J'interviens au nom de la Ligue nationale contre le cancer, une association déclinée en 103 comités sur tout le territoire. Ses quatre missions principales sont le financement de la recherche, l'action pour les personnes malades, la prévention, et enfin la démocratie en santé avec la commission « société et politiques de santé ».
Dès le début de cette crise, des malades nous ont alertés sur la situation qu'ils vivaient, ce qui nous a conduits, le 8 mars, à ouvrir une ligne d'écoute supplémentaire, sur décision de notre président, le professeur Axel Kahn. Dans ce cadre, les oncologues bénévoles engagés dans notre association ont répondu à un grand nombre d'appels.
Le 14 mars, le Haut Conseil de la santé publique a édité, dans le cadre du Plan blanc, un avis permettant aux personnes vulnérables de rester à domicile et de changer de forme de traitement. De nombreuses chimiothérapies ont, dès lors, été réalisées par voie orale plutôt que par injection. Toutefois, ce type de traitement n'a pas été accessible à tous, et celui de certains malades a été ajourné. D'autres ont été obligés de se rendre dans leur centre de soin dans des conditions particulièrement anxiogènes. De nombreuses structures de dépistage ou de radiologie ont également été fermées et peinent, encore aujourd'hui, à reprendre une activité normale. Ce contexte a naturellement généré une grande angoisse chez les personnes atteintes de cancer, inquiète d'une dégradation de leur état de santé.
Le transfert des soins de l'hôpital vers la ville a ensuite été réalisé, sans qu'une attention particulière soit accordée aux inégalités territoriales ou aux difficultés rencontrées par les personnes soignées à domicile.
La mise en place des téléconsultations a permis, dans une certaine mesure, de rompre l'isolement extrême dans lequel certaines personnes se trouvaient. Ce type de consultation est cependant resté propre à la médecine de ville, et seuls les patients bénéficiant d'un dispositif de coordination des soins ont pu y avoir recours. Les autres, sans interlocuteur, se sont tournés vers la Ligue nationale contre le cancer.
Ainsi, certains soins médicaux ont été entravés et parfois même interrompus. C'est le cas également des prestations annexes, telles que les aides à domicile, les séances d'orthophonie, de kinésithérapie, de psychologie ou de prise en charge de la douleur. La Croix rouge et les municipalités, auxquelles certains comités ont fait appel, sont parfois intervenues pour aider les personnes isolées et âgées à faire leurs courses.
Cette crise sanitaire a rendu plus difficile encore la fin de vie des personnes atteintes de cancer, souvent décédées à domicile. Les aidants ont par ailleurs été très sollicités dans le cadre des soins curatifs ou palliatifs.
La Covid-19 a également accentué les problèmes de pénuries, connus depuis plusieurs années déjà. Au cours de cette période, les demandes de Midazolam, utilisé pour les sédations terminales, ont en effet augmenté de 2000 % au niveau mondial. Les personnes en fin de vie n'ont pas eu accès à ce médicament, conservé pour la réanimation. Du Rivotril, moins adapté, leur a été administré en substitut.
Le confinement a ensuite aggravé la situation économique et sociale des personnes les plus fragiles. Les comités ont donc versé un certain nombre d'aides, palliant les retards pris par celles de l'État.
Je souhaite enfin évoquer la fermeture des structures d'accueil aux aidants, fortement problématique dans le cadre des cancers pédiatriques. Les parents les plus fragiles sur le plan socio-économique ont parfois interrompu les soins de leur enfant, en raison de l'absence de solution d'hébergement auprès de l'établissement de référence. Un bilan territorial de ces fermetures sera bientôt établi.