Intervention de Jean-Claude Carle

Réunion du 14 octobre 2009 à 14h30
Orientation et formation professionnelle tout au long de la vie — Adoption définitive des conclusions modifiées du rapport d'une commission mixte paritaire

Photo de Jean-Claude CarleJean-Claude Carle, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous voici parvenus au terme de l’examen par le Parlement du projet de loi relatif à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie. La commission mixte paritaire s’est réunie mardi 6 octobre et a élaboré un texte commun à l’Assemblée nationale et au Sénat, dont je vais vous présenter les éléments les plus saillants.

Je souhaite cependant au préalable formuler deux remarques d’ordre général.

Tout d’abord, et sans revenir une fois encore sur le temps trop bref qui a été donné au Sénat pour statuer, il faut constater que, sur un sujet aussi technique et complexe que celui de la formation professionnelle, deux lectures dans chaque assemblée auraient incontestablement été utiles. Une telle hypothèse n’était pas envisageable parce que le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels doit pouvoir être mis en place très rapidement, mais, à l’avenir, il faudra veiller à disposer d’un temps plus substantiel pour examiner des textes aussi importants que celui-ci. Si la procédure législative de droit commun prévoit deux lectures dans chaque assemblée, ce n’est pas pour occuper le Sénat et l’Assemblée nationale, mais parce que le dialogue est un facteur d’amélioration des textes.

Ma seconde remarque concerne le rôle du Parlement lorsqu’il examine un projet de loi élaboré à l’issue d’un accord national interprofessionnel. Le dialogue social doit être encouragé par tous les moyens et les pouvoirs publics ont à tenir le plus grand compte des accords que passent les partenaires sociaux. J’ai été parmi les premiers à saluer l’accord du 7 janvier 2009 signé par l’ensemble des partenaires sociaux, ce qui n’avait rien d’évident. Pour autant, l’existence d’un tel accord ne peut pas revenir à priver le Parlement de son rôle de législateur. L’accord national interprofessionnel est un élément important du débat législatif, mais il n’a pas pour autant vocation à être seulement recopié. Il serait utile, à l’avenir, que nous évitions les uns et les autres de nous reprocher, surtout par voie de presse, de nous écarter de l’accord des partenaires sociaux. D’abord, parce que ceux qui s’en éloignent le plus ne sont pas forcément ceux que l’on croit. Ensuite, parce que la loi reste l’œuvre du Parlement, et de personne d’autre. Comme le disait le général de Gaulle, la politique de la France ne se décide pas à la corbeille.

Monsieur le secrétaire d’État, la presse s’est fait l’écho des chaleureuses félicitations que vous ont adressées les partenaires sociaux pour être intervenu auprès de la commission mixte paritaire afin qu’elle revienne sur certaines modifications apportées par le Sénat. Nous sommes naturellement très heureux pour vous de cette popularité acquise au détriment de notre assemblée, qui a, pour sa part, loyalement examiné ce texte en recherchant les équilibres les plus conformes à l’intérêt général et qui donnera une nouvelle preuve de sa loyauté en étant favorable à l’amendement aux conclusions de la commission mixte paritaire que vous nous présenterez.

Quoi qu’il en soit, le Sénat a joué tout son rôle dans la discussion de ce projet de loi, auquel il a apporté de très nombreuses améliorations, en particulier à l’égard des jeunes, des publics les plus éloignés de l’emploi ou de ceux dont les parcours sont les moins sécurisés. Il a considérablement renforcé les dispositions relatives à l’orientation en posant les bases d’une orientation rénovée, dans laquelle les services d’information et d’orientation seront mieux coordonnés qu’aujourd’hui. Je me réjouis que le Président de la République ait réaffirmé hier sa volonté de mettre en place une orientation « progressive et réversible », fondée sur un meilleur accès à l’information, à des stages passerelles afin de « permettre aux élèves de mûrir leurs choix ».

Le Sénat a voté des mesures pour prendre en charge les jeunes en situation de décrochage scolaire, afin de mettre un terme à cette année de carence, qui devient trop souvent une année d’errance.

Il a amélioré substantiellement le dispositif de portabilité du DIF, le droit individuel à la formation, pour renforcer les droits du salarié, alors même que d’aucuns affirmaient que nos propositions ne respectaient pas l’accord des partenaires sociaux. Il a également pris plusieurs mesures pour assurer la transparence et l’efficacité des organismes paritaires collecteurs agréés, les OPCA. Il a en particulier prévu la signature de conventions triennales d’objectifs entre l’État et les OPCA, mesure qui, contrairement à ce qu’en disent certains, s’appuie sur le contrat, donc sur la confiance et non sur la contrainte.

Le Sénat a aussi réécrit le dispositif relatif au plan régional de développement des formations professionnelles, qui deviendra véritablement un lieu de compétences partagées, un véritable contrat entre la région, l’État et les partenaires sociaux, sans pour autant remettre en cause les lois de décentralisation.

Notre assemblée a introduit dans le texte des dispositifs novateurs. Elle a pris des mesures pour faciliter le remplacement des salariés des très petites entreprises partis en formation, et elle a ouvert la voie à un renforcement important de l’apprentissage au sein du secteur public en supprimant l’agrément préfectoral obligatoire pour le recrutement d’apprentis.

Toutes ces avancées ont été conservées par la commission mixte paritaire, dont je vais vous présenter brièvement les principales conclusions.

À propos des dispositions relatives à l’orientation, la commission mixte paritaire a décidé de rétablir dans la loi la mention du service dématérialisé d’orientation, dont le Sénat avait considéré qu’il ne relevait pas du domaine législatif. Elle a précisé l’article relatif à la formation des conseillers d’orientation psychologues. Enfin, elle a supprimé l’article introduit par le Sénat, sur l’initiative du groupe socialiste, aux termes duquel les professeurs principaux participent à la mission d’orientation des élèves. À titre personnel, je regrette cette suppression, car il me semble évident que les enseignants doivent jouer un rôle dans l’orientation et être formés pour cela. Nous aurons l’occasion d’en reparler à propos de la réforme des lycées.

À propos du Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels, le Sénat avait souhaité que les sommes qui l’alimenteront soient prélevées selon un pourcentage égal sur les cotisations des entreprises respectivement consacrées à la professionnalisation et au plan de formation. La commission mixte paritaire a décidé, avec mon soutien, de rétablir le texte adopté par l’Assemblée nationale, renvoyant à la négociation de branche la répartition des sommes versées au fonds.

Je voudrais m’arrêter un instant sur ce point.

Le Sénat avait choisi de prévoir des pourcentages identiques sur les deux cotisations non pas pour contraindre les partenaires sociaux ou durcir le texte, mais simplement pour s’assurer qu’aucune atteinte ne pourrait être portée aux contrats de professionnalisation. En effet, le Président de la République a annoncé son souhait de voir se développer ces contrats, lesquels constituent un dispositif particulièrement utile, surtout en période de crise. J’ai pu dialoguer avec toutes les parties concernées avant la commission mixte paritaire, qui a choisi de faire confiance aux partenaires sociaux pour trouver les meilleures répartitions possibles des sommes versées au fonds paritaire dans le cadre de chaque branche. Nous resterons naturellement attentifs à la manière dont les choses se passent pour s’assurer que les contrats de professionnalisation ne sont en aucun cas remis en cause.

La commission mixte paritaire a aussi supprimé, contre l’avis de ses rapporteurs, un dispositif introduit au Sénat sur votre initiative, monsieur le secrétaire d’État, et destiné à permettre à des jeunes d’entamer leur scolarité en centre de formation d’apprentis lorsqu’ils sont encore en recherche de contrats d’apprentissage. Ce système introduisait une souplesse très utile en période de crise, et j’avoue ma perplexité face à cette suppression. Vous avez décidé de nous proposer un amendement, voté hier par l'Assemblée nationale, pour rétablir cette disposition en l’ajustant quelque peu. J’y suis pour ma part évidemment favorable, car cela permet de rétablir le dispositif voté par le Sénat.

La commission mixte paritaire a également supprimé un dispositif introduit au Sénat sur l’initiative de notre collègue Françoise Férat, qui visait à réserver une part de taxe d’apprentissage à l’enseignement agricole. Sans doute le choix de diriger impérativement une part de taxe d’apprentissage vers l’enseignement agricole n’était-il pas le plus opérationnel, mais il faudra bien, monsieur le secrétaire d’État, que l’on mette fin aux engagements non tenus à l’égard de l’enseignement agricole, victime récurrente des gels budgétaires annuels.

Enfin, la commission mixte paritaire a supprimé la présence des personnalités extérieures au sein des OPCA, qui avait été introduite par le Sénat. J’en prends acte tout en persistant à penser qu’un regard extérieur au sein de toute structure ne peut, en principe, avoir que des effets positifs. Le meilleur exemple nous vient d’ailleurs des entreprises elles-mêmes : elles ont, pour la plupart, des personnalités extérieures dans leur conseil d’administration ou leur conseil de surveillance.

Telles sont, mes chers collègues, les principales décisions prises par la commission mixte paritaire. Pour le reste, elle a accepté l’ensemble du texte dans sa version adoptée par notre assemblée voilà quelques semaines. Permettez-moi seulement de rappeler que le Sénat a adopté 98 amendements lors de l’examen du projet de loi en commission et en séance et que la plupart ont été conservés. Preuve, si besoin était, que la commission mixte paritaire, contrairement à ce qui a été écrit ici ou là, n’est pas revenue au texte de l’Assemblée nationale. D’ailleurs, ne comptez pas sur moi pour enfoncer le coin entre nos amis députés, le Gouvernement et les partenaires sociaux. La stratégie du contournement trouve toujours et très rapidement ses limites !

Au terme de l’examen de ce projet de loi, je souhaite remercier tous nos collègues qui se sont impliqués dans l’étude d’un texte complexe, mais porteur d’enjeux fondamentaux. Je vous remercie également, monsieur le secrétaire d’État, pour le dialogue que vous avez accepté de conduire avec notre assemblée tout au long de cette procédure. Ces remerciements s’adressent également à vos collaborateurs, lesquels ont fait preuve d’une grande disponibilité et d’une aussi grande écoute.

C’est au Gouvernement et aux partenaires sociaux qu’il va maintenant revenir de mettre en œuvre cette loi. Bien entendu, je le répète, nous serons particulièrement attentifs au rythme de publication des nombreuses mesures réglementaires prévues par le projet de loi et aux conditions de fonctionnement du Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels. Nous attendons également beaucoup du plan de coordination des organismes d’information et d’orientation que devra présenter le délégué national à l’orientation le 1er juillet prochain, et nous suivrons avec vigilance la préparation de ce plan de coordination. Je reprends volontiers la proposition du président de la commission mixte paritaire, Pierre Méhaignerie, de faire le point des mesures mises en œuvre d’ici à un an.

Mes chers collègues, le texte proposé par la commission mixte paritaire, que je vous propose d’adopter, contient de nombreux instruments susceptibles de moderniser en profondeur notre système de formation professionnelle. Il faut maintenant que tous les acteurs de la formation professionnelle s’approprient ce texte et le fassent vivre pour lui donner sa pleine efficacité.

Pour conclure, je voudrais remercier l’ensemble de nos collaborateurs pour le travail important qu’ils ont fourni, leur exceptionnel dévouement et leur grande disponibilité. Ils sont, mes chers collègues, l’honneur du Sénat.

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