Intervention de Sylvie Vermeillet

Commission d'enquête Évaluation politiques publiques face aux pandémies — Réunion du 10 septembre 2020 à 10:5
Table ronde sur la politique de dépistage

Photo de Sylvie VermeilletSylvie Vermeillet, rapporteure :

Professeur Froguel, vous soutenez qu'il faut plus de tests, plus rapides, mieux faits et regrettez que très peu de personnes aient été testées en dehors des hôpitaux jusqu'à la fin du mois d'avril. Pendant plusieurs mois, des milliers de personnes symptomatiques n'ont pas pu être testées.

Aujourd'hui, des milliers de gens tentent de vérifier s'ils ont eu le coronavirus ou non. Ils utilisent des tests sérologiques. Sont-ils fiables ? Les mêmes personnes peuvent avoir un test sérologique négatif puis positif quinze jours plus tard : comment cela s'explique-t-il ? Qu'en est-il de l'immunité ? Quels sont les risques de rechute ?

Enfin, quel est votre avis sur les perspectives de vaccin ?

Pr Philippe Froguel. - Au début du mois d'avril, j'ai découvert que pour le professeur Delfraissy, la solution viendrait des tests sérologiques et non des tests PCR. J'ai l'impression qu'en France à ce moment, certaines personnes n'ont pas considéré que le standard des tests était la PCR.

Je vous ai dit que j'étais très surpris de l'homologation des tests sérologiques par le CNR alors que les laboratoires privés considéraient que 80 % de ces tests ne devaient pas être utilisés. Le Sénat, par exemple, a utilisé des tests sérologiques de très mauvaise qualité.

Les anticorps développés par les personnes qui ont été malades sont-ils protecteurs ? Je n'en sais strictement rien. Des publications évoquent la possibilité d'une réinfection, mais peut-être de façon beaucoup moins grave en raison de l'immunité cellulaire.

Pr Bruno Lina. - Les tests sérologiques sont toujours extrêmement complexes pour les virus respiratoires, quels qu'ils soient. On ne sait pas bien quelle est la bonne cible à identifier. À part dans des activités de CNR, personne ne fait de sérologie pour des virus respiratoires. Le développement des tests sérologiques est néanmoins indispensable pour évaluer une immunité collective dans le cadre d'une évolution du virus vers une dynamique saisonnière comme cela a été le cas pour d'autres coronavirus au XIXe siècle. C'est sans doute le message qu'a voulu faire passer le professeur Delfraissy. Ces tests performants, nous ne les avons pas. Les tests sérologiques évalués par le CNR sont souvent défaillants.

Le cahier des charges que nous avions pour l'évaluation des tests sérologiques portait uniquement sur des patients hospitalisés, dont les réponses en anticorps sont beaucoup plus élevées que les patients non hospitalisés ou les personnes asymptomatiques qui ont souvent des anticorps à peine détectables ou détectables de façon transitoire. Cette situation signifie-t-elle que ces personnes sont protégées vis-à-vis d'une autre infection ? Je ne suis pas en mesure de répondre à cette question.

Des réinfections sont documentées par deux articles scientifiques dans deux situations extrêmement différentes. Une première situation évoque une personne asymptomatique, tandis que la seconde concerne un patient qui avait connu l'ensemble des manifestations cliniques « classiques » du coronavirus. Quatre à cinq mois après une première infection, certaines personnes peuvent faire une réinfection. Nul ne sait si cette situation peut constituer une généralité. Quoi qu'il en soit, l'immunité d'une personne infectée est de courte durée pour les coronavirus saisonniers. Pour le SARS-COV 1, l'immunité était beaucoup plus longue, de deux à sept ans. La fourchette s'étend donc de cinq mois à sept ans.

À quoi sert un vaccin ? À développer une immunité protectrice. Or, nul ne sait ce qu'est une immunité protectrice. Il faut être extrêmement prudent. Des vaccins seront disponibles à un moment donné. Les effets indésirables qui surviennent au moment du développement des vaccins, c'est assez classique. Il est très probable que l'essai qui vient d'être placé en pause reprendra lorsqu'il sera prouvé que l'effet indésirable grave n'est pas lié au vaccin mais à un autre événement intercurrent.

Faire des effets d'annonce sur la vaccination alors que nous sommes encore en phase d'évaluation, c'est extrêmement risqué et irresponsable. Je ne peux pas vous promettre un vaccin disponible à court terme : il faudra attendre plusieurs mois voire plusieurs années pour avoir un vaccin utilisable. Ces vaccins peuvent avoir deux rôles, d'une part empêcher l'infection, comme le vaccin contre la diphtérie, d'autre part empêcher la forme grave de l'infection, comme les vaccins contre la tuberculose ou contre la grippe.

Dr François Blanchecotte. - Nous avons semble-t-il 13 millions de doses de vaccination contre la grippe, alors que la cible potentielle s'élève en France à 20 millions de personnes. Santé publique France en aurait deux millions supplémentaires. J'ai une inquiétude. Des personnes symptomatiques se présenteront avec les mêmes symptômes pour la grippe que pour la covid-19.

Pr Philippe Froguel. - Un certain nombre d'entreprises développent des tests croisés grippe et covid-19. Il est très important que les biologistes puissent réaliser ces tests qui seront un élément de discrimination entre la grippe et la covid-19.

Pr Bruno Lina. - Cette évaluation est en cours au CNR.

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