Intervention de Nicolas About

Réunion du 24 mars 2005 à 15h00
Lois de financement de la sécurité sociale — Suite de la discussion d'un projet de loi organique

Photo de Nicolas AboutNicolas About, président de la commission des affaires sociales :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je ne vais pas, bien entendu, recommencer l'excellente présentation qu'ont faite M. le rapporteur et M. le rapporteur pour avis.

Je veux me livrer à un exercice de clarification, car il a été avancé par certains orateurs que réserver aux lois de financement de la sécurité sociale l'institution de mesures d'exonération de cotisations et de contributions nécessiterait une révision constitutionnelle au motif que l'article 34 de la Constitution autorise le législateur ordinaire à déterminer « l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures ».

La lecture de l'article 34 de la Constitution doit être plus complète et, notamment, faire référence aux dispositions de son dernier alinéa, aux termes duquel est confié au législateur organique le soin d'en préciser ou d'en compléter le contenu.

Une loi organique pourrait-elle, alors, contredire fondamentalement les dispositions de l'article 34 ? Je ne le crois pas. En revanche, elle permet de prévoir les aménagements ponctuels répondant à des objectifs constitutionnels figurant dans la Constitution elle-même, ou dégagés comme tels par la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

En matière de finances sociales, et pour illustrer ces principes « recueillis par la jurisprudence du Conseil », on pourra rappeler l'importance de la lisibilité, de l'intelligibilité ou de la sincérité des lois de financement.

D'ailleurs, sans doute sur la base de l'invitation faite par le constituant au législateur organique de préciser ou de compléter le contenu de l'article 34, et avec le souci d'assurer une meilleure intelligibilité des finances publiques, le Conseil des impôts s'est senti autorisé à proposer, dans son rapport pour 2003 - c'est la proposition n° 4 - que soit réservée aux lois de finances l'exclusivité de la création des dépenses fiscales, qui constituent peu ou prou, pour l'impôt sur le revenu, l'équivalent des exonérations de cotisations et de contributions sociales .

Je rappellerai incidemment que le Conseil des impôts ne compte pas moins de quatre conseillers maîtres à la Cour des comptes, dont le Premier président, de deux conseillers d'Etat, de deux conseillers à la Cour de cassation et d'un éminent professeur de finances publiques.

Je poursuis sur cette analyse de l'ordre constitutionnel financier avec la question de l'élévation au niveau organique de la compensation des exonérations Notre excellent collègue M. Fréville m'y a indirectement invité en faisant référence au fait que l'autonomie financière des collectivités territoriales avait nécessité une révision constitutionnelle.

Il me semble que cette révision, au-delà de sa portée fortement symbolique, était absolument nécessaire, car, initialement, la Constitution ne prévoyait aucune disposition relative aux finances des collectivités locales et n'invitait pas le législateur organique à intervenir dans la définition de la « libre administration » de ces collectivités.

Je dois, en revanche, constater que, pour les finances de la sécurité sociale, la révision constitutionnelle a déjà eu lieu. L'article 34 - toujours lui ! - dispose ceci : « Les lois de financement de la sécurité sociale déterminent les conditions générales de son équilibre financier et, compte tenu de leurs prévisions de recettes, fixent ses objectifs de dépenses, dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique. »

C'est tout notre travail d'aujourd'hui que de définir les conditions dans lesquelles la sécurité sociale réalise son équilibre financier. Je ne vois donc pas où est la difficulté constitutionnelle.

Le Conseil constitutionnel a toujours été souple sur l'interprétation de ce principe. S'il avait interprété strictement la Constitution et restrictivement le domaine de la loi organique, il aurait pu, par exemple, imposer à la loi de financement de la sécurité sociale de présenter des comptes en équilibre et de lui interdire le recours sur plusieurs années à l'emprunt déguisé que constituent les lignes de trésorerie dont dispose la sécurité sociale auprès de l'ACOSS, l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, et qui ont pu atteindre plus de 30 milliards d'euros.

Bref, il nous faut écarter de nos débats - je suis sûr que vous en êtes comme moi convaincus - cet argument constitutionnel, pour réfléchir sur le fond.

M. Fréville a parlé d'or sur bien des points et a posé les bonnes questions.

En premier lieu, est-il opportun de réserver à un texte - lois de finances ou lois de financement de la sécurité sociale - le monopole de toute la fiscalité ? Je ne le pense pas et je souscris à son point de vue.

Il nous faut de grandes et belles lois fiscales permettant d'évaluer la pertinence et l'incidence de l'impôt, dans le cadre d'une navette pleine et entière C'est un exercice auquel le Parlement ne se livre plus guère, et je le regrette, depuis les lois sur les plus-values des années 1970.

Mais, lorsque l'on évoque un monopole des lois de financement de la sécurité sociale ou des lois de finances sur les dépenses fiscales ou sur les exonérations de cotisations sociales, on ne parle pas de cela.

Je vous renvoie au rapport de la commission des affaires sociales : en matière d'exonérations, le Parlement a été invité à adopter - écoutez-moi bien ! -, treize mesures dans treize textes différents, au cours des quinze derniers mois, sans considération ni analyse de l'incidence de ces dernières pour les finances publiques !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion