Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, notre groupe Les Républicains a souhaité donner un signal fort dès la reprise des travaux du Sénat, en abordant la crise du logement qui frappe les Français. Il a choisi de le faire à travers la problématique de l’accession à la propriété, qui est le rêve et l’idéal de la plupart de nos concitoyens.
Je voudrais tout d’abord souligner combien, contrairement à ce qu’affirme une certaine écologie punitive ou collectiviste, ce rêve est légitime. Chacun aspire à donner à sa famille un lieu stable et confortable, un foyer où il fait bon vivre. Comment projeter de vivre à deux, d’élever des enfants sans chercher à garantir à ces derniers un toit au-dessus de leur tête ? À ce titre, la crise du logement participe directement à la crise de la natalité que nous traversons.
Cette sécurité protectrice que l’on souhaite pour sa famille, nos concitoyens l’espèrent aussi pour leurs vieux jours. Au moment où les retraites sont incertaines et, en tout état de cause, moins élevées que les revenus d’activité, être propriétaire de son logement est normalement un atout pour maintenir son niveau de vie.
Enfin, face aux difficultés rencontrées par la jeunesse pour trouver sa place dans notre société, les Français veulent, quand cela leur est possible, transmettre un capital à leurs enfants ou à leurs petits-enfants pour les aider.
Voilà pourquoi avoir un logement à soi reste un élément central à toutes les étapes de la vie et pour tous les Français.
Mais, ces dernières années, cet horizon s’est malheureusement éloigné. Le rêve est devenu toujours plus difficile à atteindre, ce qui a des conséquences sur toute la chaîne du logement.
En 2022, le pourcentage des ménages propriétaires était de 57, 7 %. Il stagne depuis 2010, alors qu’il était croissant depuis les années 1970.
Les raisons en sont les effets durables de la crise économique de 2008 et la hausse continue des prix immobiliers, qui a été en partie soutenue et compensée par une politique de taux d’intérêt bas. Depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine, ces difficultés latentes ont été multipliées par une inflation qui ronge le pouvoir d’achat et par la hausse brutale des taux d’intérêt, à peine atténuée par un début de baisse des prix.
À cela s’ajoutent les tensions structurelles du marché dans les grandes villes historiques, où il est de plus en plus difficile de construire ou de densifier l’existant, alors même que l’affirmation de l’objectif de « zéro artificialisation nette » (ZAN) rend impossible la solution traditionnelle d’extension des métropoles et crée des rentes de situation.
Cette problématique pourrait n’être que macroéconomique, mais elle est, en réalité, sociale et profondément politique. Le blocage de l’accès à la propriété équivaut au blocage de l’ascenseur social et donne à nos compatriotes un sentiment de précarisation et de déclassement par rapport aux générations qui les ont précédés.
En effet, il rend impossible le parcours accompli par nos parents ou grands-parents. Jeune, on est traditionnellement locataire d’un petit logement du parc social ou privé, plutôt suroccupé avec l’arrivée des enfants. On réussit progressivement à agrandir la surface de son logement et à devenir propriétaire au fur et à mesure de sa vie professionnelle. Puis, avec le départ des enfants, on dispose en général d’un logement plus grand, dont on est propriétaire et dans lequel on pourra recevoir sa famille. De fait, 79 % des propriétaires occupants disposent d’une maison. Ils ont en moyenne 60 ans, leur maison fait 100 mètres carrés et compte quatre pièces ou plus.
Enfin, le blocage de l’accession a des effets en chaîne sur l’ensemble du parcours résidentiel des ménages qui se trouvent bloqués. En effet, les ménages ne pouvant plus devenir propriétaires ne quittent plus leur logement locatif, que ce soit dans le parc privé ou dans le parc social. Dans les zones tendues, la mobilité résidentielle dans le parc social a fortement baissé, diminuant d’autant le nombre de logements attribuables. La construction de nouveaux logements sociaux ne peut pas répondre à elle seule à la demande. L’accroissement sans limite du parc social ne peut pas être le seul horizon, alors que la durée de résidence dans le parc social est déjà deux fois plus longue que dans le parc locatif privé et que 17, 6 % des ménages y sont déjà logés.
Rêve largement partagé, symbole d’ascenseur social, l’accession à la propriété est aujourd’hui menacée et doit être relancée.
Plusieurs voudraient masquer les difficultés d’accès à la propriété et le manque de volonté de les surmonter.
Certains expliquent que les jeunes générations seraient maintenant tournées vers l’économie du partage et de l’usage plutôt que vers celle de la propriété et qu’elles ne souhaiteraient plus devenir propriétaires. Cela me laisse dubitative. En France, la décohabitation des jeunes était jusqu’à récemment la plus précoce en Europe, marquant une saine volonté d’indépendance. Sa régression récente dénote, en réalité, de graves problèmes économiques et d’entrée dans la vie active.
Certains voudraient aussi délégitimer toute politique d’accession à la propriété, la présentant comme directement synonyme d’étalement urbain et d’artificialisation des sols. Ces idées ont conduit aux résultats plus que décevants du Conseil national de la refondation sur le logement, qui, au lieu d’aboutir à une relance du secteur, a servi à justifier de nouvelles coupes budgétaires dans les aides au logement, sans autre finalité que de réduire le déficit. Personne n’est dupe ! Parmi ces coupes, ce qui est pudiquement appelé le « recentrage » du prêt à taux zéro (PTZ) porte un coup direct aux capacités d’accession à la propriété de nombreux ménages.