Intervention de Fabien Gay

Réunion du 18 juillet 2023 à 10h00
Reconstruction des bâtiments dégradés au cours de violences urbaines — Discussion générale

Photo de Fabien GayFabien Gay :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 27 juin dernier, à Nanterre, un policier a tué un jeune de 17 ans. Je tiens à redire l'émotion qui est la nôtre face à la mort de Nahel et aux circonstances qui l'ont entourée.

Quarante ans après les Minguettes, dix-huit ans après la mort de Zyed et Bouna, la justice doit être au rendez-vous pour Nahel.

L'émotion légitime qu'a suscitée ce drame s'est rapidement muée en une colère vive, qui a détruit des biens publics et privés. Celles et ceux qui se trouvaient déjà pénalisés par des services publics défaillants ou absents, faute de moyens financiers et humains, souffriront davantage encore de ces dégradations, que nous avons condamnées. Pour ces femmes et ces hommes, c'est donc la double peine.

Les biens publics qui ont été détériorés doivent être reconstruits au plus vite. Tel est le sens de ce texte, qui crée des dérogations afin d'accélérer les procédures d'urbanisme et la passation des marchés publics. Au vu de l'urgence, nous reconnaissons que c'est un cas de nécessité exceptionnelle.

Néanmoins, ce texte n'est pas sans susciter quelques interrogations. Tout y semble possible, mais rien n'y est sûr : il n'est pas certain que les projets de reconstruction aboutiront ni que l'État mettra de l'argent sur la table pour les financer.

Une fois encore, il nous faudra attendre les ordonnances pour en savoir davantage sur l'effectivité des dispositifs. Un projet de loi de finances rectificative, plus transparent et respectueux du Parlement, aurait été mieux indiqué.

Cela étant, nous nous rejoignons sur un objectif : il faut reconstruire vite ! L'égal accès aux services publics sur l'ensemble du territoire est l'un des piliers de notre République.

La République a été beaucoup convoquée ces derniers jours dans nombre de discours, dans des « arcs » qui incluent ceux qui l'ont toujours combattue, mais excluent ceux qui, historiquement, l'ont toujours défendue. C'est un bouleversement des valeurs qui brouille le sens. Nous pensons que la République doit s'incarner, en premier lieu au travers des services publics.

Cependant, la reconstruction des bâtiments n'est que l'un des aspects du problème. Car s'il faut reconstruire vite, il faut surtout rebâtir urgemment la cohésion, la justice sociale et même, j'irai jusqu'à le dire, notre République.

Tout d'abord, il faut débattre du lien entre la police et une partie de la population, les classes populaires notamment, qui subit des violences policières ne pouvant plus être niées. Ce sont ces personnes que le premier syndicat de police de France qualifie de « nuisibles », et face auxquelles il appelle à la guerre civile dans le silence assourdissant du Gouvernement. Je vous le dis très clairement, monsieur le ministre : c'est un silence inacceptable dans un État de droit.

Ensuite, il faut admettre que les quartiers populaires cumulent les difficultés. Les services publics y sont moins présents qu'ailleurs. Il s'agit non pas de se plaindre ou de vouloir davantage que les autres, mais d'étancher une soif d'égalité républicaine. D'autant que, contrairement à une idée répandue par l'extrême droite et ses affidés, il n'y a pas seulement 25 % de Français qui paient l'impôt dans les quartiers.

Mes chers collègues, je vous livre un scoop : en France, tout le monde paie l'impôt, à tout le moins un impôt injuste, puisqu'il est identique pour tous, smicards comme millionnaires, je veux parler de la TVA !

Dans les banlieues, les citoyens paient des impôts au même titre que les autres, mais ils ne bénéficient pas des mêmes services. Il n'y a donc pas, tel le tonneau des Danaïdes, des milliards d'euros dépensés pour les banlieues. Au contraire, il y a moins qu'ailleurs.

Les transports y dysfonctionnent – j'en sais quelque chose en tant qu'usager du RER B. Les professeurs y sont davantage absents et ne sont pas remplacés ou le sont peu, ce qui, pour un élève de Seine-Saint-Denis, par exemple, entraîne la perte de l'équivalent d'une année scolaire.

La justice, débordée, y est rendue trois fois plus lentement qu'ailleurs et le taux de pauvreté est trois fois plus élevé dans les quartiers populaires que dans le reste du pays. Et ce constat est également valable pour l'emploi, le logement, l'accès à la santé et tant d'autres choses.

À ces manques et à ces difficultés vient s'ajouter un discours de stigmatisation, d'exclusion et de division. Or, quand des responsables politiques divisent les citoyens et les opposent sur la base de discriminations, ils fragmentent la République.

Ce à quoi nous devons nous employer, c'est à retisser du lien, plutôt qu'à diviser, comme ne cessent de le faire l'extrême droite et ses alliés, dont la réflexion se limite à leur désir d'exclusion. Je le dis fermement ici : il n'y a pas de catégories de Français, pas de « Français comment ? », pas de « Français de nationalité faciale » ou de « Français de papier ». Il y a le peuple français, il y a la République française, et c'est tout !

Il en va de même de nos territoires : banlieues, territoires ruraux et ultramarins, tous subissent en réalité l'assèchement des services publics, les privatisations et les politiques libérales.

Plutôt que de nous diviser, rassemblons-nous pour ceux qui se trouvent dans les zones blanches de la République. Unissons-nous pour donner à tous nos élus, qui en ont assez d'exercer leur mandat avec trois bouts de ficelle et deux sparadraps, les moyens de satisfaire les besoins de la population.

Aujourd'hui, nous votons ce texte. Demain, nous continuerons le combat pour que la République démocratique, sociale, laïque et féministe ne soit plus seulement un slogan, mais s'applique partout, sans exclusion, sur tout le territoire !

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