Intervention de René-Paul Savary

Commission d'enquête Évaluation politiques publiques face aux pandémies — Réunion du 10 septembre 2020 à 10:5
Table ronde sur la politique de dépistage

Photo de René-Paul SavaryRené-Paul Savary, président :

Nous allons revenir sur ce point. Au sujet des ARS, nous aimerions entendre le docteur Blanchecotte.

Dr François Blanchecotte. - Les ARS ont une certaine autonomie de décision, même si la direction générale de la santé leur donne des directives. Certaines ARS ont estimé au départ que des laboratoires ayant déposé des dossiers auprès du Cofrac pour faire de la biologie moléculaire, sans que ces dossiers ne soient encore validés par cet organisme, n'avaient pas capacité ou qualité pour effectuer de la biologie moléculaire.

Précisément, 117 plateaux techniques étaient autorisés dans le privé à faire de la biologie moléculaire au mois de février. Nous avons environ 4 000 sites et 900 plateaux techniques en France, dont des laboratoires de nuit et d'urgence. Il y a 402 sociétés d'exercice libéral (SEL), un système qui n'existe qu'en France.

S'agissant de la doctrine, les pouvoirs publics nous ont demandé de tester. Le 29 mars, 25 réactifs étaient autorisés. Je rappelle que durant le confinement, la plupart des laboratoires a fermé. Nous n'avons pas vu de patients, alors que nous en voyions en moyenne 500 000 par jour. Le chiffre d'affaires des laboratoires a chuté de 45 % en avril.

Le premier jour du déconfinement, le ministre nous a demandé d'être en capacité de faire jusqu'à 700 000 tests. En juin, l'objectif affiché par Olivier Véran était un million de tests par semaine. Je me suis plaint alors dans les médias d'avoir des stocks de tests en surcapacité dans nos frigidaires. Certains grands groupes ont cherché à revendre sur le marché mondial des tests en stock. Les laboratoires privés ont investi des millions d'euros sur des dispositifs qui devaient être jetés.

La déclaration du Président de la République le 14 juillet autorisant les personnes à se présenter au laboratoire sans ordonnance nous a cependant surpris.

Aujourd'hui, nous avons la capacité à réaliser un million de tests. Des laboratoires travaillent avec les laboratoires vétérinaires ou de recherche pour la phase analytique. Comme l'ont dit mes collègues, il faut absolument prioriser, diversifier les tests employés et surtout fixer des objectifs pour ne pas dépister pour dépister.

Vous rapprochez-vous des propositions du professeur Lina ?

Dr François Blanchecotte. - Tout à fait.

Quelles sont vos propositions au sujet d'une réglementation qui paraîtrait lourde et inadaptée à la situation ?

Dr François Blanchecotte. - En temps de crise, les décisions doivent être prises rapidement et de manière concentrée. Le temps que la DGS reçoive l'autorisation de la Cnam et que les ARS s'en mêlent, les pouvoirs publics nous demandaient tellement d'informations par divers canaux que nous ne parvenions plus à travailler. Je salue le travail remarquable réalisé sur l'outil SIDEP qui a institué un seul tuyau pour faire remonter les informations. Nous avons pour la première fois en France réussi à connecter 400 sociétés en quatre semaines, grâce au travail de plus de 150 ingénieurs de Capgemini.

L'utilisation de tests plus rapides posera la question de la dégradation du traçage des personnes testées de cette manière.

Il faut l'organiser simultanément.

Dr François Blanchecotte. - Les tâches administratives pesant sur les laboratoires sont très lourdes. On demande de nombreuses informations aux patients, ce qui alimente les études réalisées par Santé Publique France. Nous avons donné notre accord pour le faire, mais il faudra étudier la possibilité et le besoin de réaliser la même chose dans le cadre d'un dépistage, selon les objectifs fixés.

Pr Philippe Froguel. - Permettez-moi de livrer une petite anecdote. Début avril, dans les Hauts-de-France, une légende courait sur internet, disant que l'ARS interdisait les tests, ce qui était faux. La rumeur a été levée en quelques jours. Il peut apparaître des malentendus entre ARS et laboratoires.

En avril, il m'a été demandé d'intervenir uniquement pour les Ehpad. Les autres laboratoires n'étaient pas en mesure de le faire. Nous avons diagnostiqué 500 résidents d'Ehpad positifs, ce qui a contribué à ralentir la progression de l'épidémie dans le nord de la France. J'étais toutefois étonné de n'avoir les premiers jours que 100 ou 200 prélèvements à analyser, ce qui était lié au fait que notre laboratoire partenaire Synlab n'avait pas le droit de démarcher certains Ehpad. J'ai écrit au Préfet et au directeur général de l'ARS, et nous avons pu étendre les tests à des résidents d'autres Ehpad. À mon grand étonnement, il n'y avait eu aucune organisation du prélèvement dans les Ehpad par les autorités compétentes.

Ce qui a beaucoup manqué, ce sont des réunions associant les différents acteurs publics et privés, et les autres laboratoires. Nous n'avons jamais su qu'elle était la production de tests par le CHU de Lille, ce qui ne permettait pas d'évaluer les besoins en termes de développement de capacités supplémentaires.

Quelles sont vos propositions pour améliorer la réglementation actuelle ?

Pr Philippe Froguel. - Lors de la publication du décret le 5 avril, la vice-présidente d'un des syndicats de biologistes hospitaliers a twitté : « on bafoue la profession de biologiste médical ». Un autre biologiste a soutenu que « bientôt les tests seront vendus chez les buralistes ». Ces propos sont étonnants. Le monopole du diagnostic médical par les biologistes médicaux est positif dans 95 % des cas, mais s'avère bloquant dans d'autres situations.

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