Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Réunion du 25 mai 2023 à 9h30

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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Debut de section - Permalien
Pierre Henriet, député, président de l'Office

Je vous remercie du travail réalisé afin de présenter en un temps record les conclusions de l'audition publique sur les enjeux du projet de traité international sur la pollution plastique.

Debut de section - PermalienPhoto de Angèle Préville

sénatrice, vice-présidente de l'Office, rapporteure. - Le 11 mai dernier, l'Office a organisé une audition publique sur les enjeux scientifiques du traité international visant à mettre un terme à la pollution plastique.

Je rappelle que l'Assemblée des Nations unies pour l'environnement a adopté en mars 2022 une résolution historique visant à mettre en place un instrument international juridiquement contraignant pour mettre fin à la pollution plastique. Elle a prévu cinq sessions de négociations, dont une aura lieu ces prochains jours à Paris.

Le principe d'un traité international faisait partie des recommandations adoptées par l'Office en décembre 2020. Philippe Bolo et moi-même avions rédigé un projet de résolution visant à promouvoir un tel traité qui, déposé à l'Assemblée nationale et au Sénat à l'été 2021, a été adopté à l'unanimité par l'Assemblée nationale, en novembre 2021.

L'audition publique organisée par l'Office s'est tenue sous la forme de deux tables rondes. La première a évoqué les arguments scientifiques en faveur de l'élaboration d'un tel traité. J'en résumerai les éléments de présentation et les résultats. Philippe Bolo fera la synthèse de la seconde, consacrée aux enjeux scientifiques des propositions en discussion.

La première table ronde a souligné le caractère global, incontrôlable et particulièrement nocif de la pollution plastique pour l'environnement et la santé humaine.

D'ici à 2060, la production de plastique devrait tripler pour atteindre 1,2 milliard de tonnes. Cette croissance est tirée par l'explosion du nombre des emballages à usage unique, qui représentent 40 % des usages du plastique. Pourtant, le consommateur ne choisit pas d'acheter du plastique. Comme l'a souligné Hervé Corvellec, ce matériau a été imposé par un système de production, de distribution et de consommation basé sur l'abondance et la mobilité, dans lequel le plastique est un accompagnateur quasiment discret, en raison de ses qualités de protection sanitaire, de légèreté et de commodité. La jetabilité de l'emballage plastique à usage unique apparaît comme un atout dans la mesure où ni le producteur, ni le distributeur, ni le consommateur n'a besoin de le prendre en charge après usage. En ce sens, le plastique participe à la normalisation du déchet. Ainsi, le marché des eaux en bouteille ne se justifie-t-il que parce qu'il est considéré comme normal de jeter ces bouteilles après en avoir bu le contenu.

Néanmoins ces déchets plastiques post-consommation s'accumulent au point de former une pollution incontrôlable. Sur les 8,3 milliards de tonnes de plastique produites depuis 1950, dont la moitié depuis seulement 2000, seuls 30 % continuent d'être en utilisation. Le reste, soit 5,8 milliards de tonnes, est devenu des déchets, soit mis en décharge, soit rejetés directement dans l'environnement. Au total, 4,9 milliards de tonnes de déchets plastiques sont donc présentes dans l'environnement, héritées des modes de gestion des déchets à l'échelle planétaire.

En outre, le processus de fragmentation et de dispersion dans l'environnement, dans l'air, les fleuves, les mers, les océans et dans le milieu terrestre naturel n'en est qu'à son début. Jeroen Sonke a démontré que 97 % des plastiques se trouvent encore dans le milieu terrestre anthropisé, c'est-à-dire les décharges, les milieux urbains ou industriels et les sols agricoles. Par conséquent, en retenant une hypothèse de cinétique de fragmentation des plastiques de 3 % par an et un scénario d'arrêt de la production en 2040, non encore prévisible puisque la production reste exponentielle, le pic de la pollution plastique dans les sols naturels ne devrait pas intervenir avant 2400 et celui dans les sédiments des grands fonds marins plus tard encore.

L'effet d'accumulation des microplastiques dans les sols, les océans et les sédiments marins durera des siècles, et cette pollution a de graves effets sur l'environnement et la santé humaine. Comme l'a souligné Andrès Del Castillo, parmi les six limites planétaires déjà dépassées en 2022 figure la pollution par les nouvelles substances chimiques introduites dans l'environnement due, en particulier, à l'explosion de la production des plastiques, polymères auxquels sont ajoutés des additifs. Il a rappelé que 13 000 produits chimiques sont utilisés dans la production des plastiques. Les données n'existent que sur un peu plus de la moitié de ces produits, soit environ 7 000, dont près de 3 200 identifiés par les scientifiques comme des substances chimiques préoccupantes. Or seuls 130 produits chimiques préoccupants sont réglementés par des conventions internationales.

La pollution plastique contribue également au réchauffement climatique. Selon Jeroen Sonke, 12 % du pétrole sont convertis chaque année en polymères, en majorité pour des emballages à usage unique. Andrès Del Castillo a souligné qu'un rapport récent montre que d'ici à 2050, les émissions de gaz à effet de serre résultant de la fabrication du plastique pourraient atteindre plus de 56 gigatonnes, soit 10 à 13 % de l'ensemble du budget carbone à la disposition de la communauté internationale pour respecter l'accord de Paris.

Xavier Cousin a rappelé que la pollution plastique, notamment par les microplastiques, n'épargnait aucun des maillons de la chaîne trophique en milieu marin, provoquant des perturbations de la croissance et de la reproduction. Si les microplastiques ne s'accumulent pas dans le tube digestif et ne semblent pas franchir les tissus, l'exposition aux microplastiques est permanente dans la mesure où les êtres vivants en ingèrent en continu.

Bien que l'évaluation du risque reste difficile, la pollution plastique a une incidence certaine sur la santé humaine. Le risque se définit par l'association d'un danger et d'une exposition, laquelle est difficile à mesurer. Muriel Mercier Bonnin a rappelé l'impact médiatique de l'information selon laquelle un être humain consommerait cinq grammes de plastique par semaine, soit l'équivalent d'une carte de crédit. En réalité, l'étude citée fixait une fourchette beaucoup plus large, entre 0,1 et 5 grammes par semaine, qui a été contredite par des études ultérieures concluant à une ingestion comprise entre 4,1 microgrammes et 130 à 310 microgrammes par semaine.

Toutefois, la pollution plastique a un effet certain sur la santé humaine au travers des produits chimiques. Véronique Gayrard a évoqué le bisphénol A, considéré dans le règlement REACH comme une substance très préoccupante en raison de ses propriétés toxiques en matière de reproduction et en tant que perturbateur endocrinien, alors même que nous en absorbons cent fois plus que la dose journalière tolérable fixée par l'Autorité européenne de sécurité des aliments.

Des études récentes sur l'exposition du microbiote intestinal aux microplastiques mettent en avant plusieurs points de vigilance qui révéleraient l'impact négatif des microplastiques. Néanmoins, de nombreux verrous cognitifs et méthodologiques restent à lever pour réellement évaluer le risque d'une exposition quotidienne aux micro et nanoplastiques, qu'il s'agisse de la mesure des effets toxicologiques ou de la difficulté à les détecter dans les fluides biologiques, sans parler des problèmes de contamination des préparations par les plastiques présents dans l'environnement des laboratoires.

Debut de section - Permalien
Philippe Bolo, député, rapporteur

Je remercie à nouveau le président d'avoir accepté la tenue de cette audition publique car, et je me flatte de le répéter, la France a l'honneur d'accueillir les délégations de 175 pays pour une session de négociation d'un traité international. Sur les cinq sessions prévues, deux se tiendront au Kenya. Seuls quatre pays de la planète vont les accueillir : le Kenya, le Canada, la France et la Corée du Sud. Il était important que nos assemblées s'emparent de ce moment historique. Merci de nous avoir offert l'occasion de cette audition réalisée sous l'angle scientifique.

La seconde table ronde a dressé un état des lieux de la négociation, de la position des différents pays et un historique de la proposition de traité. Si l'OPECST n'est pas à l'origine de ce traité, celui-ci figurait déjà dans les quarante-neuf préconisations du rapport fait avec Angèle Préville au nom de l'Office et adopté en décembre 2020. Cela s'est concrétisé par une résolution que nous avons rédigée et déposée dans nos assemblées respectives. À l'Assemblée nationale, signée par plus de 400 collègues et votée à l'unanimité le 29 novembre 2021, elle formait le voeu que la France soutienne toutes les initiatives internationales allant dans le sens de la réduction de la pollution plastique. Nous avons ajouté notre petite pierre à l'édifice, sous l'angle scientifique.

Le négociateur européen a signalé un autre moment historique. L'adoption, lors de la cinquième session de l'Assemblée des Nations Unies pour l'environnement, tenue en mars 2022 à Nairobi, de la Résolution 5/14 du PNUE qui a ouvert la négociation aboutissant au traité dont nous voyons à Paris la concrétisation.

Il a indiqué les trois principes sur lesquels repose cette négociation visant à appréhender le sujet en globalité. Le premier est de ne pas limiter le champ de la pollution plastique aux océans, tous les milieux étant concernés. Le deuxième est de considérer que la pollution se situe à tous les stades du cycle de vie du plastique, du prélèvement du pétrole à la gestion des objets placés dans notre poubelle jaune. Le troisième principe, c'est de ne pas se contenter de traiter la pollution plastique en aval par la gestion de la poubelle, donc de ne pas tout fonder sur le recyclage.

Le négociateur européen a indiqué que les positions des différents pays se répartissaient en trois blocs. Le premier est formé par la coalition des pays de haute ambition qui souhaitent un traité contraignant incluant les principes que je viens d'énoncer. Le deuxième bloc de pays entend traiter le sujet sous le seul angle du recyclage et de la gestion des déchets. Le troisième bloc regroupe les États producteurs de plastique, un peu plus réservés sur le contenu du traité. Tout cela donnera lieu à des négociations, la semaine prochaine, à Paris, qu'il sera intéressant de suivre.

Quant aux enseignements à tirer, ils sont de deux ordres : les pièges à éviter, au nombre de trois, et les obstacles à surmonter.

Le premier piège est de considérer que les solutions passent exclusivement par les consommateurs ou les usagers de plastique, dans la mesure où certains ne sont pas au courant qu'ils consomment du plastique et où, même s'ils l'étaient, ignoreraient que cela pose des problèmes sanitaires et environnementaux. Il faut donc aller au-delà. Même pour les consommateurs informés, existe-t-il des alternatives et y ont-ils accès ? L'incitation peut-elle être financière, eu égard à l'effort demandé ? Tous les sociologues assimilent l'appétence au plastique à une appétence à la réduction des efforts. Disposer d'un objet en plastique, c'est faire disparaître un effort. La séquence à l'Assemblée nationale a montré la nécessité du renforcement du rôle des entreprises et des pouvoirs publics en la matière.

Le deuxième piège est de tout miser sur le recyclage. Les plastiques sont des polymères aux caractéristiques physiques et chimiques liées à la longueur de la chaîne. Tout recyclage consistant à casser la chaîne, à modifier les possibilités et les propriétés, ce n'est pas la solution. En outre, tous les polymères ne sont pas recyclables, à cause des additifs et des substances héritées. Nous reviendrons sur le recyclage chimique dans la note de synthèse que nous sommes en train de rédiger.

Le troisième piège est celui du financement. Plus facile pour certains pays que pour d'autres, il faut éviter des systèmes de financements non équitables. Certains pays producteurs de plastique sont très concernés par les pollutions visuelles et d'autre moins. Les situations sont diverses. Il ne faut pas oublier non plus les pays destinataires d'exportation de déchets que nous ne gérons pas nous-mêmes, très touchés par cette pollution. Tous ces éléments doivent être pris en compte dans l'équation financière. Lors de la précédente séquence de négociation, en décembre dernier, à Punta del Este, en Uruguay, un premier travail a été réalisé qui servira de base pour la suite.

Le premier obstacle à surmonter, c'est l'empreinte plastique, expression de plus en plus utilisée, apparue lors de l'audition des rapporteurs du Conseil économique, social et environnemental (CESE), qui ont remis leurs recommandations récemment. Elle vient du fait que nous disposons de l'analyse du cycle de vie (ACV), outil méthodologique suffisamment précis et fin pour mesurer les impacts environnementaux et comparer les alternatives entre elles. Mais, appliqué au plastique, il présente deux inconvénients : ne pas prendre en compte la dimension sanitaire des additifs présents dans les polymères et surtout ignorer ce qui se passe lorsqu'un objet en plastique perdu dans la nature se fragmente et se réduit en micro et nanoparticules. Par conséquent, quand on compare une alternative « verte » et une alternative plastique, on le fait sur la base du CO2 et non sur la base de la fin de vie.

Le second obstacle est la réglementation des produits chimiques. Quelque 13 000 molécules chimiques sont utilisées comme additif pour le plastique, dont 7 000 sont renseignées, 3 000 identifiées comme toxiques et seulement 130 réglementées. Nous avons appris que les logiques de la réglementation REACH n'étaient pas exactement les mêmes que celles de l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) et je viens d'apprendre que celles de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) était encore différente. Une harmonisation doit être trouvée. Et encore n'ai-je parlé que de l'Union européenne et de la France, et non des États-Unis, et encore moins des produits chimiques qui, ajoutés en Chine, arrivent chez nous, sans être conformes à la réglementation REACH.

Debut de section - PermalienPhoto de Angèle Préville

sénatrice, vice-présidente de l'Office, rapporteure. - Nous en venons maintenant aux recommandations.

La première recommandation, conformément aux quatre « R », est réduire. Hervé Corvellec a rappelé que lorsque la baignoire déborde, on doit fermer le robinet avant d'éponger à la serpillière. C'est l'attitude que nous devons adopter face à l'usage du plastique. Nous devons revoir leur qualité, eu égard à la toxicité des additifs, être sensibles à leur évitabilité, certains usages n'ayant d'autre intérêt que leur fonction marketing, et à leur durée de vie, certains plastiques n'étant utilisés que quelques minutes avant de devenir des déchets. Nous devons aussi être attentifs aux risques de fuite dans l'environnement, le mode de consommation de certains plastiques augmentant fortement la probabilité de les retrouver dans l'environnement, et envisager des possibilités de substitution et de remplacement par d'autres matériaux aux impacts environnementaux moindres.

Debut de section - Permalien
Philippe Bolo, député, rapporteur

Deuxième recommandation, améliorer l'analyse du cycle de vie pour prendre en compte l'empreinte plastique. Ce que nous disons est la synthèse de ce que nous avons entendu. Nous conseillons d'intégrer au traité ces recommandations, à la lumière de nos précédents travaux de 2019 et 2020, enrichis des éléments nouveaux obtenus grâce à ces auditions.

Debut de section - PermalienPhoto de Angèle Préville

sénatrice, vice-présidente de l'Office, rapporteure. - La troisième recommandation vise à réduire le risque toxicologique en interdisant comme additifs toutes les substances de même famille qu'une substance interdite. Il convient ainsi de faciliter l'interdiction de produits dangereux en regroupant leur évaluation et leur contrôle par grandes familles. Il faut interdire certains polymères et produits chimiques dont la liste serait fixée dans une annexe élaborée à partir de critères tels que leur dangerosité pour la santé humaine et l'environnement, leur non-recyclabilité ou encore leur capacité à perturber le recyclage. Il faut aussi imposer la transparence des substances chimiques utilisées afin de garantir leur traçabilité, ce qui n'est pas du tout le cas actuellement, à cause du secret industriel. Nous avons découvert par ailleurs que dans certains procédés industriels sont ajoutés par le biais de « recettes » utilisées depuis très longtemps des additifs pour améliorer les « qualités » du plastique.

Debut de section - Permalien
Philippe Bolo, député, rapporteur

Notre quatrième recommandation est liée à l'importante distinction à établir entre le stock et le flux. Le stock, c'est la quantité de plastiques produits depuis les années 1950, mais dont une proportion est toujours en circulation dans des objets, des maisons, des bâtiments, et dont la plus grande partie se retrouve dans la nature, soit enfouie dans le sol, soit perdue dans l'environnement, soit déjà fragmentée. Ma collègue Angèle Préville invite à réduire le flux, mais que faire du stock dont nous héritons ? Dans notre rapport de 2020, nous soulignions la difficulté à trouver la solution ultime par le nettoyage des océans. Il n'existe pas de continents plastiques mais des « soupes » de plastiques, c'est-à-dire des endroits où les concentrations en macro, micro et nanoparticules sont particulièrement fortes, mais on ne peut pas nettoyer l'océan. Des chercheurs relèvent néanmoins que tout ce qu'on peut retirer d'une opération de nettoyage sur le continent, c'est toujours cela de moins qui viendra se fragmenter ailleurs. Il faut encourager toutes les opérations de nettoyage de la nature, à cette nuance près que les déchets récupérés ne doivent pas être remis dans une décharge ou revalorisés différemment, car on n'aurait rien résolu. Comment éliminer ce stock récupéré dans la nature ?

La recommandation suivante vise à réduire, voire annuler, les exportations de déchets. En effet, le producteur de déchets doit les gérer et non les envoyer chez d'autres pour les traiter, d'autant moins en gardant ceux ayant de la valeur et en envoyant les autres ailleurs. On connaît les désastres produits dans les pays destinataires. La Chine, après avoir conçu une part de sa capacité à produire des plastiques à partir des déchets importés et ouvert les vannes en investissant dans des unités de traitement et de recyclage, a jugé insuffisante la qualité obtenue par ce moyen et a fermé les barrières pour produire massivement avec d'autres intrants. On sait les difficultés provoquées par le traitement des déchets importés en matière de droits de l'homme ou de qualité de vie. J'ai été stupéfait de voir qu'on envoie en Afrique des déchets textiles non pour les utiliser, mais pour qu'ils se retrouvent dans la nature. Au Ghana, tout part vers la mer. Le traité doit commencer par appliquer les réglementations existantes, notamment la convention de Bâle, pour gérer les déchets au lieu de les envoyer chez les autres, surtout quand ces derniers n'ont pas la capacité de les traiter.

Debut de section - PermalienPhoto de Angèle Préville

sénatrice, vice-présidente de l'Office, rapporteure. - La sixième recommandation vise à encourager de nouveaux modes de consommation. La lutte contre la pollution est l'affaire de tous et le maître mot est « réduire ». Mais nul n'est capable d'assumer seul ces changements de comportement. Nous avons besoin du contrôle des pouvoirs publics et de l'implication des industriels, qui ont un rôle primordial à jouer dans l'orientation vers de nouveaux modes de consommation.

Certaines mesures préconisées ciblent tous les pays : réduction des objets à usage unique par l'interdiction de certains plastiques, objectifs chiffrés de réduction des emballages plastiques, taxe sur le plastique vierge pour encourager l'utilisation de plastique recyclé. Pour les pays développés, il convient, à court terme, de favoriser le réemploi, d'ouvrir et d'afficher systématiquement en magasin la possibilité pour le consommateur d'apporter son propre contenant et de laisser les emballages en caisse. En France, cela figure déjà dans la loi. L'accès à l'eau potable dans les espaces publics, figurant aussi dans la loi dans certains cas, pourrait être généralisé afin de réduire l'utilisation phénoménale des bouteilles et permettre à tout le monde de recharger sa gourde, comme on le voit aux États-Unis, notamment à l'université de Rhode Island. Il faut informer le consommateur des risques liés au mésusage des plastiques, nombre de consommateurs réutilisant leurs bouteilles d'eau. Il faut imposer pour tous les produits et biens comportant du plastique un étiquetage indiquant le pourcentage de matières plastiques recyclées, y compris quand il y en a 0 %, interdire les cigarettes électroniques à usage unique et la construction de terrains de sport en matière synthétique. Dans les pays en développement, il faut aider la construction d'infrastructures d'eau potable et de gestion des déchets. Comme l'a dit Philippe Bolo, nous avons une part de responsabilité dans la pollution massive par les textiles en permettant une surconsommation de vêtements qui finissent rapidement en Afrique. Il faut encourager la pérennité de toutes les alternatives locales aux emballages plastiques et encourager leur développement.

Debut de section - Permalien
Philippe Bolo, député, rapporteur

La dernière recommandation n'est pas la moins utile. En écoutant les nombreux scientifiques que nous avons eu la chance de croiser, nous avons constaté que chacun a dû se spécialiser dans un domaine, car les recherches sur les sujets de micro et nanoparticules sont complexes et coûteuses. Ils sont capables de fournir des conclusions sur des sujets très précis. En matière de biodiversité, ils peuvent étudier l'impact du plastique sur des poissons, mais pas sur les mêmes espèces et pas en les exposant aux mêmes polymères ni durant les mêmes durées ou avec les mêmes additifs aux polymères, de sorte que leurs conclusions, sur la fertilité et la croissance par exemple, sont valables pour une catégorie spécifique d'exposition. Nous le disions déjà en 2020, à l'image du GIEC du climat, il faut tendre vers la création d'un « GIEC du plastique ». Tous les chercheurs de la communauté scientifique internationale doivent pouvoir croiser leurs résultats, les mettre en parallèle, afin d'aller plus vite et de résoudre la question suivante : étant conscients des effets de la pollution plastique, des dispositions législatives et réglementaires sont prises mais, face à nous, des industriels critiquent une instabilité réglementaire qui ne favorise pas les investissements et les retours sur investissement. La recherche avance vite, mais si elle avançait encore plus rapidement et stabilisait ses résultats, on pourrait prendre des mesures réglementaires et législatives plus pérennes et les industriels pourraient investir plus sereinement. L'inertie industrielle peut être due au manque de capacité à fédérer la recherche et à acquérir des connaissances plus fines à même de lever plus rapidement les incertitudes afin d'agir plus rapidement.

Debut de section - Permalien
Alexandre Sabatou, député

J'avais été choqué d'apprendre que nous ingurgitions chaque semaine plusieurs milligrammes de plastique. Si mes collègues en avaient conscience, nous serions sans doute plus nombreux dans cette salle. Je m'associerai naturellement à vos démarches.

Où la France se situe-t-elle par rapport à ses voisins ? J'ai l'intuition qu'elle est en retard. Vous avez dit que la solution ne se trouvait pas uniquement du côté du consommateur mais en Allemagne, depuis plus de dix ans, on a mis en place des machines pour recycler les bouteilles et un système de consigne.

Debut de section - PermalienPhoto de Angèle Préville

sénatrice, vice-présidente de l'Office, rapporteure. - Nous fonctionnons un peu différemment. Les Allemands avaient depuis longtemps instauré la consigne du verre avant de passer directement à la consigne plastique. Nos collectivités territoriales ont mis en place la gestion du ramassage et du tri par des syndicats. L'extension des consignes de tri n'est pas achevée. Le ramassage des bouteilles n'est peut-être pas au meilleur niveau, parce qu'il a été mis en place de façon très différente à travers le territoire. Mais en Allemagne, le nombre des bouteilles en plastique a fortement augmenté.

Debut de section - Permalien
Philippe Bolo, député, rapporteur

L'appréciation dépend du critère retenu. Du point de vue législatif, nous sommes en avance. Peu de pays ont une loi telle que la loi « antigaspillage pour une économie circulaire » (Agec). La semaine dernière, invités à un colloque international de chercheurs, nous avons rencontré un sénateur américain et nous avons pu mesurer notre avance sur beaucoup de sujets. Au cours des discussions, personne n'a évoqué la réduction des déchets, alors qu'en France, l'idée revient au moindre colloque. Sur certains points, nous sommes très en avance et en retard sur d'autres. Je retiens aussi que des industriels nous disent d'arrêter de réglementer tandis que des ONG nous reprochent de ne pas aller assez loin.

Debut de section - PermalienPhoto de Angèle Préville

sénatrice, vice-présidente de l'Office, rapporteure. - Nous sommes en avance en ce qui concerne les contenants à apporter. La loi Agec a créé de nombreux dispositifs dont la mise en oeuvre se poursuit. Nous avons prévu des interdictions qui prendront effet dans le temps et mis en place des procédés qui vont continuer d'agir durant de longues années. Mais nous pouvons évidemment faire encore mieux.

Debut de section - Permalien
Pierre Henriet, député, président de l'Office

Vous alertez sur les exportations. Qu'en est-il de la traçabilité quand des pays développés se défaussent sur des pays tiers ? Vous citez l'exemple du Ghana, de la Malaisie, du Vietnam et d'autres pays. Peut-être faudrait-il responsabiliser les pays exportateurs sur le suivi du recyclage afin que les déchets ne finissent pas dans l'environnement, ce qui engendre les pollutions annexes que vous décrivez ?

Debut de section - PermalienPhoto de Angèle Préville

sénatrice, vice-présidente de l'Office, rapporteure. - La question des textiles est particulière. Ils sont exportés dans un but de réemploi mais la matière est de si piètre qualité que les femmes africaines qui achètent des ballots ne peuvent rien en faire, bien qu'ils ne soient pas envoyés comme déchets.

Debut de section - Permalien
Philippe Bollo, député, rapporteur

Monsieur le président, vous avez raison de mentionner l'enjeu de la traçabilité. Nous aurons l'occasion d'y revenir lors de l'examen de l'article 4 du projet de loi « Industrie verte », attendu d'abord au Sénat, qui traite de l'exportation des déchets.

Debut de section - Permalien
Pierre Henriet, député, président de l'Office

Nous comptons sur vous deux et sur tous nos collègues pour y porter attention.

Comment voyez-vous la mutualisation des travaux scientifiques et des chercheurs, à la fois d'un point de vue disciplinaire et d'un point de vue géographique ? La communauté scientifique est-elle prête à s'organiser ? Est-il besoin d'un soutien politique, de cohérence, d'alerte auprès de l'Agence nationale de la recherche et des instituts de recherche pour impulser la coopération mondiale ? Comment parvenir à une compréhension scientifique globale ?

Debut de section - PermalienPhoto de Angèle Préville

sénatrice, vice-présidente de l'Office, rapporteure. - À l'image du GIEC pour le climat, le « GIEC du plastique » serait une compilation, un important travail de synthèse qui fait encore défaut, même si les chercheurs se rencontrent, organisent des colloques, s'invitent les uns les autres. Nous avons récemment participé, au Mans, au colloque sur la pollution des océans par les plastiques auquel participaient des chercheurs américains, puis, l'année dernière, à New York, à un colloque sur le même sujet. Mais tout cela n'est pas officiel. Il existe déjà des coopérations mais il faudrait les officialiser à une échelle internationale.

Debut de section - Permalien
Philippe Bollo, député, rapporteur

Je signalerai les rencontres du GDR polymères et océans. Nous avons la chance en France d'avoir ce groupement de recherche qui réunit de nombreux chercheurs travaillant de concert sur ce sujet.

Dans le cadre de l'examen du traité, nous conduirons, dans les jours qui viennent, une réflexion pour impulser la création d'un « GIEC du plastique ». Au niveau international, une autre initiative est conduite pour faire un « GIEC de la chimie » dont le champ d'étude irait bien au-delà des polymères pour s'intéresser à tous les additifs, comme les PFAS, sujet qui monte en puissance. Le sujet des plastiques sera alors dilué. Au regard de l'ampleur du problème, de la contamination systématique de tous les milieux terrestres et de tous les organismes par les microplastiques, commençons par le « GIEC du plastique ».

Debut de section - Permalien
Pierre Henriet, député, président de l'Office

Cette coopération internationale est d'autant plus nécessaire que les enjeux de santé, environnementaux, de changement de comportement et de situation concernent toutes les disciplines. Il s'agit de balayer l'ensemble des champs disciplinaires scientifiques, des sciences humaines aux sciences dures. Nous comptons sur vous pour soutenir ce discours, notamment dans le cadre du traité international, afin qu'il puisse figurer à la fois dans les intentions et dans leur concrétisation.

Vous êtes devenus des experts parlementaires, et même au-delà, de la pollution plastique, et nous savons pouvoir attendre de vous un suivi de ces questions. Nous serons ravis d'avoir un retour sur les enjeux et les conclusions du traité international et sur les mesures d'application et évaluations qui seront prises en France, en Europe et partout dans le monde.

Mes chers collègues, je vous propose de valider le rapport sans changement.

Le rapport est adopté à l'unanimité.

La réunion est close à 10 h 30.

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