Intervention de Philippe Bolo

Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques — Réunion du 25 mai 2023 à 9h30
Examen des conclusions de l'Audition publique sur les enjeux du projet de traité international sur la pollution plastique philippe bolo député et angèle préville sénatrice rapporteurs

Philippe Bolo, député, rapporteur :

Je remercie à nouveau le président d'avoir accepté la tenue de cette audition publique car, et je me flatte de le répéter, la France a l'honneur d'accueillir les délégations de 175 pays pour une session de négociation d'un traité international. Sur les cinq sessions prévues, deux se tiendront au Kenya. Seuls quatre pays de la planète vont les accueillir : le Kenya, le Canada, la France et la Corée du Sud. Il était important que nos assemblées s'emparent de ce moment historique. Merci de nous avoir offert l'occasion de cette audition réalisée sous l'angle scientifique.

La seconde table ronde a dressé un état des lieux de la négociation, de la position des différents pays et un historique de la proposition de traité. Si l'OPECST n'est pas à l'origine de ce traité, celui-ci figurait déjà dans les quarante-neuf préconisations du rapport fait avec Angèle Préville au nom de l'Office et adopté en décembre 2020. Cela s'est concrétisé par une résolution que nous avons rédigée et déposée dans nos assemblées respectives. À l'Assemblée nationale, signée par plus de 400 collègues et votée à l'unanimité le 29 novembre 2021, elle formait le voeu que la France soutienne toutes les initiatives internationales allant dans le sens de la réduction de la pollution plastique. Nous avons ajouté notre petite pierre à l'édifice, sous l'angle scientifique.

Le négociateur européen a signalé un autre moment historique. L'adoption, lors de la cinquième session de l'Assemblée des Nations Unies pour l'environnement, tenue en mars 2022 à Nairobi, de la Résolution 5/14 du PNUE qui a ouvert la négociation aboutissant au traité dont nous voyons à Paris la concrétisation.

Il a indiqué les trois principes sur lesquels repose cette négociation visant à appréhender le sujet en globalité. Le premier est de ne pas limiter le champ de la pollution plastique aux océans, tous les milieux étant concernés. Le deuxième est de considérer que la pollution se situe à tous les stades du cycle de vie du plastique, du prélèvement du pétrole à la gestion des objets placés dans notre poubelle jaune. Le troisième principe, c'est de ne pas se contenter de traiter la pollution plastique en aval par la gestion de la poubelle, donc de ne pas tout fonder sur le recyclage.

Le négociateur européen a indiqué que les positions des différents pays se répartissaient en trois blocs. Le premier est formé par la coalition des pays de haute ambition qui souhaitent un traité contraignant incluant les principes que je viens d'énoncer. Le deuxième bloc de pays entend traiter le sujet sous le seul angle du recyclage et de la gestion des déchets. Le troisième bloc regroupe les États producteurs de plastique, un peu plus réservés sur le contenu du traité. Tout cela donnera lieu à des négociations, la semaine prochaine, à Paris, qu'il sera intéressant de suivre.

Quant aux enseignements à tirer, ils sont de deux ordres : les pièges à éviter, au nombre de trois, et les obstacles à surmonter.

Le premier piège est de considérer que les solutions passent exclusivement par les consommateurs ou les usagers de plastique, dans la mesure où certains ne sont pas au courant qu'ils consomment du plastique et où, même s'ils l'étaient, ignoreraient que cela pose des problèmes sanitaires et environnementaux. Il faut donc aller au-delà. Même pour les consommateurs informés, existe-t-il des alternatives et y ont-ils accès ? L'incitation peut-elle être financière, eu égard à l'effort demandé ? Tous les sociologues assimilent l'appétence au plastique à une appétence à la réduction des efforts. Disposer d'un objet en plastique, c'est faire disparaître un effort. La séquence à l'Assemblée nationale a montré la nécessité du renforcement du rôle des entreprises et des pouvoirs publics en la matière.

Le deuxième piège est de tout miser sur le recyclage. Les plastiques sont des polymères aux caractéristiques physiques et chimiques liées à la longueur de la chaîne. Tout recyclage consistant à casser la chaîne, à modifier les possibilités et les propriétés, ce n'est pas la solution. En outre, tous les polymères ne sont pas recyclables, à cause des additifs et des substances héritées. Nous reviendrons sur le recyclage chimique dans la note de synthèse que nous sommes en train de rédiger.

Le troisième piège est celui du financement. Plus facile pour certains pays que pour d'autres, il faut éviter des systèmes de financements non équitables. Certains pays producteurs de plastique sont très concernés par les pollutions visuelles et d'autre moins. Les situations sont diverses. Il ne faut pas oublier non plus les pays destinataires d'exportation de déchets que nous ne gérons pas nous-mêmes, très touchés par cette pollution. Tous ces éléments doivent être pris en compte dans l'équation financière. Lors de la précédente séquence de négociation, en décembre dernier, à Punta del Este, en Uruguay, un premier travail a été réalisé qui servira de base pour la suite.

Le premier obstacle à surmonter, c'est l'empreinte plastique, expression de plus en plus utilisée, apparue lors de l'audition des rapporteurs du Conseil économique, social et environnemental (CESE), qui ont remis leurs recommandations récemment. Elle vient du fait que nous disposons de l'analyse du cycle de vie (ACV), outil méthodologique suffisamment précis et fin pour mesurer les impacts environnementaux et comparer les alternatives entre elles. Mais, appliqué au plastique, il présente deux inconvénients : ne pas prendre en compte la dimension sanitaire des additifs présents dans les polymères et surtout ignorer ce qui se passe lorsqu'un objet en plastique perdu dans la nature se fragmente et se réduit en micro et nanoparticules. Par conséquent, quand on compare une alternative « verte » et une alternative plastique, on le fait sur la base du CO2 et non sur la base de la fin de vie.

Le second obstacle est la réglementation des produits chimiques. Quelque 13 000 molécules chimiques sont utilisées comme additif pour le plastique, dont 7 000 sont renseignées, 3 000 identifiées comme toxiques et seulement 130 réglementées. Nous avons appris que les logiques de la réglementation REACH n'étaient pas exactement les mêmes que celles de l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) et je viens d'apprendre que celles de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) était encore différente. Une harmonisation doit être trouvée. Et encore n'ai-je parlé que de l'Union européenne et de la France, et non des États-Unis, et encore moins des produits chimiques qui, ajoutés en Chine, arrivent chez nous, sans être conformes à la réglementation REACH.

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