Intervention de Bernard Jomier

Commission d'enquête Hôpital — Réunion du 4 janvier 2022 à 14:5
Audition du professeur rémi salomon président de la commission médicale d'établissement de l'assistance publique — Hôpitaux de paris

Photo de Bernard JomierBernard Jomier, président :

Vous voulez dire que c'est l'inverse aujourd'hui ?

Professeur Rémi Salomon. - Oui, en quelque sorte, depuis dix ou vingt ans.

L'administration ne fait qu'appliquer une politique. C'est ce que fait Martin Hirsch, même s'il a quand même quelques marges de manoeuvre sur l'organisation des hôpitaux. Le regroupement des hôpitaux procède de décisions très structurantes. C'est un sujet dont je discute souvent avec Martin Hirsch. Je vous ai dit que le premier chapitre de notre projet médical était consacré au CHU dans la région. La répartition de l'offre de soins est effectivement très inégale et il y a des déserts médicaux dans le nord de Paris.

Je ne me prononcerai pas sur l'hôpital Paris-Nord, en particulier. Ce type de projet nécessite que l'on prenne en compte l'environnement dans lequel il s'inscrit. On nous dit qu'on peut diminuer de 30 % le capacitaire de l'hôpital Paris-Nord par rapport à celui de Bichat-Beaujon. C'est sans doute possible. En France, le nombre de lits d'hospitalisation est supérieur à celui que l'on constate en Hollande ou en Espagne. Cependant, l'organisation de la médecine de ville est différente de la nôtre dans ces deux pays. Par conséquent, si nous organisons mieux le parcours du patient en nous appuyant sur les cabinets de ville, peut-être pourrons-nous faire plus d'ambulatoire.

La question du tutorat et de la formation des infirmiers et des jeunes médecins me tient particulièrement à coeur. L'expérience de l'infirmier qui, ayant dix ans ou quinze ans d'ancienneté, disposait à la fois de savoir-faire et d'une capacité d'encadrement a été perdue dans beaucoup d'endroits. Et, dans des services hospitaliers de très haute technicité - dans le mien, on pratique des dialyses chez l'enfant -, il est désespérant pour un jeune infirmier de ne pas parvenir à pratiquer l'acte, alors que les professionnels plus expérimentés pouvaient autrefois montrer le geste technique à leurs jeunes collègues. Il en découle une perte de chance pour le patient et une perte de la qualité des soins.

Les jeunes infirmiers qui sont diplômés aujourd'hui sont moins bien formés qu'auparavant. Il faut se saisir à bras-le-corps du sujet, car tout se cumule : les jeunes, qui sont moins bien formés, se sentent moins prêts, la sélection, où il n'y a plus d'entretien, n'est pas adaptée, les stages en pédiatrie ont été supprimés et les stages pratiques sont problématiques.

Il y a aussi des problèmes d'encadrement dans certaines disciplines médicales. On manque par exemple de jeunes praticiens en pédopsychiatrie. Pour en attirer, il faut en former, ce qui suppose d'avoir des personnels qualifiés.

Offrons des perspectives aux jeunes infirmiers et médecins. Il peut s'agir de préciser lors du recrutement, dans la fiche du poste, le travail du futur praticien, mais également la formation dont il pourra bénéficier pour se forger une ou plusieurs expertises, ainsi que les missions et responsabilités qui seront les siennes au sein de l'équipe, avec à la clé une valorisation des compétences théoriques et pratiques acquises, voire une reconnaissance financière. Aujourd'hui, pour gagner plus d'argent, un infirmier doit changer de métier et devenir cadre, avec tous les inconvénients que cela implique.

On passe effectivement beaucoup de temps au téléphone aux urgences, ce qui est à la fois éprouvant et agaçant. Mais ce n'est pas vraiment un problème de technique. C'est simplement que nous n'avons pas suffisamment de place et de lits disponibles. Les métiers du soin sont des métiers de l'humain. Nous devons en permanence gérer des problématiques humaines, par exemple les cas de personnes qui continuent d'occuper des lits parce qu'elles ne peuvent pas aller ailleurs.

Nous avons aussi des applications, et la plupart des hôpitaux ont un dossier informatisé aujourd'hui. Même si je me méfie un peu de la technophilie - certains attendent sans doute trop de la technique -, je pense que l'on n'investit pas suffisamment dans le système d'information. L'attractivité passe aussi par l'investissement, que ce soit dans le bâtiment ou dans le matériel. Au cours de ces dernières années, les investissements dans les hôpitaux ont été insuffisants, et le taux de vétusté s'est accentué.

À l'AP-HP, l'investissement dans les systèmes d'information et le numérique représente 2 % à 2,5 % du budget, contre 6 % en Amérique du Nord ou dans certains pays d'Europe du Nord. Or le système d'information est un élément tout à fait important pour structurer le parcours de soins. Même si les évolutions technologiques récentes nous aident beaucoup, l'ensemble reste insuffisant. Il faut que les médecins et les soignants soient associés à la réflexion autour des techniques ; ils en sont les premiers utilisateurs.

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