Il faut souligner également l’inclusion, comme nous l’avions recommandé, des très grands moteurs de recherche dans le périmètre des obligations ou l’interdiction de la publicité ciblée sur les mineurs dans les réseaux sociaux numériques (RSN).
Le projet de loi que nous examinons aujourd’hui est un texte d’adaptation de ces règlements européens sur les services numériques et sur les marchés numériques ; il anticipe également le règlement sur les données.
Sur la forme, je ne reviendrai pas sur les délais très courts pour examiner un texte peu abouti, peu concerté, comme nous avons pu le constater lors de nos auditions.
Je tiens donc à saluer le travail de nos rapporteurs, qui ont largement contribué à préciser et à améliorer le texte.
Au-delà de cette adaptation de notre droit au paquet numérique, ce texte a également pour ambition de sécuriser les échanges en ligne. Ma collègue Laurence Rossignol y reviendra.
Sur le volet économique, le projet de loi a pour objet de remédier aux dysfonctionnements du marché de l’informatique en nuage. Les enjeux sont énormes : souveraineté, protection des données, compétitivité, transformation numérique de notre économie. Le marché européen de l’informatique en nuage pourrait passer de 53 milliards d’euros en 2020 à 560 milliards d’euros en 2030, soit une croissance de plus de 25 % par an. Or cette croissance est captée à 80 % par trois acteurs américains qui ont totalement verrouillé le marché.
En conséquence, le cloud européen est relégué à des segments de niche, avec une part tombée de 27 % en 2017 à 13 % en 2022.
Face à ce rouleau compresseur, les mesures du projet de loi nous paraissent insuffisantes.
Aussi, nous proposons d’aller plus loin pour rendre plus efficace l’encadrement des « crédits cloud » et d’agir plus fortement sur des pratiques déloyales bien identifiées de vente liée ou manifestement discriminatoires, autant de freins à l’interopérabilité et à la circulation des données.
La commission spéciale a souhaité que les fournisseurs d’informatique en nuage fassent preuve de davantage de transparence quant à l’utilisation des données de leurs utilisateurs, notamment face au risque lié à l’extraterritorialité, qui permet à certains États de s’imposer au-delà de leurs frontières et d’accéder à des données sensibles de notre économie.
En ce domaine, la mesure concernant la transparence relative au risque d’extraterritorialité que nous avons adoptée en commission spéciale a un objectif : permettre aux utilisateurs de cloud de savoir où sont leurs données, qui peut y accéder et ce qui en est fait. Cette disposition, que vous voulez supprimer, monsieur le ministre, n’a d’autre but que d’informer et protéger les entreprises.
Une plus grande transparence devrait contribuer à rétablir la confiance.
Je souhaite enfin attirer l’attention sur les conditions de réussite des nouvelles régulations européennes. Les années à venir seront déterminantes. Au-delà des moyens importants à donner aux régulateurs et autorités compétentes, nous devrons faire la preuve de notre capacité à mobiliser l’ensemble des acteurs et des parties prenantes de l’écosystème numérique.
Notre pays doit reprendre la main sur son destin numérique, et la régulation n’y suffira pas. Il faudra une véritable impulsion pour inscrire l’effort de souveraineté numérique dans la durée, comme de nombreux rapports sénatoriaux l’ont préconisé.