Intervention de Bruno Fortier

Commission d'enquête Évaluation politiques publiques face aux pandémies — Réunion du 23 juillet 2020 à 9h30
Audition de M. étienne Champion directeur général de l'ars des hauts-de-france Mme Marie-Cécile daRmois directrice de l'hôpital saint-lazare de crépy-en-valois Mm. Bruno Fortier maire de crépy-en-valois louis le franc préfet de l'oise Mme Nadège Lefebvre présidente du conseil départemental de l'oise et M. Arnaud Fontanet directeur du département de santé globale à l'institut pasteur

Bruno Fortier, maire de Crépy-en-Valois :

Mon propos liminaire va raconter mon histoire. Jeudi 13 février s'est déroulé le dernier conseil communautaire de notre communauté de communes à Crépy-en-Valois, avec 91 conseillers communautaires. Mardi 25 février, je dis à mon épouse que je n'aime pas du tout cette histoire de coronavirus - on parlait de la Chine, de l'Italie, on commençait à parler de la France... Ce même jour, je demande à mon directeur général des services de faire le point sur le stock de masques depuis l'épidémie de grippe A H1-N1. Résultat : plus de masques en stock. Jeudi 27 février à 7 h 30, je reçois un appel téléphonique du directeur général de l'ARS, M. Champion, que je ne connaissais pas, et qui m'annonce malheureusement le décès de M. Dominique Varoteaux, premier mort français de cette « cochonnerie », comme je l'ai appelée et je continuerai de l'appeler ainsi. Il me demande d'organiser une réunion à 14 heures en mairie avec le préfet, le sous-préfet, le député, lui-même et quelques autres personnes. À 8 h 30, je suis en mairie pour réunir tout le personnel d'accueil et prévenir qu'une affluence de journalistes - je connaissais bien le système - allait certainement arriver. Bien sûr, comme je connais tout le monde à la mairie, je serre des mains, je fais des bises... Ce même jour, il y a la réunion avec l'ARS à 14 heures. Le 28 février, l'ARS m'appelle et me demande de faire une liste des membres du conseil communautaire, puisqu'une des conseillères communautaires de la petite commune de Rouville, Mme Valérie Méron, était malade et se trouvait à l'hôpital de Tourcoing. Je lui donne cette liste. Comme j'étais malade et toussais fortement, cette personne me recommande de faire un test à l'hôpital d'Amiens. Samedi 29 février, je réalise donc ce test, avec une conseillère municipale, très malade, qui fait un malaise dans la salle d'attente. Dimanche 1er mars, le résultat tombe vers 20 heures. (La voix de l'orateur se brise sous le coup de l'émotion). Je suis positif à cette cochonnerie, et la galère commence, un engrenage terrible se met en route. Je vous lis le message que j'ai fait passer sur les réseaux sociaux : « Bonsoir à tous, après avoir subi un test hier à l'hôpital d'Amiens, mon résultat vient de tomber. Mon test est positif et je suis porteur de cette cochonnerie. Je suis donc en train d'établir une liste des personnes que j'ai rencontrées depuis les 14 derniers jours. Je pense que beaucoup de cas vont apparaître dans les jours qui viennent. Je ne suis pas hospitalisé, je ne me sentais pas malade, pas de fièvre, mais je suis porteur de ce satané virus. Chères Crépynoises, chers Crépynois, nous entrons dans une période difficile. Gardons notre calme, respectons les mesures imposées par la préfecture et soyons solidaires. Merci encore de votre soutien. »

Je vais vous lire un dernier texte, et puis je m'arrêterai là et je répondrai à toutes les questions. C'est un message de présentation de ma commune au professeur Bruno Hoen, directeur de la recherche médicale de l'Institut Pasteur. « Crépy-en-Valois est une ville charmante de 15 357 habitants. Il y a eu en 1982 un drame national. C'est la ville de l'accident de Beaune, le 31 juillet 1982 : 44 enfants de Crépy et de la région sont décédés, brûlés dans deux autocars qui emmenaient ces enfants dans le sud. » Je vous dis tout cela pour vous situer le contexte de Crépy, très particulier, qui perdure pour ses habitants.

« Élu en 1983, j'ai fait la promesse aux parents de toujours être avec eux le jour des commémorations, chaque 31 juillet. Crépy-en-Valois, c'est aussi la ville où le 20 novembre 1981, un collège Pailleron a brûlé entièrement ; le collège Jean-de-La-Fontaine où enseignait M. Dominique Varoteaux.

Le 8 juillet 2015, les frères Kouachi sont passés à Crépy-en-Valois. La ville a vécu pendant une journée complète en état de siège, avec le GIGN et le Raid comme compagnons. J'ai moi-même passé la nuit en voiture avec la photo de ces deux fous. En juin 2019, il y a eu la pollution de notre étang de Géresme dans le magnifique parc de 21 hectares avec 6 000 litres de shampooing concentré déversés. Le 21 juin 2019, c'était l'effondrement d'une partie de notre collégiale Saint-Thomas, 300 tonnes d'un monument classé en 1875, et maintenant le covid avec le premier mort français, atteint par cette cochonnerie. Tout cela pour vous dire que Crépy-en-Valois ne souhaite pas être le centre de la presse nationale, car c'était déjà le cas, et a subi son lot de catastrophes, ainsi que les habitants qui restent fiers de leur commune. Crépy-en-Valois reste un endroit splendide, calme reposant, nous voudrions maintenant un peu de calme, mais l'histoire reste l'histoire. »

Cela a été un moment difficile. Nous avons eu des décès, certes pas autant que certaines communes, mais c'était important, ramené à la proportion de notre commune. Le nombre de décès a été multiplié par deux sur la période entre 2019 et 2020. Je n'ai jamais voulu donner le nombre des décès - mais je répondrai à la question, puisque vous me l'avez posée. On était en période électorale, les opposants voulaient absolument savoir. J'ai considéré qu'il n'y avait pas lieu de donner ce chiffre, qui n'apportait rien à personne et je suis resté muet sur ce sujet.

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