Cet amendement vise, une nouvelle fois, à réintroduire le mot « réciproque » après les mots « contrat d’engagement ». Cet abandon sémantique n’a en effet rien d’anodin.
Nous pensons que le langage doit rendre justice à la complexité du réel. En conséquence, nous défendons l’instauration d’un contrat « réciproque » – si cela n’est pas justifié, pourquoi ce contrat était-il réciproque jusqu’à aujourd’hui ? –, car la situation sociale de l’allocataire du revenu de solidarité active (RSA) est le fruit d’une structure économique et sociale dont la société est pour partie responsable et doit rendre compte.
Le choix retenu – faire peser implicitement l’ensemble du contrat sur les allocataires – participe d’un mouvement sémantique de plus en plus prononcé vers la culpabilisation des plus précaires. Ces derniers seraient un peu, et même largement, responsables de leur situation, alors qu’ils subissent souvent les conséquences du maintien de structures économiques et sociales profondément inégalitaires. Sinon, comment expliquer qu’en France l’on reste pauvre sur plusieurs générations ? À l’évidence, il ne s’agit pas d’une simple affaire individuelle.
Cette évolution contribue à diviser les populations : le pauvre n’est pas perçu comme une personne qu’il faut soutenir. Il conviendrait au contraire de le mobiliser, de l’actionner ou de l’activer. Le collectif, qui devrait pourtant lui venir en aide, n’est pas convoqué.
Ce glissement sémantique s’inscrit dans un mouvement de fond, qui renverse les responsabilités. À notre sens, le terme « réciproque » doit être conservé.
Il faut le dire : en maintenant la réciprocité, l’on maintient la solidarité. Face à la pauvreté, nous devons engager une lutte collective, non une chasse à l’individu « paresseux », voire « fraudeur ».