L'an dernier, à la même époque, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2006, le Gouvernement faisait voter le plafonnement de la taxe professionnelle à 3, 5 % de la valeur ajoutée des entreprises. Cette mesure devait, selon les propos de M. le ministre, faciliter la vie de nos entreprises et renforcer leur dynamisme.
À l'époque, nous avions averti que la portée de cette disposition concernait surtout les entreprises les plus importantes. J'ajoutais qu'elle aurait des conséquences dangereuses : « Le blocage à 3, 5 % de la valeur ajoutée représentera une baisse brutale de rentrées fiscales pour les collectivités territoriales et sera une charge budgétaire pour l'État. »
Cette réforme devait entrer dans sa phase active en 2007. Elle a soulevé, lors de son annonce, de lourdes inquiétudes et elle est aujourd'hui rejetée par une grande partie des élus. Les résultats de la première simulation, qui date de février 2006, sont éloignés de ceux que vous venez de mettre en ligne sur le site du ministère des finances concernant la réforme de la taxe professionnelle pour l'année 2007. Ces écarts, certes dus à des différences de méthode d'analyse, posent également la question d'éventuelles erreurs, lesquelles semblent avoir été relevées par des spécialistes. Nul doute que cette situation révèle la complexité de la situation, les déclarations des entreprises concernées évoluant au fur et à mesure de la prise en compte, par leurs services spécialisés, de ces nouveaux textes, pour adapter leurs déclarations.
Les collectivités et les EPCI concernés par un ticket modérateur se verraient ainsi contraintes d'abaisser leur taux de taxe professionnelle en 2007 si elles ne veulent pas que 526 millions d'euros soient ponctionnés sur leurs ressources fiscales au titre du partage du plafonnement, alors que les entreprises n'obtiendront un remboursement qu'en 2008.
Pour nombre de budgets locaux, les conséquences sont lourdes. En effet, la dégradation de la situation financière de certaines collectivités sera inéluctable. Comme je l'ai dit tout à l'heure, 22 des 25 régions sont concernées par l'application du ticket modérateur. Cela représente 216 millions d'euros avant réfaction et 210, 8 millions d'euros après réfaction, soit 3, 45 euros par habitant. Par ailleurs, 83 des 98 départements sont également concernés par ce ticket modérateur, pour un montant global de 184, 626 millions d'euros. Parmi ces derniers, un grand nombre possède des taux de taxe professionnelle se situant en dessous de la moyenne nationale, voire très en dessous, ce qui montre bien que l'analyse faite en amont de la réforme se révèle assez particulière pour ces collectivités.
Quant aux établissements publics de coopération intercommunale, un journal spécialisé note qu'« il convient tout d'abord d'observer qu'aucune synthèse d'ensemble n'est faite en ce qui concerne les communes et les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre et qu'ainsi il est impossible d'apprécier l'impact prévisionnel de cette réforme ».
Vous vous étiez pourtant engagé, monsieur le ministre, à présenter des mesures législatives visant à limiter les possibilités d'optimisation de l'impôt par les contribuables. Nombreux sont les spécialistes en question fiscale à avoir observé que l'article 85 du projet de loi de finances pour 2006, qui devait entrer en application en janvier 2007, laisse la porte ouverte à toutes les interprétations permettant aux entreprises de payer une taxe professionnelle la moins élevée possible, et ce au détriment de l'État.
En effet, le calcul de la taxe professionnelle au titre de l'année 2007 se réfère aux immobilisations figurant au bilan des entreprises au 31 décembre 2005. Ce décalage de deux ans permet d'imaginer toutes les possibilités d'« optimisations fiscales ». Vous savez comme moi que les conseillers fiscaux feront preuve d'imagination pour permettre à chaque entreprise de choisir entre deux solutions. Il s'agira soit de payer sur les immobilisations si l'entreprise est sous-capitalisée - c'est le cas des entreprises de main-d'oeuvre -, soit d'invoquer le plafonnement à la valeur ajoutée, si, au contraire, elle dispose de fortes bases taxables.
D'une façon inexorable, les groupes vont créer des filiales sous-capitalisées, qui serviront de support de facturation, pour éponger la taxe professionnelle consolidée due par lesdits groupes.
Ce système favorisera également la précarisation de l'emploi, puisque les entreprises auront ainsi intérêt fiscalement, comme le prévoit l'article 85 précité, à développer l'intérim au lieu de recruter du personnel permanent. Vous permettez ainsi, monsieur le ministre, que les sociétés d'intérim soient utilisées pour réduire la valeur ajoutée des entreprises et, donc, le plafond de leur taxe professionnelle.
Vous pourrez ainsi déplorer que les caisses de l'État soient quasiment, voire complètement vides, car, une fois de plus, votre politique autorisera, en toute légalité, des manipulations comptables qui appauvrissent l'État et mettent en difficulté les collectivités locales, en favorisant encore les entreprises qui en ont le moins besoin.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous vous demandons, mes chers collègues, d'adopter, par scrutin public, l'amendement n° I-82, qui vise à abroger l'article 85 de la loi de finances pour 2006.