Intervention de Rémi Féraud

Réunion du 16 octobre 2023 à 16h00
Programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 — Discussion générale

Photo de Rémi FéraudRémi Féraud :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà un an, j'intervenais déjà sur ce texte au nom de mon groupe.

Il nous revient aujourd'hui à peine remanié, si ce n'est pour intégrer quelques nouvelles données tenant compte de l'année écoulée et, surtout, pour essayer d'envoyer des signes à la majorité sénatoriale, comme en témoigne votre intervention liminaire, monsieur le ministre.

Nous voici donc de nouveau réunis pour débattre de ce projet de loi, parce qu'il faut bien une loi de programmation des finances publiques, parce que le calendrier de l'Assemblée nationale était favorable à l'utilisation d'un 49.3, mais aussi parce que le Gouvernement a lui-même fait du vote de son texte une condition du versement des aides européennes du plan de relance.

L'adoption de la loi de programmation des finances publiques figure en effet parmi les engagements qui ont été pris par votre gouvernement, monsieur le ministre, dans le cadre des deuxième et troisième demandes de paiement du plan national de relance et de résilience. Le ministre de l'économie l'a lui-même écrit dans un courrier dont nous avons tous reçu une copie voilà quelques jours.

Ces versements du plan de relance européen sont conditionnés, mais chaque gouvernement a proposé ses propres conditions à la Commission : dans le même temps où l'Allemagne s'engage à investir 1, 5 milliard d'euros dans des projets liés à l'hydrogène et où l'Espagne propose un plan de 1, 6 milliard d'euros pour favoriser l'attractivité de son réseau ferroviaire public, songez que le gouvernement français, quant à lui, s'engage à adopter une loi de programmation des finances publiques… L'adoption d'un texte de loi comme garantie donnée par le Gouvernement : voilà une nouvelle marque de votre manque de considération pour le rôle du Parlement.

De surcroît, ce projet de loi, sans lequel nous devrions donc faire une croix sur 18 milliards d'euros d'aides nécessaires à nos finances publiques, n'a été qu'à peine remanié depuis un an : un an de perdu pour rien ou pour presque rien.

Son orientation politique n'enregistre aucun changement significatif : il se caractérise toujours par son cap libéral, qui se traduit par l'approfondissement d'une démarche de désarmement fiscal et de contraction de la dépense publique.

La trajectoire proposée dans ce texte n'est pas pour autant crédible : elle repose sur des hypothèses extrêmement optimistes, bien qu'elles ne soient pas inatteignables ; les réductions prévues pour le déficit n'ont jamais été réalisées ces dernières années et ne pourront d'ailleurs être atteintes qu'au prix d'une véritable austérité, donc au risque de la récession économique.

Vous l'avez dit vous-même, monsieur le ministre : baisse des impôts de production, réforme des retraites, réforme de l'assurance chômage et autres mesures de régression sociale permettent seules de crédibiliser la trajectoire de cette loi de programmation. En réalité, cela ne suffira même pas.

Pour atteindre vos objectifs, dont vous dites qu'ils ne sont pas une baisse des dépenses publiques, mais une augmentation inférieure à l'inflation, c'est-à-dire, pour les Français, une baisse réelle des dépenses publiques, il faudra mener une politique très dure.

Ce texte atteste donc une nouvelle fois votre obstination à poursuivre la même politique alors qu'elle est une impasse, à tenir le même cap alors que la situation internationale et les incertitudes géopolitiques auxquelles nous faisons face nous obligent à mieux anticiper un éventuel renchérissement du coût de la dette, en commençant par annuler un certain nombre de baisses d'impôts prévues.

« Moins d'impôts, moins de dépenses, moins de déficit et une dette maîtrisée » : cette vision répétée inlassablement depuis 2017 a été largement démentie par les faits. Les 500 milliards d'euros de recettes perdus en dix ans n'auront pas relancé la croissance et auront aggravé les problèmes du pays.

Appauvrissement de l'État, financement de la planification écologique dans l'impasse, services publics en crise, inégalités en hausse dans un contexte d'inflation et de baisse du pouvoir d'achat, voilà les défis que nous aurions ensemble à relever.

S'ajoute à ce tableau le manque de soutien et de considération dont pâtissent les collectivités territoriales, auxquelles vous demandez de ralentir leurs dépenses. Vous avez renoncé à graver dans le marbre le pacte de confiance, c'est vrai, mais sans renoncer à l'idée.

La réalité est qu'il n'y aura, avec cette perspective budgétaire, ni pacte ni confiance, ce qui est contraire à l'esprit de la décentralisation et au principe d'équité dans la répartition des efforts entre les administrations locales et l'État.

Toutes les associations d'élus témoignent déjà des relations dégradées entre État et collectivités territoriales ; de fait, la situation ne pourra qu'empirer.

Je conclus en soulevant la seule question que devraient se poser les auteurs d'un tel texte : comment maîtriser les finances publiques et garantir la souveraineté de notre pays en se montrant réaliste, équilibré dans l'effort, socialement juste, écologiquement responsable et sans faire chavirer le navire ?

Avec ce texte, vous ne répondez pas à cette question. Pis encore, vous vous attaquez au nombre de fonctionnaires. Chers collègues de la majorité sénatoriale, trouvez-vous bien raisonnable de surenchérir en proposant la suppression d'un poste de fonctionnaire sur vingt d'ici à 2027 ?

Nous présenterons une quinzaine d'amendements, notamment des amendements de suppression des articles, pour exprimer notre rejet de ce texte ni très réaliste ni très raisonnable et dont je suis convaincu qu'il s'avérera dépassé dès la prochaine crise sociale.

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