Le 18 février 2020, lorsque nous avons été convoqués par Agnès Buzyn, pour la première réunion de crise au ministère de la santé - et reçus par Olivier Véran, dans sa première et seule réunion présentielle avec l'ensemble des acteurs de santé - nous, les deux organisations professionnelles et l'ordre des pharmaciens, nous sommes portés volontaires pour participer à la distribution des masques du stock d'État aux professionnels de santé.
À ce moment-là, le réseau pharmaceutique, de santé et de proximité, est en souffrance économique, et depuis longtemps : nous perdons environ 200 officines de proximité par an depuis les années 2000. Il reste 21 500 officines pour réaliser la mission que nous proposons à Olivier Véran, et qu'il décide de nous confier. À l'époque, nous ne savions pas quel était l'état des stocks de Santé publique France. Il y avait quelques stocks résiduels dans les pharmacies d'officine ; avant cette crise épidémique particulière, le port du masque n'était pas répandu dans notre société, ni chez les soignants - hormis les chirurgiens-dentistes qui en utilisent quotidiennement - ni par les patients. Les ventes de masques en officine étaient donc plutôt confidentielles, avec très peu de stocks.
Le 3 mars paraît un décret de réquisition générale de tous les masques sur le territoire. Le lendemain, il n'y a plus de masques disponibles et il nous est interdit de nous approvisionner.
Le 23 mars, la situation change. L'arrêté de réquisition est confirmé pour tous les masques produits sur le territoire français, mais nous sommes autorisés, comme tous les acteurs, à acheter des masques sur le marché international. Nous nous heurtons alors au problème du long délai entre la commande et la réception des masques, et surtout de la concurrence des demandes : le monde entier essaie au même moment d'avoir des masques sur ce marché. Nous avons eu des difficultés extrêmes à assumer notre mission.
Les pharmaciens ont mené beaucoup d'autres actions durant la crise. Ils ont renouvelé les traitements chroniques ; selon l'enquête Epi-phare menée par la Caisse nationale d'assurance maladie (Cnam) et l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), il n'y a pas eu d'interruption de traitement sur les patients chroniques, grâce au fait qu'ils ont pu renouveler leur traitement en officine. Je ne reviens pas sur ce qui a été dit sur la dispensation en ville des médicaments hospitaliers, réalisée pro bono par les pharmaciens. Bien sûr, nous avons porté à domicile les médicaments pour les patients malades atteints de la covid-19. Nous avons mis en place les premiers moyens de protection dans des lieux ouverts au public - on a réinventé les hygiaphones à cette occasion, les sens de circulation, la ventilation, ce que maintenant vous voyez dans l'ensemble des commerces et des lieux ouverts au public.
La profession était très unie le 16 mars. Avec le président de l'USPO et la présidente de l'ordre des pharmaciens, nous tenions des réunions quotidiennes pour définir les messages et mobiliser le réseau.
Dans cette période suivant le Ségur de la santé et précédant le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), il faut traiter le sujet économique. Nous ne demandons évidemment pas de récompense particulière par rapport à cette action, mais nous estimons que nous sommes sanctionnés financièrement. Nous aurons l'occasion de vous en dire plus à l'occasion du PLFSS. Je ne pense pas que le réseau mérite une sanction financière compte tenu de son implication lors de la crise.