Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, en 1996, l'intégration dans la Constitution de la notion de loi de financement de la sécurité sociale et la définition d'un cadre organique relatif à ces lois de financement ont constitué une étape majeure s'agissant de l'appréhension par le Parlement des enjeux financiers de la sécurité sociale.
Ces enjeux, comme l'a déjà rappelé M. le rapporteur, dépassent ceux du budget de l'Etat puisqu'ils représentent, en dépenses, près de 350 milliards d'euros en 2005 contre quelque 300 milliards d'euros pour les dépenses de l'Etat.
Si la réforme de 1996 a eu le mérite de placer le pilotage financier de la sécurité sociale au coeur du débat parlementaire et de permettre une rationalisation de la prise de décision politique dans le domaine sanitaire et social, force est de constater que le cadre organique défini il y a neuf ans a atteint ses limites.
Celles-ci sont à la fois de forme et de fond, ce sont des limites de procédure et de contenu.
Sur la forme, trois observations peuvent être formulées.
Tout d'abord, les débats parlementaires relatifs au projet de loi de financement de la sécurité sociale restent encore trop convenus s'agissant des orientations de politique sanitaire et sociale ; ces débats apparaissent soit trop pointus soit trop généraux.
Par ailleurs, les annexes jointes au projet de loi de financement destinées à améliorer l'information du Parlement sont trop nombreuses et souvent peu pertinentes.
Enfin, l'articulation formelle entre la loi de financement de la sécurité sociale et la loi de finances reste problématique.
Au total, les lois de financement de la sécurité sociale manquent aujourd'hui de lisibilité.
Sur le fond, la limite principale des lois de financement de la sécurité sociale réside dans l'absence de contrainte juridique forte s'agissant du respect des objectifs de dépenses fixés chaque année par le Parlement, notamment de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie, l'ONDAM. En effet, sauf en 1997, première année d'application du cadre organique défini en 1996, 1'ONDAM n'a jamais été respecté.
Mais il y a pire encore : chaque année, la technique dite du « rebasage » fausse l'appréciation du Parlement s'agissant de l'évolution des dépenses d'assurance maladie d'une année sur l'autre.
Toutefois, depuis la loi de financement pour 2002, il faut noter la volonté d'améliorer la sincérité des lois de financement en y intégrant des dispositions rectifiant les prévisions de recettes et les objectifs de dépenses de l'année précédente.
Toujours est-il que les mécanismes de pilotage financier de la sécurité sociale n'ont jamais réellement fonctionné, d'où l'affaiblissement, au fil des ans, de la portée du vote du Parlement dans le domaine des finances sociales.
Une autre limite de fond concerne l'étroitesse du champ des lois de financement de la sécurité sociale. Ainsi, certains des fonds concourant au financement des régimes obligatoires de base de sécurité sociale ne sont, à l'heure actuelle, pas inclus dans le champ de compétences des lois de financement. Dès lors, aucun débat parlementaire n'est possible s'agissant de leur équilibre financier.
Enfin, il faut noter une limite liée à l'absence de dimension pluriannuelle des lois de financement de la sécurité sociale alors même que, dans le domaine de la sécurité sociale, certaines des mesures mises en oeuvre peuvent affecter l'équilibre financier non seulement pour l'année à venir, mais aussi pour les exercices ultérieurs. Cette limite peut s'assimiler à un manque de transparence sur les enjeux financiers réels des lois de financement de la sécurité sociale.
Le présent projet de loi organique part du constat que les lois de financement de la sécurité sociale sont un instrument perfectible, ainsi que le rappelait notre ancien collègue Charles Descours dans un rapport d'information publié en 2001 et qui a fait date, comme le rappelait M. le secrétaire d'Etat. Après la naissance, en 1996, des lois de financement, il s'agit d'une deuxième étape destinée à donner plus de poids au vote du Parlement.
Il propose une rénovation du cadre organique relatif aux lois de financement dans le sens, notamment, d'une accentuation du degré de contrainte politique pesant sur l'ensemble des acteurs de la sécurité sociale.
Tout d'abord, le présent projet de loi organique contient des éléments structurels d'amélioration du cadre organique actuel. Ces améliorations concernent à la fois le contenu des lois de financement et les annexes.
On peut, dans un premier temps, se féliciter du rapprochement opéré entre le traitement des recettes et celui des dépenses, qui permettra en particulier au Parlement de se prononcer sur un solde. Cet élément est essentiel, dans la mesure où il nous aidera à disposer enfin d'une vision d'ensemble de la sécurité sociale et à mettre en évidence les équilibres financiers, ce qui n'est pas suffisamment le cas aujourd'hui.
La structuration de la loi de financement de la sécurité sociale en deux parties, sur le modèle des lois de finances, est également un facteur de transparence et de clarté du débat.
Permettez-moi toutefois, monsieur le secrétaire d'Etat, de souligner la nature hybride de la première partie de la loi de financement de la sécurité sociale, telle qu'elle ressort du présent projet de loi organique. Elle contiendra en effet obligatoirement des dispositions rectificatives, en recettes comme en dépenses.
La loi de financement de la sécurité sociale sera ainsi à la fois une loi de financement rectificative pour l'année en cours et une loi de financement pour l'année suivante. Ces dispositions risquent de perpétuer la tendance actuellement observée à ne jamais déposer de loi de financement rectificative.
Compte tenu de la nature particulière des dépenses de sécurité sociale, l'introduction d'une perspective pluriannuelle des lois de financement est également un élément très positif, qui devrait permettre de renforcer la crédibilité des lois de financement de la sécurité sociale.
En effet, le projet de loi de financement de la sécurité sociale de l'année sera désormais accompagné d'un rapport décrivant les prévisions de recettes et les objectifs de dépenses par branche des régimes obligatoires de base et du régime général, ainsi que l'ONDAM pour les quatre années à venir.
La loi de financement de la sécurité sociale pourra également contenir des dispositions affectant l'équilibre financier de la sécurité sociale non seulement pour l'exercice à venir, mais aussi pour les exercices ultérieurs.
En outre, le champ des lois de financement est étendu de manière opportune aux dispositions relatives à l'amortissement de la dette des régimes de sécurité sociale et à celles qui sont relatives à la mise en réserve de recettes à leur profit, ainsi qu'aux dispositions relatives à la gestion des risques par les régimes de sécurité sociale ou à celles qui modifient substantiellement leur gestion interne.
Je m'interroge, en revanche, sur le champ exact des organismes concourant au financement des régimes de sécurité sociale.
L'exposé des motifs du présent projet de loi organique laisse entendre que la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, la CNSA, serait incluse dans cette catégorie et entrerait partiellement dans le champ des lois de financement de la sécurité sociale.
Or, selon d'autres analyses, la CNSA ne serait pas incluse dans cette catégorie, mais dans celle des organismes gérant des dépenses relevant de l'ONDAM, à laquelle une annexe fait référence. Dès lors, elle ne relèverait pas du tout du champ des lois de financement de la sécurité sociale.