Intervention de Arnaud Fontanet

Commission d'enquête Évaluation politiques publiques face aux pandémies — Réunion du 23 juillet 2020 à 9h30
Audition de M. étienne Champion directeur général de l'ars des hauts-de-france Mme Marie-Cécile daRmois directrice de l'hôpital saint-lazare de crépy-en-valois Mm. Bruno Fortier maire de crépy-en-valois louis le franc préfet de l'oise Mme Nadège Lefebvre présidente du conseil départemental de l'oise et M. Arnaud Fontanet directeur du département de santé globale à l'institut pasteur

Arnaud Fontanet, directeur du département de santé globale à l'Institut Pasteur :

Un mot sur les tests. Développer des tests au stade initial, nous savons faire. C'est sur leur distribution qu'il nous faut travailler. L'Allemagne et la Corée du Sud sont intéressants à observer ; ce sont les deux pays au monde à avoir fourni des tests rapidement. L'Allemagne peut donc être considérée comme un modèle en Europe - la France se situant de ce point de vue au même niveau que les autres pays.

Avoir des tests, toutefois, ne suffit pas. Nous savons désormais faire 100 000 tests par jour, mais il faut pouvoir tracer les contacts et isoler les personnes. Or les délais pour obtenir les résultats des tests s'allongent et nous n'avons pas encore expérimenté le traçage et l'isolement à grande échelle. Je suis en conséquence très inquiet à l'idée que le virus revienne cet hiver, ou même avant.

En Allemagne, ce qui a changé la donne, c'est le confinement. Tous les pays européens sauf la Suède et, en partie, le Danemark, ont confiné leur population au 15 mars et, ainsi, gelé la situation épidémique. La Bretagne et la Nouvelle-Aquitaine s'en sont mieux sorti que le Grand-Est, non parce qu'elles ont mieux testé, mais parce que la situation a été gelée à cette date, où le virus était chez elles moins présent. Pour la même raison, attention à ne pas penser que les Allemands s'en sont mieux sorti uniquement parce qu'ils avaient des tests.

Mais regardons l'avenir. Il faut encore progresser sur le traçage et l'isolement. Nous n'avons fait que 20 % du chemin : 5 % de la population française est infectée, et il en faudrait 50 % pour que le virus arrête de circuler. Un chantier important nous attend donc à l'automne. Voilà le message que je voudrais faire passer.

Nous disposons de données publiques sur trois vaccins en cours de développement : le vaccin à ARN messager américain Moderna, et deux vaccins à adénovirus, celui d'AstraZeneca à Oxford, et celui du laboratoire chinois Cansino. Les données sur les phases 1 et 2 laissent penser qu'ils sont bien tolérés, qu'ils ne produisent pas d'effets indésirables majeurs, mais ils n'ont été testés que sur de faibles effectifs - quelques centaines à milliers de patients. Ces vaccins sont capables de stimuler une réponse immunitaire, mais susciter la production d'anticorps neutralisants et une réaction cellulaire protectrice, c'est un résultat qu'obtiennent beaucoup de vaccins en phases 1 et 2. La véritable épreuve du feu est la phase 3, qui consiste à comparer le pourcentage d'infection de deux groupes auxquels ont été donnés, respectivement, le vaccin et un placebo. À cet égard, nous ne saurons que dans trois mois si ces vaccins sont efficaces et s'ils sont bien tolérés par des effectifs plus larges. Quelques milliers de personnes, ce n'est pas mal, mais ce n'est pas suffisant pour déployer le vaccin à l'échelle d'une population, car les effets indésirables peuvent apparaître sur 1 pour 10 000 ou pour 100 000 personnes. Nous aurons les premières données sur ces aspects à la fin de l'année. Vous avez raison de dire que la tolérance du vaccin est un critère essentiel : il nous faut un vaccin sûr.

Le vaccin en cours d'élaboration à l'Institut Pasteur repose sur un modèle déjà développé contre le chikungunya jusqu'en phase 1 et 2, qui s'est montré susceptible de stimuler une réponse immunitaire. Il entrera en phase 1 au mois d'août et n'aurons donc de résultats qu'en octobre. Notre calendrier est donc moins avancé que celui des autres vaccins. Aujourd'hui, 170 vaccins sont enregistrés dans le monde ; une dizaine sont arrivés en phase clinique ; quelques-uns seulement arriveront au bout du processus. La priorité sera mise sur la tolérance. Quant à l'efficacité... Nous aurons peut-être un vaccin partiellement efficace en 2021, et ce serait déjà pas mal. Rappelez-vous qu'il existe de nombreuses maladies pour lesquelles nous en cherchons toujours ! Il faut au moins dix ans pour développer un vaccin : ne misons donc pas tout sur la découverte prochaine d'un tel remède, et reposons-nous pour l'instant sur ce que nous savons faire : les gestes barrières et le triptyque dépister-tracer-isoler. Un éventuel reconfinement serait une catastrophe.

L'Institut Pasteur est un institut de recherche : nous développons des concepts. N'étant pas habilités à produire des lots vaccinaux répondant à des exigences qualité, nous déléguions jusqu'à récemment cette fonction à la compagnie Thémis. Nous travaillons désormais avec MSD, qui a racheté Thémis. Ce rachat est une chose normale puisqu'il s'agit de produire, à plus grande échelle, un vaccin qui a vocation à être utilisé partout dans le monde. MSD, ténor du vaccin, s'était distingué en rachetant le vaccin contre Ebola développé par les Canadiens et mis à la disposition des pays africains grâce à des partenariats public-privé comme la Coalition for epidemic preparedness initiative (Cepi). Un accord garantit que le vaccin sera disponible pour tous ceux qui en auront besoin partout dans le monde. Je ne sais en revanche pas vous répondre sur le contrat qui prévoit l'approvisionnement de la France, mais l'Institut le pourra certainement. Notre volonté, en nous alliant à MSD, était en tout cas de trouver un producteur susceptible d'assurer une distribution équitable de ce que nous considérons comme un bien public.

Le problème des lots contaminés est le suivant : une des entreprises fabriquant les réactifs des tests - les amorces, ces synthèses de nucléotides permettant d'amplifier le matériel génomique - a fourni des lots contaminés, générant des faux positifs, à une dizaine de pays européens. Le sujet est sur la place publique, puisque des publications et des communications des pays touchés ont été émises.

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