Intervention de Guy Fischer

Réunion du 24 mars 2005 à 15h00
Lois de financement de la sécurité sociale — Suite de la discussion d'un projet de loi organique

Photo de Guy FischerGuy Fischer :

Quant à l'objectif fixé à 4 % par la loi de financement de 2004, c'est désormais un voeu pieux.

Les administrateurs de l'UNCAM peuvent s'inquiéter, car il leur reviendra de faire des propositions de nature à ramener « dans les clous » de l'ONDAM les dépenses remboursées par les régimes obligatoires.

C'est d'ailleurs là que le bât blesse. La maîtrise des remboursements obligatoires est une chose ; une autre chose est la régulation globale des dépenses de santé, c'est-à-dire la part de la richesse nationale qu'une société souhaite affecter à son système sanitaire. C'est ce débat qu'il faut avoir ! La question n'est pas de savoir quel pourcentage des remboursements des régimes obligatoires sera transféré sur les régimes complémentaires, c'est-à-dire, en fin de compte, sur les patients eux-mêmes.

Pour le moment, le Gouvernement semble vouloir pénaliser financièrement les assurés, ne serait-ce que « symboliquement », comme vous l'assurez vous-même, monsieur le secrétaire d'Etat, tout en s'apprêtant à autoriser la prise en charge des dépassements tarifaires par les complémentaires. Vous nous en direz peut-être plus sur les négociations que vous êtes en train de mener pour parvenir à la définition de contrats de responsabilité.

A ce train-là, il y a des participations symboliques qui risquent de devenir très coûteuses !

Et ce n'est pas tout ! Il est prévu, dans ce projet de loi, que les comptes de la sécurité sociale devront désormais être certifiés par la Cour des comptes, qui jouera ainsi un rôle proche de celui des commissaires aux comptes dans les entreprises.

Or il serait nécessaire d'obtenir une clarification sur le rôle de la Cour des comptes. Il semble que celle-ci formule de plus en plus des observations d'opportunité politique qui paraissent aller au-delà de ses prérogatives. Sur des aspects légaux, on ne peut contester son action, mais si elle allait jusqu'à juger les coûts de gestion et conseiller d'externaliser telle ou telle tâche pour obtenir une gestion plus performante, elle sortirait tout à fait de son rôle.

S'agissant de la démarche « objectifs-résultats », notamment en matière de coûts de gestion, nous redoutons que, derrière un discours prétendument « volontariste », ne se cache le projet d'externaliser une partie des tâches et des responsabilités auprès de sociétés privées, pour afficher des coûts de gestion beaucoup moins élevés, car c'est la tendance actuelle.

Cependant, il est, au sein de ce projet de loi organique, une disposition particulièrement critiquable. Ce texte comportera deux parties : un volet recettes, avec un article d'équilibre - excédent ou déficit - et un volet dépenses. Le Parlement votera obligatoirement la première partie avant de voter la seconde.

En clair, le Parlement, compte tenu des recettes attendues, fixera un niveau de déficit, dans le respect des critères de Maastricht. Les dépenses devront obligatoirement rentrer dans cette enveloppe. Même si ce dispositif existe déjà pour le budget de l'Etat, cela signifie que le niveau des recettes conditionnera celui des dépenses, et que ce ne sont pas les besoins à satisfaire qui conditionneront le niveau des recettes.

Cet article entérine donc la logique de maîtrise comptable de la gestion de la sécurité sociale.

En somme, ce projet de loi organique renforce le sentiment que l'on adapte les dépenses aux ressources fixées et non les ressources aux dépenses nécessaires.

Cela ne surprendra personne ici : nous aurions voulu une tout autre démarche pour cette réforme de la loi de financement de la sécurité sociale.

Le premier objectif serait le démantèlement des mesures d'exonération, qui coûtent si cher à la sécurité sociale, mais la promesse faite par le ministre d'inscrire dans la loi le principe de la compensation intégrale des exonérations n'a pas été tenue. Nous dénonçons ce renoncement gouvernemental et plaidons à nouveau pour une réelle réforme du financement permettant de dégager des ressources supplémentaires pour faire face aux besoins de santé et de retraite, dont nous savons tous qu'ils iront en grandissant.

Par ailleurs, il conviendrait que les dispositifs de gouvernance soient rééquilibrés au profit des conseils d'administration des caisses nationales de sécurité sociale, en particulier en renforçant leurs prérogatives et en asseyant leur légitimité par le retour à l'élection de leurs représentants, c'est-à-dire les représentants des assurés sociaux et des allocataires. Pourquoi ce qui est vrai pour la mutualité sociale agricole ne le serait-il pas pour la CNAM ?

Or, même si vous arguez que ce projet de loi tend à conférer au Parlement de nouveaux pouvoirs en matière de finances sociales - vous parlez de « démocratie sociale » - sans remise en cause du rôle des partenaires sociaux dans la gestion des caisses de sécurité sociale, paradoxalement, en renforçant le contrôle du Parlement sur la sécurité sociale, vous la dépouillez de son caractère démocratique.

La démocratie sociale nécessite, en effet, au minimum, une co-élaboration des projets de financement de la sécurité sociale par les conseils d'administration des caisses nationales de sécurité sociale. Or, on ne trouve nulle trace de cela dans le présent texte.

En somme, ce projet de loi, présenté comme une amélioration rationnelle de la gestion de la sécurité sociale, n'apporte ni transparence, ni efficacité, mais accentue encore plus la logique comptable et la mainmise étatique sur la sécurité sociale. Ce sont les assurés sociaux qui en feront les frais. Nous ne pourrons que voter contre un tel projet de loi.

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