Intervention de Xavier Bertrand

Réunion du 24 mars 2005 à 10h45
Lois de financement de la sécurité sociale — Discussion générale

Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat :

La réforme que je vous présente aujourd'hui est une réforme très importante en ce qu'elle exprime le souci profond de mieux fonder le débat démocratique et politique sur cette institution essentielle de notre société. Je veux parler de la sécurité sociale, institution dont nous célébrerons au mois d'octobre prochain le soixantième anniversaire.

Rappelons, d'abord, l'apport considérable de la réforme constitutionnelle de 1996, qui a introduit dans notre droit les lois de financement de la sécurité sociale.

Avant cette date, le rôle du Parlement était limité et fragmentaire. Les assemblées n'avaient pas le moyen de piloter ni même de connaître véritablement l'ensemble de la politique de sécurité sociale.

Depuis neuf ans, quelle que soit la majorité au pouvoir, le Parlement est appelé, tous les ans à l'automne, à jouer un rôle central en fixant le cadre de cette politique.

Cette discussion, mesdames, messieurs les sénateurs, vous permet de voter sur les priorités d'une politique dotée de plus de 350 milliards d'euros par an et qui met donc en jeu des masses financières bien supérieures au budget de l'Etat.

Elle le fait, en dépit des craintes d'étatisation émises en 1996, sans que la démocratie sociale ait été remise en cause de quelque façon que ce soit.

L'association des partenaires sociaux à la gestion de la sécurité sociale est une réalité bien vivante qui s'exprime de plusieurs manières.

Elle s'exprime notamment par la négociation de conventions pluriannuelles d'objectifs et de gestion, dont le contenu et la solidité des engagements réciproques ont crû avec les années.

La réforme de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale se situe également dans le contexte de l'intervention en 2001 d'une nouvelle loi organique relative aux lois de finances.

Le présent projet de loi a été conçu en s'inspirant autant que possible des nouveautés introduites par cette réforme.

Cependant, ce rapprochement a des limites. Les lois de financement de la sécurité sociale ne constituent pas, en effet, des lois budgétaires. L'essentiel des dépenses de la sécurité sociale, celles des prestations, ne sont pas et ne sauraient, par nature, être considérées comme des dépenses susceptibles d'être encadrées dans des crédits limitatifs. Nous parlons toujours d'objectifs ; nous ne parlons pas d'enveloppe limitative.

Le rapprochement avec les nouvelles lois de finances est donc à rechercher ailleurs.

Il consiste essentiellement en l'introduction d'une démarche adaptée d'« objectifs-résultats » propre à permettre de rendre compte de l'efficacité de la politique publique menée en matière de sécurité sociale et surtout à l'évaluer dans sa diversité. J'y reviendrai tout à l'heure.

Neuf exercices ont permis de mettre en lumière les apports majeurs de la création des lois de financement en 1996.

Au premier rang de ces apports figure donc l'attribution de nouveaux pouvoirs au Parlement, sans remise en cause, pour autant, du rôle des partenaires sociaux.

Symétriquement, pour le Gouvernement, la loi de financement est devenue l'instrument essentiel de sa politique en matière de sécurité sociale.

Néanmoins, malgré ses réussites, force est de reconnaître que le dispositif actuel rencontre des limites, mises en lumière aussi bien par le débat parlementaire que par la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

Ces limites affaiblissent la portée du vote du Parlement en rendant le texte insuffisamment lisible, voire incomplet.

Les lois de financement sont peu lisibles, tout d'abord, en raison des modalités actuelles de présentation.

Aujourd'hui, le Parlement vote, d'un côté, les recettes par catégorie et, de l'autre, les objectifs de dépenses par branche, sans rapprochement possible entre les deux et donc sans que vous puissiez vous prononcer sur des soldes.

Elles sont peu lisibles, ensuite, en raison de l'enfermement du Parlement dans un cadre annuel trop contraignant.

Or la nature spécifique des recettes et des dépenses de sécurité sociale, fortement liées à la conjoncture, milite fortement pour une double évolution : d'une part, pour une appréciation de l'équilibre sur l'ensemble du cycle économique, et donc de manière pluriannuelle ; d'autre part, pour l'adoption de mesures de recettes et de dépenses que les experts appellent à effet différé, c'est-à-dire qui ne s'appliquent pas nécessairement dès l'exercice directement concerné par la loi.

Les lois de financement actuelles sont peu lisibles, enfin, en raison du vote global de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie, l'ONDAM, peu significatif dans la mesure où cet ensemble recouvre plusieurs sous-catégories - soins de ville, hôpital, secteur médico-social - dont les dynamiques et les facteurs d'évolution sont très différents.

La loi de financement est aujourd'hui également incomplète, notamment parce que certains sujets, pourtant étroitement liés à l'équilibre financier de la sécurité sociale, sont partiellement, voire totalement, exclus de son champ actuel.

Je pense, en particulier, aux dispositions relatives aux différents fonds concourant au financement des régimes obligatoires ou gérant une partie des dépenses de sécurité sociale. Je pense encore aux dispositions relatives à l'amortissement de la dette ou à la mise en réserve de recettes au profit des régimes.

C'est à toutes ces limites qu'entend répondre le projet de loi organique que je vous présente aujourd'hui, mesdames, messieurs les sénateurs.

Ce texte a pour ambition de donner plus de portée, de crédibilité et de sens aux lois de financement de la sécurité sociale.

Il vise, tout d'abord, à leur donner plus de portée.

En premier lieu, il permettra un vrai débat sur l'équilibre de chacune des branches de la sécurité sociale : maladie, vieillesse, retraite, famille.

Le vote des recettes par branche, et non plus par catégorie, permettra au Parlement de se prononcer sur le solde des régimes obligatoires de base.

Cela sera possible au travers du vote de tableaux d'équilibre par branche de l'ensemble des régimes obligatoires et, de manière spécifique, dans un tableau d'équilibre par branche du régime général.

En second lieu, il atteindra l'objectif visé en instituant un vote du Parlement sur les différentes composantes de l'ONDAM.

Ainsi, grâce à cette loi organique, vous aurez la possibilité, mesdames, messieurs les sénateurs, d'avoir un débat beaucoup plus clair et beaucoup plus au fond. Cela nous permettra de savoir, précisément, quels sont les moyens affectés à la médecine de ville, à l'hôpital ou au secteur médico-social.

S'agissant de la détermination de l'ONDAM, je voudrais souligner très clairement qu'elle sera faite, conformément aux orientations dégagées par la réforme de l'assurance maladie de l'été dernier, à partir d'une analyse des besoins de santé et en tenant compte des propositions des trois principales caisses nationales d'assurance maladie dont l'article 39 de la loi du 13 août 2004 a introduit le principe.

Les lois de financement ne sont pas et ne seront pas des lois strictement financières. C'est bel est bien toujours la maîtrise médicalisée qui guide notre action et notre réflexion.

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