L’argument relatif à la diplomatie s’entend complètement. Mais j’aimerais opposer aux opposants au porte-avions un argument purement opérationnel et militaire.
Monsieur le président Laurent, on ne peut pas dire qu’il ne faut pas construire de porte-avions parce qu’il existe d’autres besoins en outre-mer !
La marine nationale remplit les objectifs qui lui sont assignés en outre-mer. On peut certes toujours lui demander de faire plus… Mais une chose est certaine : s’il n’y a plus le porte-avions, les missions qui lui sont confiées ne pourront pas être remplies via d’autres moyens en Méditerranée. Nous devons assumer ce choix.
Il est impensable d’ignorer les dénis d’accès qui existent sur certaines routes maritimes – ils sont notamment le fait de l’Iran, pour dire les choses clairement. On ne peut pas concevoir non plus qu’une puissance comme la nôtre abandonne, pour des raisons autres que diplomatiques, un certain nombre de missions opérationnelles.
La diplomatie ne consiste pas simplement à adresser des signaux. Un porte-avions et son groupe aéronaval, c’est comme un gros bloc multiprise : plusieurs autres bâtiments peuvent s’y rattacher. Ainsi, quand le groupe aéronaval emmené par le Charles de Gaulle se déploie en Méditerranée, une frégate grecque et une corvette italienne, par exemple, peuvent également le constituer. On forme une sorte de nation-cadre maritime, ce qui nous permet d’agréger d’autres bâtiments, non pas pour envoyer un signal diplomatique, mais pour muscler une capacité d’entraînement.
Pour être honnête avec vous, monsieur Laurent, je ne comprends pas la position du groupe communiste contre le porte-avions : elle est fondamentalement contraire à ce que vous voulez faire en sortant du commandement intégré de l’Otan ! En effet, dès lors que l’on en sort, il ne fait pas de doute qu’il faut avoir des capacités d’entraînement propres. Si l’on ne fait pas de multilatéralisme au sein de l’Otan ou de son commandement intégré, il faut bien trouver le moyen de faire du multilatéralisme militaire autrement…
Comme je l’ai dit à vos collègues députés, il est antinomique de vouloir, en même temps, sortir du commandement intégré et se priver de l’outil porte-avions ; cela ne fonctionne pas.
Monsieur le président Gontard, si un deuxième porte-avions de nouvelle génération était construit, il n’aurait pas le même coût que le premier – mais nous ne savons pas estimer ce coût aujourd’hui. Les défenseurs d’un deuxième porte-avions arguent d’ailleurs que le prix n’est pas suffisamment « challengé » et qu’il faut prendre en compte les coûts structurels, ou encore que la construction du premier porte-avions diminuera le coût du second, car le prix des études est amorti…
Vos collègues de l’Assemblée nationale nous ont demandé des informations sur ce montant en invoquant la transparence, en vue de décider en conscience si, oui ou non, nous pouvions le payer.
J’évacue d’autorité cette possibilité dans le cadre du projet de LPM que je vous propose : coupons court à toute ambiguïté, aucun deuxième porte-avions n’y est financé !
Monsieur le président Laurent, vous avez vous-même avancé l’une des raisons de ce choix : un porte-avions n’est rien sans sa garde et son groupe aéronaval.