Intervention de Arnaud Fontanet

Commission d'enquête Évaluation politiques publiques face aux pandémies — Réunion du 23 juillet 2020 à 9h30
Audition de M. étienne Champion directeur général de l'ars des hauts-de-france Mme Marie-Cécile daRmois directrice de l'hôpital saint-lazare de crépy-en-valois Mm. Bruno Fortier maire de crépy-en-valois louis le franc préfet de l'oise Mme Nadège Lefebvre présidente du conseil départemental de l'oise et M. Arnaud Fontanet directeur du département de santé globale à l'institut pasteur

Arnaud Fontanet, directeur du département de santé globale à l'Institut Pasteur :

Je rappellerai quelques importants éléments de chronologie concernant l'épidémie en France. Nous avons d'abord eu six introductions, avec des personnes arrivant de Chine, du 24 au 30 janvier, entre Paris et Bordeaux. Tous les contacts ont été testés : personne n'a été infecté, et tout est rentré dans l'ordre.

Ensuite, il y a eu l'épisode des Contamines-Montjoie le 8 février, avec six personnes infectées. Les contacts ont été testés : tout le monde était négatif et, là aussi, tout est rentré dans l'ordre. Puis s'est ouverte une période pour moi très étrange. Je suis chercheur à l'Institut Pasteur, je n'avais aucune fonction à l'époque, mais je suivais cette épidémie qui m'intéressait. Du 8 au 25 février, il n'y avait aucune circulation connue du virus sur le territoire français. On voyait bien qu'en Asie - la Chine, et quelques pays autour - le virus circulait. On a vu arriver vers le 20-22 février des messages à partir de l'Iran, puis de l'Italie du Nord. Mais jusqu'au 25 février et le décès de M. Varoteaux à la Pitié-Salpêtrière, il n'y avait pas ; sur le territoire français, de circulation connue du virus.

Pendant cette période très étrange, on se disait qu'il allait arriver de quelque part. Le virus était en train de se propager sur la planète. Il est très difficile aujourd'hui de se remettre dans l'état d'esprit de cette période, mais je comprends très bien que pour des personnes qui ne suivaient pas comme moi l'épidémie, le virus ne circulait pas sur le territoire français jusqu'au 25 février. J'étais inquiet parce que je pensais qu'il allait arriver, mais on ne savait pas d'où. Les premiers clusters avaient été bien maîtrisés. Nous n'avions pas eu de cas secondaires, les personnes avaient été isolées. On pensait qu'il y avait peut-être eu un problème particulier en Chine, avec cette épidémie qui était déjà très importante quand ils l'ont découverte. Mais ailleurs - c'était vrai pour l'ensemble des pays touchés, y compris la Corée qui a réussi à contrôler son premier cluster - l'épidémie semblait maîtrisable à cette époque.

Après le décès de M. Varoteaux, Santé publique France et l'ARS se sont rendu compte que le virus circulait dans l'Oise. Nous avons, avec des tests sérologiques, pu reconstituer rétrospectivement cette circulation du virus durant la période où on en ignorait tout.

Autre point important, à l'époque, nous étions en saison hivernale : les virus respiratoires circulaient. En février, nous étions en période d'épidémie de grippe. Lorsque les personnes toussaient, avaient de la fièvre, on pensait d'abord à une grippe, puis à d'autres virus respiratoires. Dans les études que nous avons menées, en février, sur le lycée comme dans les écoles primaires, on a considéré que les symptômes étaient majeurs quand les participants toussaient, avaient de la fièvre, des troubles respiratoires, et mineurs quand il s'agissait d'un petit mal de gorge, d'un nez qui coule, mais rien de plus. On comptait davantage de personnes qui se plaignaient de symptômes majeurs parmi celles non infectées par le coronavirus que parmi celles qui l'avaient été. Même pendant cette période de circulation active autour du lycée en février, la majorité des personnes qui avaient de la fièvre, une toux et une gêne respiratoire souffraient d'une autre maladie que la covid - vraisemblablement une grippe ou un virus respiratoire.

Je sais que cet exercice est difficile, mais il faut se souvenir que c'était non pas le virus qui circulait officiellement sur le territoire français jusqu'au 25 février, mais l'épidémie de grippe qui courait. D'ailleurs, dans nos bases de données, même si nous avons pu documenter rétrospectivement la circulation du virus à Crépy-en-Valois, les personnes ayant de la fièvre et de la toux avaient majoritairement contracté d'autres virus respiratoires que la covid.

L'étude qu'on a faite dans le lycée concernait des adolescents présentant des formes mineures de la maladie. Lorsque j'ai discuté avec les participants, M. Fortier ou d'autres personnes, je leur ai dit qu'en février le virus circulait : aucun n'y avait pensé. Pour eux, il s'agissait d'un virus respiratoire banal : nous étions en période d'épidémie de grippe, c'était l'hiver...

Je voulais remettre les choses dans leur contexte, car rétrospectivement il est très facile de se demander comment on a pu ne pas voir que le virus circulait. La grande majorité des malades avaient des symptômes respiratoires tout à fait banals en hiver. C'était d'ailleurs davantage le cas pour d'autres virus que pour la covid, même si celle-ci circulait dans ce lycée assez activement.

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