Intervention de Pierre Laurent

Réunion du 13 juillet 2023 à 10h30
Programmation militaire pour les années 2024 à 2030 — Vote sur l'ensemble

Photo de Pierre LaurentPierre Laurent :

… plutôt que la recherche d’un cessez-le-feu et de négociations politiques pour le retour à la paix.

Cette programmation militaire consacre de fait la priorité guerrière, en la plaçant au-dessus de toutes les autres priorités nationales. L’étude des dernières décennies nous enseigne pourtant que l’escalade militaire mondiale ne réduit pas l’insécurité collective : à l’inverse, elle en est l’un des facteurs.

En effet, ce projet de LPM s’inscrit dans le mouvement mondial pour le surarmement, pour la militarisation des relations internationales et pour celle de tous les espaces communs qui devraient être, au contraire, protégés comme des biens communs démilitarisés.

Malgré une augmentation considérable des crédits, l’équipement de nos forces continuera de subir un certain nombre de paradoxes.

Ce projet de LPM organise en réalité une montée en puissance dans deux domaines structurants.

Premièrement, la dissuasion nucléaire verra ses crédits augmenter de 54 milliards d’euros, la répartition entre les différents programmes consacrés à cette modernisation étant entourée d’une grande opacité. Cette stratégie de dissuasion est censée assurer la protection du territoire national ; mais, en une époque propice à la reprise de la prolifération, aucun débat sérieux ne nous aura permis de la réévaluer.

Nous avons suggéré que la France accède au statut de membre observateur du traité sur l’interdiction des armes nucléaires (Tian) : notre proposition a été rejetée sans ménagement. À cet égard, l’obstination du Gouvernement suscite l’incompréhension grandissante d’une majorité d’États membres des Nations unies. Au cours de nos débats, nous avons d’ailleurs consacré plus de temps à la tenue des futurs réservistes qu’à cet enjeu planétaire, sur lequel nous devrons sans doute revenir.

De même, nous n’avons débattu ni de l’initiative diplomatique française pour la promotion de la paix et du désarmement multilatéral ni de notre stratégie de prévention des conflits. Ce manque dans les discussions s’est traduit par l’absence de la ministre des affaires étrangères, qui n’a jamais assisté à nos débats.

La seconde direction structurante de ce projet de LPM consacre le tournant d’une stratégie de défense nationale vers une stratégie militaire agressive totalement intégrée au dispositif d’engagement de l’Otan. L’évocation d’une autonomie stratégique européenne est maintenue dans le texte, mais dans les faits cette perspective est écartée au profit d’une stratégie purement otanienne.

Le sommet de l’Otan de Vilnius vient de le confirmer : les Américains mènent le bal. Ce sont eux qui ont annoncé l’accord honteux avec la Turquie pour valider l’entrée de la Suède dans l’Alliance, en marginalisant le rôle de l’Europe au sein de cette négociation. Ce sont eux encore qui fixent le calendrier ou la montée en charge de la stratégie indo-pacifique d’hostilité à la Chine.

Pour tenir sa place, la France en est réduite à jouer les bons élèves, au point que, par exemple, elle annonce livrer à l’Ukraine des missiles dits Scalp – pour système de croisière conventionnel autonome à longue portée –, au moment où les États-Unis décident unilatéralement de livrer des armes à sous-munitions, alors même que celles-ci sont bannies par la convention d’Oslo, qu’ont ratifiée les principales puissances européennes.

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