Le Parlement se prononce sur les grandes enveloppes, mais la « démocratie sociale » est, pour sa part, confortée par l'introduction des conventions d'objectifs et de gestion, les COG, qui ont consacré le passage d'une gestion sous tutelle à une gestion partenariale sur laquelle tout le monde s'accorde désormais.
Mais ce bilan élogieux du principe des lois de financement et de l'usage que nous avons fait de cet outil n'enlève rien au constat selon lequel leur cadre doit être réformé. C'est ce à quoi nous nous employons aujourd'hui.
Le projet de loi qui nous est soumis par le Gouvernement ouvre quelques grandes perspectives. C'est bien évidemment une satisfaction pour la commission des affaires sociales que d'y retrouver l'essentiel des demandes qu'elle a formulées depuis 1999. M. le secrétaire d'Etat a eu l'amabilité de faire référence à la proposition de loi déposée par mon prédécesseur, Charles Descours.
Les avancées proposées par la réforme du cadre organique des lois de financement tiennent, d'abord, à l'universalité du champ dévolu à ces lois et, par conséquent, au vote d'un solde par branche de la sécurité sociale, qu'elle permet désormais.
Pour bien percevoir la portée de cette mesure, il faut opérer un retour vers 1996 et rappeler à quel compromis technique avait abouti l'institution de la loi de financement. Le législateur constituant avait alors in extremis prévu le principe du vote des recettes de la sécurité sociale en lois de financement, pour ne pas construire un instrument borgne. Mais l'état de la comptabilité des régimes, d'une part, et l'innovation majeure que constituait la loi de financement dans la gestion de sécurité sociale, d'autre part, ne nous permettaient pas d'être trop exigeants. Nous avons donc, pendant neuf exercices, et, admettons-le, avec un peu de confusion, examiné les dépenses des branches, les recettes de la sécurité sociale dans leur ensemble et les comptes du régime général dans leurs particularités.
Le présent projet de loi gomme en totalité ces péchés originels : la suppression de la limitation du champ de la loi de financement aux seuls régimes comprenant les vingt mille titulaires de droits propres, le vote des recettes par branche et l'institution de tableaux d'équilibre introduisent pour l'avenir des éléments de rigueur que, à l'usage, nous avons tous appelés de nos voeux.
Le deuxième des axes sur lesquels le Gouvernement propose au Parlement de progresser est celui de la mise en perspective pluriannuelle et qualitative des lois de financement.
La mise en perspective pluriannuelle des lois de financement revêt plusieurs dimensions essentielles. Il s'agit, tout d'abord, de l'examen des exercices passés - année en cours et année précédente -, qui permettra de placer l'examen du budget prévisionnel dans un cadre bien mieux défini.
Il s'agit, ensuite, de mettre en perspective la recherche de l'équilibre de la sécurité sociale en phase avec le cycle économique dans lequel elle évolue. En effet, il n'est pas illogique que certains déficits soient davantage acceptables en période de récession qu'au cours d'une phase économique plus propice aux efforts. Nous connaissons tout cela. En matière de recettes budgétaires, le même constat peut être fait par la commission des finances avec la loi de finances.
Par ailleurs, l'introduction d'une démarche « objectifs-résultats » dans la loi de financement doit un peu, convenons-en, à la loi organique relative aux lois de finances de 2001, la LOLF, qui s'appuie sur ce concept. M. le secrétaire d'Etat a bien voulu le rappeler dans son propos.
J'ai d'abord été moi-même réticent à l'idée d'introduire une démarche de ce type en loi de financement, car je considérais que nous devions viser, pour la réforme de la loi organique, à améliorer le contenu des agrégats que nous examinons.
A la réflexion, l'introduction d'un document informatif, annexé au projet de loi, qui présentera les programmes de qualité et d'efficience de la politique de sécurité sociale pour chacune des branches permettra effectivement de compléter notre information en fournissant un diagnostic de situation. Je pense, par exemple, à une analyse de l'état sanitaire et des besoins de santé publique en matière d'assurance maladie, ainsi qu'à des éléments de réponse à travers les moyens mis en oeuvre pour que ces besoins soient satisfaits. C'est une des raisons qui, mes chers collègues, a motivé votre rapporteur et la commission à prendre en considération quelques amendements présentés ce matin par nos collègues de l'opposition, qu'ils viennent du groupe communiste ou du groupe socialiste.
Ainsi - et pour peu que toute confusion avec les dispositions des conventions d'objectifs et de gestion soit écartée - l'introduction de cette démarche permettra de redonner chair à nos débats sur la sécurité sociale.
J'en viens à présent à formuler quelques considérations sur l'ONDAM, de la maîtrise duquel dépend largement, selon la commission, le succès futur de la réforme que nous examinons.
Au total, les lois de financement de la sécurité sociale ont permis d'assurer sans difficulté le financement de trois des quatre branches de la sécurité sociale : la famille, l'assurance vieillesse et les accidents du travail. Avant 1996, la débâcle des comptes sociaux était générale : les déficits atteignaient 110 milliards de francs en 1993, 50 milliards en 1994, 65 milliards en 1995, toutes branches confondues. Aujourd'hui, l'ensemble des branches, à l'exception de l'assurance maladie, oscillent autour de l'équilibre. Quant à l'avenir, nous aurons sans doute l'occasion d'en reparler. Cela ne signifie pas que nous n'aurons pas à affronter des difficultés structurelles : la réforme des retraites qui est intervenue ne constitue qu'une étape, mais on ne règle pas des difficultés d'ordre structurel d'un trait de plume budgétaire.
En revanche, la logique de l'assurance maladie et les déterminants des dépenses de santé diffèrent profondément des données des autres branches, pour lesquelles les pouvoirs publics, parce qu'ils connaissent peu ou prou les évolutions démographiques, savent évaluer avec une relative précision les charges présentes et futures.
D'une tout autre manière, chacun d'entre nous est, pour sa part, un ordonnateur de la dépense de santé, et s'y ajoutent les milliers de professionnels de santé hospitaliers et libéraux qui prennent en charge notre santé et notre bien-être. L'exercice consistant à établir des prévisions budgétaires en est d'autant plus difficile à conduire. C'est ce qui donne une spécificité à la loi de financement de la sécurité sociale au regard de la loi de finances.
Je rappellerai rapidement, à ce titre, quelques concepts auxquels nous tenons et qui me paraissent susceptibles d'éclairer notre débat.
Le premier de ces concepts porte sur la maîtrise médicalisée : il s'agit, pour l'assurance maladie, de disposer des fonds nécessaires au financement du « juste soin », c'est-à-dire à la prise en charge des conséquences du vieillissement de la population et du coût de l'amélioration des techniques médicales ; ce sont également les dépenses qui garantissent l'accès de tous à une médecine de qualité. C'est en quelque sorte sur cette base que nous avons engagé la réforme de l'assurance maladie.
Nous trouvons d'abord, au rang des détracteurs de ce concept, ceux qui refusent l'idée même de « maîtrise ». Je vous renvoie, mes chers collègues, au rapport d'exécution de l'ONDAM réalisé par l'assurance maladie qui démontre que des progrès dans la gestion et la distribution des prestations, ou la suppression d'actes redondants dégageraient les économies nécessaires au financement pérenne de notre protection sociale. J'espère que nous serons amenés à le constater à la fin de l'exercice 2005.
Nous trouvons également, parmi les détracteurs de la maîtrise médicalisée, ceux qui refusent l'approche médicale comme seul critère d'appréciation des dépenses de santé et qui souhaiteraient, sous une forme ou sous une autre, lui substituer une approche « comptable ».