Dans la mesure où le président de la commission des affaires sociales a souhaité l'examen par priorité de l'amendement n° 20, je voudrais très sereinement en détailler le contenu.
Par cet amendement, la commission semble vouloir mettre l'accent sur la cohérence à apporter entre la loi de finances et la loi de financement de la sécurité sociale, afin d'harmoniser l'information du Parlement.
A cet effet, monsieur le rapporteur, vous souhaitez introduire dans le texte qui vous est soumis une disposition dont le contenu reprendrait exactement celui de l'annexe IV de la loi de financement de la sécurité sociale, annexe relative aux mesures de compensation financière entre l'Etat et la sécurité sociale au titre des mesures d'exonération et d'abattement des cotisations sociales en y ajoutant deux dispositions. D'une part, la loi de finances arrêterait le montant de cette compensation, et, d'autre part, ne donneraient pas lieu à compensation les mesures qui ne sont pas compensées à la date d'entrée en vigueur du présent projet de loi.
Je voudrais tout d'abord rappeler les mesures que le Gouvernement a d'ores et déjà prises avant même l'examen de ce projet de loi organique afin de clarifier les liens financiers existants entre l'Etat et la sécurité sociale.
Comme vous l'aviez demandé, mesdames, messieurs les sénateurs, depuis 2002, la dette du FOREC, le Fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale, a été remboursée. Ensuite, comme vous l'aviez également réclamé, ce fonds a été supprimé.
Dans le cadre de la réforme de l'assurance maladie, conformément au souhait exprimé notamment par la commission des affaires sociales, sont maintenant reversés à l'assurance maladie les droits sur les tabacs pour un montant de un milliard d'euros, et ce au nom d'une plus grande transparence, voire au nom d'une certaine forme d'équité.
Dans la loi du 13 août 2004, ce principe de compensation a été renforcé par l'article 70, modifiant l'article L. 131-7 du code de la sécurité sociale.
Ce sont autant là d'actes concrets pour la sécurité sociale et pour son autonomie financière.
Je n'ai pas besoin de redire ce qui a été fait en la matière par la majorité précédente : rien, voire, au contraire, l'aggravation d'un certain nombre de situations qui pouvaient chaque fois s'apparenter à des formes de détournement de fonds de l'assurance maladie au profit d'autres volets de la politique menée par le gouvernement d'alors ; je pense notamment à la réforme des 35 heures, financée aux dépens de la sécurité sociale.
Il apparaît au Gouvernement que la disposition que vous présentez, monsieur le rapporteur, soulève de vraies difficultés juridiques quant à sa compatibilité avec la Constitution. Si vous le permettez, je développerai mon argumentation parce que je sais combien ce sujet vous tient à coeur tant à vous, monsieur le président de la commission, qu'à vous, monsieur le rapporteur.
La disposition proposée empêcherait le législateur de remettre en cause le périmètre qui sépare les mesures compensées des mesures non compensées. Le législateur organique ne peut contraindre le législateur ordinaire quant au contenu de fond des lois.
Le Gouvernement a souhaité explorer la voie que vous suggérez d'emprunter dans cet amendement. Explicitement interrogés sur ce point par le Gouvernement, lors de l'examen du présent projet de loi organique relatif aux lois de financement de la sécurité sociale, les nombreux experts consultés ont tous confirmé cette analyse : le contenu des lois ne peut être encadré que par la Constitution.
Cependant, vous le savez, nous sommes attachés au respect de l'autonomie financière de la sécurité sociale et à la préservation de ses ressources. J'ai indiqué tout à l'heure quelles mesures nous avons déjà prises ; je veux maintenant dire ce que nous voulons faire par le biais de ce projet de loi organique.
Le présent projet de loi reconnaît au niveau organique, comme cela avait été indiqué lors des débats de l'été dernier, et dans le respect de la Constitution, le principe de compensation.
Une annexe spécifique de la loi de financement de la sécurité sociale, l'annexe IV, présentera chaque année les différents dispositifs dérogatoires engendrant des pertes et des recettes pour les régimes de sécurité sociale. Cette annexe, que vous aviez appelée de vos voeux, mesdames, messieurs les sénateurs, permettra au Parlement de contrôler efficacement les crédits de compensation inscrits en loi de finances et de les rapprocher des éléments inscrits en loi de financement de la sécurité sociale.
Aux yeux du Gouvernement, je puis vous l'assurer, la préservation de l'autonomie financière de la sécurité sociale conduit bien à veiller à une bonne articulation entre les deux lois de finances publiques. Dans un souci permanent d'efficacité et de maîtrise de la dépense publique, elle incite également à n'accorder des mesures de réduction, d'abattement ou d'exonération que dans des situations particulières et justifiées.
C'est parce que nous avions bien compris le message lancé par la commission des affaires sociales que nous avons proposé ce dispositif. Et croyez bien que, pour assurer cette compensation, le Gouvernement fait tout ce qu'il lui paraît possible de faire.
Dans ces conditions, le Gouvernement ne peut pas être favorable à l'amendement n° 20 et demande à M. le rapporteur de bien vouloir le retirer.
Par ailleurs, le Gouvernement est également défavorable au sous-amendement n° 75.