C'est l'obtention de ce type d'injonction qui motive les requérants dans ces procès climatiques. C'est ce que résume l'avocate et ancienne ministre Corinne Lepage par ces propos : « Quand un État ou une entreprise vient vous dire voilà ce que je vais faire, les juges le confirment. » Le juge ne décide pas de la loi. Ce sont les experts du monde entier qui constituent des rapports collationnés par le GIEC, qui travaillent avec les politiques pour définir des objectifs mondiaux et des déclinaisons locales. Ceux-ci font, dans chaque état, l'objet de lois ou de normes, éventuellement complétées par des engagements spécifiques des entreprises.
Ces engagements sont opposables aux États et aux entreprises et deux boucles de rétroaction se mettent ainsi en place. Une troisième boucle de rétroaction concerne les juges eux-mêmes, qui s'appuient sur les données scientifiques émanant à la fois des requérants et de la défense pour créer de la jurisprudence. Une quatrième boucle de rétroaction est celle des citoyens qui donnent leur avis et influent sur les politiques, les choix de société et donc les lois. L'enjeu est que ces quatre boucles soient vertueuses et enrichissent le droit pour protéger les droits des générations futures.
Les sciences de la physique et du climat, mais aussi humaines et sociales, ont un rôle important à jouer sur chacune de ces boucles. Sur la boucle de la justice, le Forum des juges de l'Union européenne pour l'environnement constitue un exemple frappant. Ce forum produit des corpus de jurisprudence commentée à destination de l'ensemble de leurs homologues. Pour les États, un apport intéressant se trouve dans l'existence de modélisations mesurant l'impact sur l'environnement, de façon de plus en plus précise et applicable sur les territoires, permettant d'orienter les politiques publiques et l'éducation des citoyens.
Orsted est un exemple vertueux pour les entreprises. Orsted était l'équivalent de Total au Danemark et a décidé de changer son orientation pour devenir le numéro un mondial de l'éolien off-shore. Il a montré que cela était possible.
Il est aussi important que tous les citoyens soient informés pour éviter l'écoanxiété qui monte et permettre que des actions soient mises en place. L'Affaire du Siècle, après une pétition de près de 2,5 millions de signatures, a conduit à une condamnation de l'État.
Beaucoup de choses restent à faire. Des Français sont encore assez sceptiques, d'autres s'interrogent sur ce qu'il faut mettre en pratique. Mais, à la question de savoir si la justice climatique peut avoir un impact, la réponse est positive. Elle a permis de faire avancer le débat et de voir naître un début d'actions sur le réchauffement climatique. Mais les modèles restent à approfondir, les citoyens à convaincre, les entreprises à entraîner, les juges à faire grandir. Les responsables politiques doivent aider, le laboratoire n'a pas fini de sortir ses expérimentations, les sciences doivent poursuivre leur tâche et contribuer à lutter contre le réchauffement climatique.
Nous tenons à remercier Stéphanie Lacour pour son accompagnement.