Intervention de Pierre-Jean Verzelen

Réunion du 4 juillet 2023 à 14h30
Sécurisation et régulation de l'espace numérique — Organisation des travaux

Photo de Pierre-Jean VerzelenPierre-Jean Verzelen :

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, internet et les réseaux sociaux bouleversent nos sociétés, nos repères, nos démocraties. Chacun d’entre nous les utilise pour s’informer, se divertir, communiquer.

Cette affirmation est encore plus vraie en ce qui concerne les jeunes. Le temps qu’ils passent sur leurs téléphones ne cesse d’augmenter. Les réseaux sociaux deviennent, pour un certain nombre, l’unique fenêtre sur le monde extérieur.

Par leur modèle économique fondé sur des contenus choquants, Twitter, TikTok, Snapchat et consorts ont radicalisé les courants de pensée. Ils ont contribué à l’aggravation des fractures au sein des États.

Internet et les réseaux sociaux posent la question des limites de la liberté d’expression. Sur ce plan, il faut faire la part des choses. Parfois, ils permettent le meilleur, comme lorsque, en septembre dernier, ils ont informé et ont contribué à mobiliser les soutiens à la liberté des femmes iraniennes. Mais, bien souvent, ils permettent de mettre en avant et de répandre de fausses informations ou servent de vecteurs à des campagnes mensongères. Nous avons d’ailleurs pu les voir à l’œuvre dans l’engrenage des violences inacceptables de ces derniers jours.

Cela justifie qu’ait été créée une commission d’enquête sénatoriale sur l’action de TikTok.

L’omniprésence d’internet et des réseaux sociaux pose une question fondamentale : un État souverain, dans l’Union européenne, peut-il leur imposer un cadre ? Quel est notre poids face aux Gafam – Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft – ? Quelle est notre capacité à agir et à obtenir des résultats concrets ? C’est tout l’enjeu du texte dont nous débattons.

L’adoption du règlement européen DSA permettra de donner corps à la formule du commissaire européen Thierry Breton : « Tout ce qui est interdit hors ligne doit l’être en ligne. »

L’Union européenne a récemment pris des mesures afin d’interdire, sur son territoire, les canaux de désinformation de certains États, qui sont devenus spécialistes en la matière. Plusieurs dispositions du texte prévoient une réaction plus rapide, et c’est tant mieux.

La publication de contenus illicites n’est pas anodine. Une infraction n’est pas moins grave lorsqu’elle est commise sur internet. Le harcèlement en ligne n’est pas moins violent que le harcèlement dans une cour d’école. Il est parfois pire, avec des conséquences plus graves. Nous avons tous à l’esprit les drames récents. Le rapport d’information de notre collègue Colette Mélot a mis en lumière l’ampleur et la gravité de ces phénomènes. Il est urgent d’agir pour que ces violences cessent.

La peine complémentaire de suspension de compte est plus que pertinente, à condition toutefois que la plateforme s’engage à ce que la personne condamnée ne puisse contourner cette suspension par l’ouverture d’autres comptes, avec différents pseudonymes. La commission spéciale a été particulièrement attentive à ce sujet.

De même, il y a longtemps que l’interdiction de la pornographie aux moins de 18 ans aurait dû être appliquée. Les conséquences négatives de celle-ci sur la santé mentale des plus jeunes ne sont plus à démontrer. Le projet de loi contient plusieurs dispositions en ce sens.

Encore plus que lutter contre les contenus illicites, nous devons faire respecter les règles d’une concurrence saine et loyale entre les acteurs. Sur ce sujet, comme sur le précédent, les Gafam ne doivent pas nous dicter leur loi.

Le DMA entrera bientôt en vigueur. Il doit permettre aux entreprises européennes de se développer sans subir les abus de position dominante et les pratiques anticoncurrentielles des grands acteurs. Le projet de loi procède aux adaptations qui s’imposent.

Enfin, l’entrée en vigueur prochaine du Data Governance Act (DGA) doit être saluée. La captation, la gestion et la protection des données à caractère personnel doivent être renforcées. C’est un sujet majeur. En effet, nous devons rattraper notre retard et, dans le même temps, nous donner les moyens d’accompagner les entrepreneurs, les start-up, les licornes qui seront les leaders de demain.

Il est nécessaire de procéder à des adaptations de notre droit pour assurer l’application directe des règlements européens qui vont dans le bon sens. Néanmoins, soyons vigilants sur un sujet, même s’il ne figure pas exactement dans le texte que nous étudions : il s’agit du transfert qui vise à confier l’ensemble des contentieux de tous les pays européens au régulateur irlandais. Le nombre de dossiers à traiter fait courir un risque d’embouteillage, donc d’allongement des délais et, disons-le, un risque d’influence des Gafam sur les décisions, puisque l’ensemble de leurs sièges sociaux sont situés en Irlande.

Le groupe Les Indépendants – République et Territoires soutient les mesures portées par ce texte et votera en faveur de son adoption.

Internet ne doit plus et ne peut plus être un espace d’impunité. Nous sommes sur le bon chemin. Il y a encore du travail. Notre responsabilité est de le poursuivre ensemble.

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