Intervention de Nadège Lefebvre

Commission d'enquête Évaluation politiques publiques face aux pandémies — Réunion du 23 juillet 2020 à 9h30
Audition de M. étienne Champion directeur général de l'ars des hauts-de-france Mme Marie-Cécile daRmois directrice de l'hôpital saint-lazare de crépy-en-valois Mm. Bruno Fortier maire de crépy-en-valois louis le franc préfet de l'oise Mme Nadège Lefebvre présidente du conseil départemental de l'oise et M. Arnaud Fontanet directeur du département de santé globale à l'institut pasteur

Photo de Nadège LefebvreNadège Lefebvre, présidente du conseil départemental de l'Oise :

Je vous remercie de m'avoir invitée à témoigner devant votre commission d'enquête. Le département de l'Oise, en effet, a été, au tout début du mois de mars, le premier territoire métropolitain véritablement touché par l'épidémie. C'est dans l'Oise que les premiers regroupements de personnes contaminées, les fameux clusters, ont été identifiés. Ainsi, des mesures de confinement, touchant en particulier les établissements scolaires, ont visé les zones clusters de l'Oise dès le 2 mars. Une semaine plus tard, c'est-à-dire le 9 mars, les écoles, collèges, lycées de l'ensemble du département étaient fermés, avec une semaine d'avance sur le reste du territoire national. Notre territoire a été pris très tôt dans la tourmente de l'épidémie, ce qui nous a placés, sans que nous y soyons préparés, sous les feux de l'actualité. Il faut savoir que des entreprises ont été discriminées par leurs clients au seul motif qu'elles étaient localisées dans l'Oise.

Nous avons dû faire face aux assauts médiatiques, ce qui ne rendait pas les choses faciles au quotidien. Nous avons aussi affronté, avec quelques jours ou semaines d'avance sur les autres territoires, des problématiques complexes, telles que la pénurie de masques, qui touchait, bien sûr, les médecins généralistes, mais aussi d'autres services comme les services d'aide à domicile, ces derniers rentrant souvent bredouilles des pharmacies censées leur fournir cette protection minimale.

J'ai dû également gérer le traitement de la situation particulière des assistantes maternelles, d'abord sur des questions liées à la prise en charge des enfants, puis sur l'indemnisation des journées non travaillées. J'ai été, je crois, la première à saisir le Gouvernement pour qu'elles puissent, comme les autres salariés, bénéficier d'une sorte de chômage partiel, ce qui leur avait été initialement refusé.

Je tiens à saluer aujourd'hui, bien sûr, l'attitude des habitants de l'Oise durant cette période, mais aussi pendant tout le confinement qui a suivi. Je veux souligner, en particulier, l'engagement de nombreux élus locaux, dont le maire de Crépy-en-Valois, qui est à mes côtés, et dont la commune a été parmi les plus durement touchées en France. Ils ont été sur le pont pour aider leurs administrés, en particulier les plus fragiles. Je tiens enfin à saluer l'action du préfet de l'Oise, qui a cherché à nos côtés à apporter les réponses les plus adaptées à des besoins aussi urgents que difficiles à satisfaire.

L'action du conseil départemental s'est concentrée autour de 5 axes.

Tout d'abord, la prise en charge des personnes âgées, qu'elles soient en Ehpad, dans d'autres établissements ou à domicile.

Ensuite, l'aide aux autres publics fragiles, qu'il s'agisse des personnes handicapées, en difficulté sociale ou des jeunes de l'aide sociale à l'enfance. N'oublions pas que, durant toute cette période, tous ces enfants étaient dans les foyers, ce qui a été difficile à gérer.

Enfin, il a fallu organiser l'accueil dans les collèges des enfants des personnels prioritaires pendant le confinement, puis l'accompagnement des établissements scolaires pour la mise en oeuvre du protocole sanitaire pendant la phase de déconfinement.

Ces trois axes sont évidemment au coeur des compétences de la collectivité.

Pour autant, nous avons dû plus d'une fois aller au-delà de nos strictes compétences pour faire face à l'urgence.

À ceci s'est ajoutée une aide d'urgence que nous avons décidée pour les travailleurs non-salariés, qui ne pouvaient pas bénéficier de mesures de chômage partiel. Il y en avait énormément dans le département. L'aide de 1 500 euros mise en place par l'État servait pour nombre d'entre eux à payer les charges de l'entreprise, de sorte qu'ils n'avaient pas la possibilité de nourrir leur famille ou de payer leur loyer. Nous avons octroyé 3 500 aides de cette nature à des chefs d'entreprise.

Nous avons aussi mis l'accent sur le soutien aux personnes en première ligne, à savoir les personnels des Ehpad, des services d'aide et d'accompagnement à domicile, mais aussi les ambulanciers, les pompes funèbres ou encore les chauffeurs de taxi. Notre action dans ce domaine a permis, à une époque où les masques manquaient partout, que ce soit dans les cabinets médicaux ou dans les établissements sociaux, de collecter des milliers de masques, conservés dans des mairies ou des entreprises parfois depuis des années.

Ces deux derniers axes ne relevaient pas spécifiquement du conseil départemental - notamment le soutien des personnes en première ligne, qui a le plus souvent consisté à fournir des masques et du matériel de protection en attendant les livraisons de l'ARS, ou en complément de dotations qui étaient parfois un peu juste, durant la première période. Bien sûr, cela s'est sérieusement amélioré pendant toute cette longue période.

J'ai souhaité que le conseil départemental mène de front deux batailles : la première consistait à faire face à une situation d'urgence particulièrement critique dans les Ehpad et plus largement, pour les personnes âgées, isolées par les mesures de confinement. Je pense aussi aux enfants qui n'étaient plus scolarisés ; 2 800 enfants de l'Oise ont perdu tout contact avec le système éducatif. Devant la gravité de cette situation, j'ai interpellé le secrétaire d'État chargé de la protection de l'enfance, mais j'attends encore la réponse...

La seconde bataille était pour préparer l'après-crise, et qui s'est traduite par le maintien de notre calendrier de réunions, notamment de nos commissions, de façon à toujours accorder des marchés, signe fort pour les entreprises, afin de leur montrer que la reprise pouvait s'opérer rapidement dès le déconfinement.

La gestion de cette crise n'a pas été sans difficulté. Il est essentiel de mettre le doigt sur les difficultés rencontrées, de les analyser pour tirer les leçons de cette expérience que nous ne souhaitons pas revivre. Cette crise a mis en lumière quelques faiblesses dans l'organisation régionalisée de certains services de l'État, qui a montré ses limites alors que l'Oise était bien plus touchée que les autres départements de la région. En mars, beaucoup de temps a été perdu en échanges régionaux avec des préfets ou des présidents de conseils départementaux confrontés à des situations très différentes de la nôtre. Il aurait fallu des points précis, département par département, surtout dans la première partie de cette crise pour l'Oise, afin de ne pas s'éparpiller sur l'ensemble de la région.

Malgré la force de frappe de l'ARS, nous avons eu quelques difficultés pour l'approvisionnement en masques des Ehpad et des établissements sociaux et médico-sociaux ; je pense aussi aux ambulanciers, aux taxis conventionnés par l'assurance maladie, et surtout aux pompes funèbres, qui sont venus frapper à la porte du département pour obtenir quelques milliers de masques et protéger ainsi des centaines de personnes particulièrement exposées au virus. La proximité du département et notre connaissance des acteurs locaux ont permis de collecter et de distribuer des milliers de masques éparpillés sur tout le territoire.

La double tutelle exercée par le département et l'ARS sur les Ehpad est complexe - le sujet avait déjà été identifié auparavant. Les directeurs des Ehpad devaient en permanence jongler avec les interlocuteurs selon la nature de leurs besoins, mais parfois aussi pour obtenir des masques. J'ai noté que cet éloignement n'avait pas été perçu de la même manière par les élus d'Alsace, autre territoire lourdement touché par l'épidémie. Si j'insiste sur ce point, c'est que cela tient peut-être de la proximité du département et de la ville de Strasbourg où se trouve le siège de la région. Autrement dit, la régionalisation n'a sans doute pas les mêmes conséquences pour les territoires proches de la capitale régionale où les acteurs travaillent de longue date ensemble, que pour ceux comme l'Oise dans les Hauts-de-France qui sont très éloignés de Lille. En dépit de ces difficultés, je mesure bien sûr l'engagement de tous les acteurs publics, que ce soit les services de l'État, l'ARS et tous les élus locaux. C'est une crise sans précédent que nous souhaitons bien sûr ne jamais revivre. Nous espérons qu'il n'y aura pas de deuxième vague et devons tirer de cette crise les leçons qui s'imposent. Je suis certaine que le travail de votre commission pourra y remédier.

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