Intervention de Laurent Burgoa

Réunion du 17 octobre 2023 à 14h30
Partage de la valeur au sein de l'entreprise — Discussion générale

Photo de Laurent BurgoaLaurent Burgoa :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le présent projet de loi transpose l'accord national interprofessionnel relatif au partage de la valeur au sein de l'entreprise. Celui-ci a été conclu au mois de février dernier entre syndicats et patronat et vise à mieux associer les salariés aux performances des entreprises.

Le texte peut se révéler technique – nous le verrons dans quelques instants –, ce qui est bien normal, puisqu'il s'inscrit dans un droit du travail qu'il l'est tout autant. Cependant, je ne voudrais pas que l'on en oublie son essence, qui est très politique.

Dans un contexte inflationniste, le partage de la valeur est évidemment un enjeu central et, disons-le, de justice sociale.

En France, les outils de partage de cette valeur sont variés : participation, intéressement, plans d'épargne salariale, opérations d'actionnariat salarié ou, dernièrement, prime de partage de la valeur. Toutefois, force est de constater que l'usage de ces mécanismes reste inégal et se concentre avant tout au sein de grands groupes.

En commission – et je tiens à saluer l'excellent travail de notre rapporteur Frédérique Puissat –, nous avons modifié le projet de loi avec deux objectifs : d'une part, assurer une transposition fidèle de l'accord trouvé ; d'autre part, transposer les seules stipulations nécessitant une modification du code du travail, qui – je le soulignais – est déjà très dense.

Nous avons ainsi supprimé l'article 1er bis, en considérant que le droit actuel était suffisant. A contrario, l'article 2, que nous avons adopté, a du sens, puisqu'il vise à inscrire dans le projet de loi le principe de non-substitution entre salaire et dispositifs de partage de la valeur.

Si les employés d'entreprises de plus de 1 000 salariés bénéficient souvent de l'un de ces dispositifs, ceux des petites et moyennes entreprises, en particulier celles de moins de 50 salariés, sont rares à pouvoir en disposer, non pas parce que ces entreprises ne le souhaitent pas, mais parce que la mise en place de ces outils est très complexe. Et, à l'instar de nos communes rurales, ces entreprises ne disposent pas des ressources suffisantes. Il s'agit alors de leur faciliter la tâche.

Dans cet esprit, l'article 2 permet, à titre expérimental, aux entreprises de moins de 50 salariés, de recourir à une formule de calcul dérogatoire de la réserve spéciale de participation, lorsqu'elles mettent volontairement en place un de ces dispositifs, ce qui, rappelons-le, est obligatoire uniquement pour les entreprises d'au moins 50 salariés.

Une telle formule, qui peut aboutir à un montant de mise en réserve inférieur au droit commun, permet de prendre en compte la spécificité de ces entreprises, et notamment leurs contraintes de trésorerie.

Toujours dans cet esprit, l'article 3 prévoit, à titre expérimental, et pour une durée de cinq ans, que les entreprises de 11 à 49 salariés réalisant durant trois exercices consécutifs un bénéfice net fiscal au moins égal à 1 % de leur chiffre d'affaires instituent, au cours de l'exercice suivant, un régime de participation ou d'intéressement, abondent un plan d'épargne salariale ou encore versent la prime de partage de la valeur.

L'enjeu était de prendre en compte la fragilité économique de certaines PME et du marché dans lequel elles évoluent.

L'ambition affichée étant le développement de la participation dans les entreprises, il était également important de viser particulièrement celles qui atteignent le seuil des 50 salariés. Nous avons ainsi adopté l'article 4, qui prévoit de supprimer le report de trois ans de l'obligation de mettre en place la participation pour les entreprises appliquant déjà un accord d'intéressement.

L'article 5 impose aux entreprises d'au moins 50 salariés disposant d'un délégué syndical de définir, par le biais de leurs accords de participation ou d'intéressement, la notion d'augmentation exceptionnelle du bénéfice, ainsi que leurs modalités de partage.

Dans ce cas, il fallait quelque peu encadrer les critères pouvant être retenus pour cette définition, en l'occurrence la taille de l'entreprise, son secteur et le bénéfice des années précédentes.

Pour les entreprises de moins de 50 salariés, l'article 6 prévoit que la prime de partage de la valeur puisse être attribuée deux fois par année civile, mais aussi, et surtout, que le régime temporaire d'exonérations sociales et fiscales soit prolongé jusqu'à la fin de l'année 2026. En effet, ces petites entreprises, qui – rappelons-le – sont très nombreuses sur notre territoire, sont celles qui ne sont pas tenues de mettre en place un régime de participation. Ces ajustements permettront de les y encourager.

L'article 10 du présent projet de loi vise à sécuriser la possibilité de fixer un salaire plancher et un salaire plafond, en cas de choix d'une répartition de l'intéressement en fonction du salaire, ce qui permet une répartition des primes d'intéressement plus favorable aux bas salaires.

Enfin, et c'est encore une bonne chose, nous avons aussi adopté l'article 14, qui prévoit d'imposer, dans le cadre des plans d'épargne salariale, de proposer aux salariés au moins un fonds « engagé », c'est-à-dire participant au financement de la transition écologique ou socialement responsable.

Mes chers collègues, j'ai bien conscience que mon propos peut paraître indigeste pour qui n'a pas pu suivre nos discussions en commission.

Nicolas Boileau écrivait : « Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement, et les mots pour le dire arrivent aisément. »

Comme vous, je suis convaincu qu'une autre manière d'encourager le partage de la valeur serait de simplifier davantage encore ces dispositifs et, peut-être plus largement, notre droit du travail. Attention ! Il s'agit non pas d'en faire table rase, mais d'entreprendre un vaste chantier de simplification des normes, comme l'avaient fait les grands juristes qui se trouvent derrière moi.

Un droit que nos concitoyens, salariés ou chefs d'entreprise, ne peuvent pas maîtriser aisément est un droit qui ne protège personne et, pire encore, qui entretient une suspicion des uns vis-à-vis des autres.

Toujours est-il que, dans l'attente de cette refonte ambitieuse, comme mon groupe, je voterai le projet de loi ainsi modifié par la commission.

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