Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, 2, 42 millions de ménages étaient en attente d’un logement social à la fin de l’année dernière. Madame la ministre, à l’opposé de cette réalité, vous avez indiqué que le nombre d’agréments de logements sociaux se situerait autour de 85 000 en 2023.
Comme vous l’avez vous-même reconnu, ce nombre est nettement insuffisant. Déjà, lors des deux exercices précédents, nous avons produit moins de 100 000 logements par an, alors que l’objectif fixé était d’en créer 250 000 en deux ans. Comme quoi, il n’existe pas non plus de pensée magique en cette matière : il ne suffit pas de fixer un objectif pour que celui-ci soit atteint !
Lors de l’examen du dernier projet de loi de finances, j’interpellais votre prédécesseur pour qu’un véritable plan Marshall du logement soit mis en place. Aujourd’hui, malgré nos alertes répétées, aucune mesure d’ampleur n’a été prise et la situation est de plus en plus alarmante. C’est donc avec une grande inquiétude et de manière de plus en plus urgente que nous réitérons notre appel auprès de vous.
Aussi, mes chers collègues, j’ai bien peur qu’à travers cette proposition de loi nous ne prenions le problème à l’envers.
Nous faisons face aujourd’hui à une grave pénurie de logements sociaux. C’est cette pénurie et la tension qu’elle engendre sur le parc social qui contribuent à la perte d’influence des maires dans l’attribution des logements.
Le cœur du problème, ce sont donc non pas les modalités d’attribution des logements sociaux, mais bel et bien la production de ces logements.
Le cœur du problème, c’est la capacité d’investissement des bailleurs sociaux.
Le cœur du problème, c’est la RLS.
Le cœur du problème, ce sont les 15 milliards d’euros économisés sur les politiques du logement au cours des cinq dernières années.
Cela étant dit, nous ne sommes pas opposés à une meilleure prise en compte de l’avis des maires dans l’attribution des logements sociaux et de leur fine connaissance du territoire et de leur population. Cela serait d’autant plus utile que la suppression de la taxe d’habitation et l’accroissement des contraintes urbanistiques participent déjà à décourager certains maires de s’engager dans la construction de logements sociaux.
Pour autant, les principales dispositions de cette proposition de loi ne nous semblent ni réalistes quant à leur mise en œuvre sur le terrain ni souhaitables sur le fond.
Tout d’abord, confier la présidence des Caleol aux maires posera nécessairement des problèmes d’organisation. Nous savons que le patrimoine des bailleurs sociaux ne s’arrête pas à la frontière d’une seule commune. Concrètement, comment s’organiseraient les Caleol sur le terrain, en changeant de présidence pour chaque dossier ? Encore une fois, nous devons veiller à ce que notre volonté de légiférer ne complexifie pas l’organisation au quotidien sur nos territoires, comme c’est déjà parfois le cas – malheureusement !
Ensuite, notre politique de logement social doit être le fruit d’un équilibre entre écoute des élus locaux et respect des objectifs de l’État, notamment en matière de mixité sociale et de logement des personnes prioritaires.
Les maires sont déjà écoutés et soutenus. Mieux écouter les élus locaux dans la décision d’attribution des logements ne doit pas nous conduire à faire pencher totalement le balancier dans le sens inverse. Or offrir purement et simplement un droit de veto aux maires viendrait totalement rompre cet équilibre.
Une telle disposition menacerait la cohérence globale de notre action en matière de logement social. Cela poserait également la question de l’exposition juridique des maires dans le cadre des recours pour non-attribution.
La proposition de généraliser la délégation des droits de réservation de l’État à la commune lors de la première mise en location d’un programme neuf semble, quant à elle, plus équilibrée. Elle permet de renforcer l’écoute des maires sans rompre le nécessaire équilibre du système. Comme l’a dit notre rapporteure, cette pratique est déjà très répandue et les choses fonctionnent très bien, sans que le législateur ait besoin d’intervenir.
Il y a quelques jours seulement, le président du Sénat nous a demandé de « moins légiférer pour mieux légiférer ». Or cette proposition de loi ne servira pas à régler les difficultés des mal-logés et elle est malheureusement inapplicable sur le terrain.
C’est pourquoi nous nous opposons à cette proposition de loi telle qu’elle nous est présentée.