Notre assemblée, engagée, est attentive au soutien qu’elle se doit d’apporter aux maires, comme le prévoit l’article 24 de la Constitution. Elle a été particulièrement vigilante s’agissant des événements exceptionnels que nous avons traversés du 27 juin au 5 juillet dernier.
Aussi, je tiens à remercier tous ceux qui sont présents aujourd’hui, qu’il s’agisse du président de séance, de mes collègues sénatrices et sénateurs ou des fonctionnaires du Sénat. Je salue également M. le président Gérard Larcher, qui est présent dans nos travées.
Les émeutes qui ont secoué la France à la suite de la mort du jeune Nahel ont débouché, vous l’avez dit, monsieur le ministre, sur des violences intolérables. Je pense aux attaques physiques contre les forces de l’ordre, contre des maires et, désormais, contre leurs familles.
Nous avons également vu, durant ces émeutes, des scènes de pillages de commerces, des incendies de voitures, des feux de poubelles dans les cages d’escalier, des actes de vandalisme qui sont une offense à l’État de droit. Ces destructions touchent durement nos concitoyens dans leur vie quotidienne ou leur activité professionnelle.
Nous avons enfin assisté à la dégradation ou au saccage d’équipements publics : mairies, écoles, centres d’action sociale, trésoreries, postes de police. Au total, plus de 750 bâtiments publics auraient ainsi été dégradés et plus d’une centaine détruits, partiellement ou en totalité.
Dans mon département des Yvelines, plusieurs écoles sont parties en fumée. Spectacle désolant !
Je pense ce matin à Nicolas Dainville, maire de La Verrière, à Catherine Arenou, maire de Chanteloup-les-Vignes, et à bien d’autres, trop souvent touchés par ces phénomènes. Mais je songe aussi à ces maires de communes qui ne sont pas des grandes villes avec des quartiers en politique de la ville. Ce sont des maires de communes moyennes, calmes, jamais ou peu touchées par ce genre d’événements.
Tout cela nous révolte, nous consterne et nous interroge. La crise est désormais éteinte, au moins en apparence. Il faudra des mois pour en analyser les ressorts profonds et pour trouver des solutions de long terme.
Nous ne pourrons pas faire l’économie d’une réflexion en profondeur, monsieur le ministre, sur la perte des autorités, qu’il s’agisse de la police, du maire ou du maître, sur le maintien de l’ordre, sur la responsabilité parentale, sur les politiques publiques de logement, d’éducation, d’intégration et de soutien social dans les quartiers de la politique de la ville et, je le répète, en dehors de ces quartiers.
Pour l’heure, il y a urgence à reconstruire. C’est une urgence républicaine. J’entends et je comprends la colère de nos concitoyens victimes ou spectateurs stupéfiés de ces violences, qui ne veulent plus payer pour des dégâts trop souvent pris en charge par la puissance publique, c’est-à-dire par chacun de nous.
Néanmoins, je le répète, la République ne doit pas reculer : nous ne pouvons pas abandonner ces jeunes, parfois âgés de 12 ans seulement, à la spirale de la violence. Plus que jamais, avec le retour à un ordre réaffirmé, nous avons besoin d’écoles, de bibliothèques, de maisons des arts et d’équipements sportifs, qui sont le socle de l’émancipation républicaine.
C’est la raison pour laquelle, dès le 3 juillet dernier, j’ai déposé, avec plusieurs autres sénateurs, une proposition de loi d’urgence pour la reconstruction des bâtiments et équipements publics endommagés lors des émeutes. Mes chers collègues, vous êtes nombreux à l’avoir cosignée, et je vous en remercie.
Avec le président Larcher, nous avons immédiatement bataillé pour obtenir son examen au cours de cette session extraordinaire. Finalement, nous avons en quelque sorte réussi, puisque, dès le lendemain, le Président de la République a annoncé, devant les maires réunis à l’Élysée, ce projet de loi d’urgence pour accélérer la reconstruction.
Le Gouvernement a fait le choix d’un projet de loi d’habilitation à légiférer par ordonnances, qui, sur le fond, reprend l’ensemble des dispositions prévues dans notre proposition de loi : l’assouplissement des règles d’urbanisme et l’accélération des délais d’instruction, l’adaptation de seuils de passation des marchés publics et des règles de procédure, ainsi que la possibilité pour l’État et les autres collectivités de subventionner à 100 % les dépenses de reconstruction en dépassant le seuil de droit commun maximum de 80 %.
Le projet de loi prévoit en outre un remboursement anticipé de la taxe sur la valeur ajoutée aux collectivités, afin de pallier les éventuels problèmes de trésorerie. Il prévoit également que les bâtiments privés, notamment les commerces et logements, pourront bénéficier des mesures dérogatoires d’urbanisme. Ces deux apports sont bienvenus.
Nos collègues Catherine Di Folco et Vincent Delahaye exposeront plus précisément le contenu des articles 2 et 3.
En ce qui concerne l’article 1er, à savoir l’adaptation des règles d’urbanisme, le projet de loi prévoit trois éléments.
Premièrement, il vise à étendre des dispositions qui existaient déjà dans le code de l’urbanisme, afin d’autoriser la reconstruction ou la réfection à l’identique des bâtiments touchés, en tenant compte des règles d’urbanisme en vigueur au moment de la construction initiale, et non pas de la demande de reconstruction.
Le champ des modifications admises, par rapport au bâtiment détruit, sera également élargi, notamment pour améliorer la sécurité, l’accessibilité ou les performances énergétiques ou environnementales. Ce sont des mesures de bon sens.
Deuxièmement, les opérations et travaux préliminaires, comme la démolition ou l’évacuation des gravats, pourraient être engagés dès le dépôt de la demande de permis. Là non plus, il n’y a aucune difficulté.
Enfin, pour accélérer l’instruction des demandes d’autorisation d’urbanisme, les délais seraient réduits et la règle du « silence vaut refus » renversée dans certains cas. Sont surtout visés les avis, accords et autorisations préalables nécessaires pour délivrer une autorisation d’urbanisme. Je pense notamment aux autorisations délivrées par la CDAC, la Commission départementale d’aménagement commercial, et aux avis des ABS, les architectes des bâtiments de France. De nouveau, il s’agit d’une mesure de bon sens.
Je le précise, les conditions de participation du public ne seront pas affectées par les modifications prévues.
Naturellement, il est difficile de savoir quelles évolutions seront concrètement nécessaires, compte tenu du caractère récent des événements. Il faut donc affiner l’inventaire des dégradations et laisser aux maîtres d’ouvrage le temps d’élaborer leurs nouveaux projets.
C’est pourquoi il me semble justifié, pour une fois, de recourir à une habilitation à légiférer par ordonnance : le sujet est très technique ; il nécessite l’adaptation de très nombreuses dispositions, qui sont parfois de nature réglementaire et qui devront être coordonnées entre elles pour être pleinement efficientes. Compte tenu du caractère consensuel de ces mesures, l’administration me semble la mieux placée pour agir vite et bien.
Par ailleurs, le délai d’habilitation de trois mois est suffisamment court pour répondre à l’urgence de la situation et suffisamment long pour ne pas nous priver de la possibilité de prendre des mesures complémentaires, si des cas particuliers se présentaient durant l’été. J’invite cependant le Gouvernement à édicter et mettre en œuvre, sans attendre, dès les semaines qui viennent, les principales adaptations déjà identifiées.
Pour toutes ces raisons, nous n’avons pas amendé en commission l’article 1er du texte, pas plus que nos collègues de la commission des finances n’ont touché à l’article 3. Quant à nos collègues de la commission des lois, ils n’ont modifié qu’à la marge l’article 2.
Pour finir, dans le cadre de ce qui devrait être ma dernière intervention en tant que présidente de la commission des affaires économiques, je souhaite remercier le Gouvernement – une fois n’est pas coutume !