Intervention de Patrick Chaize

Réunion du 4 juillet 2023 à 14h30
Sécurisation et régulation de l'espace numérique — Organisation des travaux

Photo de Patrick ChaizePatrick Chaize :

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons aujourd’hui, sous couvert d’un vernis médiatique et de l’ajout de quelques mesures spécifiques à la France, est en réalité un projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne (Ddadue) qui ne dit pas son nom !

Ne l’oublions pas, nous devons aussi reconnaître que ce texte est très attendu, à la fois par les citoyens, par les entreprises, mais aussi par les parlementaires que nous sommes.

Nous regrettons le manque de concertation préalable de la part du Gouvernement avec les principaux acteurs économiques concernés, ainsi que le manque de prise en compte des avis des autorités administratives indépendantes sur ce texte, mais la navette parlementaire est encore longue, ce qui devrait nous permettre de procéder aux ajustements nécessaires.

Ce projet de loi est une étape supplémentaire pour nous assurer de la bonne application de plusieurs règlements européens sur le numérique, sur les marchés numériques, sur la gouvernance des données et sur l’accès aux données. Autant de textes ambitieux, difficiles à négocier, que nous devrons très prochainement respecter afin de vivre dans un environnement numérique plus juste, plus équitable et plus sûr.

La protection est au cœur des préoccupations de ce texte. Les actes de cybermalveillance font désormais partie de notre quotidien : c’est une réalité à laquelle nous nous sommes tristement habitués, alors que nous ne devrions pas !

Le piratage de nos comptes, la réception de messages d’arnaque par SMS ou par mail, l’usage détourné de nos coordonnées bancaires et de nos moyens de paiement ou même, dans le pire des cas, l’usurpation de notre identité en ligne sont désormais monnaie courante.

C’est pourquoi nous avons renforcé le dispositif national de filtrage des sites frauduleux, prévu à l’article 6, afin de le rendre plus opérationnel, plus protecteur, et de responsabiliser l’ensemble des intermédiaires techniques concernés par les mesures de blocage. Nous devons apaiser la vie en ligne de nos concitoyens.

Apaisement et protection : voilà ce que nous devons viser aujourd’hui ; voilà ce que je souhaite proposer, en tant que parlementaire, dans le cadre de l’examen d’un projet de loi qui vise à mieux nous protéger dans l’espace numérique.

L’actualité de ces derniers jours nous a beaucoup marqués. Les réseaux sociaux jouent un rôle d’amplification et de massification des appels à la violence à l’encontre des élus, des forces de l’ordre, des personnes dépositaires de l’autorité publique, des bâtiments et des installations publics.

Nous ne pouvons pas rester indifférents et nous devons apporter une réponse ferme face la passivité des réseaux sociaux.

La succession de réunions bien-pensantes ne suffit pas : il faut agir, ou du moins essayer de le faire, mettre des propositions sur la table, en discuter et avoir un débat à ce sujet.

C’est tout l’objet de ma démarche et c’est pourquoi j’ai souhaité déposer, à titre individuel, un amendement visant à mieux responsabiliser les réseaux sociaux dans la modération des contenus faisant appel à la violence. Nous en débattrons.

Ce projet de loi s’intéresse aussi à la vie en ligne des entreprises dans l’économie numérique et aux problématiques concurrentielles. Nous devons nous y attaquer de front, afin de faciliter le développement de solutions technologiques françaises, européennes et souveraines.

Sur le marché de l’informatique en nuage, l’entrée est gratuite et facile, grâce à l’octroi de « crédits cloud ». En commission spéciale, nous avons plafonné l’octroi de ces crédits à un an, une mesure qui, selon l’Autorité de la concurrence, va dans le bon sens, même si nous pouvons encore préciser les dispositions des articles 7 à 10 de ce texte, lesquels anticipent l’entrée en vigueur du règlement européen sur les données.

Si l’entrée sur le marché est facile, la sortie l’est beaucoup moins, les acteurs dominants ayant mis en place de véritables péages qui prennent la forme de facturation abusive de frais sortants de données. En commission spéciale, nous avons autorisé de façon transitoire ces frais, sous réserve qu’ils soient facturés à des coûts réels, sous le contrôle de l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep) : les acteurs dominants du marché doivent savoir que l’État les regarde de près.

Si l’espace numérique doit être mieux sécurisé et mieux régulé, nous ne devons pas non plus empêcher les innovations permises par l’économie numérique. Au contraire, nous devons anticiper ces innovations, afin d’identifier au plus vite les risques qu’elles peuvent représenter, pour n’en tirer que le meilleur et assurer des retombées économiques favorables à notre pays.

C’est pour cela que j’ai souhaité réécrire intégralement l’article 15 relatif aux jeux à objets numériques monétisables (Jonum), le recours à une habilitation à légiférer par ordonnance nous étant apparu inacceptable. Nous avons donc proposé une première définition juridique des Jonum et nous les avons autorisés à titre expérimental pendant trois ans, sous le contrôle de l’Autorité nationale des jeux, le temps d’élaborer un cadre réglementaire approprié et protecteur.

Les évolutions technologiques étant rapides, difficilement prévisibles, nous avons également renforcé les pouvoirs du pôle d’expertise de la régulation numérique (PEReN), afin de nous aider à mieux comprendre les logiques de fonctionnement des plateformes numériques et des moteurs de recherche. C’est indispensable ! D’ailleurs, la France demeure avant-gardiste sur ce point : nous devons continuer dans cette voie et être plus exigeants vis-à-vis des grands acteurs du numérique.

Voilà donc, mes chers collègues, les grandes lignes de ma feuille de route pour ce projet de loi.

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