de nombreux adolescents et adultes. Ramification devenue inévitable du harcèlement à l’école ou encore au travail, cette pression numérique fait trop de victimes.

Les marches blanches ne suffisent plus. Les tweets d’émotion, loin de réconforter, révoltent désormais, et les annonces ne semblent jamais se transformer en engagements.

Même si ce n’est pas assez, je veux profiter de cette prise de parole pour rappeler que, sur ce sujet, qui fait consensus au Parlement et au Gouvernement, des avancées ont été permises. La régulation de l’espace numérique est au cœur des travaux du Sénat, et les textes examinés ces derniers mois démontrent l’objectif commun de mettre fin à cette anarchie.

Coauteure du rapport d’information sur les dérives de l’industrie pornographique, puis rapporteure sur la proposition de loi visant à instaurer une majorité numérique et à lutter contre la haine en ligne, j’ai pu constater les obstacles pratiques qui s’imposent au législateur, mais j’ai surtout été confortée dans l’idée que ce combat doit se poursuivre jusqu’à parvenir à un dispositif qui protège enfin nos enfants.

À cet effet, je salue les dispositions du Gouvernement qui reprennent les propositions émanant de notre Haute Assemblée, rappelant ainsi la nécessité de mener cette bataille ensemble.

Au reste, ce ne sont pas uniquement les parlementaires et le Gouvernement qui doivent se mobiliser : c’est aussi toute la chaîne du numérique. C’est la raison pour laquelle, avec mes collègues Annick Billon et Catherine Morin-Desailly, nous souhaitons associer à cet effort les boutiques d’applications logicielles, elles aussi responsables de la diffusion de contenus inadaptés aux mineurs.

Au regard des avancées permises par les rapporteurs Patrick Chaize et Loïc Hervé, je tenais à souligner la qualité de leur travail et leur détermination à améliorer toute mesure visant à mieux protéger nos concitoyens.

À ce titre, je veux saluer les apports de notre commission spéciale, présidée par Catherine Morin-Desailly. Elle a renforcé la solidité juridique du dispositif en créant une procédure unique de mise en demeure et de sanction vis-à-vis de l’éditeur de site pornographique.

Je salue également les avancées faisant du bannissement une sanction réellement efficace, notamment concernant les violences contre les élus, mais aussi les menaces et les intimidations à l’encontre de tout dépositaire de l’autorité publique.

Ces dispositifs viendront, je l’espère, apporter une réponse forte à ceux qui utilisent l’internet pour répandre des discours haineux, humiliants et offensants.

Avant de conclure, je veux aborder l’ampleur du phénomène du deepfake, qui touche, dans 99 % des cas, des femmes. Il faut, à mon sens, envoyer un signal fort aux auteurs de cette technique, qui consiste à créer de toutes pièces, grâce à l’intelligence artificielle, des images ou des vidéos à caractère sexuel, sans le consentement de la victime, bien sûr, et à les publier dans le seul but de nuire.

Cette technologie, proche du réel, fait l’objet d’un amendement du Gouvernement, qu’il convient de renforcer afin d’accroître la protection des victimes. J’aurai l’occasion d’y revenir durant l’examen du texte.

Enfin, ce projet de loi permettra également de soutenir l’innovation, afin de positionner nos entreprises comme acteurs des nouveaux marchés, tout en limitant les risques qu’elles encourent.

Mes chers collègues, vous l’aurez compris, les membres du groupe Les Républicains soutiennent pleinement l’objectif de ce texte. Nous resterons particulièrement attentifs à sa bonne application.

Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et RDPI.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Jean Verzelen

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, internet et les réseaux sociaux bouleversent nos sociétés, nos repères, nos démocraties. Chacun d’entre nous les utilise pour s’informer, se divertir, communiquer.

Cette affirmation est encore plus vraie en ce qui concerne les jeunes. Le temps qu’ils passent sur leurs téléphones ne cesse d’augmenter. Les réseaux sociaux deviennent, pour un certain nombre, l’unique fenêtre sur le monde extérieur.

Par leur modèle économique fondé sur des contenus choquants, Twitter, TikTok, Snapchat et consorts ont radicalisé les courants de pensée. Ils ont contribué à l’aggravation des fractures au sein des États.

Internet et les réseaux sociaux posent la question des limites de la liberté d’expression. Sur ce plan, il faut faire la part des choses. Parfois, ils permettent le meilleur, comme lorsque, en septembre dernier, ils ont informé et ont contribué à mobiliser les soutiens à la liberté des femmes iraniennes. Mais, bien souvent, ils permettent de mettre en avant et de répandre de fausses informations ou servent de vecteurs à des campagnes mensongères. Nous avons d’ailleurs pu les voir à l’œuvre dans l’engrenage des violences inacceptables de ces derniers jours.

Cela justifie qu’ait été créée une commission d’enquête sénatoriale sur l’action de TikTok.

L’omniprésence d’internet et des réseaux sociaux pose une question fondamentale : un État souverain, dans l’Union européenne, peut-il leur imposer un cadre ? Quel est notre poids face aux Gafam – Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft – ? Quelle est notre capacité à agir et à obtenir des résultats concrets ? C’est tout l’enjeu du texte dont nous débattons.

L’adoption du règlement européen DSA permettra de donner corps à la formule du commissaire européen Thierry Breton : « Tout ce qui est interdit hors ligne doit l’être en ligne. »

L’Union européenne a récemment pris des mesures afin d’interdire, sur son territoire, les canaux de désinformation de certains États, qui sont devenus spécialistes en la matière. Plusieurs dispositions du texte prévoient une réaction plus rapide, et c’est tant mieux.

La publication de contenus illicites n’est pas anodine. Une infraction n’est pas moins grave lorsqu’elle est commise sur internet. Le harcèlement en ligne n’est pas moins violent que le harcèlement dans une cour d’école. Il est parfois pire, avec des conséquences plus graves. Nous avons tous à l’esprit les drames récents. Le rapport d’information de notre collègue Colette Mélot a mis en lumière l’ampleur et la gravité de ces phénomènes. Il est urgent d’agir pour que ces violences cessent.

La peine complémentaire de suspension de compte est plus que pertinente, à condition toutefois que la plateforme s’engage à ce que la personne condamnée ne puisse contourner cette suspension par l’ouverture d’autres comptes, avec différents pseudonymes. La commission spéciale a été particulièrement attentive à ce sujet.

De même, il y a longtemps que l’interdiction de la pornographie aux moins de 18 ans aurait dû être appliquée. Les conséquences négatives de celle-ci sur la santé mentale des plus jeunes ne sont plus à démontrer. Le projet de loi contient plusieurs dispositions en ce sens.

Encore plus que lutter contre les contenus illicites, nous devons faire respecter les règles d’une concurrence saine et loyale entre les acteurs. Sur ce sujet, comme sur le précédent, les Gafam ne doivent pas nous dicter leur loi.

Le DMA entrera bientôt en vigueur. Il doit permettre aux entreprises européennes de se développer sans subir les abus de position dominante et les pratiques anticoncurrentielles des grands acteurs. Le projet de loi procède aux adaptations qui s’imposent.

Enfin, l’entrée en vigueur prochaine du Data Governance Act (DGA) doit être saluée. La captation, la gestion et la protection des données à caractère personnel doivent être renforcées. C’est un sujet majeur. En effet, nous devons rattraper notre retard et, dans le même temps, nous donner les moyens d’accompagner les entrepreneurs, les start-up, les licornes qui seront les leaders de demain.

Il est nécessaire de procéder à des adaptations de notre droit pour assurer l’application directe des règlements européens qui vont dans le bon sens. Néanmoins, soyons vigilants sur un sujet, même s’il ne figure pas exactement dans le texte que nous étudions : il s’agit du transfert qui vise à confier l’ensemble des contentieux de tous les pays européens au régulateur irlandais. Le nombre de dossiers à traiter fait courir un risque d’embouteillage, donc d’allongement des délais et, disons-le, un risque d’influence des Gafam sur les décisions, puisque l’ensemble de leurs sièges sociaux sont situés en Irlande.

Le groupe Les Indépendants – République et Territoires soutient les mesures portées par ce texte et votera en faveur de son adoption.

Internet ne doit plus et ne peut plus être un espace d’impunité. Nous sommes sur le bon chemin. Il y a encore du travail. Notre responsabilité est de le poursuivre ensemble.

Debut de section - PermalienPhoto de Thomas Dossus

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, dans nos vies d’aujourd’hui, l’espace virtuel et la réalité matérielle sont intriqués.

Ces derniers jours en ont été une démonstration à la fois éclairante et effrayante. La propagation fulgurante du sentiment d’injustice lié à la mort du jeune Nahel et la flambée d’émeutes, de violences et de pillages inacceptables sur tout le territoire sont en grande partie le fait du partage instantané et démultiplié sur les multiples plateformes qui nous connectent, qui connectent les communautés.

Les grandes plateformes ont aujourd’hui capté l’attention et les données de la majorité d’entre nous et font commerce de la polarisation grandissante de nos sociétés.

Notre société est aujourd’hui confrontée au défi majeur d’une économie basée sur la disruption, le dépassement des normes et le contournement des régulations, qui percute son contrat social.

Le présent texte est, à cet égard, d’une importance majeure. « Sécuriser et réguler l’espace numérique » : tel est son intitulé. Tel est notre défi aujourd’hui.

Les algorithmes trient et organisent notre espace informationnel. Nos données personnelles deviennent la proie de toutes les convoitises du capitalisme de surveillance.

Comme elle a su le faire avec le RGPD, l’Union européenne, qui constitue le premier marché mondial, a travaillé pour construire des règlements solides et adaptatifs. Les règlements européens DMA, pour lutter contre les aspects anticoncurrentiels des géants du net, ou DSA, pour lutter notamment contre la haine en ligne et la désinformation, sont les plus connus.

Le texte que nous examinons aujourd’hui vise en partie à transposer ces textes, mais il va plus loin et se veut plus global.

Son objectif est donc de sécuriser et de réguler.

Sa première ambition est de sécuriser, et, tout d’abord, de sécuriser certains publics vulnérables en ligne.

Ainsi, les premiers articles entendent protéger les mineurs de l’accès aux sites pornographiques en instaurant un âge légal effectif. L’intention est évidemment louable, mais nous allons buter sur une question quasi aussi vieille qu’internet. Comme je l’ai dit dans cet hémicycle il y a quelques jours, à l’occasion de l’examen de la proposition de loi visant à instaurer une majorité numérique et à lutter contre la haine en ligne, à l’heure actuelle, en France comme partout dans le monde, personne ne dispose de solution technique qui soit à la fois satisfaisante du point de vue de l’efficacité et protectrice des libertés individuelles.

Je reste donc extrêmement réservé sur le caractère opérationnel du référentiel que nous demandons à l’Arcom de concevoir. Voilà plusieurs années que l’Arcom et la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) se penchent sur le sujet et, il faut dire les choses comme elles sont, la solution technique n’existe pas à l’heure actuelle. L’équation à résoudre entre contrôle d’âge, protection de la vie privée et sécurité des données paraît, pour l’instant, difficile à résoudre. Nous proposerons plusieurs amendements pour tenter de mieux cerner les contours de ce référentiel.

Le projet de loi vise également à sécuriser le public face aux cyberviolences. À cet égard, le texte comporte plusieurs mesures intéressantes, notamment sur la peine complémentaire de bannissement des réseaux sociaux ou la lutte renforcée contre la pédopornographie.

Nous en faisons tous les jours le constat : les femmes sont particulièrement prises pour cible sur les réseaux sociaux. Un phénomène de meute se développe et des situations de harcèlement inacceptables surviennent au vu et au su de tous.

Il est temps d’en finir. C’est pourquoi nous vous proposerons d’enrichir encore les mesures du texte en la matière, avec une amende forfaitaire délictuelle pour les outrages sexistes en ligne, un renforcement des missions de la plateforme d’harmonisation, d’analyse, de recoupement et d’orientation des signalements (Pharos), l’interopérabilité des messageries des réseaux sociaux ou encore la suspension du compte comme mesure de contrôle judiciaire. La peur doit changer de camp, y compris en ligne.

La seconde ambition de ce texte est de réguler.

Il régule le business des clouds, pour une plus grande protection des consommateurs.

Il régule le milieu de la location de biens meublés, répondant ainsi à une demande très forte des collectivités. Nous nous réjouissons de la présence de cet article, particulièrement bienvenu, dans le texte.

Il régule, enfin, les jeux dits « à objets numériques monétisables », mais, sur ce sujet, nous sommes plus que circonspects.

La rédaction initiale du texte prévoyait de donner au Gouvernement une autorisation de légiférer par ordonnance, sans plus de précision. Cette rédaction a été réduite, en commission spéciale, à une simple expérimentation, ce qui est mieux, mais toujours pas satisfaisant. En effet, ces objets – pour être plus précis, ces jetons non fongibles, fondés sur l’expérience de gains et échangeables en ligne – se situent à la limite entre le jeu vidéo à vocation spéculative et le jeu d’argent pur et simple. Nous considérons que les enjeux, notamment en termes d’addiction et de mise en danger financière, sont trop importants et mériteraient un texte dédié, qui pourrait également traiter la question des cryptoactifs.

Enfin, pour réguler, il faut des régulateurs. Le texte de loi ne les a pas oubliés. Arcom, Arcep, Cnil : les trois agences se voient confier de très nombreuses missions dans l’espace numérique. Reste une inconnue : celle des moyens qui leur seront confiés pour remplir ces nouvelles missions. Sur ce point, le prochain projet de loi de finances devra prendre sérieusement acte du présent projet de loi ; nous y veillerons.

Pour conclure, j’aborde la discussion de ce projet de loi avec un esprit constructif. Hormis les réserves que j’ai pu émettre lors de la discussion générale et quelques autres, que je vous présenterai par voie d’amendement, je prends acte d’un certain équilibre dans les mesures du texte. C’est cette recherche d’équilibre qui doit nous animer lorsque l’on traite du numérique.

Nous avons à cœur de préserver à la fois la liberté, l’anonymat et le foisonnement créatif que seuls permettent les espaces libres sur internet, tout en préservant la dignité des personnes qui le font vivre.

Ni surveillance généralisée ni Far West, mais contrôle des données et transparence et régulation des plateformes : voilà notre ligne directrice.

À la lecture de ce texte, j’ai l’impression que c’est aussi celle de nos rapporteurs et de notre ministre, ce dont je me réjouis.

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.

Debut de section - PermalienPhoto de Ludovic Haye

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous entamons aujourd’hui l’examen d’un texte technique et particulièrement attendu, résultant de négociations internationales menées de longue date par notre gouvernement.

Ce texte a pour objectif principal de protéger nos concitoyens, nos enfants, nos entreprises et notre démocratie, dans sa globalité.

Il s’appuie sur l’axiome suivant : « Ce qui est interdit dans le monde réel doit aussi l’être en ligne. »

Vous le savez, mes chers collègues, la transition numérique est double. Elle est une formidable opportunité d’ouverture et de croissance, comme l’Histoire en a peu connu, mais elle constitue également un risque majeur pour nos sociétés démocratiques, en ce qu’elle accélère et facilite les opérations de manipulation et la divulgation de fausses informations, et en ce qu’elle permet la naissance de nouvelles formes de harcèlement, de violence et de délinquance. Nous en avons malheureusement eu un exemple concret ces derniers jours.

Le titre Ier de ce texte de loi porte sur la protection des mineurs en ligne. Sur ce sujet, je salue le travail mené par le Gouvernement et mes collègues Xavier Iacovelli et Julien Bargeton, qui se matérialise ici par des mesures concrètes et opérationnelles pour protéger nos enfants. De fait, aujourd’hui, la pornographie est encore trop facilement accessible en quelques clics.

Je souhaite également m’attarder sur les dispositions du projet de loi concourant à la constitution d’un marché unique du numérique européen, qui prévoient les mesures nécessaires à l’adaptation du droit national et à la mise en œuvre de trois règlements européens, que la présidente de notre commission spéciale, Catherine Morin-Desailly, connaît parfaitement bien : le règlement DMA sur les services et marchés numériques ; le règlement DSA, relatif à un marché unique des services numériques ; le règlement DGA, portant sur la gouvernance européenne des données.

Nous le savons, le numérique ne peut être traité simplement à l’échelle nationale, d’autant plus que la situation d’oligopole que connaissent la plupart des marchés liés au numérique rend l’échelle communautaire européenne bien plus pertinente.

Par ailleurs, le temps législatif est particulièrement déconnecté du temps de développement du numérique, qu’il s’agisse de ses structures ou de ses pratiques. La régulation du secteur numérique est donc aussi nécessaire que complexe.

À ce titre, je tiens à saluer le travail du ministère chargé de la transition numérique et des télécommunications. En effet, préserver la formidable opportunité de développement économique du secteur, tout en régulant ses excès, relève parfois de l’orfèvrerie.

Pour favoriser le développement de l’économie du numérique en France, il est essentiel que le cadre réglementaire mis en place protège rigoureusement nos concitoyens, tout en préservant une part de souplesse, afin de s’adapter à mesure des évolutions technologiques et d’usages. Le filtre numérique, tel qu’il est proposé ici, en est un parfait exemple.

Il devra se coupler à un travail de police et de traque des filières internationales qui se sont constituées. Irrémédiablement, le monde entier sera amené à coopérer pour les démanteler, car nul ne sera épargné. Les pays les plus laxistes aujourd’hui ne le seront jamais : ce n’est qu’une question de temps.

Il m’apparaît également fondamental d’aborder le sujet de l’inclusion numérique, qui, finalement, relève moins de la loi, mais en assure la meilleure application possible.

Nos collectivités territoriales attendent aujourd’hui également un message clair et une organisation structurée dans l’accompagnement numérique qu’elles demandent.

En 2018, le Gouvernement annonçait une stratégie nationale pour un numérique inclusif, qui a permis la structuration de hubs territoriaux dans les régions, le déploiement de passes numériques pour les usagers les plus en difficulté et le lancement du dispositif Aidants Connect, réduisant ainsi de manière significative la fracture numérique.

En avril dernier, vous présentiez, monsieur le ministre, la feuille de route du Gouvernement sur l’inclusion numérique, comportant, parmi ses mesures phares, l’engagement de l’État à structurer un fonds d’ingénierie dédié à cette inclusion et à accompagner les acteurs locaux pour mieux territorialiser la politique en la matière. La bonne exécution de cette feuille de route est une des conditions de la bonne application des mesures de protection de nos concitoyens, de nos élus et de notre démocratie que porte ce projet de loi. La meilleure sécurité en ligne nécessite l’acculturation de la population aux outils numériques, à leur bon usage et aux risques qu’ils portent.

Enfin, permettez-moi de saluer le large spectre d’action du projet de loi qui nous est soumis aujourd’hui, lequel offre des outils et un cadre de protection renforcé tant aux mineurs qu’aux adultes, tant aux amateurs qu’aux professionnels.

Cet espace numérique est le nôtre. Il est devenu un bien commun et, comme toute ressource, il doit être protégé et régulé.

L’écran n’arrête pas la loi. C’est le message que je retiendrai de ce projet de loi, utile et salutaire pour notre pays.

Ce texte est un pilier d’un espace numérique sécurisé et n’obère nullement les opportunités économiques qu’offre le numérique. C’est pourquoi notre groupe le soutiendra et le votera.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol.

Applaudissements sur les travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je concentrerai mon propos sur l’article 1er de ce projet de loi, et particulièrement sur la question du référentiel.

Je veux d’abord saluer l’intention du Gouvernement de faire un pas en avant dans la lutte contre la toxicité de l’industrie pornographique.

Mais je veux tout de même partager avec vous mon sentiment que, dans cette affaire, on se laisse encore un peu embrouiller par le lobby du porno.

Ce lobby est puissant, insidieux, infiltré. Le nombre de connexions uniques en France – 19 millions par mois – donne une idée de sa présence…

Faisons une petite comparaison. Imaginons, par exemple, qu’un buraliste prétende ne pas appliquer l’interdiction de vente de tabac aux mineurs au motif qu’il ne sait pas comment identifier l’âge des consommateurs, et que ces derniers affirment refuser de présenter une pièce d’identité au motif que cela porterait atteinte à leur vie privée. Tout le monde trouverait alors que la ficelle est grosse…

Or c’est exactement ce que fait l’industrie pornographique depuis trois ans – depuis la loi du 30 juillet 2020. Elle affirme qu’elle ne peut appliquer la loi.

Je crains que le référentiel ne valide a posteriori leur raisonnement et leur refus d’appliquer la loi. En effet, en conditionnant l’application de la loi à un futur référentiel, nous inversons, d’une certaine manière, la charge de la preuve : ce ne sera pas aux diffuseurs des contenus pornographiques de prouver qu’ils ont tout fait pour interdire l’accès aux mineurs ; le mistigri passera dans les mains de l’Arcom, qui devra apporter aux sites les outils nécessaires à l’application de la loi.

Nous devrons bien préciser, dans le débat parlementaire, que les sites auront l’obligation non seulement de se conformer au référentiel, mais aussi de bloquer l’accès des mineurs par tout moyen, en l’état de l’art, c’est-à-dire compte tenu de l’ensemble des évolutions technologiques qui ne manqueront pas de se produire entre l’examen du projet de loi et l’adoption du référentiel, dont rien ne nous dit qu’il sera adopté dans le délai prévu de six mois, vu qu’il n’y a pas de sanction…

Le montage que nous faisons est extraordinaire. Pourquoi n’avons-nous pas choisi, par exemple, celui qui fonctionne assez bien pour l’accès des mineurs aux sites de jeux d’argent en ligne ?

C’est à cet instant que surgit le fameux secret de la vie privée, brandi par les consommateurs de porno pour se protéger. Cet argument est une mystification. Tout d’abord, le secret de la vie privée concerne non pas le recueil de données, qui sont confiées en toute liberté par leur titulaire, mais la diffusion de ces données.

Beaucoup d’entre nous confient des données assez sensibles à Doctolib : personne ne sollicite un tiers de confiance parce que personne ne pense que Doctolib va vendre ces données ! D’ailleurs, dans le cas contraire, des sanctions pourraient s’appliquer.

En revanche, nous considérons que les sites pornos pourraient diffuser les données et, pour nous en prémunir, nous passons par un système qui leur facilite grandement la vie.

Cette affaire de vie privée érigée en valeur constitutionnelle absolue pose un autre problème, et je pense que Mme la secrétaire d’État Charlotte Caubel y sera sensible. Il nous faut concilier deux principes constitutionnels : le respect de la vie privée et l’intérêt supérieur de l’enfant.

Quand deux millions de mineurs sont biberonnés aux vidéos pornos, je considère, pour ma part, que c’est le secret de la vie privée qui doit s’adapter au devoir de protection des enfants, et non l’inverse.

Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Toine Bourrat

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, cet hémicycle et les magistrats qui le surplombent ont vu passer des textes qui, comme celui que nous examinons aujourd’hui, se sont trouvés chargés d’une valeur sociale et morale, d’une dimension historique assez considérable.

Traiter du numérique et de son influence sur la sécurité de notre jeunesse, c’est s’engager consciemment à relever un lourd défi d’avenir.

Aucun d’entre nous ne remet en cause le progrès, la technologie, le rétrécissement du monde, devenu plus accessible et dynamique.

Mais nous sommes les garants de l’ordre public et d’un intérêt général bouleversé par la violence numérique.

Ce qui est proscrit dans la vie réelle, dans les rapports physiques, sensibles et je dirais « charnels », doit l’être aussi sur internet. C’est parce que la toile est devenue l’extension de tous les aspects de la vie que le sursaut doit advenir.

S’assurer que les libertés individuelles n’empiètent pas sur les droits d’autrui, c’est la mission du Parlement, et ce doit être la nôtre aujourd’hui, pour sécuriser un environnement numérique où tout se peut, sans contrôle, sans règle ferme et donc sans responsabilité.

Mes chers collègues, nous faisons face, depuis une vingtaine d’années, à ce bouleversement civilisationnel, à ce choc techno-scientifique qui a fait entrer tous les dangers de la vie d’adulte au sein même de l’enfance, ou plutôt qui, par la connexion continue et l’intrusion sans limites, empêche les mineurs de s’extraire des dangers du monde, face auquel ils ne sont pas encore armés.

Dès lors que ce constat est posé, nous convenons tous ici que notre énergie doit se porter sur les plus fragiles : les mineurs. Car ce sont eux qui, dans la fleur de l’âge, où tout se forme et se construit, à cette étape charnière où l’on apprend la vie en société sans se connaître encore soi-même, essuient tous les impacts de la cybermalveillance.

Ce texte est, certes, une avancée louable et saluée, par la transposition qu’il opère des règlements européens tant annoncés depuis 2020. Cependant, nous sommes en droit d’attendre plus de lui.

Le bât blesse principalement sur la réactivité dans le traitement des signalements.

Aujourd’hui, en raison d’un délai d’instruction et de vérification de la réalité des contenus haineux ou inappropriés signalés, il faut plusieurs semaines, voire des mois avant que ces contenus, à l’origine de lourds traumatismes, parfois irréversibles, sur la santé psychique des jeunes mineurs, ne fassent l’objet d’un retrait.

Je vous proposerai donc un amendement visant à garantir un traitement spécifique lorsqu’un signalement est opéré par un mineur numérique faisant lui-même l’objet d’une publication cybermalveillante signalée.

Mais ne nous leurrons pas, mes chers collègues ! Quelles que soient les contraintes légales que nous imposerons aux plateformes, elles ne produiront d’effets que si ces dernières se dotent des moyens humains nécessaires au traitement immédiat des signalements et au retrait en temps réel des contenus haineux.

Quelles que soient les contraintes légales que nous imposerons aux plateformes, elles ne produiront d’effets, comme l’a si justement souligné Frances Haugen ici même, qu’à la condition que soit mis en place un traitement localisé, par des équipes formées dans le pays et maîtrisant ainsi la langue dans laquelle est produit le contenu haineux.

Debut de section - PermalienPhoto de Toine Bourrat

L’intelligence artificielle est, certes, une avancée, mais rien ne remplace le contrôle humain. En effet, comment imaginer qu’un artéfact, qu’une machine parvienne seule à protéger l’homme de son invention ?

Pour fixer des limites et insérer nos critères civiques et moraux dans le progrès, il nous faut des hommes formés, sensibles aux dérives dont ils peuvent être eux-mêmes victimes, des hommes toujours irremplaçables dès lors qu’il s’agit de « prendre soin », d’« éduquer » et de « modérer ».

Mais, encore une fois, restons lucides, mes chers collègues ! Tant qu’aucune contrainte ne pèsera sur les plateformes pour qu’elles se dotent des moyens humains nécessaires, rien ne se fera.

Fort heureusement, le Parlement a récemment fixé une majorité numérique. Fixée à 15 ans, elle délimite clairement les âges de la vie où les dangers de l’internet sont plus ou moins mesurés, intégrés, donc limités par la conscience d’un être formé pour cela. Fixée à 15 ans, elle place le parent au cœur de l’éducation du mineur, puisque son consentement sera obligatoire pour s’inscrire sur un réseau social.

Mais préserver les acquis n’est plus suffisant, mes chers collègues. Dans la mondialisation, c’est une guerre de conquête qu’il nous faut mener. Je n’ose dire « une révolution culturelle », mais l’esprit est là.

Force doit rester à la loi. Et la loi, c’est l’Homme, avec un grand H. En effet, gouverner – je le rappelle en regardant cet hémicycle où d’autres plaidoyers furent prononcés, où d’autres causes furent défendues –, c’est bel et bien contraindre pour protéger ceux qui se trouvent dans la fleur de l’âge, un âge où tout se détermine et où tout se construit.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

M. le président. La parole est à Mme Patricia Demas.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Patricia Demas

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je suis ravie de vous retrouver aujourd’hui pour discuter du projet de loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique, et je salue à mon tour le travail de notre commission spéciale et de ses deux rapporteurs.

Les dispositions de ce texte, techniques et diverses, recouvrent un enjeu très concret : assurer la protection des citoyens et le respect de nos valeurs dans l’espace numérique. Elles dessinent des avancées que je tiens à souligner.

La transition numérique est un puissant levier de progrès économique et social. C’est également un moteur de la transition écologique. Pourtant, les possibilités offertes par le numérique comportent des risques indéniables, auxquels les auteurs de ce texte tentent de répondre, au travers de plusieurs dispositions. J’en aborderai deux.

Je pense tout d’abord à la protection des mineurs vis-à-vis des contenus présentant un caractère pornographique ou pédopornographique. Ainsi, l’article 2, tel qu’il a été amendé en commission, tend à renforcer les pouvoirs d’intervention de l’Arcom dans la lutte contre l’accès des mineurs à ce type de sites, dans le prolongement du rapport d’information de notre délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes sur l’industrie de la pornographie.

Je pense ensuite la protection des internautes dans l’environnement numérique vis-à-vis des actions de propagande en ligne, de cyberharcèlement et d’hameçonnage. En complément des mesures inscrites dans le projet de loi, je souhaite mettre en avant l’enjeu essentiel de la lutte contre l’illectronisme et de l’éducation aux usagers numériques confrontés aux risques de fraude en ligne, qui concernent en particulier les personnes les plus vulnérables.

Ce texte vise à traduire en droit français la réglementation européenne sur le numérique, qui est notamment constituée du DMA et du DSA.

Au-delà de la nécessaire adaptation de notre droit au cadre européen, ce texte doit permettre à la France d’être un acteur moteur de la régulation digitale en Europe. Le Sénat s’inscrit d’ailleurs pleinement dans cette ambition, au travers de la loi de 2021 visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique en France, issue d’une proposition du sénateur Patrick Chaize.

Par ailleurs, je voudrais aborder un sujet qui requiert notre attention aiguë : la souveraineté numérique des pouvoirs publics, et plus spécifiquement des collectivités territoriales. En effet, nombre d’acteurs soulignent les risques induits par la dépendance des collectivités territoriales vis-à-vis des Gafam, que ce soit en matière financière ou, de façon plus préoccupante encore, en matière de cybersécurité.

La hausse considérable des tarifs de l’abonnement à la dernière version de Microsoft Office a récemment conduit des collectivités à chercher d’autres solutions bureautiques. En pratique, toutefois, changer de fournisseur est souvent difficile, car il existe des barrières techniques, voire commerciales, à l’interopérabilité des services. Or un tel enfermement auprès d’un unique fournisseur rend les systèmes informatiques moins résilients en cas de cyberattaque. Plus encore, le développement des offres collaboratives à travers le cloud soulève des questions sur l’utilisation que des gouvernements étrangers pourraient faire de données stockées sur les serveurs détenus par des Gafam.

Toutes ces raisons plaident en faveur du développement d’une offre française, voire européenne, de logiciels métiers et bureautiques qui soit attractive et résiliente pour les collectivités territoriales, y compris pour les plus petites, qui auront besoin d’un accompagnement technique et financier adapté.

Monsieur le ministre, dans le prolongement de ce texte il me semble donc indispensable que l’État élabore rapidement une stratégie nationale sur ce sujet, en lien avec les collectivités territoriales.

Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission spéciale.

TITRE Ier

PROTECTION DES MINEURS EN LIGNE

Section 1

Renforcement des pouvoirs de l’autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique en matière de protection en ligne des mineurs

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

L’amendement n° 33, présenté par MM. Dossus, Benarroche, Breuiller, Dantec, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :

Avant l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport établissant les besoins financiers et humains de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique, de la Commission nationale de l’informatique et des libertés et de l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse résultant des nouvelles missions qui leur seront confiées par la présente loi, ainsi que la manière dont ces besoins seront traduits lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2024.

La parole est à M. Thomas Dossus.

Debut de section - PermalienPhoto de Thomas Dossus

Il s’agit d’un amendement d’appel, qui vise à demander au Gouvernement quelques informations.

Ce projet de loi tend à élargir les missions de plusieurs régulateurs de l’espace numérique. Ainsi, l’Arcom devient responsable du référentiel technique pour le contrôle de l’accès aux sites pornographiques. Des pouvoirs d’injonction administrative à l’encontre des sites et des fournisseurs d’accès lui sont également confiés, tout comme la capacité de prononcer des sanctions ou de demander le retrait de contenus.

De surcroît, l’Arcep sera responsable de la partie relative au cloud. Elle sera notamment chargée d’établir un référentiel d’interopérabilité et de portabilité des données. Ses pouvoirs d’enquête seront aussi renforcés.

Par ailleurs, la Cnil sera chargée de la protection des données individuelles durant tous ces processus.

Enfin, les missions du PEReN sont renforcées.

Ces nouvelles attributions auront des conséquences qui pèseront lourdement sur les épaules des autorités administratives indépendantes, dont les missions ne cessent d’être élargies au gré des propositions de loi adoptées par le Parlement. Ainsi, lors de son audition, le président de l’Arcom a indiqué que confier aux autorités de régulation des missions supplémentaires nécessite de renforcer leurs moyens humains et financiers. Or nous n’avons pas entendu beaucoup de déclarations du Gouvernement à ce sujet. En tant que législateur, il est de notre devoir de nous assurer que les moyens seront à la hauteur des ambitions de ce texte.

C’est pourquoi, par cet amendement d’appel, j’aimerais entendre le Gouvernement sur le sujet de l’augmentation des moyens de ces différentes autorités administratives indépendantes, en vue de la préparation du projet de loi de finances pour l’année 2024.

Debut de section - PermalienPhoto de Loïc Hervé

Je comprends très bien l’esprit de l’amendement de notre collègue, M. Dossus. Ce projet de loi va considérablement accroître les missions de l’Arcom, de la Cnil et de l’Arcep.

La demande de rapport au Gouvernement ne semble toutefois pas être la bonne méthode. En effet, les rapporteurs spéciaux et pour avis du projet de loi de finances peuvent déjà intégrer dans le périmètre de leur questionnaire budgétaire la question des moyens de ces autorités au regard de leurs nouvelles missions.

Ce débat aura bien évidemment lieu lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2024. C’est la raison pour laquelle je vous demanderai de retirer votre amendement, mon cher collègue.

Debut de section - Permalien
Jean-Noël Barrot

Monsieur le sénateur, mon avis est le même que celui de M. le rapporteur, mais je vais tout de même essayer de vous apporter quelques éléments de réponse.

Aussi bien pour les règlements européens qui ont déjà été évoqués que pour les dispositions de nos textes de droit interne, il est évidemment indispensable que les autorités administratives indépendantes concernées disposent des moyens nécessaires pour leur exécution.

Dans la loi de finances pour 2023, quelque 15 équivalents temps plein (ETP) supplémentaires ont été budgétés pour l’Arcom, en prévision des nouvelles missions qui lui seront confiées pour la mise en œuvre du DSA. Par ailleurs, la Commission européenne s’est elle aussi dotée de moyens supplémentaires via le recrutement d’une centaine d’agents chargés de l’exécution des règlements DMA et DSA. Enfin, comme l’a rappelé M. le rapporteur, nous aurons ces débats au moment de l’examen du projet de loi de finances pour 2024, auquel je vous invite à contribuer, notamment sur ces aspects-là, aux côtés des rapporteurs spéciaux évidemment.

L’article 10 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique est ainsi rédigé :

« Art. 10. – I. – L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique veille à ce que les contenus pornographiques mis à la disposition du public par un service de communication au public en ligne ne puissent pas être accessibles aux mineurs et en conséquence, à ce que les personnes dont l’activité est d’éditer un tel service de communication au public en ligne vérifient préalablement l’âge de leurs utilisateurs.

« Elle établit et publie à cette fin, dans un délai de six mois après la promulgation de la présente loi, après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, un référentiel déterminant les caractéristiques techniques applicables aux systèmes de vérification de l’âge mis en place pour l’accès aux services de communication au public en ligne qui mettent à la disposition du public des contenus pornographiques, en matière de fiabilité du contrôle de l’âge des utilisateurs et de respect de leur vie privée.

« II. –

Supprimé

Debut de section - PermalienPhoto de Annick Billon

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, il y a un an, avec mes collègues Alexandra Borchio Fontimp, Laurence Cohen et Laurence Rossignol, nous achevions six mois de travaux qui ont apporté une véritable expertise sur l’industrie pornographique. Jusqu’alors, ce sujet était un grand absent du débat public, a fortiori des politiques publiques.

La pornographie, disponible sept jours sur sept, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, pour tous, a des conséquences graves sur les mineurs : addiction, comportements et pratiques sexuelles à risque, entre autres. Les conséquences ne se limitent pas seulement aux plus jeunes, mais se répercutent également dans l’ensemble de notre société.

Dans notre rapport d’information intitulé Porno : l ’ enfer du décor, nous soulignons l’importance d’imposer un véritable contrôle de l’âge des internautes avant tout accès à un contenu pornographique. Nous insistons sur l’importance et l’urgence d’appliquer enfin la loi. À la suite de l’adoption de l’amendement de notre collègue Marie Mercier en 2020, la loi oblige désormais les propriétaires de site pornographique à mettre en place un contrôle d’accès à destination des mineurs.

Or l’Arcom n’a toujours pas fait usage de la compétence qui lui a été donnée de publier des lignes directrices relatives à la fiabilité des procédés techniques sur le contrôle de l’âge et des utilisateurs.

Nous jugeons donc primordial que l’Autorité adopte une démarche proactive. Nous suggérons de faire mention au sein de ces lignes directrices de la nécessité d’opérer le contrôle de l’âge dès l’entrée sur le site, avant de pouvoir visionner la moindre image, même floutée.

À cet article 1er, il ne s’agit que de faire appliquer la loi, ni plus ni moins ; nous ne pouvons plus nous satisfaire de tentatives. Le contrôle de l’âge doit enfin être une réalité ; il doit enfin être effectif et fiable !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Je suis saisi de neuf amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L’amendement n° 3 est présenté par Mmes Rossignol et Blatrix Contat, MM. Kanner, Cardon, Durain, Féraud et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L’amendement n° 88 est présenté par Mme Cohen, M. Ouzoulias, Mme Lienemann et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 3

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Les services de communication au public en ligne qui mettent à disposition du public des contenus pornographiques mettent en place des mesures de vérification d’âge empêchant l’accès des mineurs à ces contenus.

La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour présenter l’amendement n° 3.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Cet amendement vise à supprimer la mention du référentiel dans l’article 1er. Tel qu’il est rédigé, cet article tendrait, je le crains, à créer une obligation de moyens minimale pour les sites pornographiques, qui se contenteraient ainsi de satisfaire au référentiel.

Au contraire, il faut inverser la charge de la preuve : c’est aux sites d’apporter la preuve qu’ils ont, par tous les moyens, mis en œuvre les outils nécessaires pour interdire aux mineurs d’accéder à leurs contenus.

Par ailleurs, comme je l’ai mentionné précédemment, il y a une concomitance malheureuse… Nous attendons le jugement que le tribunal judiciaire de Paris rendra le 7 juillet prochain. Or il porte justement sur le fait que les sites prétendent ne pas avoir la possibilité de mettre en œuvre l’obligation inscrite dans la loi de 2020.

Aussi, d’un certain point de vue, en votant aujourd’hui un référentiel, nous confirmons le fait qu’ils n’avaient pas les outils pour le faire ; c’est très embêtant ! C’est pour cela qu’il serait raisonnable de supprimer un tel référentiel, pour les trois prochains jours et pour l’avenir.

Peut-être pourrions-nous également préciser à tout le moins que le référentiel n’est qu’un des moyens – ce n’est pas le seul – permettant aux sites pornographiques de se conformer à la loi.

Tel est l’objet de mon amendement. J’espère être suivie, car il est raisonnable et, surtout, adapté au réel !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

La parole est à Mme Laurence Cohen, pour présenter l’amendement n° 88.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Cet amendement est identique à celui que vient de présenter ma collègue Laurence Rossignol pour le groupe socialiste.

Il vise à responsabiliser davantage les plateformes pornographiques en supprimant le référentiel d’exigences techniques établi par l’Arcom.

Il est important de dire que nous envoyons un message fort aux plateformes pornographiques.

Plus personne ne peut ignorer aujourd’hui les ravages de l’accès à des contenus pornographiques sur les mineurs. Je rappelle qu’un tiers des mineurs de moins de 15 ans se rend chaque mois sur un site pornographique, comme vient de l’indiquer notre collègue Annick Billon.

Selon nous, la suppression du référentiel d’exigences techniques ne signifie pas l’absence de régulation ou de responsabilité, bien au contraire ! Cela doit nous conduire à rechercher des solutions plus efficaces et mieux adaptées pour empêcher l’accès des mineurs à ces contenus. Nous devons explorer d’autres voies pour mettre en place des mécanismes de filtrage et de contrôle plus efficaces, en collaboration avec les plateformes pornographiques, les experts en technologie et les organismes de régulation compétents.

Nous ne pouvons laisser la responsabilité de la protection des mineurs aux seuls parents ou aux seuls systèmes de contrôle parental, soyons-en conscients ! Il faut reconnaître la part de responsabilité des plateformes pornographiques ! Elles doivent jouer un rôle actif dans la prévention de l’accès des mineurs à leurs contenus.

C’est tout le sens de notre amendement, et je souhaite, comme Laurence Rossignol, qu’il soit voté par la majorité des sénateurs et des sénatrices.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

L’amendement n° 130, présenté par M. L. Hervé, au nom de la commission spéciale, est ainsi libellé :

I. − Alinéa 3

Supprimer les mots :

dans un délai de six mois après la promulgation de la présente loi,

II. − Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

….− L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique établit et publie le référentiel mentionné au I dans un délai de six mois après la promulgation de la présente loi.

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

L’amendement n° 62 rectifié bis, présenté par M. Fialaire, Mme N. Delattre, MM. Bilhac, Cabanel, Corbisez, Gold et Guérini, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Pantel et MM. Requier et Roux, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Après le mot :

avis

insérer le mot :

conforme

La parole est à M. Bernard Fialaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Fialaire

Cet amendement s’inscrit dans le cadre de l’élaboration du référentiel déterminant les caractéristiques techniques applicables aux systèmes de vérification de l’âge. Il s’agit notamment de ceux qui sont mis en place pour accéder aux services de communication au public en ligne qui proposent des contenus pornographiques.

Cet amendement vise à soumettre le référentiel établi par l’Arcom à un avis conforme de la Cnil, dans le but de permettre à cette dernière de veiller à la protection des libertés et d’élaborer un référentiel coercitif de qualité. En effet, tel qu’il est rédigé, l’article 1er du présent projet de loi ne détaille pas le type d’avis rendu par la Cnil dans l’élaboration dudit référentiel.

Cet amendement permettrait ainsi à la Cnil, forte de son expertise et de l’attention qu’elle porte à la protection des libertés, d’être pleinement associée à l’élaboration de ce référentiel coercitif.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

L’amendement n° 34, présenté par MM. Dossus, Benarroche, Breuiller, Dantec, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Remplacer les mots :

et de respect de leur vie privée

par les mots :

, de respect de leur vie privée et d’empreinte environnementale du numérique

La parole est à M. Thomas Dossus.

Debut de section - PermalienPhoto de Thomas Dossus

Je vais présenter une série d’amendements visant à mieux définir le référentiel, mais je précise que je voterai les amendements identiques n° 3 et 88 de Mmes Rossignol et Cohen.

L’amendement n° 34 vise à ajouter un critère relatif à l’empreinte environnementale. Il est classique pour notre groupe de favoriser l’écoconception des logiciels produits par l’État.

Certes, nous ne nions pas que la consommation d’énergie liée aux vidéos sur internet soit massive, tout comme l’est celle qui est liée à la consultation de contenus pornographiques. Toutefois, nous pensons qu’il est important d’introduire des critères d’écoconception, d’autant plus quand un tel dispositif résulte d’une injonction de l’État.

Nous souhaitons que les mécanismes de vérification de l’âge par les plateformes comportent un équilibre entre efficacité, protection des données personnelles et protection de l’environnement.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

L’amendement n° 37, présenté par MM. Dossus, Benarroche, Breuiller, Dantec, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Compléter cet alinéa par les mots :

et de leur anonymat en ligne

La parole est à M. Thomas Dossus.

Debut de section - PermalienPhoto de Thomas Dossus

Nous pensons que le référentiel doit garantir le respect de l’anonymat en ligne. Dans la même logique, nous souhaitons garantir la protection de l’anonymat en ligne dans l’établissement de ce référentiel. L’anonymat est l’un des éléments centraux d’internet depuis sa création. C’est la base de la protection de la vie privée.

Cet anonymat, garanti depuis le début de l’existence d’un espace libre, a permis l’émergence d’idées, de concepts et de technologies nouvelles, dont certaines ont changé la face du monde.

Cet anonymat ne doit être remis en cause que dans de très rares cas et toujours sous le contrôle du juge. La vérification de l’âge pour accéder à un site ne représente pas un motif suffisant pour lever cet anonymat.

C’est pourquoi nous proposons de mentionner en toutes lettres que cet anonymat devra être respecté par les mécanismes de vérification de l’âge des sites et donc être intégré aux critères du référentiel établi par l’Arcom.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

L’amendement n° 36, présenté par MM. Dossus, Benarroche, Breuiller, Dantec, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Compléter cet alinéa par les mots :

ainsi que de garantie de protection de leurs données personnelles, en s’assurant notamment que ces dernières ne soient ni exploitées, pour des fins autres que celles établies par le référentiel, ni cédées ni vendues à des tiers

La parole est à M. Thomas Dossus.

Debut de section - PermalienPhoto de Thomas Dossus

Le référentiel doit respecter la protection des données, et nous proposerons des dispositifs en ce sens.

Il est de notre responsabilité, en tant que législateurs, de nous assurer que lors du contrôle de l’âge par les plateformes concernées, les données collectées ne serviront qu’à cette fin.

Aussi, nous proposons d’écrire explicitement que les données collectées ne pourront être exploitées à d’autres fins ni être cédées ou revendues.

Dans la rédaction actuelle du texte, seul le respect de la vie privée est mentionné. Cette référence nous paraît bien trop large et imprécise.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

L’amendement n° 38, présenté par MM. Dossus, Benarroche, Breuiller, Dantec, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Les systèmes de vérification de l’âge sont rendus accessibles au public sous un format ouvert et librement réutilisable.

La parole est à M. Thomas Dossus.

Debut de section - PermalienPhoto de Thomas Dossus

La transparence logicielle, incarnée sur internet par l’open source, est une garantie fondamentale pour les libertés publiques. Lorsqu’un logiciel, un code ou un programme sont consultables librement, toute personne disposant d’un minimum de bagage technique peut s’assurer de son contenu et de son bon fonctionnement.

Pour nous, cette exigence de transparence s’impose d’autant plus quand des données personnelles sont en jeu, comme c’est le cas pour le contrôle de l’âge, prévu à l’article 1er de ce texte. Il n’y a ici ni secret industriel à défendre ni un enjeu de propriété intellectuelle si important qu’il s’imposerait aux questions de défense de l’anonymat, des données personnelles et des libertés numériques ; du reste, ce référentiel est imposé à tous.

Ainsi, les utilisateurs ont le droit de constater par eux-mêmes la façon dont sont utilisées leurs informations personnelles lors du contrôle de l’âge qui est réalisé sur les plateformes. Tel est l’objet de cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

L’amendement n° 35, présenté par MM. Dossus, Benarroche, Breuiller, Dantec, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Le référentiel interdit explicitement l’usage des technologies de reconnaissance biométriques.

La parole est à M. Thomas Dossus.

Debut de section - PermalienPhoto de Thomas Dossus

Nous pensons que le référentiel doit interdire l’usage des technologies biométriques. L’article 1er du projet de loi tend à confier à l’Arcom le soin de définir ce référentiel. Il déterminera des exigences techniques auxquelles devront répondre les systèmes de vérification d’âge des sites comportant des contenus pornographiques.

L’objectif est de s’assurer de l’âge des utilisateurs et des utilisatrices de ces plateformes, afin qu’aucun mineur n’y ait accès. L’établissement de ce référentiel doit à l’heure actuelle respecter deux critères définis en amont : la fiabilité du contrôle de l’âge et le respect de la vie privée. Nous proposons d’ajouter d’autres critères, mais d’interdire la reconnaissance faciale. Bien sûr, cela pourrait être une solution technique pour s’assurer de l’identité ou de l’âge de l’utilisateur, mais elle comporte de nombreux risques, notamment du point de vue de la protection de la vie privée et de la collecte des données anthropométriques.

Ces risques rendent éthiquement impossible l’usage de cette technologie pour vérifier l’âge des personnes. C’est pourquoi il est proposé de les interdire.

Debut de section - PermalienPhoto de Loïc Hervé

Les deux amendements identiques n° 3 et 88 ont pour objet de supprimer la création d’un référentiel pour les systèmes de vérification de l’âge, inscrite à l’article 1er.

Or cette mesure reprend la recommandation n° 14 du rapport d’information de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes – il nous a inspirés pour un certain nombre de mesures et d’amendements –, dont vous êtes toutes les deux auteures, mesdames Rossignol et Cohen. Aussi, je suis un peu surpris par les amendements que vous présentez.

Je ne pense pas qu’imposer aux plateformes pornographiques des systèmes de vérification de l’âge conformes à un référentiel établi par l’Arcom risque de les déresponsabiliser. C’est bien sur ces plateformes que repose la responsabilité pénale de ne pas laisser les mineurs accéder à leurs contenus.

Par ailleurs, le référentiel deviendrait la base d’un nouveau pouvoir de mise en demeure et de sanction de l’Arcom, pouvant aboutir au blocage des sites. Vous comprendrez que la commission spéciale émette un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.

L’amendement n° 62 rectifié bis présenté par M. Fialaire, qui dispose que l’avis de la Cnil doit être conforme, ne répond pas à une demande de celle-ci, car nous l’avons interrogée à ce propos.

En effet, il n’y a pas lieu de donner à une autorité administrative indépendante la prééminence sur une autre, alors qu’elles travaillent main dans la main sur ce dispositif ; nous en avons même eu le témoignage lors de l’audition commune des trois présidents de la Cnil, de l’Arcom et de l’Arcep. Notre avis est donc défavorable.

En réponse à l’amendement n° 34 de M. Dossus et de ses collègues, je rappelle que le principal objet de l’article 1er est de mettre en place des systèmes de contrôle d’âge fiables et respectueux des données personnelles, c’est-à-dire, en l’espèce, du RGPD. L’aspect environnemental doit être pris en compte, à condition que cette première étape ait été franchie, monsieur Dossus.

Par ailleurs, c’est davantage le visionnage des sites pornographiques, vu leur poids dans la bande passante, que le contrôle des sites qui poserait une difficulté. ( Mme la secrétaire d ’ État manifeste son approbation.) Madame la secrétaire d’État, je vous vois opiner du chef !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Loïc Hervé

En ce qui concerne l’amendement n° 37, relatif à l’anonymat en ligne, je rappelle que l’objet du référentiel est bien de protéger la vie privée des utilisateurs. Dans ce cadre, l’Arcom, la Cnil et le PEReN semblent enclins à suggérer, parmi d’autres solutions, un système de double anonymat et non simplement d’anonymat, comme vous semblez le proposer, mon cher collègue.

En effet, l’anonymat peut nécessairement être levé à un moment donné pour vérifier l’âge de l’utilisateur. En revanche, il est préconisé que la levée de l’anonymat se fasse auprès d’un tiers de confiance et non directement auprès de l’éditeur de la plateforme pornographique. La rédaction que vous proposez ne convient donc pas.

Par ailleurs, il ne semble pas utile d’entrer trop dans le détail des caractéristiques qui seront inscrites dans le référentiel. Selon nous, c’est aux deux autorités administratives indépendantes, qui ont la compétence technique et juridique plus encore que nous autres parlementaires, de se prononcer sur cette question, chacune selon son champ de compétences, et d’adapter ces caractéristiques au fil du temps et des évolutions technologiques. Notre avis est donc défavorable.

L’amendement n° 36 nous semble satisfait. C’est bien ce que recouvre la notion de respect de la vie privée des utilisateurs, déjà inscrite à l’alinéa 3, qui justifie précisément l’avis de la Cnil. La commission spéciale en demande le retrait ; à défaut son avis serait défavorable.

J’en viens à l’amendement n° 38 relatif à la question du format ouvert et librement réutilisable des systèmes de vérification de l’âge. L’objet de cet amendement me semble déjà assuré par le RGPD lui-même, qui dispose dans son article 15, qui est d’application directe en droit interne – il s’agit d’un règlement –, que le responsable du traitement fournit une copie des données à caractère personnel faisant l’objet d’un traitement. S’agissant du format des logiciels utilisés pour le contrôle de l’âge, il faut d’abord regarder les solutions disponibles sur le marché, me semble-t-il. Il est trop tôt pour imposer un format plutôt qu’un autre. Aussi, j’émets un avis défavorable.

Enfin, en réponse à l’amendement n° 35, qui tend à exclure l’utilisation de technologies de reconnaissance biométrique, je pense qu’il faut laisser la Cnil poser les limites qui lui semblent utiles aux systèmes de vérification de l’âge. Actuellement et dans l’attente de systèmes plus vertueux, elle s’est déclarée favorable à des procédés d’estimation de l’âge reposant sur une analyse faciale et non pas une reconnaissance faciale. Il s’agirait donc d’analyser les traits du visage, afin d’en apprécier la juvénilité, et non d’identifier une personne. À cela s’ajoute la condition que ces procédés soient mis en œuvre par un tiers.

Il faut en effet être pragmatique dans l’attente de développement de solutions par le marché. Monsieur Dossus, je ne voudrais pas que l’adoption de votre amendement empêche la mise en œuvre de solutions pragmatiques, respectueuses de la vie privée, mais qui seraient des évolutions technologiques que les plateformes trouveraient par elles-mêmes. Aussi, j’émets un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Jean-Noël Barrot

Mesdames, messieurs les sénateurs, d’où vient le principe du référentiel, sur lequel l’Arcom va pouvoir s’appuyer pour ordonner le blocage et le déréférencement de sites pornographiques qui ne vérifieraient pas l’âge de leurs utilisateurs ?

On en trouve d’abord l’origine dans le décret d’application de la loi du 30 juillet 2020, qui décrit la procédure par laquelle l’Arcom peut mettre en demeure les sites pornographiques et saisir le tribunal judiciaire de Paris pour obtenir leur blocage et leur déréférencement.

Ce référentiel, comme l’a rappelé M. le rapporteur, on le retrouve ensuite à la page 127 et à la recommandation n° 14 du rapport de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. Il s’agit d’une condition pour que l’Arcom, assurée que le niveau de sécurité juridique est suffisamment élevé, puisse ordonner le blocage des sites pornographiques.

Comme M. le rapporteur l’a également rappelé, si nous n’avons pas de référentiel, en réalité, c’est non pas sur les plateformes que nous rejetons la responsabilité, mais sur le juge. Croyez-moi, les plateformes ne vont pas se précipiter pour mettre en place des systèmes de vérification d’âge extrêmement fiables !

Elles vont mettre en œuvre la première solution venue, à charge pour les juges de déterminer ensuite si, oui ou non, la solution est acceptable, suffisamment fiable ou protectrice de telles ou telles données personnelles.

En réalité, le référentiel vient sécuriser la capacité de l’Arcom à ordonner le blocage et le déréférencement. Et puisque nous prévoyons dans les articles 1er et 2 d’aller beaucoup plus vite, en contournant la procédure judiciaire, pour procéder à ce blocage, il faut que nous puissions fixer, à tout le moins, les conditions dans lesquelles le blocage et le déréférencement puissent être prononcés par l’Arcom.

Je veux faire observer qu’il n’y a aucun lien, ou plutôt qu’il ne doit y avoir aucune interférence, contrairement à ce que vous semblez envisager, madame la sénatrice Rossignol, entre la procédure judiciaire, qui est en cours depuis un an et demi devant le tribunal judiciaire de Paris, dont le verdict est attendu vendredi prochain, et les articles 1er et 2 du présent projet de loi.

Les dispositions de ces derniers articles ne seront applicables que pour les affaires ayant trait à des poursuites qui auront été engagées à partir du 1er janvier 2024, comme le prévoit l’article 36. D’ici là, le droit existant s’applique. Or que faut-il faire pour que les plateformes soient en conformité avec le droit existant ? Eh bien, pour le dire de façon imagée, il leur suffit de se baisser et de ramasser n’importe quel système de vérification d’âge pour satisfaire aux prescriptions légales. Comme l’ont dit Mme la secrétaire d’État, la Cnil et moi-même, nombre de systèmes d’estimation de l’âge existent aujourd’hui et sont librement accessibles sur le marché, comme pour l’utilisation de la carte de crédit pour un paiement à zéro euro. Tous ces systèmes seront en vigueur jusqu’au 31 décembre 2023. Il n’y a donc aucune raison ni pour les sites ni pour le juge d’aller chercher la moindre référence dans le texte que le Parlement adoptera à l’issue de son examen, puisque ses dispositions ne s’appliqueront qu’à l’avenir, pour des affaires futures.

Pour revenir à la discussion des amendements, je demande le retrait des amendements identiques n° 3 et 88, qui tendent à supprimer le référentiel ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

Je répète mon argument principal : dans la mesure où il s’agit de demander à l’Arcom de prendre une décision assez lourde, à savoir ordonner en quelques semaines le blocage et le déréférencement du site, celle-ci doit pouvoir s’appuyer sur un référentiel. Peu importe si ce dernier est souple et permet simplement d’assurer ou d’attester un minimum de fiabilité des solutions de vérification d’âge retenues.

L’amendement n° 130 du rapporteur vise à pousser l’Arcom à publier ce référentiel dans les six mois, soit d’ici au 1er janvier 2024, date à laquelle l’article 2 entrera en vigueur. L’Arcom devrait être en mesure de publier le référentiel dans ces délais ; le Gouvernement s’en remet donc à la sagesse du Sénat.

L’amendement n° 62 rectifié bis, de Bernard Fialaire, et les amendements n° 34, 37, 36, 38 et 35, de Thomas Dossus, soulèvent tous des questions légitimes relatives au RGPD, à l’empreinte environnementale, à l’open source, etc. Je propose à leurs auteurs de bien vouloir les retirer, car nous préférons conserver un référentiel souple, à même de permettre à l’Arcom d’ordonner le blocage et le déréférencement en toute sécurité. Les sites pornographiques pourraient en effet tirer argument d’un référentiel excessivement complexe et coûteux pour ne pas s’y conformer.

Le Gouvernement émet un avis de sagesse sur l’amendement du rapporteur, qui vise à demander à l’Arcom de publier le référentiel dans les six mois, et propose de ne pas toucher à la rédaction initiale de l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Mais n’est-ce pas déjà ce que prévoit le texte de la commission ?

Debut de section - PermalienPhoto de Loïc Hervé

Oui, madame Rossignol, vous êtes bien à l’origine de cette disposition adoptée en commission, avec mon avis favorable.

Notre amendement n° 130 ne fait que déplacer cette disposition du texte de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, dite LCEN, vers le présent projet de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Monsieur le rapporteur, il ne m’avait pas échappé que le référentiel figurait dans les préconisations du rapport de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes.

Notre rapport d’information, élaboré il y a un an, a été publié en septembre dernier. Depuis lors, l’état de l’art a évolué. J’ai rencontré des spécialistes de la procédure judiciaire et je crains que ce référentiel ne se traduise que par une obligation de moyens à l’égard des sites. Il ne permettra pas, à lui seul, de faire appliquer la loi.

Vous l’avez d’ailleurs vous-même reconnu, monsieur le ministre, en déclarant que les sites n’auront qu’à se baisser pour mettre en place des outils conformes au référentiel…

Debut de section - Permalien
Jean-Noël Barrot

Sous le contrôle du juge !

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Soit, mais je ne vois pas ce que le référentiel apportera.

Je voudrais à tout le moins préciser que les sites ne devront pas se conformer qu’au seul référentiel. En outre, ce dernier devra être régulièrement mis à jour. La volonté des sites d’appliquer la loi sera aussi évaluée en fonction de l’état de l’art et des technologies, car les outils évolueront probablement plus vite que le référentiel.

Oui, monsieur le rapporteur, j’ai changé d’avis. J’espère que vous serez aussi soucieux de reprendre les préconisations du rapport de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes lorsque nous examinerons l’amendement n° 83 de Mme Cohen, qui en est également issu…

Monsieur le ministre, j’ai quelques notions de droit et je connais le principe de non-rétroactivité de la loi pénale. Je sais bien que les affaires en cours seront jugées d’après la loi en vigueur. Mais ce qui se dit au Parlement sur le droit en vigueur peut éventuellement peser… Un appel n’est pas exclu.

Les amendements ne sont pas adoptés.

L ’ amendement est adopté.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

L’amendement n° 83, présenté par Mme Cohen, M. Ouzoulias, Mme Lienemann et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 3

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Le service de communication au public en ligne qui diffuse des contenus pornographiques prévoit l’affichage d’un écran noir tant que l’âge de l’internaute n’a pas été vérifié.

La parole est à Mme Laurence Cohen.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Par cet amendement, nous proposons une mesure concrète pour protéger les mineurs d’une exposition à des contenus pornographiques inappropriés en ligne. Elle s’inspire de la recommandation n° 13 du rapport d’information intitulé Porno : l ’ enfer du décor, qui a mis en évidence les risques et les conséquences néfastes auxquels les mineurs peuvent être confrontés lorsqu’ils accèdent à des contenus pornographiques.

L’affichage d’un écran noir tant que l’âge de l’internaute n’a pas été vérifié constituerait une mesure efficace pour limiter l’accès des mineurs à ces contenus. Ce faisant, nous encourageons les sites internet à caractère pornographique à adopter des mesures de contrôle et de prévention de l’accès des mineurs, conformément à leurs responsabilités éthiques et légales.

L’affichage d’un écran noir permet en outre de sensibiliser les utilisateurs, en particulier les mineurs, sur la nécessité de respecter les restrictions d’âge et promeut une utilisation responsable d’internet. Cette mesure s’inscrit dans une démarche de prévention, en évitant en amont aux mineurs d’accéder involontairement à des contenus qui pourraient nuire à leur développement et à leur bien-être.

Debut de section - PermalienPhoto de Loïc Hervé

Cette précision relève du contenu du référentiel. J’imagine que l’Arcom s’inspirera des travaux parlementaires, et notamment du rapport de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes.

Nous avons veillé à ne pas inscrire le détail du référentiel dans le présent article, afin de laisser de la souplesse aux deux autorités chargées de son élaboration, l’Arcom et la Cnil, qui pourront le faire évoluer au gré des avancées technologiques.

Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, j’y serai défavorable.

Debut de section - Permalien
Jean-Noël Barrot

Madame la sénatrice, je comprends pourquoi vous souhaitez cet écran noir : même avec une vérification d’âge, le site internet peut faire apparaître des images explicites, éventuellement sur le côté de l’écran. Je suis tout à fait d’accord avec vous et c’est précisément la raison pour laquelle nous voulons un référentiel.

Il faudra donc pousser l’Arcom à tenir compte de cette recommandation de votre excellent rapport. La vérification d’âge, ce n’est pas une blague ; les sites doivent l’effectuer de manière très sérieuse. Tant que son âge n’a pas été vérifié, l’utilisateur ne doit avoir accès à aucun contenu pornographique.

Votre proposition montre combien il est difficile de poser une simple obligation de résultat en la matière. Nous devons fixer quelques obligations de moyens pour permettre à l’Arcom d’user de son pouvoir de police administrative en ordonnant le blocage et le déréférencement d’un site.

Je vous demanderai également de bien vouloir retirer votre amendement. Toutefois, je m’engage à pousser l’Arcom à retenir le principe de l’écran noir pour l’établissement du référentiel dans les six prochains mois.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Merci, monsieur le ministre, de vos explications détaillées. Toutefois, je m’étonne.

Notre rapport d’information est considéré comme extrêmement sérieux. Il a été adopté par la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes et le Sénat a adopté une proposition de résolution appelant à faire de la lutte contre les violences pornographiques une priorité de politique publique.

Quand nous avons pris nos bâtons de pèlerine pour présenter notre rapport d’information dans différents ministères, tous nous ont accueillies avec beaucoup d’intérêt et de bienveillance et nous ont dit qu’ils allaient s’appuyer sur notre rapport d’information.

Nous sommes à l’heure des travaux pratiques et nous formulons des propositions claires et nettes ; or on nous dit désormais : « c’est intéressant, mais nous venons de faire quelque chose de très sérieux, nul besoin de mettre cette mesure en application… » Franchement, cela ne me convainc pas. Allez sur les sites pornographiques et vous verrez tout l’intérêt d’un écran noir !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Monsieur le ministre, vous voulez faire au mieux et je vous donne acte de votre bonne volonté. Toutefois, nous sommes législateurs.

Vous savez que notre proposition d’écran noir est efficace. Lorsque vous nous répondez qu’il faudra pousser l’Arcom à prendre en compte cette proposition sénatoriale, cela ne me satisfait pas. Je n’ai ni l’intention ni les moyens de pousser l’Arcom. Ils font d’ailleurs un peu ce qu’ils veulent par rapport au Parlement : nous les auditionnons, mais n’avons aucun moyen de les « pousser » – vous en avez certainement plus que nous, monsieur le ministre.

Je ne suis pas certaine qu’il faille laisser ce sujet dépendre du seul référentiel. Le meilleur moyen de garantir l’effectivité de cette mesure, c’est de voter l’amendement : plus besoin, alors, de pousser l’Arcom !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

La parole est à Mme Annick Billon, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Annick Billon

Le rapport d’information Porno : l ’ enfer du décor contient vingt-trois propositions, dont celle sur l’écran noir.

Le premier volet de nos propositions visait à imposer dans le débat public la lutte contre les violences pornographiques, grande absente et du débat public et de nos politiques publiques.

Nous le constatons dans notre débat d’aujourd’hui : il faut une volonté politique pour enfin appliquer la loi sur le contrôle de l’âge des utilisateurs. Monsieur le ministre, comme le soulignent mes deux collègues coauteures dudit rapport, nous avons besoin que le Gouvernement s’engage pour garantir que les mineurs n’auront pas accès à ces contenus.

Le référentiel devra évoluer, à l’instar de la technique, qui évolue tous les jours. Nous avons besoin de garanties, car l’Arcom, lorsqu’elle a été entendue au Sénat, s’est montrée assez réticente à appliquer certaines dispositions législatives en vigueur.

Je suivrai l’avis de la commission spéciale, mais je vous demande un engagement pour qu’enfin l’Arcom se plie à la volonté politique d’interdire l’accès des mineurs aux sites pornographiques.

Debut de section - Permalien
Jean-Noël Barrot

Neuf recommandations du rapport de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes ont été reprises dans le périmètre ministériel dont j’ai la responsabilité. Certaines ont même structuré les premiers articles du présent projet de loi. Nous avons lu votre rapport d’information avec beaucoup d’intérêt et d’attention et lui avons emprunté un certain nombre de propositions.

Nous devons trouver une ligne de crête qui nous permette de maintenir une obligation de résultat pour les sites pornographiques sans renoncer à fixer des moyens minimaux à mettre en œuvre, dont l’écran noir.

Je ne doute pas que l’Arcom, lorsqu’elle rédigera son référentiel, prendra en compte les différentes recommandations de votre rapport. Je n’ai pas autorité sur l’Arcom, mais je préconiserai, avec Mme la secrétaire d’État chargée de l’enfance, la prise en compte de votre proposition d’écran noir par l’Arcom et par la Cnil.

Prévoyons dans la loi un référentiel souple, …

Debut de section - Permalien
Jean-Noël Barrot

… qui ne soit pas trop contraignant et qui puisse évoluer, afin que les mesures entrent rapidement en application.

Debut de section - PermalienPhoto de Loïc Hervé

M. Loïc Hervé, rapporteur. Madame Cohen, sans vouloir faire de mauvais esprit, permettez-moi de relever qu’après avoir proposé la suppression du référentiel, vous demandez maintenant qu’il soit plus précis.

Mme Laurence Rossignol le conteste.

Debut de section - PermalienPhoto de Loïc Hervé

Regardons attentivement la proposition du rapport de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes : il s’agit d’inscrire l’écran noir dans les lignes directrices du référentiel de l’Arcom – c’est écrit noir sur blanc. Il n’a jamais été prévu de l’inscrire dans la loi !

Dans ce texte de régulation et de sécurisation du numérique, le Gouvernement nous propose d’ajouter des mesures relatives au contrôle de l’âge pour interdire l’accès aux mineurs en suivant certaines des préconisations de votre rapport. Or vous demandez maintenant des mesures qui n’y figurent même pas ! Conservons de la cohérence.

Le ministre et moi avons eu des paroles fortes. N’allons pas non plus trop loin ! D’autres options auraient été possibles : le renvoi à un décret en Conseil d’État ou l’inscription du contenu du référentiel dans la loi. Nous avons décidé d’en confier la rédaction aux deux autorités françaises les plus légitimes, juridiquement et techniquement : l’Arcom, après avis de la Cnil. Sur ce point, nous sommes cohérents et très proches des préconisations de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, dont je suis très fier d’être membre.

Debut de section - Permalien
Charlotte Caubel

Je soutiens les arguments de M. le rapporteur et de M. le ministre. Nul ne peut douter de l’engagement du Gouvernement, et du mien en particulier, à faire en sorte que l’interdiction d’accès aux sites pornographiques des moins de 18 ans devienne réalité.

Pour pouvoir octroyer des pouvoirs importants et efficaces à l’Arcom, et réduire ainsi les trop longs délais judiciaires actuels, il fallait donner une base légale au référentiel. Mais inscrire le contenu du référentiel dans la loi irait trop loin, car ce cadre juridique très formel imposerait de repasser devant le législateur à chaque évolution technologique.

Ne fixons pas le contenu du référentiel dans la loi et conservons de la souplesse. Je m’engage, avec le Gouvernement, à ce que les délais soient tenus et à ce que les principes de l’intérêt supérieur de l’enfant et du respect de la vie privée soient pris en compte, à égalité.

Ce référentiel doit rester souple et constamment adaptable en fonction de l’évolution technologique.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

L’amendement n° 84, présenté par Mme Cohen, M. Ouzoulias, Mme Lienemann et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 3

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Les services de communication au public en ligne diffusant des contenus pornographiques doivent afficher, dès l’entrée de l’internaute sur la plateforme, des messages d’avertissement concernant des contenus violents, précisant qu’il s’agit d’actes sexuels non simulés, pouvant constituer des infractions criminelles ou délictuelles.

La parole est à Mme Laurence Cohen.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Je ne voudrais pas laisser M. le rapporteur dans le flou : l’amendement n° 83 était un amendement de repli par rapport à l’amendement n° 88. Sachons raison garder… J’en viens à l’amendement n° 84.

Nous appuyant sur la recommandation n° 3 du rapport d’information, nous souhaitons imposer aux sites pornographiques l’affichage de messages d’avertissement sur leurs contenus violents, précisant qu’il s’agit d’actes sexuels non simulés pouvant constituer des infractions criminelles ou délictuelles. Cette précision est essentielle dans la mesure où rien n’est simulé, ainsi que nous l’avons constaté tout au long de nos travaux : quand une femme pleure et crie, elle pleure et crie vraiment ! Tous ceux qui consultent ces sites, et pas seulement les mineurs, doivent savoir qu’il s’agit d’actes réels, non simulés.

Je me réjouis que le Gouvernement soit attentif à nos recommandations. J’espère que les choses évolueront. Lorsque nous l’avons entendue, l’Arcom, qui a certainement besoin de plus de moyens humains et financiers, n’a pas fait preuve d’une grande appétence – c’est le moins que l’on puisse dire – à travailler sur ces questions.

Debut de section - PermalienPhoto de Loïc Hervé

L’amendement n° 71 de Mme Billon, avant l’article 4, concerne également la question des avertissements. J’en préfère la rédaction et l’emplacement, qui permettent de bien distinguer l’accès des mineurs aux contenus pornographiques.

Je ne suis pas opposé à votre amendement n° 84, mais pas à cet endroit-là et dans une rédaction différente : j’en demande donc le retrait.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

L’amendement n° 84 est retiré.

Je mets aux voix l’article 1er, modifié.

L ’ article 1 er est adopté.

I. – Après l’article 10 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, il est inséré un article 10-1 ainsi rédigé :

« Art. 10 -1. – I. – Lorsqu’une personne dont l’activité est d’éditer un service de communication au public en ligne permettant d’avoir accès à des contenus pornographiques ne met pas en œuvre un système de vérification de l’âge conforme aux caractéristiques techniques du référentiel mentionné à l’article 10, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique lui fait part de ses observations par une lettre motivée, remise par tout moyen propre à en établir la date de réception. Le destinataire de cette lettre dispose d’un délai de quinze jours pour présenter ses observations en retour.

« À l’expiration de ce délai, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique peut, le cas échéant après avis du président de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, mettre en demeure la personne dont l’activité est d’éditer un service de communication au public en ligne permettant l’accès à des contenus pornographiques de se conformer, dans un délai de quinze jours, aux caractéristiques techniques du référentiel mentionné au même article 10. Cette mise en demeure peut être assortie d’une injonction de prendre toute mesure de nature à empêcher l’accès des mineurs aux contenus incriminés. L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique rend publique cette mise en demeure.

« II. – Lorsque la personne dont l’activité est d’éditer un service de communication au public en ligne mettant à la disposition du public des contenus pornographiques ne se conforme pas à la mise en demeure à l’expiration de ce délai, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique peut, après avis du président de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, prononcer une sanction pécuniaire dans les conditions prévues à l’article 42-7 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.

« Le montant de la sanction prend en compte la nature, la gravité et la durée du manquement ainsi que les avantages tirés de ce manquement et les manquements commis précédemment.

« Lorsque la personne dont l’activité est d’éditer un service de communication au public en ligne permettant d’avoir accès à des contenus pornographiques a mis en œuvre un système de vérification de l’âge qui n’est pas conforme au référentiel de l’article 10 de la présente loi, la sanction ainsi prononcée ne peut excéder 75 000 euros ou 1 % du chiffre d’affaires mondial hors taxes réalisé au cours de l’exercice précédent, le plus élevé des deux montants étant retenu. Ce maximum est porté à 150 000 euros ou 2 % du chiffre d’affaires mondial hors taxes en cas de réitération du manquement dans un délai de cinq ans à compter de la date à laquelle la première décision de sanction est devenue définitive.

« Lorsque la personne dont l’activité est d’éditer un service de communication au public en ligne permettant d’avoir accès à des contenus pornographiques n’a mis en œuvre aucun système de vérification de l’âge ou s’est contentée d’une déclaration de majorité, la sanction ainsi prononcée ne peut excéder 250 000 euros ou 4 % du chiffre d’affaires mondial hors taxes réalisé au cours de l’exercice précédent, le plus élevé des deux montants étant retenu. Ce maximum est porté à 500 000 euros ou 6 % du chiffre d’affaires mondial hors taxes en cas de réitération du manquement dans un délai de cinq ans à compter de la date à laquelle la première décision de sanction est devenue définitive.

« Les sanctions pécuniaires sont recouvrées comme les créances de l’État étrangères à l’impôt et au domaine.

« II bis

« Les utilisateurs des services de communication au public en ligne auxquels l’accès est empêché sont dirigés vers une page d’information de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique indiquant les motifs de la mesure de blocage.

« L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique peut également notifier les adresses électroniques de ces services de communication au public en ligne ainsi que celles des services qui reprennent le même contenu, en totalité ou de manière substantielle et qui présentent les mêmes modalités d’accès, aux moteurs de recherche ou aux annuaires, lesquels disposent d’un délai de cinq jours afin de faire cesser le référencement du service de communication au public en ligne.

« Une copie des notifications adressées aux fournisseurs de services d’accès à internet et aux moteurs de recherche ou aux annuaires est adressée simultanément à la personne dont l’activité est d’éditer le service de communication au public en ligne concernée.

« Les mesures prévues au présent II bis sont prononcées pour une durée maximale de vingt-quatre mois. Leur nécessité est réévaluée, d’office ou sur demande, au minimum tous les douze mois. Lorsque les faits mentionnés au premier alinéa du I ne sont plus constitués, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique avise sans délai les destinataires des notifications prévues au présent II bis de la levée de ces mesures.

« L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique rend public chaque année un rapport d’activité sur les conditions d’exercice et les résultats de son activité, qui précise notamment le nombre de décisions d’injonction et les suites qui y ont été données, ainsi que le nombre d’adresses électroniques qui ont fait l’objet d’une mesure de blocage d’accès ou de déréférencement. Ce rapport est remis au Gouvernement et au Parlement.

« III. – Sans préjudice des articles L. 521-1 et L. 521-2 du code de justice administrative, les personnes mentionnées aux I et II bis du présent article peuvent demander au président du tribunal administratif ou au magistrat délégué par celui-ci l’annulation des mesures mentionnées aux mêmes I et II bis dans un délai de cinq jours à compter de leur réception.

« Il est statué sur la légalité de la notification dans un délai d’un mois à compter de la saisine. L’audience est publique.

« Les jugements rendus en application des premier et deuxième alinéas du présent III sont susceptibles d’appel dans un délai de dix jours à compter de leur notification. Dans ce cas, la juridiction d’appel statue dans un délai de trois mois à compter de sa saisine.

« IV. – Pour tout manquement aux obligations définies au II bis du présent article, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique peut, dans les conditions prévues à l’article 42-7 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, prononcer une sanction pécuniaire.

« Toutefois, aucune sanction ne peut être prononcée lorsqu’en raison de motifs de force majeure ou d’impossibilité de fait qui ne lui sont pas imputables, la personne concernée est placée dans l’impossibilité de respecter l’obligation qui lui a été faite, ou lorsque la procédure prévue au III du présent article a été engagée, tant qu’elle n’a pas fait l’objet d’une décision devenue définitive.

« Le montant de la sanction prend en compte la nature, la gravité et la durée du manquement ainsi que les avantages tirés de ce manquement et les manquements commis précédemment.

« Pour les manquements aux obligations prévues au II bis, le montant de la sanction ne peut excéder la somme de 75 000 euros ou une somme équivalente à 1 % du chiffre d’affaires mondial hors taxes, le plus élevé des deux montants étant retenu. Ce maximum est porté à 150 000 euros ou 2 % du chiffre d’affaires mondial hors taxes en cas de réitération du manquement dans un délai de cinq ans à compter de la date à laquelle la première décision de sanction est devenue définitive.

« Les sanctions pécuniaires sont recouvrées comme les créances de l’État étrangères à l’impôt et au domaine.

« V. – Les agents de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique peuvent, s’ils ont été spécialement habilités à cet effet par l’autorité et assermentés dans les conditions prévues au 2° du I de l’article 19 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée, constater par procès-verbal qu’un service de communication au public en ligne mettant à la disposition du public des contenus pornographiques ne met pas en œuvre un système de vérification de l’âge conforme aux caractéristiques techniques du référentiel mentionné à l’article 10 de la présente loi ou permet à des mineurs d’avoir accès à un contenu pornographique.

« VI. – Les conditions d’application du présent article sont précisées par décret en Conseil d’État. »

II

Debut de section - PermalienPhoto de Annick Billon

En septembre dernier, nous avons rendu publiques les vingt-trois recommandations du rapport d’information Porno : l ’ enfer du décor. Nous les avons présentées à plusieurs membres du Gouvernement, notamment à vous, monsieur le ministre.

Les travaux du Sénat ont permis d’éveiller la conscience collective sur la pornographie. Nous proposons de nouvelles mesures pour protéger les victimes de cette industrie, majoritairement des mineurs et des femmes. Je tiens à vous remercier, monsieur le ministre, d’avoir intégré une dizaine de nos recommandations dans le présent projet de loi.

Les chiffres sont connus : un tiers des moins de 13 ans et deux tiers des moins de 15 ans ont déjà eu accès à des images pornographiques. Nous venons de voter l’obligation faite à l’Arcom de publier des lignes directrices pour rendre effectif le contrôle de l’âge des utilisateurs de ces sites. Cet article 2 vise à confier à cette autorité de régulation, qui est déjà compétente sur la lutte contre la haine en ligne, un pouvoir de sanction en la matière.

Pour ce qui concerne la pornographie, l’Arcom a pour l’instant obligation de saisir le tribunal judiciaire de Paris. Or les délais judiciaires sont longs et les sites pornographiques trop nombreux pour que cette méthode soit viable et efficace.

Pour reprendre l’image de M. Gordon Choisel, président de l’association Ennocence, que la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes a entendu, il s’agit de mettre en demeure le dealer du coin de la rue d’arrêter de dealer, faute de quoi on appellera la police…

Le Sénat attendait cette refonte de la procédure afin que la loi soit enfin respectée. Je regrette cependant la faiblesse des sanctions administratives : des amendes plus lourdes auraient eu un effet dissuasif.

En résumé, nous devons toucher au porte-monnaie pour rendre la vie impossible à ceux qui ne respectent pas la loi, à cette industrie qui se développe massivement depuis une vingtaine d’années et qui est aux mains d’experts non pas du sexe, mais de la finance.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

L’amendement n° 82, présenté par Mme Cohen, M. Ouzoulias, Mme Lienemann et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 3, première et deuxième phrases, alinéa 4, alinéa 6, première phrase, alinéa 9, première et dernière phrases, alinéas 11 et 18

Remplacer le mot :

peut

par le mot :

doit

II. – Alinéa 23

Remplacer le mot :

peuvent

par le mot :

doivent

La parole est à Mme Laurence Cohen.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

C’est simple : nous voulons que la sanction soit automatique, et non pas seulement possible, lorsque la loi n’est pas respectée… C’est indispensable compte tenu de tout ce qui a été dit précédemment de l’industrie pornographique.

Debut de section - PermalienPhoto de Loïc Hervé

Lorsque l’on confère à une autorité administrative indépendante un pouvoir de mise en demeure et de sanction, il faut lui laisser la liberté de décider de l’engagement de cette procédure. La rédaction retenue dans le texte est habituelle : avis défavorable.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

L’amendement n° 41, présenté par MM. Dossus, Benarroche, Breuiller, Dantec, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 3, première phrase

Remplacer les mots :

mettre en demeure

par les mots :

saisir le président du tribunal judiciaire de Paris aux fins d’ordonner, selon la procédure accélérée au fond, que

et les mots :

de se conformer

par les mots :

se conforme

II. – Alinéa 4

Remplacer le mot :

prononcer

par les mots :

saisir le président du tribunal judiciaire de Paris aux fins d’ordonner, selon la procédure accélérée au fond,

La parole est à M. Thomas Dossus.

Debut de section - PermalienPhoto de Thomas Dossus

Notre amendement vise à rétablir le contrôle du juge avant chaque injonction ou sanction de l’Arcom.

La protection des enfants est fondamentale, mais le pouvoir de prononcer des injonctions et des sanctions doit s’exercer dans le respect de l’État de droit : ce pouvoir doit être encadré afin d’éviter toute dérive, instrumentalisation ou censure.

Le droit en vigueur prévoit la possibilité d’une censure judiciaire, c’est-à-dire un contrôle du juge avant toute opération de blocage. Nous souhaitons revenir sur la censure purement administrative prévue par cet article. N’ouvrons pas cette boîte de Pandore par les temps qui courent.

Debut de section - PermalienPhoto de Loïc Hervé

La commission spéciale s’est prononcée en faveur du changement de méthode que le Gouvernement a proposé et qui correspond à la recommandation n° 12 du rapport de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes : « Confier à l’Arcom la possibilité de prononcer des sanctions administratives, aux montants dissuasifs, à l’encontre des sites pornographiques accessibles aux mineurs. »

C’est ce qui a été fait pour l’Autorité nationale des jeux (ANJ) : la procédure judiciaire de blocage a été transformée en procédure administrative par la loi du 2 mars 2022 visant à démocratiser le sport en France. L’ANJ a constaté une accélération des délais et un plus grand nombre de sites bloqués.

J’espère qu’il en sera de même pour l’Arcom, car nous devons absolument réussir à empêcher nos jeunes d’accéder si facilement aux sites pornographiques.

La commission est défavorable à cet amendement.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

L’amendement n° 131, présenté par M. L. Hervé, au nom de la commission spéciale, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Remplacer les mots :

mettant à la disposition du public

par les mots :

permettant d’avoir accès à

et les mots :

de ce délai

par les mots :

du délai de quinze jours mentionné au second alinéa du I

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - Permalien
Jean-Noël Barrot

Avis favorable, monsieur le président.

L ’ amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

L’amendement n° 63 rectifié bis, présenté par M. Fialaire, Mme N. Delattre, MM. Bilhac, Corbisez, Gold et Guérini, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Pantel et MM. Requier, Roux et Cabanel, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 6

1° Première phrase

Supprimer les mots :

75 000 euros ou

et les mots :

, le plus élevé des deux montants étant retenu

2° Seconde phrase

Supprimer les mots :

150 000 euros ou

II. – Alinéa 7

1° Première phrase

Supprimer les mots :

250 000 euros ou

et les mots :

, le plus élevé des deux montants étant retenu

2° Seconde phrase

Supprimer les mots :

500 000 euros ou

III. – Alinéa 21

1° Première phrase

Supprimer les mots :

la somme de 75 000 euros ou

et les mots :

, le plus élevé des deux montants étant retenu

2° Seconde phrase

Supprimer les mots :

à 150 000 euros ou

La parole est à M. Bernard Fialaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Fialaire

Notre amendement vise à durcir les sanctions pécuniaires prévues par le présent article. Il s’agit des sanctions qui seraient appliquées par l’Arcom aux éditeurs de services de communication au public en ligne permettant d’avoir accès à des contenus pornographiques qui ne mettraient pas en œuvre de système de vérification de l’âge ou dont ledit système serait non conforme au référentiel.

Les sanctions prévues en pourcentage du chiffre d’affaires annuel mondial – 1 %, 2 %, 4 % ou 6 % –, lorsque le système de vérification de l’âge est non conforme ou absent, ou en cas de récidive, semblent proportionnées. En revanche, les montants des amendes, de 75 000 euros à 500 000 euros, semblent insuffisants : certaines plateformes peuvent en effet être tentées de continuer de diffuser leurs contenus en intégrant ces montants à leur budget.

Nous nous étonnons aussi que la mention « le plus élevé des deux montants étant retenu » n’ait pas été prévue en cas de récidive de l’éditeur.

Cette approximation jette un flou sur notre volonté de lutter contre l’accès des mineurs aux sites pornographiques ; cet amendement vise à le lever.

Debut de section - PermalienPhoto de Loïc Hervé

Il semble nécessaire de conserver un plancher exprimé en euros.

C’est bien le montant le plus élevé qui est retenu dans tous les cas : ainsi, un site générant plus de 7, 5 millions d’euros serait passible d’une amende supérieure à 75 000 euros s’il met en place un système non conforme au référentiel de l’Arcom.

En revanche, un site affichant un faible chiffre d’affaires encourrait tout de même une amende de 75 000 euros.

L’avis est donc défavorable.

Debut de section - Permalien
Jean-Noël Barrot

Je partage l’avis du rapporteur : le plus élevé des deux montants étant retenu, il n’est pas nécessaire de supprimer les plafonds monétaires – au contraire !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

L’amendement n° 63 rectifié bis est retiré.

L’amendement n° 66 rectifié bis, présenté par M. Fialaire, Mme N. Delattre, MM. Bilhac, Corbisez, Gold et Guérini, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Pantel et MM. Requier, Roux et Cabanel, est ainsi libellé :

Alinéas 6, 7 et 21, secondes phrases

Remplacer le mot :

cinq

par le mot :

dix

La parole est à M. Bernard Fialaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Fialaire

Cet amendement vise à prolonger de cinq à dix ans le délai permettant d’alourdir les amendes à l’encontre de l’éditeur d’un service de communication publique en ligne offrant un accès à des contenus pornographiques, afin de rendre le nouveau dispositif plus coercitif et dissuasif, en prévision d’une récidive éventuelle.

La réitération d’un manquement à la mise en conformité au référentiel du système de vérification de l’âge, ou d’une absence de ce système lui-même, dans un délai de cinq ans à partir de la date à laquelle la première sanction est devenue définitive permet d’alourdir la sanction financière imposée à l’éditeur en infraction. Il nous paraît toutefois plus pertinent d’étendre cette période à dix ans, afin d’amplifier l’effet dissuasif de ce dispositif.

Les sites pornographiques français xvideos.com ou xnxx.com, par exemple, ont enregistré respectivement 3, 22 milliards et 2, 58 milliards de visites en 2019, dont une part significative provenant de mineurs. Ces deux sites figurent parmi les douze sites internet les plus visités au monde, surpassant même Netflix en termes de fréquentation.

De son côté, le site canadien PornHub affiche un chiffre d’affaires effrayant de 500 millions de dollars.

Il nous appartient donc de limiter autant que possible la diffusion de tels contenus à nos mineurs en frappant économiquement plus fort et plus longtemps, de manière à dissuader ces sites d’intégrer simplement les amendes encourues dans leur budget.

Debut de section - PermalienPhoto de Loïc Hervé

Cet amendement vise à allonger la durée pendant laquelle l’amende peut être aggravée pour réitération.

La durée de cinq ans correspond toutefois à ce qui est prévu dans le code pénal en matière délictuelle. Elle nous est apparue comme proportionnée, raison pour laquelle la commission est défavorable à cet amendement.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

L’amendement n° 46 rectifié quater, présenté par Mmes Noël et Garriaud-Maylam, MM. Gremillet, D. Laurent et Chatillon, Mme Muller-Bronn, MM. Charon, Joyandet et Bouchet et Mmes Thomas, Belrhiti, Pluchet et Berthet, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 9, première phrase

Après le mot :

internet

insérer les mots :

ou aux fournisseurs de systèmes de résolution de nom de domaine définis au II de l’article 12 de la présente loi

II. - Alinéa 12

Après le mot :

internet

insérer les mots :

, aux fournisseurs de systèmes de résolution de nom de domaine

La parole est à Mme Sylviane Noël.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylviane Noël

Le présent amendement vise à élargir la liste des acteurs susceptibles de contribuer à la lutte contre les sites pornographiques en y incluant, aux côtés des fournisseurs de services d’accès à internet, toutes les personnes pouvant prendre des mesures utiles sur demande de l’autorité administrative compétente afin d’aboutir à une meilleure effectivité du dispositif.

En l’état actuel de la rédaction, les personnes qui fournissent des navigateurs internet, au sens de l’article 2 du règlement du Parlement européen et du Conseil relatif aux marchés contestables et équitables dans le secteur numérique, ne sont pas incluses dans le dispositif. Il en va de même des systèmes d’exploitation mentionnés à l’article 32 du code des postes et des communications électroniques.

Le présent amendement tend par conséquent à inclure dans le champ de l’article, en sus des fournisseurs de services d’accès à internet, les navigateurs et systèmes d’exploitation qui font de la résolution de nom de domaine (DNS).

Debut de section - PermalienPhoto de Loïc Hervé

Cet amendement vise à élargir le champ des demandes de blocage et à étendre la possibilité pour l’Arcom de recourir à une telle mesure.

Nous sommes tout à fait favorables à cette excellente proposition.

Debut de section - Permalien
Jean-Noël Barrot

Madame la sénatrice, cet amendement et le suivant relèvent du même esprit que d’autres amendements que nous retrouvons à différents articles, notamment à l’article 4 et à l’article 6.

Cet amendement vise en particulier à inclure les fournisseurs de résolution de DNS parmi les acteurs concernés. C’est une avancée notable qui nous aidera à préciser la mise en œuvre des dispositifs.

Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur cet amendement, qui tend à intégrer à la fois les résolveurs DNS et les fournisseurs d’accès à internet.

L’avis sera similaire concernant les amendements à venir sur les articles 4 et 6, car il s’agit de conserver les deux simultanément. Nous respectons votre approche légitime et admirable visant à clarifier et à préciser progressivement le droit en matière de blocage par le biais de ces systèmes.

L ’ amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

L’amendement n° 47 rectifié ter, présenté par Mmes Noël et Garriaud-Maylam, MM. Gremillet, D. Laurent et Chatillon, Mme Muller-Bronn, MM. Charon, Joyandet et Bouchet et Mmes Thomas, Belrhiti, Del Fabro, Pluchet et Berthet, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 9, deuxième phrase

Remplacer les mots :

quarante-huit heures

par les mots :

, fixé par l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique, qui ne peut être inférieur à deux jours ouvrés

II. – Alinéa 11

Remplacer les mots :

cinq jours

par les mots :

, fixé par l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique, qui ne peut être inférieur à deux jours ouvrés

La parole est à Mme Sylviane Noël.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylviane Noël

Cet amendement tend à uniformiser les délais prévus aux différents articles du présent projet de loi visant à empêcher l’accès à des contenus illicites ou dans les projets de loi en cours – en particulier le projet de loi de programmation militaire – en les fixant à deux jours ouvrés minimum, au choix de l’Arcom.

Le délai laissé aux moteurs de recherche et annuaires pour le déréférencement des services s’alignerait ainsi sur celui des autres acteurs.

Ce délai minimum de deux jours ouvrés se justifie également par la nécessité d’organiser la mobilisation des agents habilités à effectuer ces blocages chez les acteurs concernés.

Debut de section - PermalienPhoto de Loïc Hervé

L’amendement n° 47 rectifié ter, qui reprend les demandes des opérateurs télécoms, vise à laisser à l’Arcom le soin de fixer le délai d’exécution des mesures de blocage et de déréférencement, en imposant un délai minimal de deux jours ouvrés et, ainsi, à aligner le sort des moteurs de recherche sur celui des fournisseurs d’accès à internet.

Le délai de quarante-huit heures semble suffisamment clair : les fournisseurs d’accès ont des services spécialisés pour traiter ce genre de demande et l’Arcom ne nous a signalé aucune difficulté en la matière.

Pour ces raisons, la commission spéciale est défavorable à cet amendement.

Debut de section - Permalien
Jean-Noël Barrot

Le Gouvernement partage l’avis de la commission spéciale : avis défavorable.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

L ’ article 2 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

L’amendement n° 121 rectifié, présenté par Mmes Morin-Desailly, Billon, Borchio Fontimp et M. Mercier, est ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l’article 6-7 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique dans sa rédaction résultant de la loi n° … du … visant à instaurer une majorité numérique et à lutter contre la haine en ligne, il est inséré un article 6-… ainsi rédigé :

« Art. 6 - …. - I. – Les boutiques d’applications logicielles vérifient l’âge de leurs utilisateurs.

« Les boutiques d’applications logicielles, pour satisfaire à l’obligation mentionnée au premier alinéa du présent I, utilisent des systèmes de vérification de l’âge dont les caractéristiques techniques sont conformes à un référentiel élaboré par l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.

« II. – Le fait pour une boutique d’applications logicielles de ne pas satisfaire à l’obligation prévue au I est puni d’une amende ne pouvant excéder 1 % de son chiffre d’affaires mondial pour l’exercice précédent. »

La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Monsieur le président, je me propose de présenter également l’amendement n° 111 rectifié bis.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

J’appelle donc en discussion l’amendement n° 111 rectifié bis, présenté par Mmes Morin-Desailly, Billon, Borchio Fontimp et M. Mercier, M. Levi, Mme Noël, MM. Laugier, Duffourg, Le Nay et Kern, Mme Guidez, MM. Canévet et Détraigne et Mmes Jacquemet, Férat et Herzog, et ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l’article 6-7 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique dans sa rédaction résultant de la loi n° … du … visant à instaurer une majorité numérique et à lutter contre la haine en ligne, il est inséré un article 6-… ainsi rédigé :

« Art. 6 -…. – I. – En cas d’inexécution de la mise en demeure prévue au II de l’article 6-7, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique peut demander aux boutiques d’applications logicielles d’empêcher le téléchargement de l’application logicielle en cause. Elles disposent d’un délai de quarante-huit heures pour satisfaire cette demande.

« II. – En cas d’inexécution de la mise en demeure prévue au I de l’article 10-1 et dans l’hypothèse où l’éditeur du service de communication au public en ligne concerné donne accès aux contenus pornographiques au moyen d’une application logicielle ou édite des applications qui reprennent ces contenus, en totalité ou de manière substantielle et selon les mêmes modalités d’accès, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique peut demander aux boutiques d’applications logicielles d’empêcher le téléchargement des applications logicielles en cause. Elles disposent d’un délai de quarante-huit heures pour satisfaire cette demande.

« III.- Les mesures prévues aux I et II du présent article sont demandées pour une durée maximale de vingt-quatre mois. Leur nécessité est réévaluée, d’office ou sur demande, au minimum tous les douze mois. Lorsque les faits justifiant les demandes prévues aux I et II ne sont plus constitués, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique avise sans délai les destinataires de celles-ci de la levée des mesures.

« IV. – Le fait pour une boutique d’applications logicielles de ne pas satisfaire aux obligations prévues aux I à III du présent article est puni d’une amende ne pouvant excéder 1 % de son chiffre d’affaires mondial pour l’exercice précédent.

« V. – Un décret en Conseil d’État, pris après avis de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique, détermine les modalités d’application du présent article. »

Veuillez poursuivre, chère collègue.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Ces amendements s’inscrivent dans la continuité des débats engagés lors de l’examen de la proposition de loi visant à instaurer une majorité numérique et à lutter contre la haine en ligne. Ils concernent tous deux le contrôle de l’âge.

L’amendement n° 121 rectifié est assez fort : il tend à imposer aux boutiques d’applications logicielles la vérification de l’âge de leurs utilisateurs en fonction d’un référentiel conçu par l’Arcom, et ainsi à sensibiliser des acteurs essentiels de l’accès à internet.

L’amendement n° 111 rectifié bis vise à responsabiliser davantage les gestionnaires de boutiques d’applications, tels que l’Apple Store et Google Play, qui sont des intermédiaires indispensables et dont le rôle dans la lutte contre la diffusion de contenus illicites et d’applications problématiques demeure sous-estimé.

Cet amendement, que je défends avec plusieurs collègues, notamment Annick Billon, Alexandra Borchio Fontimp et Marie Mercier, vise à autoriser l’Arcom à demander aux gestionnaires des boutiques d’applications d’empêcher le téléchargement d’une application diffusant des contenus à caractère pornographique, mais aussi de réseaux sociaux en ligne, ne respectant pas les obligations légales de vérification d’âge en vigueur.

Debut de section - PermalienPhoto de Loïc Hervé

En ce qui concerne l’amendement n° 121 rectifié, il me semble vertueux de prévoir des vérifications d’âge au plus près de l’utilisateur à chaque fois que cela est possible et, éventuellement, de cumuler les dispositifs.

En l’espèce, pour autant, il me semble qu’il manque une partie de la procédure, car il n’est pas indiqué quelle suite serait donnée à cette vérification. Reviendrait-il au magasin d’empêcher le téléchargement d’applications qui seraient interdites aux moins de 18 ans ou de 15 ans ? Selon quels critères ?

À l’inverse, les éditeurs des applications subissant des restrictions liées à l’âge pourraient-ils interroger les magasins d’application pour vérifier l’âge de l’utilisateur ? Pouvons-nous adopter cet amendement comme une première étape vers un système plus complet ?

Je préfère interroger le Gouvernement à ce sujet.

Pour ce qui est de l’amendement n° 111 rectifié bis, l’objectif de ses auteurs est de bloquer à la source les applications de sites qui ne respectent pas leurs obligations de vérification d’âge.

Ce dispositif serait mis en œuvre sous le contrôle de l’Arcom, après mise en demeure des éditeurs concernés.

Il s’agit d’un complément bienvenu à l’article 2 du projet de loi comme à la proposition de loi visant à instaurer une majorité numérique et à lutter contre la haine en ligne, laquelle devrait être prochainement promulguée par le Président de la République.

La commission spéciale est donc favorable à ce dernier amendement.

Debut de section - Permalien
Jean-Noël Barrot

Je vous remercie pour ces deux amendements, madame Morin-Desailly, qui nous permettent d’avancer dans la réflexion sur la vérification de l’âge.

Je suggère que vous retiriez l’amendement n° 121 rectifié en faveur de l’amendement n° 111 rectifié bis.

La question de la vérification de l’âge se pose de manière prégnante aujourd’hui, notamment en ce qui concerne l’exposition des enfants à des contenus pornographiques, mais aussi pour l’accès à d’autres services, y compris les réseaux sociaux.

Le Sénat a récemment adopté une proposition de loi obligeant les réseaux sociaux à vérifier l’âge de leurs utilisateurs et à recueillir le consentement parental pour ceux d’entre eux qui sont âgés de moins de 15 ans.

Pour les sites pornographiques, il s’agit d’imposer l’installation obligatoire d’un vérificateur d’âge à l’entrée ; la même mesure est envisagée pour les réseaux sociaux.

Néanmoins, comme l’a souligné le rapporteur, nous devons également prendre en compte les boutiques d’applications, qui sont le vecteur par lequel nos enfants accèdent à un certain nombre de ces applications, qu’ils peuvent télécharger et installer sur leurs téléphones.

L’amendement n° 121 rectifié vise à imposer aux boutiques d’applications de vérifier l’âge de l’utilisateur, indépendamment de l’application que celui-ci souhaite télécharger. C’est une approche plus large que celle que vous aviez proposée lors de l’examen de la proposition de loi visant à instaurer une majorité numérique et à lutter contre la haine en ligne.

Il s’agit donc, tout d’abord, d’une vérification de l’âge qui englobe aussi le téléchargement d’applications non soumises à des restrictions d’âge, qui peuvent être consultées aussi bien par les adultes que par les enfants.

Ensuite, je vous confirme que je vais signer ce soir le décret d’application de la loi du 2 mars 2022 visant à renforcer le contrôle parental sur les moyens d’accès à internet, portée par Bruno Studer, qui s’appliquera donc dans les mois à venir.

La France deviendra ainsi le premier pays au monde à généraliser ce contrôle parental, ce qui, dans une certaine mesure, devrait permettre d’atteindre l’objectif visé au travers de cet amendement, car des paramètres sur les téléphones permettront de limiter l’accès des mineurs en fonction de leur âge.

Enfin, nous souhaitons tenir les éditeurs d’applications comme responsables de cette vérification d’âge, plutôt que de la déléguer aux seules boutiques d’applications. Si, actuellement, deux acteurs majeurs se partagent confortablement ce marché, le règlement sur les marchés numériques, ou DMA, qui entrera en vigueur prochainement, instaurera une concurrence entre les boutiques d’applications.

De nouveaux acteurs, y compris français et européens, entreront donc sur le marché. Nous ne souhaitons pas les lester dès le départ d’une obligation supplémentaire, alors que cette responsabilité pourrait être attribuée aux éditeurs.

En revanche, l’amendement n° 111 rectifié bis présente un avantage significatif : il vise à instaurer la même obligation que celle que l’on impose aux sites pornographiques – vérifier l’âge sous peine de blocage ou de déréférencement –, mais aussi, depuis la proposition de loi visant à instaurer une majorité numérique et à lutter contre la haine en ligne, aux réseaux sociaux.

Si cet amendement est adopté, c’est par le biais des boutiques d’applications que les réseaux sociaux comme les sites diffusant des contenus pornographiques pourront être déréférencés s’ils ne mettent pas en place la vérification de l’âge.

Ainsi, cet amendement tend à renforcer considérablement le dispositif des articles 1er et 2 du présent projet de loi, mais également celui de la proposition de loi sur la majorité numérique, que le Sénat a adoptée voilà peu.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Madame Catherine Morin-Desailly, l’amendement n° 121 rectifié est-il maintenu ?

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Cet échange était utile.

Mon premier amendement visait surtout à appeler notre attention sur l’importance du contrôle par les parents, ou au moins de la mise en place d’une vérification permettant de garantir qu’un mineur ne puisse avoir accès à tout type de contenu. Dans ce processus, les boutiques d’applications ont une responsabilité.

Pour autant, monsieur le ministre, vous m’avez convaincue, notamment en rappelant l’existence de la loi Studer et de l’instauration du contrôle parental. Ce dispositif permettra, en effet, de superviser l’accès à certains contenus.

De plus, je me satisfais de l’avis favorable que vous émettez sur l’amendement n° 111 rectifié bis, qui découle de nos discussions lors des débats sur la loi visant à instaurer une majorité numérique et qui trouve ici sa pleine justification.

Je retire donc l’amendement n° 121 rectifié au profit de l’amendement n° 111 rectifié bis.

L ’ amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 2.

Section 2

Pénalisation du défaut d’exécution en vingt-quatre heures d’une demande de l’autorité administrative de retrait de contenu pédopornographique

La loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique est ainsi modifiée :

1° L’article 6-2 est ainsi rédigé :

« Art. 6 -2. – I. – Si un fournisseur de services d’hébergement n’a jamais fait l’objet d’une demande en application de l’article 6-1 en vue de retirer une image ou représentation de mineurs présentant un caractère pornographique relevant de l’article 227-23 du code pénal, l’autorité administrative mentionnée à l’article 6-1 de la présente loi communique à ladite personne des informations sur les procédures et les délais applicables, au moins douze heures avant d’émettre la demande de retrait.

« II. – Si la personne mentionnée au I du présent article ne peut se conformer à une demande de retrait pour des motifs tenant à la force majeure ou à une impossibilité de fait qui ne lui sont pas imputables, y compris pour des raisons techniques ou opérationnelles objectivement justifiables, elle informe de ces motifs, sans retard indu, l’autorité administrative qui a émis la demande de retrait.

« Le délai indiqué au deuxième alinéa de l’article 6-1 commence à courir dès que les motifs mentionnés au premier alinéa du présent II ont cessé d’exister.

« Si la personne mentionnée au I ne peut se conformer à une demande de retrait, au motif que cette dernière contient des erreurs manifestes ou ne contient pas suffisamment d’informations pour en permettre l’exécution, elle informe de ces motifs, sans retard indu, l’autorité administrative qui a émis la demande de retrait, et demande les éclaircissements nécessaires.

« Le délai indiqué au deuxième alinéa de l’article 6-1 commence à courir dès que le fournisseur de services d’hébergement a reçu les éclaircissements nécessaires.

« III. – Lorsqu’un fournisseur de services d’hébergement retire une image ou représentation de mineurs présentant un caractère pornographique relevant de l’article 227-23 du code pénal, il en informe, dans les meilleurs délais, le fournisseur de contenus en précisant les motifs qui ont conduit au retrait de l’image ou de la représentation et des droits dont il dispose pour contester la demande de retrait devant la juridiction administrative compétente. Il lui transmet en outre une copie de la demande de retrait. » ;

2° Après le même article 6-2, sont insérés des articles 6-2-1 et 6-2-2 ainsi rédigés :

« Art. 6 -2 -1. – I. – Le fait, pour les fournisseurs de services d’hébergement, de ne pas retirer les images ou les représentations de mineurs présentant un caractère pornographique relevant de l’article 227-23 du code pénal dans un délai de vingt-quatre heures à compter de la réception de la demande de retrait prévue à l’article 6-1 de la présente loi, est puni d’un an d’emprisonnement et de 250 000 euros d’amende.

« Lorsque l’infraction définie au premier alinéa du présent article est commise de manière habituelle par une personne morale, le montant de l’amende peut être porté à 4 % de son chiffre d’affaires mondial hors taxes de l’exercice précédent.

« II. – Les personnes morales déclarées responsables pénalement, dans les conditions prévues à l’article 121-2 du code pénal, des infractions définies au I du présent article encourent, outre l’amende suivant les modalités prévues à l’article 131-38 du code pénal, les peines prévues aux 2° et 9° de l’article 131-39 du même code. L’interdiction prévue au 2° du même article 131-39 est prononcée pour une durée de cinq ans au plus et porte sur l’activité professionnelle dans l’exercice ou à l’occasion de laquelle l’infraction a été commise.

« Art. 6 -2 -2. – I. – Sans préjudice des articles L. 521-1 et L. 521-2 du code de justice administrative, les fournisseurs de services d’hébergement et les fournisseurs de contenus concernés par une demande en application de l’article 6-1 de la présente loi en vue de retirer une image ou représentation de mineurs présentant un caractère pornographique relevant de l’article 227-23 du code pénal ainsi que la personnalité qualifiée mentionnée à l’article 6-1 de la présente loi peuvent demander au président du tribunal administratif ou au magistrat délégué par celui-ci l’annulation de cette demande, dans un délai de quarante-huit heures à compter, soit, de sa réception, soit, s’agissant du fournisseur de contenus, du moment où il est informé par le fournisseur de services d’hébergement du retrait du contenu.

« II. – Il est statué sur la légalité de l’injonction de retrait dans un délai de soixante-douze heures à compter de la saisine. L’audience est publique.

« III. – Les jugements rendus sur la légalité de la décision en application du I sont susceptibles d’appel dans un délai de dix jours à compter de leur notification. Dans ce cas, la juridiction d’appel statue dans un délai d’un mois à compter de sa saisine.

« IV. – Les modalités d’application du présent article sont précisées par décret en Conseil d’État. »

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

La parole est à Mme la présidente de la commission spéciale, sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Dans le cadre de ses travaux, la commission spéciale, que j’ai l’honneur de présider, a entendu les représentants de la plateforme d’harmonisation, d’analyse, de recoupement et d’orientation des signalements (Pharos), ainsi que ceux d’Europol.

Pharos effectue un travail remarquable de traitement des signalements de contenus illicites. Actuellement, ses prérogatives les plus larges concernent deux domaines spécifiques : la lutte contre la pédopornographie et les contenus à caractère terroriste.

Elle a le pouvoir de demander le retrait de tels contenus aux hébergeurs et, à défaut, d’imposer un blocage ou un déréférencement aux fournisseurs d’accès à internet et aux moteurs de recherche.

Ce mécanisme fonctionne bien. Il connaîtra probablement une évolution avec l’entrée en vigueur du règlement sur les services numériques (RSN), puisque Pharos devra fournir les informations permettant aux hébergeurs de justifier le retrait d’un contenu auprès de son fournisseur.

Dans le cadre de leurs travaux, certains membres de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes se sont interrogés sur la possibilité d’élargir les compétences de Pharos à d’autres types d’infractions, tels que les actes de torture, de barbarie, de viol ou d’inceste. Ces suggestions ont été notamment formulées par Mme Laurence Rossignol.

Nous convenons tous que ces contenus représentent des infractions graves, qui n’ont pas leur place sur internet. Cependant, nous nous interrogeons quant à la manière de les intégrer dans le champ des injonctions administratives de Pharos.

Nous avons souhaité interroger ses responsables à ce sujet. Ils nous ont indiqué qu’une telle évolution emporterait un changement radical du cadre de fonctionnement de Pharos et nécessiterait des moyens considérables.

Monsieur le ministre, prenez-vous en compte ces considérations, notamment dans la perspective du projet de loi de finances, à l’occasion duquel le rôle et la mission de Pharos pourraient être redéfinis ?

Debut de section - PermalienPhoto de Annick Billon

Je souhaite appeler l’attention sur la question du revenge porn, une réalité tragiquement mise en exergue dans notre rapport d’information intitulé Porno : l ’ enfer du décor. Cette pratique consiste à rendre accessible en ligne, à l’insu des personnes concernées – qui sont très majoritairement des femmes – des contenus à caractère sexuel.

La loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique a introduit l’article 226-2-1 dans le code pénal, sanctionnant sévèrement les auteurs de tels actes.

De surcroît, la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique prévoit le retrait rapide de ces contenus illicites.

Pourtant, les témoignages glaçants que nous avons recueillis, et que nous continuons de recevoir, révèlent une méconnaissance alarmante de ces dispositions protectrices. Les victimes ne sont pas suffisamment écoutées, entendues, orientées et conseillées, et ne sont donc pas conscientes de l’existence d’une telle procédure.

Je souhaite souligner avec force cet aspect, qui me paraît essentiel : à quoi bon voter des lois si leur méconnaissance les rend inutiles ?

Dès lors, je m’adresse à vous, monsieur le ministre, pour solliciter la mise en place d’actions réelles, rapides et concrètes. Chacune et chacun doit connaître l’existence de ce régime protecteur et doit être en mesure d’y recourir en toute connaissance de cause.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Nous voterons cet article 3, qui impose une sanction pénale à l’encontre des hébergeurs ne satisfaisant pas à la demande de l’Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l’information et de la communication (OCLCTIC) de procéder au retrait sous vingt-quatre heures d’un contenu en ligne présentant un caractère pédopornographique relevant de l’article 227-23 du code pénal.

Nous avions déposé un amendement, qui a malheureusement été jugé irrecevable au titre de l’article 40. Notre objectif était de renforcer les pouvoirs de police administrative de Pharos dans la lutte contre les contenus choquants et dangereux sur internet, ce qui rejoint les propos tenus par la présidente Catherine Morin-Desailly.

Nous entendions ainsi introduire de nouveaux critères tels que la représentation d’actes de torture et de barbarie, ainsi que de viols. Ces actes représentent des formes extrêmes de violence et de violation des droits humains ; leur diffusion sur internet peut avoir des conséquences graves sur les individus qui y sont exposés.

En renforçant les pouvoirs de police administrative de Pharos, nous entendions renforcer également notre capacité à prévenir et à endiguer la propagation de contenus choquants et dangereux en ligne. Pharos joue un rôle central dans la collecte et dans l’analyse des signalements concernant ces contenus. En lui conférant des pouvoirs accrus, nous aurions amélioré notre capacité à agir rapidement et efficacement pour les supprimer et enquêter sur leur origine.

Les auditions menées dans le cadre du rapport d’information Porno : l ’ enfer du décor de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes nous ont démontré les lacunes et les limites actuelles du système. La lutte contre ces contenus ne relève pas uniquement de la responsabilité des utilisateurs individuels ; elle nécessite également une action coordonnée des autorités compétentes.

En raison des contraintes imposées aux parlementaires par la Constitution, nous n’avons pu formaliser ces propositions au travers d’un amendement, ce qui explique cette intervention.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

L’amendement n° 132, présenté par M. L. Hervé, au nom de la commission spéciale, est ainsi libellé :

I.− Après l’alinéa 1

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

… L’article 6-2 devient l’article 6-5 ;

II.− Alinéa 2

Remplacer le mot :

rédigé

par le mot :

rétabli

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Loïc Hervé

Il s’agit d’un amendement de coordination.

L ’ amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

L’amendement n° 79, présenté par Mme Cohen, M. Ouzoulias, Mme Lienemann et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 3, au début

Insérer une phrase ainsi rédigée :

Tout contenu à caractère sexuellement explicite doit être retiré ou bloqué à la demande de la personne filmée, immédiatement et gratuitement, sans avoir à attendre une collaboration des plateformes.

La parole est à Mme Laurence Cohen.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Nous reprenons ici la recommandation n° 10 du rapport Porno : l ’ enfer du décor, qui vise à exiger le retrait ou le blocage immédiat et gratuit de tout contenu à caractère sexuellement explicite, à la demande de la personne filmée.

Cette question est primordiale : lors des auditions effectuées par la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes et au travers du travail des associations de soutien aux victimes, nous avons constaté que les femmes ayant participé à des contenus pornographiques et demandant leur retrait n’obtenaient pas souvent satisfaction.

Cela devient un véritable combat, de surcroît coûteux. Nous demandons donc, aux côtés des victimes elles-mêmes, que ces retraits se fassent aussi rapidement que possible et sans frais.

Debut de section - PermalienPhoto de Loïc Hervé

Cet amendement ne me semble pas se trouver à la bonne place, puisque l’article 3 concerne les pouvoirs de Pharos par rapport aux contenus pédopornographiques.

Il me semble par ailleurs que, en raison de son caractère général, l’adoption de cet amendement viendrait remettre en cause le droit des contrats : une personne rémunérée pour participer à un tournage de film sexuellement explicite pourrait à tout moment exiger le retrait de ce film, quand bien même elle aurait cédé ses droits d’artiste interprète ou ses droits à l’image dans des conditions normales.

Je préfère la rédaction de l’amendement n° 70 rectifié de Mme Billon, qui sera discuté avant l’article 4, et qui me semble plus compatible avec le droit des contrats.

Je demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, j’y serai défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Si l’esprit de l’amendement n° 70 rectifié de Mme Annick Billon est le même, je retire le mien à son profit ; pour autant, monsieur le rapporteur, je suis perplexe quant à votre explication.

Nous pourrions débattre des histoires de contrat dans le domaine en question : nous avons observé que, pour les personnes exploitées et contraintes à tourner des contenus violents, des actes de barbarie, dans des conditions déplorables, le contrat ne représente rien. Il leur est extorqué et on peut tout leur faire subir en son nom.

Je me permets donc d’apporter un bémol à vos propos, mais je retire néanmoins mon amendement en faveur de celui d’Annick Billon : l’essentiel est que cette mesure soit adoptée.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

L’amendement n° 79 est retiré.

L’amendement n° 126, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 8

Remplacer cet alinéa par cinq alinéas ainsi rédigés :

« III.- Lorsqu’un fournisseur de services d’hébergement retire une image ou représentation de mineurs présentant un caractère pornographique relevant de l’article 227-23 du code pénal, il en informe, dans les meilleurs délais, le fournisseur de contenu en précisant les motifs qui ont conduit au retrait de l’image ou de la représentation, la possibilité de solliciter la transmission d’une copie de l’injonction de retrait et les droits dont il dispose pour contester la demande de retrait devant la juridiction administrative compétente.

« Sur demande du fournisseur de contenus, le fournisseur de services d’hébergement transmet une copie de l’injonction de retrait.

« Les obligations prévues aux deux premiers alinéas ne s’appliquent pas lorsque l’autorité compétente qui a émis la demande de retrait décide qu’il est nécessaire et proportionné de ne pas divulguer d’informations pour ne pas entraver le bon déroulement des actions de prévention, de détection, de recherche et de poursuite des auteurs de l’infraction prévue au même article 227-23.

« En pareil cas, l’autorité compétente informe le fournisseur de services d’hébergement de sa décision en précisant sa durée d’application, aussi longue que nécessaire, mais ne pouvant excéder six semaines à compter de ladite décision, et le fournisseur de services d’hébergement ne divulgue aucune information sur le retrait du contenu au fournisseur de ce dernier.

« Ladite autorité compétente peut prolonger cette période d’une nouvelle période de six semaines, lorsque la non-divulgation continue d’être justifiée. En pareil cas, elle en informe le fournisseur de services d’hébergement. » ;

La parole est à M. le ministre délégué.

Debut de section - Permalien
Jean-Noël Barrot

Cet amendement vise à permettre de différer l’information de l’éditeur d’un contenu pédopornographique qui a été retiré si Pharos – c’est-à-dire la police et la gendarmerie – estime que cette divulgation risque d’entraver le bon déroulement des actions de prévention, de détection, de recherche et de poursuite des responsables.

Cette possibilité de différer l’information de l’éditeur existe déjà dans d’autres domaines. Nous suggérons de l’appliquer ici, compte tenu de l’objet de l’article 3, afin de confondre plus facilement les auteurs qui diffusent de la pédopornographie.

L ’ amendement est adopté.

L ’ article 3 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-neuf heures quinze, est reprise à vingt-et-une heures trente, sous la présidence de Mme Pascale Gruny.