Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 27 juin dernier, un contrôle de police qui aurait pu se dérouler comme tant d’autres a conduit au décès, dans des circonstances dramatiques, d’un jeune homme de 17 ans à Nanterre.
L’émotion du moment a – hélas ! – été rapidement débordée par plusieurs nuits de violences urbaines, de dégradations et de pillages, sans rapport direct et hors de proportion avec le fait initial.
Nous savons malheureusement comment une actualité chasse l’autre : un fait divers ou un événement est vite remplacé par un autre qui fait les gros titres quelques jours plus tard. Cependant, tous n’ont pas les mêmes conséquences violentes, entretenues, voire facilitées par les réseaux sociaux et l’information en continu.
Une semaine après l’événement déclencheur, les dégâts matériels étaient presque comparables à ceux qui sont causés par une catastrophe naturelle. Le Gouvernement a d’abord estimé leur montant à quelque 300 millions d’euros, ce qui était déjà un record par rapport aux émeutes de 2005 et au mouvement des « gilets jaunes ». Les compagnies d’assurances ont réévalué la semaine dernière ce coût à 650 millions d’euros, et d’aucuns disent que le bilan matériel va continuer de s’alourdir dans les prochains jours.
Je reviens sur la stupéfaction collective ressentie face à cette éruption soudaine de violence aveugle et, disons-le, quelque peu crapuleuse lorsqu’il s’agit de piller des boutiques d’électronique, de vêtements, de chaussures. Les acteurs du terrain nous diront sans doute que le risque était prévisible. Il devient chaque jour plus évident que nous avons manqué, depuis maintenant plusieurs décennies, d’importants objectifs en matière d’éducation, d’intégration, de vivre ensemble. De fait, les indicateurs témoignent d’une augmentation régulière de la criminalité et de la délinquance en France.
Le 7 juin dernier, lors des questions d’actualité, mon collègue Éric Gold avait attiré l’attention du Gouvernement sur l’inquiétante banalisation des violences du quotidien, en particulier en milieu scolaire, et sur l’urgence d’y remédier. Je rappellerai aussi une nouvelle fois les travaux de mon collègue Henri Cabanel sur l’engagement et la culture citoyenne chez les jeunes ; c’est un axe à approfondir.
On ne peut que regretter le manque d’attention accordée en 2018 à la remise du dernier plan Borloo, qui préconisait en particulier de concentrer les efforts sur l’éducation et le lien social dans les quartiers difficiles.
Mon groupe votera ces habilitations, compte tenu du caractère d’urgence de la situation, mais il continuera de s’interroger sur les réponses à apporter à plus long terme.
Comment résoudre les problèmes de violence urbaine et, plus généralement, d’incivilité, petite ou grande, qui fragilisent notre société et dont les premières victimes sont précisément les habitants des quartiers concernés ?
Comment lutter contre le sentiment d’abandon et de relégation, répandu en milieu urbain, mais aussi en milieu rural, malgré les milliards d’euros investis chaque année dans la politique de la ville et les différents dispositifs de solidarité ?
Comment enfin améliorer les relations entre les forces de l’ordre et la population, qui apparaissent toujours fortement dégradées ?
Je n’oublie évidemment pas la protection des élus, sur laquelle travaille beaucoup le Sénat. Notre groupe, le RDSE, est, sur l’initiative de Nathalie Delattre, à l’origine d’un texte sur le sujet. Mais nous voyons bien qu’il reste beaucoup à faire si nous voulons préserver les vocations.
En attendant les réponses qu’il faudra nécessairement apporter à ces défis, il faut accélérer le chantier national de reconstruction, vocable qui rappelle celui de l’après-guerre. Si nombre de bâtiments et équipements publics ont été touchés, la majorité des dégâts concernent des biens privés : boutiques, commerces et entreprises.
C’est l’objet du texte d’urgence que nous examinons aujourd’hui.
Ce cadre d’exception que nous nous apprêtons à voter appellera néanmoins toute notre vigilance au moment de sa mise en œuvre. En particulier, il faudra éviter les irrégularités lors des autorisations administratives et les abus dans la commande publique qui risqueraient de saper la crédibilité des acteurs publics.
Le texte ne prévoit pas de nouvelles dépenses publiques, ce qui est cohérent avec la volonté de l’exécutif de renouer avec un certain sérieux budgétaire.
En conclusion, les membres du groupe RDSE voteront en faveur de ce projet de loi d’habilitation et espèrent un vote conforme de nos collègues députés, ce qui nous éviterait de devoir revenir vendredi.