Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, lors de nos différents échanges avec le Gouvernement, et encore à l’instant, les lois de règlements sont souvent comparées aux comptes administratifs de nos collectivités, qui doivent traduire l’exécution budgétaire d’un exercice donné.
C’est en effet globalement le cas et, bien souvent, les comptes administratifs sont approuvés par des élus n’ayant absolument pas validé les choix budgétaires mis en œuvre. Jusqu’ici, le raisonnement tient… à condition que l’exécution budgétaire corresponde bien aux prévisions données.
Or, monsieur le ministre, force est de constater que cette logique n’est pas au rendez-vous en ce qui concerne les deux projets de loi de règlement soumis à notre examen.
Nous retrouvons donc sans réelle surprise le projet de loi de règlement 2021, en plus de l’approbation des comptes pour l’année 2022, à l’ordre du jour de nos travaux.
Le projet de loi de règlement du budget pour 2021, que nous avons déjà rejeté l’été dernier, n’ayant pas connu d’évolution majeure – on voit mal comment cela aurait pu être le cas –, il appellera de notre part une conclusion identique.
Rappelons que le rejet de ce texte était largement motivé par de nombreux éléments remettant en cause la sincérité budgétaire. La Cour des comptes soulevait déjà une atteinte aux principes d’annualité et de spécialité budgétaires. En effet, le niveau des reports de crédits, environ 23 milliards d’euros, la confusion des exercices budgétaires, l’utilisation répétée de crédits de programmes budgétaires pour financer des dépenses relevant d’autres programmes ne pouvaient que nuire à la lisibilité de ce texte, une lisibilité pourtant indispensable pour démontrer l’efficacité de la politique menée, sauf à vouloir habilement camoufler son échec.
Plus grave encore, la logique employée n’affecte pas seulement la crédibilité du Gouvernement : elle a également un impact réel sur nos concitoyens en freinant la circulation d’argent et en ne permettant pas que soient investis dans l’économie l’ensemble des crédits qui devraient l’être.
Je ne vais pas reprendre ici la totalité des points défaillants de ce projet de loi de règlement 2021. Ils sont nombreux et ont conduit au rejet du texte par l’Assemblée nationale et par le Sénat. Cette situation inédite sous la Ve République aurait dû logiquement inspirer le Gouvernement afin qu’elle ne se reproduise pas. Je ne prendrai pas les paris…
Manifestement, aucun enseignement ne semble avoir été tiré de l’expérience passée, le projet de loi de règlement de l’année 2022 reproduisant les mêmes pratiques budgétaires. Les mêmes causes entraînant les mêmes effets, le groupe socialiste ne validera pas davantage les comptes de l’exercice 2022.
Lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2022, notre groupe s’était opposé à la poursuite du désarmement fiscal engagé par la majorité présidentielle, doublé d’une absence d’ambition réelle en matière de politiques publiques, tant en ce qui concerne la cohésion sociale et territoriale qu’en matière de transition écologique, dont l’urgence s’impose pourtant à tous. Ce projet de loi de règlement de l’année 2022 aggrave ces manques en actant, cette année encore, des montants disproportionnés d’annulations et de reports de crédits, à hauteur de 18 milliards d’euros, et ce au détriment de politiques publiques essentielles.
À titre d’exemple, parmi les 9, 8 milliards d’euros d’annulations de crédits, la mission « Écologie, développement et mobilité durables » se voit amputée de 714 millions d’euros qui auraient pu aisément amorcer l’effort vers la transition écologique.
Nous venons de discuter voilà quelques jours du projet de loi relatif à l’industrie verte, et nous voyons bien que la question du financement d’un nouveau modèle économique est importante à plusieurs titres.
Nos propositions d’équilibrages fiscaux, tel l’ISF vert, sont jusqu’à présent écartées, mais nous ne nous désespérons pas. Elles sont totalement pertinentes, l’enjeu dépassant de loin l’aspect financier. En effet, la réussite de la transition écologique dépendra aussi de son acceptabilité sociale. Il serait dommage de ne pas l’entendre, mais comptez sur nous ! En la matière, nous saurons faire preuve de pédagogie.
S’il est à noter la diminution du déficit public, qui passe de 6, 5 % à 4, 7 % du PIB, la part du solde structurel dans le déficit public reste inquiétante et met en évidence la nécessité pour l’État et nos services publics de retrouver des marges de manœuvre financières. Cette année encore, l’importance du déficit structurel, à 3, 4 %, témoigne une fois de plus de l’impasse budgétaire du Gouvernement, qui écarte obstinément toute réponse pour rééquilibrer les recettes de l’État. Le Haut Conseil des finances publiques alerte même sur le fait que ce déficit structurel pourrait se dégrader davantage.
Étant donné l’état de nos finances publiques, alors que de nouvelles dépenses devront être financées, la question des recettes ne pourra pas être sans cesse occultée.
Si l’on peut entendre, et même partager, le souci de maîtrise de la dépense publique, force est de constater que le Gouvernement s’est engagé dans une impasse fiscale en refusant, avec une constance qui interroge, de faire contribuer les entreprises et les plus aisés à la solidarité nationale, alors même que, rapport après rapport, l’ensemble des analyses témoignent de l’inefficacité de la théorie du ruissellement si souvent mise en avant.
Dans un tel contexte, était-il sérieux de se priver de recettes comme le prévoyait, cette année encore, la loi de finances initiale ?
J’ai la faiblesse de croire que les 50 milliards d’euros d’impôts auxquels le Gouvernement a renoncé ces dernières années auraient été fort utiles. Pourtant, loin de changer de braquet, de nouveaux cadeaux fiscaux sont envisagés.
Jusqu’à quand nos finances publiques pourront-elles supporter cette vision purement idéologique ?
Au-delà même des suppressions d’impôts ou taxes, comme la taxe d’habitation, la CVAE et, dernièrement, la contribution à l’audiovisuel public, toutes mesures que nous avons combattues, leur compensation par des fractions de TVA pose question.
Jusqu’à quand l’État pourra-t-il se priver de recettes dynamiques, alors que notre dette atteint les 3 000 milliards d’euros ?
Vous allez me dire, monsieur le ministre, à l’appui de votre choix de réduction d’impôts en faveur des entreprises, que le produit de l’impôt sur les sociétés (IS) s’en trouve grandement amélioré. S’il est vrai que les recettes de l’IS marquent une progression nette en 2022, il convient de rappeler que ces recettes sont particulièrement sensibles à la conjoncture, donc forcément fluctuantes.
En revanche, une chose est sûre : le désarmement fiscal continu ne permettra pas à l’État d’assurer des politiques publiques ambitieuses pour notre pays et de renforcer nos services publics.
Il est urgent de réorganiser la solidarité nationale, de renforcer la puissance publique et de lutter contre les inégalités, qui ne cessent de se creuser et fracturent notre société.
Pour l’heure, ainsi que nous avons pu le voir, ce projet de loi de règlement de l’année 2022 ressemble beaucoup à la mouture 2021.
Comme l’an passé, la Cour des comptes n’a d’ailleurs pas manqué de relever que l’ampleur des annulations et des reports de crédits posait problème, estimant que cette situation était de nature à remettre en cause le principe d’annualité budgétaire.
En effet, si ces reports s’expliquent pour partie par le contexte économique et social, ils témoignent aussi de l’absence de progrès du Gouvernement en matière d’engagement concret des dépenses votées par le Parlement.
Ce projet de loi de règlement de l’année 2022, comme la version 2021, marque une exécution budgétaire éloignée de l’autorisation parlementaire. Il signe une nouvelle fois l’entêtement idéologique du Gouvernement dans une politique purement libérale dont les résultats ne sont pas à la hauteur des enjeux sociaux et environnementaux.
Le groupe SER rejettera donc les projets de loi de règlement et d’approbation des comptes des années 2021 et 2022.