Quels territoires maritimes, sur les 11 millions de kilomètres carrés que compte la France, pourrions-nous surveiller ou défendre avec une dizaine de bâtiments de premier rang ?
Le paradoxe est que votre logique présente des coûts budgétaires colossaux. Par exemple, nous allons dépenser plus de 10 milliards d’euros dans un porte-avions. Faire-valoir de puissance, ce bâtiment ne sera en aucun cas utile en cas de guerre, du fait de sa trop grande vulnérabilité. Il mobilisera davantage son groupe aéronaval pour sa propre défense que pour celle de la nation. Vous justifiez ce choix par le besoin de puissance et par celui de pérenniser la filière industrielle de nos chaudières nucléaires à usage militaire. D’autres choix sont possibles.
À quoi sert-il de se doter aujourd’hui d’un nouveau porte-avions, si ce n’est pour caresser dans le sens du poil l’imaginaire collectif du symbole de la souveraineté ? En réalité, il s’agit de pouvoir intégrer une task force américaine et d’avoir l’illusion de la commander pendant quelques jours sous l’étroite tutelle d’un commandement américain…
Alors oui, nombreux sont ceux qui pointent les pays qui, ayant une ambition navale, construisent des porte-avions. Mais faire de même, mes chers collègues, est-ce pour autant répondre avec pertinence et réalisme aux défis de sécurité qui sont et seront les nôtres ? Privés de réflexion stratégique souveraine, vous ne faites que mimer celle des autres !
Vous vous alignez sur une course mondiale à l’armement qui a atteint les 2 240 milliards de dollars l’année dernière, non instruits manifestement de cette stratégie qui vise, pour garantir son hégémonie, à imprimer un rythme que les autres ne pourront pas suivre.
Vous vous alignez sur les injonctions de l’Otan de monter le budget de la défense à 2 % du PIB, tant pis si cet indicateur n’a aucune signification militaire pour la défense de notre nation, puisque l’objectif absolu est de pouvoir se gargariser d’être l’élève modèle des Américains.
En réalité, ce déficit de visée stratégique menace directement notre sécurité et notre souveraineté. Nous pensons que la défense de la patrie passe d’abord et avant tout par la promotion de la paix, une paix durable, une paix qui s’inscrit en écho aux désastres des guerres.
Or la France, en s’alignant sur des intérêts qui ne sont ni les siens ni ceux qui participent à la sécurité humaine, se détourne de son engagement indéfectible pour la paix et le libre développement de tous les peuples.
Troisième réseau diplomatique au monde, notre nation doit s’inscrire dans une visée stratégique globale visant à prévenir les conflits et à multiplier les accords multilatéraux de désarmement nucléaire et de démilitarisation des espaces communs.
La revue nationale stratégique inclut la diplomatie dans le champ de « l’influence » – eh bien, soit ! Œuvrons avec toutes les nations qui le souhaitent, à travers l’ONU, à travers des coopérations revivifiées, à lutter contre les insécurités globales, notamment l’une des plus menaçantes : l’insécurité environnementale qui, elle – nous en avons la certitude –, rognera des pans entiers de nos territoires et causera une catastrophe systémique pour l’humanité.
J’évoquerai ensuite les lacunes de la politique cyber, qui témoignent des « impensés » stratégiques flagrants de cette LPM.
Plusieurs types de lutte informatique sont assurés, mais quid des couches intermédiaires du numérique dans la production des logiciels ou dans les systèmes d’exploitation ? Quid de la production des matériels, des routeurs aux microprocesseurs, ou des infrastructures de réseaux ?
La commission de la défense du Sénat des États-Unis avait déjà établi en 2012 que des millions de composants électroniques contrefaits ou compromis avaient pénétré les systèmes d’armes de leur pays.
Au regard des ruptures technologiques à l’œuvre aujourd’hui, qui ont toutes pour base commune une « hyper-technologisation » et par là même une demande croissante en composants électroniques, se résigner à ne pas maîtriser souverainement les outils de conception et de production du numérique, c’est se résigner à perdre notre autonomie stratégique.
Alors que le Gouvernement s’apprête à donner un coup de rabot de 10 milliards d’euros sur les crédits budgétaires, cette loi, dont les crédits sont en hausse de 40 % par rapport à la LPM actuelle, ne répond pas à l’unique objectif devant préoccuper nos armées, à savoir la stricte défense de nos territoires.
Nous continuerons donc à nous éparpiller dans toutes les régions du globe afin d’assouvir des intérêts étrangers à la France et contraires aux enjeux de sécurité globale qui préoccupent l’humanité.
Pour toutes ces raisons, le groupe communiste républicain citoyen et écologiste votera contre ce projet de loi. À travers la quarantaine d’amendements que nous vous présenterons, nous détaillerons nos propositions afin d’exprimer clairement notre vision d’une France souveraine, capable de se défendre et promouvant la paix.