Intervention de Christiane Demontès

Réunion du 24 mars 2005 à 15h00
Lois de financement de la sécurité sociale — Demande de renvoi à la commission

Photo de Christiane DemontèsChristiane Demontès :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le présent projet de loi organique constitue le troisième volet du triptyque législatif que composent la réforme des retraites, celle de l'assurance maladie et, maintenant, celle du financement de la sécurité sociale.

Je veux d'abord rappeler que, le 7 mars dernier, le Premier ministre a confié à M. Didier Migaud, député, et à notre collègue M. Alain Lambert une « mission sur le suivi de la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances » et, plus spécifiquement, sur « la possibilité d'étendre les principes de la LOLF, au-delà du périmètre de l'Etat, aux opérateurs de l'Etat, aux collectivités territoriales et à la sécurité sociale ». Dès lors, pourquoi tant de précipitation ?

De même, pourquoi ne pas avoir pris le temps d'auditionner plus longuement les partenaires sociaux, qui avaient pourtant demandé à plusieurs reprises à être entendus ? Les réunions de dernière minute au ministère ne peuvent tenir lieu de concertation.

Après neuf exercices budgétaires, les limites rencontrées par la loi organique de 1996 imposaient, bien sûr, on l'a dit, des mutations et, si le texte qui nous est aujourd'hui proposé est différent de la LOLF, il crée néanmoins une cohérence d'ensemble entre les lois de financement.

Nous saluons d'ailleurs diverses avancées, sur lesquelles je ne reviens cependant pas puisque mon collègue Bernard Cazeau les a exposées lors de la discussion générale.

Malheureusement, monsieur le secrétaire d'Etat, vous détournez parfois l'esprit qui devrait être celui de ce projet de loi. Si le rôle de contrôle du Parlement est renforcé, vous réservez la définition des sous-objectifs au Gouvernement. De même, la définition des programmes de qualité et d'efficience est tellement imprécise que l'on ignore si les partenaires sociaux et les responsables des caisses seront mis à contribution.

Alors que la loi organique prévoit explicitement que le Parlement joue un rôle déterminant dans l'évaluation, l'absence de loi de règlement ne lui permet pas de remplir pleinement sa mission de contrôle.

Enfin, le fait que le vote du volet des recettes intervienne avant celui du volet dédié aux dépenses soumet, quoi que vous en disiez, les besoins sanitaires et sociaux à une stricte maîtrise comptable.

En définitive, vous n'allez pas au bout de la démarche suivie pour la LOLF : vous conditionnez le financement de la sécurité sociale à la stricte maîtrise comptable.

Tous les indicateurs démontrent pourtant que ces choix ne sauraient constituer une réponse pertinente aux défis économiques et sociaux auxquels doit faire face notre collectivité nationale.

Pour notre part, nous réaffirmons notre attachement à un contrôle des comptes sociaux par le Parlement.

Le groupe socialiste souhaite une réforme : comme pour les lois de finances, il est nécessaire de corriger de nombreuses imperfections et de mieux cadrer les lois de financement de la sécurité sociale. Mais nos vues sur la réforme divergent et les raisons qui nous motivent sont différentes.

C'est pourquoi, si notre motion tendant au renvoi en commission est rejetée, nous vous proposerons une série d'amendements visant à garantir le contrôle démocratique et à instaurer une véritable transparence. Mais permettez-moi d'abord, monsieur le secrétaire d'Etat, de vous faire part des motifs qui ont conduit le groupe socialiste du Sénat à demander le renvoi en commission.

J'aborderai successivement trois points : la loi organique elle-même, la réforme de l'assurance maladie, le contexte économique et social.

La réforme de la loi organique relative aux lois de finances est fondée sur le principe d'une budgétisation des dépenses non plus par nature, mais à partir d'une meilleure gestion budgétaire et sur l'évaluation des résultats au regard d'objectifs précis.

La recherche d'une plus grande transparence et d'une plus grande efficacité est un impératif démocratique, ce que le soutien apporté par la quasi-unanimité des parlementaires à la LOLF a confirmé. Pour autant, cette prospection ne signifie pas nécessairement - c'est une litote ! - qu'il y ait similitude de méthodes, de moyens et donc de politiques. Il est donc impératif de bien dissocier les objectifs vertueux de la LOLF en matière d'efficacité et de transparence des moyens qui concourent à les atteindre.

Le Gouvernement a choisi le libéralisme, la stricte maîtrise comptable et leur cortège d'injustices et d'inefficacités, alors que notre volonté est d'inscrire l'action des pouvoirs publics dans l'instauration d'une plus grande justice, d'une efficacité sans cesse améliorée et d'une solidarité toujours plus forte entre nos concitoyens.

L'action du Gouvernement et de sa majorité en matière de sécurité sociale est, il faut bien le dire, préjudiciable à un grand nombre de nos concitoyens. La politique gouvernementale ne corrige nullement les handicaps structurels du système de sécurité sociale et, comme l'a dit notre collègue Guy Fischer, c'est bien l'avenir qui est sacrifié : les générations futures devront faire face aux conséquences déplorables de vos décisions, monsieur le secrétaire d'Etat. L'examen du dernier PLFSS n'a-t-il pas été l'occasion, pour le Gouvernement et sa majorité, de persévérer dans la fuite en avant sur la voie des déficits ?

Moi aussi, monsieur le secrétaire d'Etat, je souhaite rappeler quelques chiffres. Souvenons-nous : en 1997, le déficit du régime général était de 3, 4 milliards d'euros et celui de la branche maladie, de 6, 1 milliards d'euros. Désormais, le déficit du régime général atteint le chiffre, « abyssal », comme disait le prédécesseur de M. Douste-Blazy, de 14, 8 milliards d'euros, dont 13, 2 milliards pour l'assurance maladie.

Dans le même temps, vous avez réussi le tour de force consistant à plonger l'ensemble des branches dans le déficit. Celui de la branche maladie atteint 14 milliards d'euros, alors que le Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie a estimé que « la dérive spontanée de notre régime allait atteindre 2 milliards d'euros par an ».

Quant à la réforme de l'assurance maladie, elle a été rejetée par une majorité des partenaires sociaux et par un grand nombre de nos concitoyens.

Le Gouvernement escomptait, de cette réforme aussi, de nombreuses économies : 3, 5 milliards d'euros d'économie étaient ainsi attendus du dossier médical partagé, mais chacun sait que ce chiffrage est aléatoire ; 2, 5 milliards d'euros étaient attendus du développement des génériques, mais les nouvelles molécules seront, elles, extrêmement onéreuses et les nouvelles dépenses afférentes à ces dernières rendent hypothétique toute perspective d'économie.

En fait, seules les mesures que notre collègue Alain Vasselle appelle, par un doux euphémisme, des mesures « de responsabilisation des usagers », autrement dit les déremboursements massifs, seront effectivement sources d'économies sur le court terme.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion