Intervention de Jean-Christophe Combe

Réunion du 11 juillet 2023 à 21h30
Plein emploi — Article 10

Jean-Christophe Combe, ministre des solidarités, de l’ :

Mesdames, messieurs les sénateurs, je tâcherai de répondre à vos doutes et à vos craintes de la façon la plus exhaustive possible.

Cet article a toute sa place dans ce projet de loi. En effet, chaque année, 150 000 femmes renoncent à un emploi ou demandent une adaptation de leur temps de travail pour accompagner leur jeune enfant. Il s’agit donc de l’un des freins à l’insertion professionnelle. Ce n’est pas le seul, mais c’est un frein majeur, en particulier pour les femmes. Cette question recouvre donc un enjeu d’égalité entre les femmes et les hommes dans notre pays.

J’ai bien compris, mesdames les sénatrices, votre vision d’un service public de la petite enfance. Elle converge, me semble-t-il, avec celle du Gouvernement. C’est ce que j’ai essayé de démontrer en évoquant la deuxième jambe du service public de la petite enfance. Ce texte parle de gouvernance ; il parle d’augmentation du nombre de places.

Avant de présenter ce projet de loi, j’ai essayé d’élaborer un plan qualité qui remette, comme il se doit, le service public de la petite enfance au service de l’éveil et de l’éducation des enfants et de la lutte contre les inégalités de destin. En France, 71 % des familles avec un enfant de moins de 3 ans qui vivent sous le seuil de pauvreté ne recourent à aucune solution d’accueil, contre 33 % pour l’ensemble des familles. Nous répondons donc également à un enjeu d’égalité. La dimension sociale de ce sujet est extrêmement forte.

Conscient des limites du système actuel et des problèmes de qualité de l’offre d’accueil, j’avais commandé dès mon entrée en poste le rapport de l’inspection générale des affaires sociales (Igas) auquel vous avez fait référence. Vous m’avez récemment interrogé sur ce sujet et je vous avais dit que nous prendrions des mesures pour répondre aux trente-neuf recommandations de ce rapport.

Une partie de ces mesures figurent dans cet article 10 ; une autre sera intégrée au plan qualité que j’ai annoncé et fera l’objet de discussions avec les collectivités. C’est pour cette raison que nous n’avons pas proposé de mesures pour la protection maternelle et infantile (PMI) : nous avons besoin d’un temps de négociation avec les départements. Je ne préjuge pas la recevabilité de vos amendements ni de ceux qui ont été déposés à l’Assemblée nationale, et notre objectif n’était pas de contourner votre assemblée.

Le rapport de l’Igas dénonce surtout l’hétérogénéité de la qualité des crèches selon les dispositifs et pointait du doigt les limites de certaines organisations par rapport à d’autres. Il me semble que nous pouvons tomber d’accord sur l’ensemble des objectifs que je viens d’énoncer.

Si nous voulons lever tous les obstacles pour atteindre ces objectifs, de multiples rapports consacrés au service public de la petite enfance en ont souligné deux en particulier : les défauts de coordination entre les acteurs et, surtout, l’absence d’un pilote local identifié de cette politique publique.

Ces deux manques constituent, de l’avis des experts – c’est d’ailleurs ce qui ressort du rapport récemment publié par le Conseil économique, social et environnemental (Cese) –, un frein majeur au développement et à l’accessibilité de l’offre d’accueil. Je sais que nous allons en discuter, car l’accessibilité réelle de l’offre d’accueil à toutes les familles vous tient particulièrement à cœur.

Actuellement, la compétence des communes est facultative et se réduit à la seule gestion des crèches. Les communes n’ont ni droit de regard ni levier d’action sur les crèches privées associatives ou du secteur marchand – ou vaguement, par le biais des permis de construire, lorsqu’il y a des murs à construire – ni sur les assistants maternels, qui représentent pourtant 60 % de l’offre.

C’est à ces défauts que nous entendons remédier grâce à l’article 10. En cela, il constitue, je le pense sincèrement, un article de décentralisation, et non pas de recentralisation, en sacralisant cette compétence. Il reconnaît et conforte le rôle des communes et leur investissement majeur sur cette question, par deux moyens : en leur confiant une compétence obligatoire, mais aussi en leur donnant les moyens de l’exercer.

Par ailleurs, je souligne que, dès le début de la concertation que j’ai conduite avec les associations représentatives des collectivités, j’ai personnellement et expressément écarté, devant les représentants des communes et des intercommunalités, le scénario d’un droit opposable – sur le modèle du droit au logement opposable (Dalo), comme cela peut exister dans d’autres pays –, qui, naturellement, suscitait chez eux beaucoup d’inquiétude.

À l’inverse, l’article 10 retient le scénario d’un bloc communal chargé d’une mission d’autorité organisatrice de l’accueil du jeune enfant. Il a été élaboré avec les communes et les intercommunalités, qui, jusqu’à présent, l’accueillent plutôt favorablement. Pour l’exercer, elles doivent évidemment être dotées de moyens dédiés.

C’est pourquoi le texte qui vous est proposé prévoit des leviers réglementaires nouveaux, en particulier un droit de regard des communes sur l’installation de nouvelles offres. De plus, il fixe le principe d’un accompagnement financier des charges induites par les compétences nouvelles.

Un groupe de travail incluant les associations représentatives des collectivités dessinera les contours de l’enquête consacrée à l’évaluation de ces charges dès le 20 juillet.

Les communes pourront compter sur les moyens des CAF, que nous avons massifiés et adaptés pour tenir compte des demandes des collectivités. La COG qui a été signée hier, avec quelques jours d’avance, et qui a demandé beaucoup de travail – je salue à cet égard l’engagement des agents qui ont participé à son élaboration –, prévoit, d’ici à 2027, de consacrer 6 milliards d’euros à cette politique publique, dont plus de 200 millions d’euros pour renforcer l’attractivité des métiers du secteur, et de financer 100 équivalents temps plein pour aider les communes ou intercommunalités qui le souhaiteraient à exercer ces compétences.

En outre, cette COG prévoit des moyens non seulement pour l’investissement, mais aussi pour le fonctionnement. D’ailleurs, les subventions aux collectivités augmenteront dès cette année de 6, 7 %. Cette augmentation, substantielle, concernera aussi les places existantes et les communes qui ont déjà fait l’effort de développer cette offre d’accueil du jeune enfant.

Enfin, en réponse aux besoins qui ont été exprimés par les communes, nous améliorerons le financement de leur budget de fonctionnement. Cette COG définit des moyens pour les cinq prochaines années. Un volet qualité rééquilibrera notre approche du service public de la petite enfance en renforçant l’attractivité des métiers, notamment par une augmentation des salaires des professionnels et en révisant les cursus de formation.

Le rapport de l’Igas, entre autres, avait mis en lumière cette nécessité de rééquilibrage, notamment pour les assistants maternels, les éducateurs du jeune enfant et les auxiliaires de puériculture, dans une vision plus éducative de ce service public.

Nous renforcerons également les contrôles et relèverons notre niveau d’exigence en matière de qualité de l’encadrement et des bâtiments. De très belles initiatives ont été prises en la matière. J’ai par exemple accompagné la signature, il y a quelques jours, d’un contrat à impact pour rendre les crèches plus respectueuses de l’environnement et offrir aux enfants un cadre plus adapté à leur santé.

J’espère avoir répondu à la plupart de vos questions. Dans le cas contraire, j’aurai l’occasion d’y répondre au cours de la discussion des prochains amendements.

Le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces amendements de suppression.

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