Toutefois, je tiens à rappeler que la logique de la dissuasion nucléaire s’est poursuivie après l’élection, en 1981, de François Mitterrand, lequel considérait que la force de la dissuasion nucléaire reposait sur son lien avec le Président de la République, le reste n’étant que « matières inertes ».
Il est également important de redire que ma famille politique, de François Mitterrand à François Hollande, en passant par Lionel Jospin, a œuvré en faveur de la dissuasion nucléaire et d’une armée à la hauteur des enjeux de la défense de notre territoire.
Comme l’ont indiqué certains de mes collègues, le Sénat est quelque peu chagriné, monsieur le ministre, à cause de l’expérience qu’il a vécue pour l’actuelle loi de programmation militaire. En effet, il a souhaité sa mise à jour, ce qui lui a été refusé.
Par ailleurs, notre assemblée a voulu jouer tout son rôle dans le cadre de la construction de ce nouveau texte, ce qui n’a pas été possible, puisqu’il n’y a pas eu de Livre blanc. Certes, une revue nationale stratégique a été menée, mais sans le Parlement, qui est pourtant chargé du contrôle du Gouvernement et de l’évaluation des politiques publiques.
Je pourrais également évoquer la question financière – les 2 %, les 7 milliards d’euros, les 13 milliards, etc. –, mais je m’arrêterai simplement sur le montage financier.
Si l’on met de côté les fameux 13 milliards d’euros, il reste 400 milliards d’euros de crédits budgétaires. Convenez-en, monsieur le ministre, les années 2024 et 2025 doivent déjà bénéficier de 97 milliards d’euros aux termes de l’actuelle loi de programmation militaire – ils sont, d’une certaine façon, comptés deux fois…
Si l’on y ajoute les 30 milliards d’euros correspondant à l’inflation – je mets de côté, à ce stade, les 100 milliards d’euros de reports de charges –, les besoins de financement sont réels.
Par ailleurs, l’élection présidentielle étant prévue en 2027, le nouveau Président de la République – ce ne sera pas le même qu’aujourd’hui, si nous conservons la rédaction actuelle de la Constitution… – présentera, à n’en pas douter, une nouvelle programmation militaire. En tout cas, vous le savez bien, la facture sera payée par la prochaine majorité !
Soyons honnêtes ! Toute autre majorité souhaiterait également disposer d’une armée complète permettant de mettre en place une dissuasion et des forces conventionnelles, tout en étant tenue par les finances publiques. L’épure serait donc à peu près la même. Dans ces conditions, voulons-nous une armée complète miniature, un bonsaï ?
La question que nous devons nous poser est différente : agissons-nous seuls ou avec des alliés ? Que doit faire la France pour maintenir sa capacité de défense et d’armement ? Quel doit être son rapport à l’Otan ? En l’absence de Livre blanc, il est extrêmement difficile de comprendre les tenants et les aboutissants de la stratégie du Gouvernement de ce point de vue.
Une grande partie du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, dans laquelle je me situe, est favorable à une meilleure intégration de la France au sein de l’Otan. Il ne s’agit pas de réduire notre indépendance ou notre capacité à agir ou à décider. Il ne s’agit pas non plus de mettre en partage notre dissuasion nucléaire – bien au contraire !
Ces derniers temps, les Allemands ont joué un rôle pilote pour ce qui concerne la protection antimissile. C’est ce que devrait faire la France ! Et il est dommage qu’un projet de loi de programmation militaire n’évoque pas ce type de sujet. Dans ces conditions, comment pourrions-nous être leaders au sein de l’Otan pour ce qui concerne un certain nombre de grandes questions ?
Nous aurons certainement un débat sur la défense européenne, mais quid de l’Otan ? Pourquoi le projet de loi n’aborde-t-il pas cette question ? Il est vraiment dommage de ne pas pouvoir en débattre et cela rejoint une difficulté intrinsèque de ce texte : l’absence de Livre blanc préparatoire.
Nous devons assumer une politique européenne de défense beaucoup plus forte, en particulier en termes de recherche et développement, de commandes communes ou de projets communs d’armements, points qui ne figurent pas dans ce texte.
J’évoquerai également le contrôle parlementaire, qui a été renforcé par la commission. Sur ce point, nous avons travaillé en parfait accord avec Christian Cambon et l’ensemble de la commission, ce dont je me réjouis.
Nous avons fait adopter un amendement relatif à la mise en place d’une commission chargée de l’élaboration d’un Livre blanc en vue de l’actualisation de la programmation. J’ai bien compris que cela posait parfois problème à certains. Dès lors, appelons-le Livre bleu ! §Il s’agit simplement de permettre au Parlement de travailler. Il n’est pas normal que nous ne connaissions pas le prix d’un porte-avions, alors que nous l’avons demandé à plusieurs reprises, que ce soit au chef d’état-major des armées ou au ministre !
Pour conclure, j’en viens à la position du groupe socialiste sur ce texte. Nous souhaitons, conformément à notre position initiale, bonifier la LPM. C’est ce que nous avons fait, par le biais de nos amendements – je parle sous le contrôle du président de la commission –, en particulier pour ce qui concerne le SNU, le contrôle de l’armement ou encore les questions sociales pour les militaires.
Monsieur le ministre, nous avons lu votre interview publiée aujourd’hui dans Le Figaro. C’est vrai, nous avons déposé de nombreux amendements. Nous souhaitons en effet coconstruire avec vous la défense nationale, car il y aura une nouvelle majorité en 2027, et nous espérons en être !
Nous souhaitons que le Gouvernement, dans sa sagesse, soutienne un certain nombre de ces amendements, qui visent à bonifier le texte. Notre souhait est également celui de l’ensemble des groupes du Sénat en ce qui concerne leurs propres amendements.
Faisons en sorte que notre pays ait une armée à un niveau adapté et que les hommes et les femmes qui la composent soient fiers de porter nos couleurs !