Intervention de Toine Bourrat

Réunion du 4 juillet 2023 à 14h30
Sécurisation et régulation de l'espace numérique — Organisation des travaux

Photo de Toine BourratToine Bourrat :

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, cet hémicycle et les magistrats qui le surplombent ont vu passer des textes qui, comme celui que nous examinons aujourd’hui, se sont trouvés chargés d’une valeur sociale et morale, d’une dimension historique assez considérable.

Traiter du numérique et de son influence sur la sécurité de notre jeunesse, c’est s’engager consciemment à relever un lourd défi d’avenir.

Aucun d’entre nous ne remet en cause le progrès, la technologie, le rétrécissement du monde, devenu plus accessible et dynamique.

Mais nous sommes les garants de l’ordre public et d’un intérêt général bouleversé par la violence numérique.

Ce qui est proscrit dans la vie réelle, dans les rapports physiques, sensibles et je dirais « charnels », doit l’être aussi sur internet. C’est parce que la toile est devenue l’extension de tous les aspects de la vie que le sursaut doit advenir.

S’assurer que les libertés individuelles n’empiètent pas sur les droits d’autrui, c’est la mission du Parlement, et ce doit être la nôtre aujourd’hui, pour sécuriser un environnement numérique où tout se peut, sans contrôle, sans règle ferme et donc sans responsabilité.

Mes chers collègues, nous faisons face, depuis une vingtaine d’années, à ce bouleversement civilisationnel, à ce choc techno-scientifique qui a fait entrer tous les dangers de la vie d’adulte au sein même de l’enfance, ou plutôt qui, par la connexion continue et l’intrusion sans limites, empêche les mineurs de s’extraire des dangers du monde, face auquel ils ne sont pas encore armés.

Dès lors que ce constat est posé, nous convenons tous ici que notre énergie doit se porter sur les plus fragiles : les mineurs. Car ce sont eux qui, dans la fleur de l’âge, où tout se forme et se construit, à cette étape charnière où l’on apprend la vie en société sans se connaître encore soi-même, essuient tous les impacts de la cybermalveillance.

Ce texte est, certes, une avancée louable et saluée, par la transposition qu’il opère des règlements européens tant annoncés depuis 2020. Cependant, nous sommes en droit d’attendre plus de lui.

Le bât blesse principalement sur la réactivité dans le traitement des signalements.

Aujourd’hui, en raison d’un délai d’instruction et de vérification de la réalité des contenus haineux ou inappropriés signalés, il faut plusieurs semaines, voire des mois avant que ces contenus, à l’origine de lourds traumatismes, parfois irréversibles, sur la santé psychique des jeunes mineurs, ne fassent l’objet d’un retrait.

Je vous proposerai donc un amendement visant à garantir un traitement spécifique lorsqu’un signalement est opéré par un mineur numérique faisant lui-même l’objet d’une publication cybermalveillante signalée.

Mais ne nous leurrons pas, mes chers collègues ! Quelles que soient les contraintes légales que nous imposerons aux plateformes, elles ne produiront d’effets que si ces dernières se dotent des moyens humains nécessaires au traitement immédiat des signalements et au retrait en temps réel des contenus haineux.

Quelles que soient les contraintes légales que nous imposerons aux plateformes, elles ne produiront d’effets, comme l’a si justement souligné Frances Haugen ici même, qu’à la condition que soit mis en place un traitement localisé, par des équipes formées dans le pays et maîtrisant ainsi la langue dans laquelle est produit le contenu haineux.

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