Que Jacques Chirac se soit montré fidèle aux choix du général de Gaulle ne me semble pas surprenant ; je le dis sous le contrôle de celui parmi vous qui fut son secrétaire général, M. Philippe Bas.
Je veux souligner par là que les présidents Mitterrand et Hollande s’inscrivaient, eux aussi, dans cette continuité, comme l’a rappelé M. Temal.
Or que dit cette doctrine ? Elle affirme que la dissuasion, par définition, sert à défendre nos intérêts vitaux contre une menace venant d’un État. Cela crée une voûte et permet d’en pointer les éléments de contournement potentiel – je l’ai indiqué lors de la discussion générale. Cette doctrine est aussi strictement défensive et suffisante.
Si votre question sous-jacente porte sur une éventuelle remise en cause, du fait de ces 13 %, du caractère défensif et suffisant de notre dissuasion nucléaire, la réponse est non ! Il s’agit de crédits de renouvellement.
Ce renouvellement devra s’opérer dans des conditions opérationnelles qui changent. Les différentes menaces de l’adversaire nous obligent à faire attention à certaines choses. Je donnerai ainsi l’exemple, plein de bon sens et disponible dans des sources ouvertes, de l’acoustique des sous-marins. Les sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE) de troisième génération auront évidemment une signature acoustique plus discrète que ceux de la deuxième génération. Or, par définition, un tel saut technologique coûte de l’argent. D’autres exemples pourraient être donnés sur d’autres types d’armement.
Je ne m’étendrai pas davantage sur ces questions, mais je voudrais redire que le secret-défense, s’il existe, ne doit pas servir à évacuer le débat sur le fond. Nous avons eu notamment une bonne discussion avec les représentants du parti communiste français à l’Assemblée nationale au sujet du traité sur l’interdiction des armes nucléaires (Tian) et du traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP).
La France est engagée dans la non-prolifération. Ce n’est pas tout à fait la même chose que la logique d’interdiction, que nous combattons parce que l’interdiction est un désarmement censé être multilatéral, mais qui, de fait, est toujours unilatéral. Nous nous sommes affrontés sur cette question, mais Fabien Roussel a eu des propos intéressants, par lesquels il défendait une approche échelonnée.
En tout cas, il s’agit d’un débat clé. On peut toujours le renvoyer aux calendes grecques, ou à un débat spécifique, mais il vaut bien mieux l’avoir maintenant, à l’occasion de l’examen de ce projet de loi de programmation militaire.
Il s’agit vraiment du cœur de ce texte, et ce débat permet aussi de voir ce que la dissuasion ne couvre pas. C’est pourquoi je me montre parfois un peu dur et engagé en évoquant les nouvelles menaces : par définition, les vulnérabilités d’une puissance dotée de l’arme nucléaire se trouvent dans des espaces beaucoup plus hybrides, sournois et pernicieux ; on ne les affronte pas de face, mais sur les côtés. Cela nous renvoie évidemment aux questions du cyber et du spatial que j’évoquais précédemment.