Intervention de Nicole Borvo Cohen-Seat

Réunion du 24 mars 2005 à 22h00
Avenir de l'école — Vote sur l'ensemble

Photo de Nicole Borvo Cohen-SeatNicole Borvo Cohen-Seat :

Monsieur le ministre, le mouvement des lycéens n'est sans doute pas majoritaire, comme vous l'avez dit, mais le climat dans lequel vous allez faire voter votre projet de loi d'orientation n'est pas des plus favorables : des dizaines de lycées sont occupés, les lycéens et les enseignants sont mécontents.

En refusant le dialogue, non pas il y a un an mais aujourd'hui, vous portez la responsabilité d'une détérioration de la situation dans les établissements.

J'ajoute que la façon dont les lycéens qui dormaient dans le gymnase du lycée Balzac à Paris ont été évacués à six heures ce matin par les forces de l'ordre est inadmissible et ne témoigne pas du sang-froid requis de fonctionnaires d'autorité de l'éducation nationale ou de la police.

Monsieur le ministre, il serait souhaitable de surseoir au vote de la loi et ainsi renouer le dialogue avec les lycéens et les enseignants, sans l'adhésion desquels il ne peut y avoir d'avancées positives pour l'avenir de nos enfants, avancées que chacun souhaite, pas seulement le Gouvernement, si j'en crois les débats qui se sont tenus sur notre système éducatif depuis un an.

Vous nous avez dit, monsieur le ministre, que les opposants à votre loi en dressaient un portrait mensonger, qu'ils mentaient. Je ne crois pas que ce soit là une bonne façon de dialoguer.

Vous désirez, monsieur le ministre, permettre à tous les enfants de maîtriser les bases de l'enseignement de premier cycle : ce n'est pas une nouveauté, puisque c'était déjà l'objectif du certificat d'études primaires. Mais, au siècle dernier, ce même objectif avait d'autres raisons : il s'agissait de faire passer la masse des jeunes des catégories populaires et paysannes de la non-scolarisation à la scolarisation, pour les besoins de l'industrie de l'époque.

Le problème à résoudre aujourd'hui est de tout autre nature : c'est celui de l'échec. Des jeunes - une minorité sans doute, mais néanmoins bien trop importante -, scolarisés depuis le plus jeune âge, ne réussissent pas et sont peu à peu exclus du système scolaire.

Vous nous invitez à sortir de nos certitudes. En l'occurrence, le débat sur le socle commun a montré qu'il n'était pas bon non plus pour le Gouvernement d'avoir trop de certitudes !

En effet, l'arsenal procédurier que vous avez employé n'a pu empêcher que le Sénat s'exprime l'espace d'un instant. Vos soutiens étaient si faibles que l'article 6 de votre projet de loi concernant le socle commun, que vous considériez comme essentiel et sans lequel, selon vous, il n'y avait plus de projet, a été rejeté par la majorité de notre assemblée. En quelques minutes, tout a basculé. Les voix de ceux qui sont contre votre loi ont résonné dans notre hémicycle. Seule la procédure vous a, une nouvelle fois, permis de sortir de ce mauvais pas. Cependant, la fêlure reste. Le socle commun, ce savoir minimum que vous proposez, a été refusé un instant par notre assemblée.

Les débats concernant l'interdépendance dans la réussite scolaire, que vous prétendez vouloir assurer entre les disciplines, ont été fournis sur de nombreuses travées. L'importance, dans ce cadre, des enseignements artistiques et de l'éducation sportive montre, à l'évidence, qu'il y a un malaise et qu'il faut réfléchir davantage.

Au sein de la commission mixte paritaire même, ma collègue Annie David vient de le dire, ce malaise s'est exprimé. Il indique, hélas trop clairement, que votre projet tend ou tendra à limiter les obligations de l'éducation nationale à l'égard de tous les enfants à un « SMIC scolaire ».

Monsieur le ministre, les aspirations à l'égalité et à la justice scolaire, attributs de la justice sociale, sont fortes dans notre pays.

Aujourd'hui, la colère s'exprime de plus en plus vivement quand les patrons du CAC 40 osent dire, par la voix du baron Seillière, que le SMIC est trop élevé.

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