Intervention de Arnaud Fontanet

Commission d'enquête Évaluation politiques publiques face aux pandémies — Réunion du 23 juillet 2020 à 9h30
Audition de M. étienne Champion directeur général de l'ars des hauts-de-france Mme Marie-Cécile daRmois directrice de l'hôpital saint-lazare de crépy-en-valois Mm. Bruno Fortier maire de crépy-en-valois louis le franc préfet de l'oise Mme Nadège Lefebvre présidente du conseil départemental de l'oise et M. Arnaud Fontanet directeur du département de santé globale à l'institut pasteur

Arnaud Fontanet, directeur du département de santé globale à l'Institut Pasteur :

Je travaille à l'institut Pasteur, je suis directeur du département de santé globale, directeur d'une unité de recherche en maladies infectieuses émergentes. Je suis également membre du conseil scientifique covid-19 pour mes compétences en épidémiologie, notamment des coronavirus, puisque j'ai travaillé dans le passé sur le coronavirus du SRAS en Chine, le MERS-CoV dans les pays du Golfe et en France et maintenant sur ce nouveau coronavirus SARS-Cov-2.

Mon implication dans le département de l'Oise a débuté avec une lettre du directeur général de la Santé (DGS), datée du 2 mars, qui me demandait, en qualité de chercheur à l'Institut Pasteur, de mener une enquête dans le département de l'Oise, où l'on savait que le virus circulait activement, en utilisant un test sérologique - en réalité, plusieurs - qui étaient développés à l'Institut Pasteur. Nous étions parmi les premiers instituts en France à être en mesure de développer ces tests sérologiques et donc être capable de dépister des anticorps qui permettaient de savoir si les personnes avaient été infectées ou non dans le passé. C'est un outil extrêmement important, à la fois à titre de diagnostic, mais plutôt rétrospectif, mais surtout pour ces fameuses enquêtes épidémiologiques afin de savoir quelle était l'étendue de la première vague épidémique. Le DGS m'a suggéré de travailler à Crépy-en-Valois, notamment autour du collège et du lycée où l'on savait que le virus avait récemment circulé activement. J'ai pris contact rapidement avec le directeur de l'ARS, M. Étienne Champion, et nous avons mis en place avec le Pr Bruno Hoen, directeur de la recherche médicale à l'institut Pasteur, un premier protocole de recherche, monté en trois jours pour pouvoir intervenir les 5 et 6 mars dans le collège et le lycée afin de faire des dépistages de forme active de l'infection.

Même si ce n'était pas l'objet de notre recherche, il n'était pas pensable d'aller sur place pour faire des prélèvements sanguins sans en même temps assurer une activité de diagnostic pour identifier les personnes activement touchées par le virus, et donc qui devaient être isolées pour protéger les autres et être prises en charge médicalement. Nous avons donc effectué en parallèle de notre activité de recherche des prélèvements chez des personnes symptomatiques, qui nous ont permis d'identifier 13 personnes contaminées sur 90 testées. Nous avons transmis immédiatement ces résultats à l'ARS afin qu'elle puisse prendre toutes les mesures d'isolement pour ces personnes et de prise en charge médicale. En parallèle, nous avons prélevé toutes les personnes symptomatiques depuis la mi-janvier, date présumée du début de l'épidémie ; on savait que de premières personnes symptomatiques avaient été clairement identifiées début février. Les prélèvements réalisés à cette occasion nous ont permis effectivement, avec d'autres prélèvements réalisés dans le cas d'études dans les hôpitaux de France et d'ailleurs, de mettre au point de tests sérologiques qui sont maintenant très performants. Nos tests sont capables de détecter avec beaucoup de fiabilité la présence d'anticorps. Cette première étude a rempli ses objectifs.

Lorsque nous avons vu l'intensité de la circulation du virus dans cette période du 5 et 6 mars à Crépy-en-Valois, nous avons repris contact avec M. Bruno Fortier, qui nous a ouvert les portes de Crépy-en-Valois. Il nous a beaucoup soutenus pour la suite des enquêtes que nous avons pu mener, d'abord entre le 30 mars et le 4 avril dans le lycée de Crépy-en-Valois, où nous avons invité les lycéens, les enseignants, les personnels non enseignants. Comme les lycéens étaient mineurs, on leur demandait d'être accompagnés d'un parent et éventuellement d'un proche qui pouvait être testé. Nous avons ainsi eu une première enquête sur près de 700 personnes, ce qui nous a permis de documenter effectivement une circulation très active du virus dans le lycée, dans les 15 premiers jours de février. Cette circulation a été stoppée par les vacances scolaires, puis a légèrement repris, avant d'être définitivement stoppée avec le confinement. Un mois plus tard, nous sommes allés entre le 28 mars et le 30 avril répéter cette même opération, cette fois-ci dans les 6 écoles primaires de Crépy-en-Valois, pour voir si le virus avait circulé de la même façon dans les écoles. Nous voulions documenter la circulation du virus dans cet environnement, mais également répondre aux questions qui se posaient sur la circulation du virus dans les écoles et à différents âges. Se posait la question de la réouverture des écoles. L'ensemble de ces études a été très riche d'enseignements. Je pourrai revenir sur les résultats si vous le souhaitez.

Nous avons communiqué les résultats sous forme de webinaire avec la population à deux reprises. Grâce à l'aide de M. Bruno Fortier, nous avons ainsi pu transmettre les résultats globaux à la communauté, avant qu'elle ne l'apprenne par les journaux. Nous pensions qu'il était préférable qu'ils connaissent ces résultats directement et qu'ils puissent nous interroger. Immédiatement après, une communication plus générale était réalisée auprès de la presse. Nous avons donné les résultats individuels à toute personne qui le souhaitait.

Cela a été possible grâce à l'aide de M. Bruno Fortier, de la directrice des établissements scolaires, de la rectrice d'Amiens... M. Étienne Champion aussi est intervenu plusieurs fois pour nous faciliter la tâche. Grâce à ce soutien, nous avons eu à la fois des contacts individuels et avec la presse. Ma grande fierté a été de pouvoir, aux côtés de MM. Fortier et Champion, et de tous les acteurs locaux, de permettre à la population de Crépy-en-Valois, très meurtrie par cette épidémie, de participer activement à une recherche qui a eu un impact considérable, non seulement à l'échelon local, mais également national et même international. Pour la petite histoire, j'ai la semaine dernière donné des interviews au Wall Street Journal, New York Times, Washington Post, je suis passé sur CNN et sur CBS News pour parler des résultats de Crépy-en-Valois. Monsieur le maire, je vous enverrai ces entretiens parce que ces résultats publiés à l'international sont parmi les toutes premières études qui nous donnent des informations sur les lycéens et sur les enfants d'écoles primaires et le risque d'être infecté dans ces environnements. Je tiens une fois de plus, monsieur le maire, à vous remercier pour votre contribution qui nous a permis, d'une part, de répondre à quelques questions localement, mais aussi, grâce à la participation de toutes les personnes de la municipalité, de répondre à des questions qui sont d'importance capitale face à cette terrible épidémie à l'échelle mondiale.

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