Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, nous voilà donc au terme d'un très long débat lancé, il y a un peu plus d'un an, par le Président de la République et conduit tout d'abord par mes prédécesseurs, Luc Ferry et Xavier Darcos. Une telle démarche a abouti au débat parlementaire qui s'achève ce soir et qui aura sans doute été l'un des plus longs s'agissant du vote d'un projet de loi d'orientation sur l'école.
Je tiens à me féliciter de la qualité du texte finalement adopté par la commission mixte paritaire, de même que je tiens à remercier tous ceux qui ont contribué, par leur engagement et leur travail, à cette réussite.
L'Assemblée nationale a adopté des amendements de coordination destinés à assurer une bonne application du texte dans les collectivités d'outre-mer ; j'aurai l'occasion de vous les présenter dans un instant.
Cette loi va modifier en profondeur le visage de l'école de la République. Elle comporte des mesures d'une grande importance, notamment, pour la première fois dans l'histoire de notre système éducatif - au moins dans son histoire récente -, la définition de priorités éducatives.
Je constate, pour m'en féliciter, que la majorité, au Sénat comme à l'Assemblée nationale, a su résister à tous ceux et à toutes celles qui, tout en acceptant l'idée même des priorités éducatives, voulaient y introduire l'ensemble des disciplines.
Cette loi va permettre la mise en place d'un dispositif sans précédent de soutien dès l'école primaire pour les élèves qui ne maîtrisent pas les fondamentaux.
Elle permettra également de rattraper le retard que notre pays a pris s'agissant de la maîtrise des langues étrangères alors qu'une telle maîtrise est aujourd'hui absolument vitale aussi bien pour l'avenir personnel de nos jeunes que pour l'avenir collectif de notre nation.
Cette loi va permettre la clarification des filières professionnelles, si importantes pour l'avenir de notre pays. Grâce à elle, une réponse sera enfin apportée à la question, jamais résolue, du remplacement des professeurs absents pour une courte durée, et la réforme de la formation des maîtres, réclamée avec force depuis si longtemps, mais en vain, verra le jour, avec l'intégration des instituts universitaires de formation des maîtres au coeur des universités.
J'ai entendu, tout au long de ces débats, certains orateurs, à l'Assemblée nationale comme au Sénat, déplorer la « modestie » de ce texte. Or, j'estime, pour ma part, que ce texte permettra d'introduire dans notre système éducatif des changements qui sont à la fois plus profonds et se révéleront plus opérationnels que ceux qu'avait apportés en son temps la loi de 1989, que nous avons voulu corriger et compléter.
Nos débats ont été intéressants, sereins, et même éclairants, en particulier s'agissant des alternatives aux propositions du Gouvernement et de la majorité.
J'en retiens trois choses essentielles.
Tout d'abord, le groupe socialiste de l'Assemblée nationale a proposé, avec beaucoup de courage, d'instaurer la bivalence des professeurs, en particulier des professeurs de collèges. C'est une idée intéressante, à laquelle nous avions travaillé mais que, à la suite du dialogue social, je n'avais pas retenue.
Ensuite, beaucoup d'orateurs ont souhaité une organisation plus radicale de l'école en cycles : il s'agit de supprimer le cloisonnement existant aujourd'hui dans notre système éducatif, avec les classes, pour permettre à chaque élève de progresser à son rythme. C'est une idée évidemment originale, passionnante, qui mérite d'être expérimentée. Je note simplement que, présente dans la loi de 1989, elle n'a jamais été réellement concrétisée, étant difficile à mettre en oeuvre.
Nous proposons, dans ce texte, de pratiquer une expérimentation massive de cette organisation en cycles en ce qui concerne l'enseignement des langues, puisque, désormais, au collège et au lycée, ce dernier sera organisé non plus par classe, mais en fonction du niveau de chaque élève.
Si cette innovation pédagogique se révèle être un succès, si l'expérimentation grandeur nature que nous allons conduire dans le domaine des langues le permet, pourquoi pas, demain, réfléchir à l'extension de cette méthode pédagogique à d'autres disciplines ?
Enfin, la revendication la plus fréquente portait sur l'obtention de moyens et de postes supplémentaires, cela alors même que notre pays, comme nul ne l'ignore ici, est l'un de ceux qui consacrent le plus d'efforts à leur système éducatif, et que nous entendons poursuivre dans cette voie.
Voilà quelques jours, sur une chaîne de télévision, un responsable politique important de l'opposition démontrait avec beaucoup d'assurance, étude à l'appui, qu'en réduisant de cinq le nombre des élèves dans une classe, on réduisait de 40 % le nombre des redoublements. Cette étude existe, effectivement, mais à peu près cinquante autres études affirment le contraire ! Quand vous saurez, mesdames, messieurs les sénateurs, que l'étude en question a été réalisée par le groupe d'experts et d'économistes ayant imaginé les 35 heures, vous comprendrez que je n'aie pas eu envie de m'engager sur cette voie !