Intervention de Vera Zederman

Commission d'enquête sur l'immigration clandestine — Réunion du 14 décembre 2005 : 1ère réunion
Audition de Mme Vera Zederman responsable du service d'information juridique de la commission des recours des réfugiés

Vera Zederman :

a indiqué que la Commission des recours des réfugiés était une juridiction administrative spécialisée, chargée de statuer sur les recours formés contre les décisions du directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) refusant ou retirant le bénéfice de l'asile à un étranger, qu'il s'agisse de l'asile constitutionnel, de l'asile conventionnel découlant de la convention de Genève du 28 juillet 1951, de l'asile accordé aux bénéficiaires d'un mandat du Haut commissariat des Nations-unies pour les réfugiés, ou de la protection subsidiaire instituée par la loi du 10 décembre 2003. Elle a ajouté que la Commission était également compétente, en vertu du décret du 14 août 2004, pour connaître des recours en révision contre ses propres décisions ainsi que des demandes d'obtention de la qualité de réfugié par les bénéficiaires de la protection subsidiaire. Elle a indiqué, en revanche, que la Commission n'était pas compétente pour juger des refus de demandes d'enregistrement des demandes d'asile par l'OFPRA, ni des décisions de dessaisissement de l'OFPRA en application des accords de Dublin II.

Elle a exposé qu'à côté de ces fonctions juridictionnelles, la Commission de recours des réfugiés était amenée à formuler, sur requête des réfugiés, des avis sur les mesures d'éloignement ou de restriction au séjour visées aux articles 31 à 33 de la convention de Genève, prises à leur encontre.

a indiqué que la Commission était composée de 12 divisions administratives totalisant 80 rapporteurs chargés de l'instruction des dossiers et ce, sans spécialisation thématique ou géographique. Elle a exposé qu'il existait 140 formations de jugement présidées par des membres du Conseil d'Etat, des conseillers des cours administratives d'appel et des tribunaux administratifs ou des magistrats de l'ordre judiciaire. Elle a précisé qu'une mission de la Commission devrait être constituée en janvier prochain afin de traiter spécifiquement les recours contre les décisions de l'OFPRA émanant de demandeurs haïtiens en Guadeloupe et qu'une seconde mission ayant le même objet serait formée au printemps.

Abordant les principales règles de procédure applicables à la Commission des recours des réfugiés, Mme Vera Zederman a indiqué que les requérants devant cette instance étaient en principe des immigrants réguliers, dans la mesure où le demandeur d'asile bénéficiait d'un droit au séjour jusqu'à notification de la décision de l'OFPRA statuant sur sa demande de protection ou, lorsqu'un recours a été formé contre celle-ci, jusqu'à la notification de la décision de la Commission. Toutefois, elle a précisé que le droit au séjour des demandeurs d'asile cessait à compter de la notification de l'OFPRA lorsque ce dernier examinait la demande selon la procédure prioritaire applicable en cas de demande émanant d'un étranger provenant d'un pays sûr, reposant sur une fraude délibérée, constituant un recours abusif aux procédures d'asile ou visant à faire échec à une mesure d'éloignement, ou d'un étranger dont la présence en France constitue une menace grave pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l'Etat. Elle a souligné que cette situation impliquait qu'à tout stade de la procédure conduite devant la Commission, le demandeur pouvait faire l'objet d'une mesure d'éloignement, constatant que ce cas se rencontrait, pour l'essentiel, lorsque le demandeur avait formé une demande de réexamen de la décision.

a souligné que le requérant devait déposer son recours dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision de l'OFPRA, la formation de jugement se prononçant en premier lieu au regard des critères de l'asile conventionnel et, le cas échéant, en second lieu au regard des règles relatives à la protection subsidiaire. Elle a précisé que les recours étaient mis en état et instruits par un rapporteur, puis examinés en séance publique par une formation de jugement présidée par un magistrat et comprenant deux assesseurs, l'un désigné par le Haut-commissariat aux réfugiés, l'autre par le vice-président du Conseil d'Etat.

Elle a indiqué que les convocations à l'audience étaient adressées trois semaines avant celle-ci, un interprète étant convoqué dans la majorité des cas. Elle a ajouté que la moitié des requérants était assistée d'un avocat, bien que le bénéfice de l'aide juridictionnelle ne soit accordé qu'aux demandeurs entrés régulièrement sur le territoire national. Elle a souligné que la Commission des recours des réfugiés était juge de plein contentieux et se prononçait donc sur le droit au bénéfice de l'asile et non sur la légalité de la décision de l'OFPRA.

a précisé que la Commission des recours des réfugiés pouvait toutefois rendre des décisions par voie d'ordonnance émanant du président de la formation de jugement, sans convocation ni représentation du requérant dans deux hypothèses essentielles : celle de recours entachés d'une irrecevabilité manifeste non susceptible d'être couverte en cours d'instance et celle de recours ne présentant aucun élément sérieux susceptible de remettre en cause les motifs de la décision de l'OFPRA. Les décisions de la Commission sont notifiées à l'intéressé, à son conseil ainsi qu'à l'OFPRA et à la préfecture.

Sur le plan statistique, Mme Vera Zederman a indiqué que la Commission des recours des réfugiés avait enregistré, au 9 décembre 2005, 36.432 recours et avait rendu, à la même date, 61.000 décisions, les ordonnances composant 17 % de ces dernières. Au 9 décembre 2005, les décisions de rejet s'élevaient à 41.089, tandis que les décisions d'annulation des décisions du directeur de l'OFPRA représentaient 15 % des décisions prises par la Commission.

Elle a souligné que la Commission avait eu l'occasion d'interpréter les principales dispositions issues de la loi du 10 décembre 2003. Cette dernière ayant prévu que les persécutions prises en compte pour l'octroi de la qualité de réfugié pouvaient être le fait d'acteurs non étatiques, elle a indiqué que la Commission s'était attachée à vérifier si les autorités du pays avaient ou non offert une protection au demandeur d'asile.

Elle a exposé que la Commission avait également défini les conditions dans lesquelles la possibilité pour le requérant de bénéficier de l'asile interne pouvait être opposée par l'OFPRA, deux conditions devant être cumulativement réunies : la faculté pour le demandeur d'accéder à une partie du territoire de son Etat d'origine où il n'a pas de raison d'être persécuté ou exposé à une atteinte grave et celle de s'y maintenir. Elle a souligné que l'asile interne n'avait été opposé qu'à de rares occasions, notamment pour des ressortissants du Sri-Lanka, de Serbie-Monténégro ou d'Equateur.

a précisé que, pour la Commission des recours des réfugiés, l'inscription d'un Etat sur la liste des pays d'origine sûrs pouvait constituer un indice pour l'appréciation des craintes ou menaces alléguées par le requérant, mais ne liait pas l'appréciation de la formation de jugement qui se livrait à un examen individualisé de chaque affaire.

Elle a indiqué que l'application du régime de la protection subsidiaire avait donné lieu à 230 décisions d'admissions sur les 9 premiers mois de l'année 2005, prenant en compte l'existence de risques de traitements inhumains ou dégradants tels que les violences conjugales ou certains mariages forcés. Elle a précisé que la Commission aurait à se prononcer prochainement sur l'octroi de cette protection en raison de « violences généralisées », notamment à l'égard de requérants originaires d'Irak et d'Haïti.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion