Intervention de Serge Lagauche

Réunion du 24 mars 2005 à 22h00
Avenir de l'école — Adoption des conclusions modifiées du rapport d'une commission mixe paritaire

Photo de Serge LagaucheSerge Lagauche :

Je citerai encore la note de vie scolaire, comptabilisée au titre du brevet, qui - ne nous cachons pas derrière notre petit doigt ! - est, en fait, une note de conduite ; cette évaluation comportementale n'a pas sa place dans le brevet, appelé à sanctionner des savoirs, et non de la conduite.

En outre, en parallèle à ce projet de loi, vous avez décidé de supprimer les TPE, ou travaux personnels encadrés, qui constituaient une avancée considérable en matière d'apprentissage de l'autonomie, de travail en équipe, interdisciplinaire, et qui permettaient une véritable préparation aux exigences de l'enseignement supérieur.

Nous condamnons aussi le remplacement de deux instances représentatives incontestées, le Conseil national des programmes et le Haut conseil à l'évaluation de l'éducation, par le Haut conseil de l'éducation, organe resserré, éminemment politique de par son mode de désignation, et qui sera investi de missions très larges, ce qui ne constitue pas un gage d'efficacité de ses neuf membres, dont l'origine socioprofessionnelle n'est même pas précisée aux termes de la loi, et qui se retrouvera « juge et partie » puisqu'il établira les programmes et qu'il procédera aussi à leur évaluation.

Par ailleurs, sous couvert de transcription de directive européenne, vous sacrifiez les IUFM sur l'autel des universités et, à court terme, signez l'arrêt de mort programmé de la formation spécifique des maîtres et professeurs.

Pourtant, la formation des enseignants aurait pu être améliorée sous de nombreux aspects, et ce sans en passer par ce rattachement. Nous avons fait, par le biais de nos amendements, plusieurs propositions en ce sens, restées vaines pour la plupart d'entre elles.

Je reconnais cependant que la navette parlementaire a permis quelques améliorations.

Je me réjouis ainsi que quelques-uns de nos amendements aient reçu un accueil favorable du Sénat ; malheureusement, ils concernent le plus souvent les annexes.

Je soulignerai l'avancée que constitueront, malgré tout, la possibilité de labellisation « lycée des métiers » et la reconnaissance du rôle éducatif joué par les personnels ATOSS. Ces deux dispositions figureront désormais, sur l'initiative des sénateurs socialistes, dans le code de l'éducation.

Même si leur portée concrète doit être relativisée, je me réjouis aussi de l'inscription de certaines de nos préoccupations dans le rapport annexé.

Il en va ainsi de la nécessité de proposer un enseignement sur les questions ayant trait à la construction européenne, de l'accueil des élèves handicapés par des AVS, ou auxiliaires de vie scolaire, et non par de simples assistants d'éducation, de l'importance de mieux préparer les élèves au baccalauréat par des partiels, et du renforcement des liens entre les filières générales et professionnelles du lycée.

C'est également le cas de plusieurs dispositions destinées à favoriser une meilleure orientation des élèves : formation continue des conseillers d'orientation-psychologues, formation à l'orientation dans les IUFM, meilleure présentation des enseignements de détermination, possibilité d'un entretien d'étape à l'âge de quinze ans.

Cependant, certaines de nos propositions n'ont trouvé aucun écho dans cette assemblée : il en est malheureusement ainsi de celles qui concernent l'aide sociale destinée aux élèves les plus défavorisés, des dispositifs spécifiques en faveur des enfants en difficulté, de la relance de l'éducation prioritaire, du maintien d'une autonomie nécessaire au bon fonctionnement des IUFM, de la prise en compte du rôle des parents au sein de la communauté éducative. La liste est longue, et je l'abrège ici.

Par ailleurs, l'absence de moyens réels pour financer le dispositif qui coûtera, de votre propre aveu, monsieur le ministre, 2 milliards d'euros, le premier d'entre eux, pour 2005, n'étant d'ailleurs pas budgété, me fait douter de votre réelle volonté d'améliorer l'école et de mettre en oeuvre une politique conforme aux souhaits des parlementaires, le rapport annexé au projet de loi, du fait de son absence de force normative, ne constituant qu'un catalogue de voeux pieux.

Je suis d'autant plus sceptique sur votre volonté et sur votre pouvoir de faire évoluer l'école vers plus d'égalité et d'efficacité que la loi s'appliquera dès la rentrée scolaire. Par le miracle de quelle loi de finances rectificative l'application des nouvelles dispositions sera-t-elle possible ? Le contexte budgétaire extrêmement resserré que nous connaissons depuis trois exercices - je rappelle que 90 000 postes ont été supprimés durant cette période - n'est pas non plus de nature à nous rassurer.

Cette carence de moyens budgétaires, à laquelle s'ajoute votre absence de projet réel pour l'école du XXIe siècle, dénote votre manque de volonté politique d'améliorer les conditions d'accès au service public de l'éducation nationale, de garantir à tous, partout sur notre territoire, le droit à l'éducation, d'assurer une formation initiale et continue aux différents acteurs de l'école, de maintenir une cohésion au sein de la communauté éducative.

Monsieur le ministre, au nom des 150 000 jeunes, qui, chaque année, quittent le système éducatif sans aucune qualification, au nom des lycéens qui, inquiets pour leur avenir et celui de leur école, manifestent depuis maintenant près de deux mois contre vos projets, au nom des représentants des parents d'élèves, tous unis contre le recul que constitue, pour eux, votre projet de loi, au nom des personnels enseignants, qui voient par votre réforme leur formation bradée et leurs conditions de travail se dégrader, au nom, enfin, de tous les partenaires de l'école qui constatent que la communauté éducative est sacrifiée dans ce texte, les sénateurs socialistes maintiennent toutes leurs réserves et toutes leurs inquiétudes sur cette réforme. En conséquence, ils voteront contre le texte élaboré par la commission mixte paritaire.

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