indiqué qu'elle avait eu le sentiment, en lisant les débats du Sénat sur la proposition de création de la commission d'enquête ou le compte rendu de l'audition de M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, que la lutte contre l'immigration clandestine était devenue une priorité du Gouvernement en 2002. Or, les grandes orientations de notre politique d'immigration ont été définies en 1974 et n'ont guère varié depuis, la lutte contre l'immigration irrégulière et l'intégration des populations étrangères résidant sur notre territoire en constituant les deux axes. Mme Danièle Lochak a ajouté que les gouvernements, qu'ils soient de droite ou de gauche, avaient plus mis l'accent sur la répression de l'immigration clandestine que sur l'intégration.
La volonté de mieux lutter contre l'immigration clandestine a conduit à renforcer les mesures de reconduite à la frontière, à pénaliser le séjour irrégulier en France, à jeter une suspicion généralisée sur les étrangers qui veulent pénétrer sur le territoire national, à contrôler, de manière toujours plus stricte, les mariages ou la régularité de leur situation. Cet ensemble de mesures n'a cependant pas produit de résultats très probants : l'immigration clandestine perdure, tandis que le respect des droits fondamentaux s'affaiblit. Le droit de mener une vie familiale est, par exemple, menacé par le caractère plus strict des règles de regroupement familial et la liberté d'aller et de venir des étrangers est restreinte par l'allongement de la période de rétention.
a jugé que l'allongement de la durée de rétention, qui peut maintenant être portée jusqu'à trente jours, était d'ailleurs de peu d'utilité : les observations du Comité inter-mouvements auprès des évacués (CIMADE) montrent en effet qu'une reconduite à la frontière qui n'a pas été effectuée dans les jours qui suivent le placement de l'étranger en centre de rétention a peu de chances d'intervenir par la suite. De plus, les conditions d'hébergement des étrangers dans les centres de rétention, déjà précaires lorsque la durée de rétention n'excédait pas sept jours, en ont été rendues encore plus difficiles.
Les citoyens français sont eux aussi menacés par le renforcement du dispositif législatif de lutte contre l'immigration clandestine : l'aide à l'accueil d'étrangers en situation irrégulière peut faire l'objet de poursuites pénales et des formalités très strictes les dissuadent de demander une attestation d'accueil.
a ensuite insisté sur le coût de la politique de lutte contre l'immigration clandestine et s'est demandé si cet argent ne serait pas mieux utilisé pour mener des politiques d'intégration plus ambitieuses. Contrairement à une idée couramment avancée, l'intégration des étrangers résidant légalement sur notre territoire est entravée, et non facilitée, par la lutte menée contre l'immigration irrégulière, dans la mesure où les étrangers en situation régulière sont victimes de contrôles d'identité ou de restrictions au regroupement familial qui alimentent un ressentiment diffus.
a souhaité que la France se dote d'une nouvelle politique en matière de visas, afin que les demandeurs d'asile ne soient plus contraints d'avoir recours à des passeurs et de risquer leur vie pour atteindre notre territoire. Elle a critiqué le discours proposant de remplacer l'immigration « subie » par une immigration « choisie », considérant que les Etats avaient en réalité toujours choisi leurs immigrés et que cette vision instrumentale de l'immigration était peu respectueuse de la dignité des personnes. De surcroît, cette distinction conduit souvent à ranger dans la catégorie de l'immigration « subie » les entrées au titre du regroupement familial ou de l'asile, alors qu'elles relèvent du respect des droits fondamentaux des personnes.