Intervention de Stéphane Sautarel

Réunion du 3 juillet 2023 à 16h00
Règlement du budget et approbation des comptes des années 2021 et 2022 — Discussion générale commune

Photo de Stéphane SautarelStéphane Sautarel :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la loi de règlement du budget et d’approbation des comptes arrête le montant définitif des recettes et des dépenses du budget auquel elle se rapporte, ainsi que le solde budgétaire qui en découle.

Pourtant, elle ne s’apparente pas au simple constat des comptes administratifs des collectivités territoriales, monsieur le ministre : sa portée est bien plus grande. Il ne s’agit pas d’un simple constat, ce d’autant que le projet de loi de règlement de l’année 2022 ne tire aucun enseignement des remarques émises lors de l’examen du projet de loi de règlement de l’année 2021.

Ce projet de loi de règlement de l’année 2021 a été rejeté par le Parlement. L’Assemblée nationale vient de le réexaminer. Il a été une nouvelle fois rejeté par les députés, de même que le projet de loi de règlement de l’année 2022.

En ce 3 juillet 2023, qui restera peut-être la date de l’appel des maires plus que celle du rejet des projets de loi de règlement par les deux chambres, il appartient au Sénat de se prononcer, à son tour, sur l’un et l’autre de ces textes.

Contrairement au projet de loi de règlement de l’année 2021, l’exercice budgétaire de 2022 est peu marqué par la crise sanitaire. Néanmoins, la crise énergétique et l’inflation ont encore contribué à l’augmentation des dépenses de l’État sans qu’elles en soient les seules responsables. Il ne faut pas oublier, surtout, que la dépense ordinaire n’a cessé de croître.

On constate que le déficit structurel est supérieur de 2, 6 points en 2022 à la prévision retenue dans la LPFP. Cela témoigne d’un état de nos finances publiques particulièrement dégradé. Cela pose aussi le problème majeur du non-respect de l’autorisation parlementaire, dont vous faites peu de cas pour la deuxième année consécutive, monsieur le ministre.

Cela confirme l’urgence d’une nette réduction du déficit structurel, afin de limiter le risque d’insoutenabilité de la dette. Même si une croissance exceptionnelle des recettes permet une limitation du déficit du budget de l’État, ce dont on peut se réjouir, quand bien même cela risque de n’être que ponctuel, celui-ci est de l’ordre de 151, 4 milliards d’euros, soit une dégradation de 58, 8 milliards d’euros par rapport à 2019, avant la crise pandémique.

Cet « effet recettes » – et je salue la baisse du taux d’IS, qui s’accompagne d’un accroissement de son rendement – est totalement gommé par une hausse continue des dépenses : ainsi, les dépenses nettes du budget de l’État, en euros constants, ont augmenté de 24 % entre 2019 et 2022, pour s’élever à 446 milliards d’euros. Les dépenses des ministères sont quasiment toutes en forte hausse. Les crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », par exemple, ont plus que doublé depuis 2020 – ils étaient alors de 16, 7 milliards d’euros –, sans que cela finance la nécessaire transition écologique. Alors que le choc d’offre, notamment pour ce qui concerne les mobilités, dont je suis rapporteur, va demander des moyens considérables, nous n’avons aujourd’hui amorcé aucun effort en la matière.

La dépense ayant le plus augmenté concerne les engagements financiers de l’État, qui intègrent la charge de la dette. Celle-ci a explosé en un an, avec une hausse de 13 milliards d’euros, passant de 37, 8 milliards d’euros en 2021 à 50, 7 milliards d’euros en 2022.

Alors que l’écart entre recettes nettes et dépenses nettes était de 80, 5 milliards d’euros en 2017, soit un écart de moins de 30 % entre les deux, celui-ci est de 158, 2 milliards d’euros en 2022, soit un écart de plus de 55 % entre les deux.

Lors des Assises des finances publiques, qui se sont tenues le 19 juin dernier, vous avez annoncé 10 milliards d’économies, monsieur le ministre. Ces dernières semblent encore peu documentées. Surtout, elles sont particulièrement limitées. La Cour des comptes préconise une baisse de la dépense d’au moins 60 milliards d’euros.

Bref, quand on fait la somme des annonces du Président de la République à chacune de ses sorties, il ne nous semble pas que nous soyons encore sortis du « quoi qu’il en coûte ».

Je me permets, à ce stade, de faire un aparté, en qualité d’élu local. Je veux vous dire, monsieur le ministre, combien nous avons mal vécu les 5, 5 milliards d’euros que le Président de la République veut consacrer à Marseille, en substitution à l’action locale. Ils contrastent cruellement avec les quelques millions d’euros annoncés par la Première ministre, dans une certaine indifférence d’ailleurs, au titre du nouvel agenda rural.

Mais je reviens au projet de loi de règlement. Sous-évaluation fiscale, report massif de crédits en fin d’année, au lieu que ceux-ci soient annulés, autorisations de programme non couvertes constituant une dette sous la ligne portent gravement atteinte au principe d’annualité, nuisent à la lisibilité du budget et affaiblissent la portée de l’autorisation parlementaire, même si la Cour des comptes a certifié les comptes de l’État pour 2022, en relevant toutefois quelques anomalies : surévaluation de certaines participations, sous-évaluation d’autres, absence de mention de l’engagement hors bilan par l’État de garantir la dette de Bpifrance…

Le besoin de financement de l’État s’établit à 280 milliards d’euros en 2022. S’il est inférieur de 17, 6 milliards à celui qui a été projeté en loi de finances initiales, il n’est pourtant plus soutenable. C’est là la principale faiblesse de nos finances publiques : le poids d’une dette qui nous plombe et qui nous coûte de plus en plus.

À cette heure, son coût n’est impacté que par l’effet de l’inflation. Il ne l’est pas encore par l’effet taux, qui ne va pas manquer de nous frapper en 2024.

La dette va bientôt être le premier poste de dépenses du budget de l’État. Le stock de la dette publique vient de dépasser les 3 000 milliards d’euros à l’heure où l’on parle, et se situe désormais à plus de 112 % du PIB. Cela ne semble plus effrayer personne. Pourtant, son coût inquiète : déjà 12, 9 milliards d’euros de plus de la charge de notre dette en 2022, et cela seulement pour des dépenses de fonctionnement et non pour préparer l’avenir en investissant !

La Cour des comptes vient encore de rappeler ses inquiétudes et d’appeler à une réduction plus importante de la dépense.

Nous ne cessons de vous proposer des réductions, par exemple en vous attaquant véritablement à la dépense fiscale ou au coût des agences, ou encore en pratiquant une revue des dépenses publiques exigeante qui garantisse les moyens des collectivités et recentre ceux de l’État.

Pour des raisons de sincérité budgétaire, de respect de l’autorisation parlementaire et de situation très dégradée de nos finances publiques, qui ne font l’objet d’aucune mesure sérieuse de redressement, le groupe Les Républicains ne votera pas ces deux projets de loi de règlement.

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