Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui pour examiner le projet de loi de programmation militaire pour les années 2024 à 2030.
Permettez-moi tout d’abord de saluer l’engagement et le professionnalisme des femmes et des hommes qui composent nos forces armées et mettent leur vie en péril pour défendre notre pays et nos intérêts vitaux.
Je tenterai de résumer mon propos en trois points. Je rappellerai d’abord le contexte, puis j’évoquerai le contenu de ce texte et, enfin, le travail réalisé par le Sénat.
Monsieur le ministre, vous avez évoqué tout à l’heure le fait que les lois de programmation militaire couvrent non seulement un temps long – certains programmes sont lancés pour trente, quarante ou cinquante ans –, mais aussi un temps court – parfois, d’une élection présidentielle à une autre, il faut revoir la programmation militaire.
À cet égard, permettez-moi de revenir sur quelques dates témoignant des changements du monde au cours des trente dernières années.
Nombreux sont ceux, quelles que soient les travées sur lesquelles ils siègent, à évoquer les « dividendes de la paix ». Quand le mur de Berlin est tombé le 9 novembre 1989, chacun a pu légitimement penser qu’un nouveau temps, celui de la démocratie, pouvait s’ouvrir – il existait même une théorie sur la fin de l’histoire…
Quant aux attentats du 11 septembre 2001, ils ont gravement perturbé le monde, plaçant sur le devant de la scène la question du terrorisme. D’autres attentats ont suivi, en Europe et dans le monde occidental. Cette menace touche aussi directement l’Afrique et elle continue de perturber l’équilibre du monde. L’opération Barkhane en a découlé et nous nous posons maintenant la question du redéploiement de nos bases.
Je veux aussi évoquer le 15 août 2021, jour du départ des troupes américaines de Kaboul. Cet événement soulève la question, un peu passée sous les radars, me semble-t-il, du positionnement des Américains, dont la volonté oscille entre être présents dans le monde et rester à l’intérieur de leurs frontières.
Autre date, le 24 février 2022 marque le début de la guerre en Ukraine. Pour la première fois, un pays doté de l’arme nucléaire décide de faire franchir ses frontières à ses forces armées et de semer le doute et le chaos, provoquant les conséquences que nous connaissons.
Si l’on se tourne vers l’avenir, je pense à l’année 2049, année du centenaire de la République populaire de Chine (RPC). Chacun a pu entendre les déclarations du président de ce pays, également premier secrétaire du parti communiste chinois et responsable des forces armées, selon lesquelles, avant 2049, Taïwan aura intégré la RPC. Cela soulève évidemment beaucoup de questions.
L’évocation de ces quelques dates permet de mettre en perspective l’évolution du contexte et je crois qu’un travail pédagogique doit être fait sur la réalité du monde d’aujourd’hui. De ce point de vue, je comprends qu’il soit nécessaire de revoir notre loi de programmation militaire.
Et encore ! Je n’ai pas évoqué la question des relations entre ces empires contrariés – la Chine et la Russie. Je vous le rappelle, depuis plusieurs années, les rencontres entre les dirigeants de ces deux pays sont régulières et nombreuses, comme on peut d’ailleurs le constater depuis le début de la guerre en Ukraine.
Je veux aussi évoquer, parmi les empires contrariés, la Turquie, qui a la volonté de pousser ses propres pions, en Libye ou ailleurs, comme on peut déjà le constater à la suite de la récente réélection – malheureusement ! – de son président.
La donne a également beaucoup changé dans le contexte de la guerre en Ukraine, pays envahi par l’un de ses voisins qui est doté de l’arme nucléaire et qui menace régulièrement de s’en servir. Nous devons donc mener une réflexion sur les conflits de haute intensité comme sur nos capacités, notamment en termes d’armement.
Pour ce qui concerne l’Indo-Pacifique, plusieurs questions se posent pour notre pays, y compris sur notre présence elle-même – il suffit de regarder les résultats électoraux en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie.
Par ailleurs, nous observons, dans cette zone, la volonté de la Chine de pousser ses pions, par exemple en accroissant sa flotte, qui ne représente aujourd’hui que la moitié de la flotte américaine, mais qui se développe.
Se pose ainsi la question du rôle de la France, seule puissance européenne présente en Indo-Pacifique, ainsi que de sa capacité non pas à porter le fer contre la Chine, mais à protéger ses territoires et sa zone économique exclusive, la plus vaste du monde. Nous souhaitons que ce projet de loi de programmation miliaire réponde à ces enjeux.
J’ajoute un mot sur le continent africain, bien souvent oublié, où se déploient aussi les puissances chinoise et russe. Un orateur a évoqué le groupe Wagner et les événements des derniers jours. Or cette milice est présente dans un certain nombre de pays africains ; elle spolie et martyrise les populations et elle capte à son profit les minerais du sous-sol.
La question de notre propre présence en Afrique est posée. Ce texte est le premier à voir le jour après la fin de l’opération Barkhane, ce qui n’est pas neutre. Je pense notamment à l’annonce d’un redéploiement de nos bases.
Ne voulant pas être trop long, je n’évoquerai pas la prolifération nucléaire. Toutefois, je veux dire un mot de ce que l’on appelle le Sud global.
Nombre des pays de ce Sud global ont décidé de ne pas condamner aux Nations unies l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Ils souhaitent changer les normes, dénonçant des règles occidentales trop prégnantes. Ils travaillent également sur l’idée de créer une nouvelle monnaie. Ainsi, la question de la puissance occidentale est, désormais, largement posée.
J’en viens maintenant à ce projet de loi de programmation militaire, le quinzième du genre. Monsieur le ministre, vous citez souvent le général de Gaulle, …